Intervention de Sonia de La Provôté

Commission d'enquête Pénurie de médicaments — Réunion du 28 mars 2023 à 13h30
Audition de représentants des laboratoires et entreprises pharmaceutiques

Photo de Sonia de La ProvôtéSonia de La Provôté, présidente :

Mes chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui nos travaux par une audition conjointe des représentants de plusieurs organismes représentatifs des laboratoires et entreprises du médicament.

Conformément à son intitulé, notre commission d'enquête entend rechercher les liens entre les phénomènes de pénurie et les choix opérés par l'industrie pharmaceutique ces dernières décennies. C'est pourquoi, après avoir recueilli les analyses des acteurs publics de la régulation du médicament, d'un certain nombre de prescripteurs et d'experts, puis des pharmaciens, il nous semblait essentiel, mesdames, messieurs, de vous entendre aujourd'hui.

Nous pouvons d'ores et déjà tirer de nos premières auditions quelques enseignements, sur lesquels nous souhaiterions vous entendre.

D'une part, il apparaît que, si la formidable augmentation de la demande internationale de médicaments constitue évidemment l'une des causes importantes des phénomènes de pénurie, ces derniers ne peuvent toutefois pas être compris sans que l'on s'intéresse à l'offre de médicaments et à la manière dont elle est structurée au niveau mondial. En effet, le secteur s'est considérablement transformé depuis trente ans : la spécialisation croissante des entreprises, la délocalisation ou l'externalisation des activités de production contribuent à fractionner et à fragiliser les chaînes d'approvisionnement.

À cet égard, l'industrie française semble aujourd'hui affaiblie. Auparavant leader, notre pays n'occupe plus que la quatrième place en Europe en matière de production de médicaments. Le nombre d'entreprises pharmaceutiques y a presque diminué de moitié : si la France comptait, dans les années 1980, plus de 450 entreprises de production, on n'en dénombre plus que 240 aujourd'hui. La crise de la covid-19 a mis en lumière l'importance de retrouver une certaine souveraineté pharmaceutique : il s'agit aujourd'hui, en France et en Europe, d'un objectif largement partagé.

D'autre part, et alors que le prix des médicaments matures est souvent mis en avant parmi les causes de pénuries, il apparaît, selon plusieurs études, qu'il n'est pas, en France, significativement inférieur à celui des autres pays européens de taille comparable. Aucun lien entre niveau des prix en France et apparition de phénomènes de pénurie n'est, par ailleurs, solidement démontré. L'existence de pénuries dans un pays comme les États-Unis ou dans le secteur hospitalier en France tend à démontrer que les prix négociés avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) ne peuvent pas être tenus pour facteur principal des difficultés d'approvisionnement.

Enfin, le niveau inédit de prix atteint par plusieurs médicaments innovants montre que celui-ci n'a plus aucun rapport avec le coût de revient. Il pose également une question de soutenabilité de la dépense de médicaments, y compris aux États-Unis - j'en veux pour preuve le volet de l'Inflation Reduction Act, adopté par le Congrès à l'été 2022 et consacré à la politique du médicament.

Sur ces sujets cruciaux, nous vous remercions, mesdames, messieurs, de vous être mobilisés aujourd'hui pour répondre à nos questions.

Sont présents autour de la table : M. Philippe Lamoureux, directeur général des Entreprises du médicament (Leem), M. Laurent Borel-Giraud, représentant de l'association Générique même médicament (Gemme), Mme Corinne Blachier-Poisson, présidente de l'Association des groupes internationaux pour la pharmacie de recherche (Agipharm), M. Didier Véron, président du G5 Santé, et Mme Karine Pinon, présidente de l'Association des moyens laboratoires et industries de santé (Amlis).

Je vais céder la parole à chacun, pour un propos introductif de cinq minutes. Puis Mme Laurence Cohen, rapporteure de notre commission d'enquête, vous posera une première série de questions ; comme vous l'aurez compris, notre commission d'enquête entend obtenir des réponses précises à des questions précises.

Je souligne que nous vous adresserons, à l'issue de l'audition, un questionnaire complet, auquel nous vous demanderons de répondre par écrit avant le 14 avril.

Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera l'objet d'un compte rendu publié.

Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Je vous invite à prêter successivement serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Philippe Lamoureux, M. Laurent Borel-Giraud, Mme Corinne Blachier-Poisson, M. Didier Véron et Mme Karine Pinon prêtent serment.

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