Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer Mme la députée Isabelle Santiago, présente aujourd’hui dans nos tribunes.
Enfin ! L’immuable lien entre parent et enfant peut enfin être considéré comme délétère lorsque le parent est violent. Que d’années perdues, que de vies abîmées, pour n’avoir pas su dissocier le père du mari, la femme de la mère, pour avoir nié l’évidence qu’un mari violent – car c’est souvent un mari – est un homme violent, un père violent !
Non, un enfant ne peut pas se construire de façon équilibrée dans un climat de violence. Même si cette dernière n’est exercée que sur la mère, elle constitue une violence pour l’enfant.
Il s’agit d’une violence psychologique : l’enfant est pris dans un étau entre son père et sa mère, impuissant, inquiet pour sa propre sécurité face à un conflit qui, pour reprendre les termes du juge Édouard Durand, s’apparente à une scène de guerre ou à un attentat. Pour lui, c’est même pire que cela, car, dans une guerre ou après un attentat, l’enfant peut encore se réfugier dans les bras de l’un de ses parents.
L’enfant n’a d’autre choix que de se taire, d’assister, impuissant, au délitement des piliers de son existence. Cette violence psychologique aura incontestablement des effets graves sur son développement, sur l’enfant qu’il est et sur l’adulte qu’il deviendra.
Protéger l’enfant, c’est donc l’éloigner de cette violence, quitte à suspendre l’autorité parentale qui, rappelons-le, vise à protéger l’enfant, sa sécurité, sa santé et sa moralité, afin de garantir son éducation et de permettre son développement dans le respect dû à sa personne.
L’autorité parentale est une responsabilité vis-à-vis de l’enfant, un devoir. Un parent violent n’est pas un bon parent. De nombreuses études montrent qu’un père violent se sert de ses enfants pour nuire à la mère ; car la victime est souvent la mère. Il l’utilise comme monnaie d’échange, y compris après la séparation.
L’autorité parentale que peut exercer le parent violent, condamné, soumet l’enfant à une pression insidieuse, perverse, qui ne permet pas à l’enfant de se reconstruire et qui place la mère face à un danger permanent. Aujourd’hui, le bourreau dicte encore sa loi.
Et que dire de la violence directe, de l’inceste ! À ce titre, je tiens à saluer tout particulièrement le travail et l’engagement de longue date sur ce sujet de notre rapporteure, Marie Mercier.
La commission des lois a fait le choix d’autoriser la suspension en urgence, avant tout jugement, de l’exercice de l’autorité parentale d’un parent mis en cause pour les infractions les plus graves sur son enfant – crime, viol et agression sexuelle.
Je comprends cette position équilibrée, qui tend à concilier présomption d’innocence et protection de l’enfant. Je souhaite cependant que nous puissions aller plus loin : plus que l’exercice de l’autorité, c’est bien l’autorité parentale en tant que telle qu’il faut suspendre, car le parent privé de l’exercice de cette autorité en reste néanmoins le titulaire. Ainsi, le parent poursuivi, mis en examen ou condamné pour des faits graves, conserve certains attributs fondamentaux de l’autorité parentale, comme le droit de surveillance de l’enfant. Il est important de corriger cette situation.
Nous devons être plus ambitieux ! Pourquoi ne pas étendre le dispositif de l’article 1er aux atteintes sexuelles incestueuses ? Nous aurons l’occasion d’en rediscuter, madame la rapporteure.
Je me félicite également du choix de la commission d’ériger en principe la suspension du droit de visite et d’hébergement dans le cadre d’un contrôle judiciaire pour violences intrafamiliales. Il s’agit là encore d’une mesure de cohérence, qui aura pour effet d’acculturer les juges et de les inciter à porter un regard neuf sur ces dossiers complexes.
En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes et auteure de la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, texte enrichi des apports du Parlement et complété par vos travaux, madame la rapporteure, je me félicite des avancées proposées aujourd’hui par la commission des lois.
Ce texte marque bien le début d’un changement profond dans notre manière d’appréhender les violences intrafamiliales et d’accompagner les victimes. C’est, du reste, la raison pour laquelle le groupe Union Centriste le votera.
En m’exprimant à la tribune cet après-midi, je n’oublie pas toutes les personnes que j’ai reçues et rencontrées. J’ai une pensée toute particulière pour cette maman, qui m’a sollicitée pour la première fois il y a quelques mois, et dont les trois enfants avaient été victimes d’inceste.
Cette mère, comme beaucoup d’autres, a besoin que la justice l’aide à éloigner ses enfants de leur père. Je lui emprunterai ses mots : « Les enfants sont l’avenir, protégeons-les ! » Pour l’instant, hélas, nous n’y parvenons pas…
Enfin, je souhaite rendre hommage au travail de la sénatrice Dominique Vérien, qui aurait également dû prendre la parole à cette tribune, et qui est actuellement chargée par l’exécutif d’une mission sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales. Nous attendons, monsieur le garde des sceaux, les conclusions de ce rapport qui nous permettra d’avancer sur ces sujets.