Mes chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui nos travaux par une audition conjointe des représentants de plusieurs organismes représentatifs des laboratoires et entreprises du médicament.
Conformément à son intitulé, notre commission d'enquête entend rechercher les liens entre les phénomènes de pénurie et les choix opérés par l'industrie pharmaceutique ces dernières décennies. C'est pourquoi, après avoir recueilli les analyses des acteurs publics de la régulation du médicament, d'un certain nombre de prescripteurs et d'experts, puis des pharmaciens, il nous semblait essentiel, mesdames, messieurs, de vous entendre aujourd'hui.
Nous pouvons d'ores et déjà tirer de nos premières auditions quelques enseignements, sur lesquels nous souhaiterions vous entendre.
D'une part, il apparaît que, si la formidable augmentation de la demande internationale de médicaments constitue évidemment l'une des causes importantes des phénomènes de pénurie, ces derniers ne peuvent toutefois pas être compris sans que l'on s'intéresse à l'offre de médicaments et à la manière dont elle est structurée au niveau mondial. En effet, le secteur s'est considérablement transformé depuis trente ans : la spécialisation croissante des entreprises, la délocalisation ou l'externalisation des activités de production contribuent à fractionner et à fragiliser les chaînes d'approvisionnement.
À cet égard, l'industrie française semble aujourd'hui affaiblie. Auparavant leader, notre pays n'occupe plus que la quatrième place en Europe en matière de production de médicaments. Le nombre d'entreprises pharmaceutiques y a presque diminué de moitié : si la France comptait, dans les années 1980, plus de 450 entreprises de production, on n'en dénombre plus que 240 aujourd'hui. La crise de la covid-19 a mis en lumière l'importance de retrouver une certaine souveraineté pharmaceutique : il s'agit aujourd'hui, en France et en Europe, d'un objectif largement partagé.
D'autre part, et alors que le prix des médicaments matures est souvent mis en avant parmi les causes de pénuries, il apparaît, selon plusieurs études, qu'il n'est pas, en France, significativement inférieur à celui des autres pays européens de taille comparable. Aucun lien entre niveau des prix en France et apparition de phénomènes de pénurie n'est, par ailleurs, solidement démontré. L'existence de pénuries dans un pays comme les États-Unis ou dans le secteur hospitalier en France tend à démontrer que les prix négociés avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) ne peuvent pas être tenus pour facteur principal des difficultés d'approvisionnement.
Enfin, le niveau inédit de prix atteint par plusieurs médicaments innovants montre que celui-ci n'a plus aucun rapport avec le coût de revient. Il pose également une question de soutenabilité de la dépense de médicaments, y compris aux États-Unis - j'en veux pour preuve le volet de l'Inflation Reduction Act, adopté par le Congrès à l'été 2022 et consacré à la politique du médicament.
Sur ces sujets cruciaux, nous vous remercions, mesdames, messieurs, de vous être mobilisés aujourd'hui pour répondre à nos questions.
Sont présents autour de la table : M. Philippe Lamoureux, directeur général des Entreprises du médicament (Leem), M. Laurent Borel-Giraud, représentant de l'association Générique même médicament (Gemme), Mme Corinne Blachier-Poisson, présidente de l'Association des groupes internationaux pour la pharmacie de recherche (Agipharm), M. Didier Véron, président du G5 Santé, et Mme Karine Pinon, présidente de l'Association des moyens laboratoires et industries de santé (Amlis).
Je vais céder la parole à chacun, pour un propos introductif de cinq minutes. Puis Mme Laurence Cohen, rapporteure de notre commission d'enquête, vous posera une première série de questions ; comme vous l'aurez compris, notre commission d'enquête entend obtenir des réponses précises à des questions précises.
Je souligne que nous vous adresserons, à l'issue de l'audition, un questionnaire complet, auquel nous vous demanderons de répondre par écrit avant le 14 avril.
Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera l'objet d'un compte rendu publié.
Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Je vous invite à prêter successivement serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Philippe Lamoureux, M. Laurent Borel-Giraud, Mme Corinne Blachier-Poisson, M. Didier Véron et Mme Karine Pinon prêtent serment.
Madame la présidente, nous nous sommes réparti les temps d'intervention afin d'éviter les redites.
Pour compléter les quelques chiffres que vous avez cités en introduction, je rappelle que le secteur du médicament n'a connu aucune croissance depuis une douzaine d'années et que son chiffre d'affaires est quasiment stable depuis quinze ans. PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) après PLFSS, les niveaux de régulation ont véritablement privé ce secteur de croissance, ce qui explique ses difficultés actuelles. Le Parlement vote, en effet, entre 700 et 900 millions de baisses de prix par an.
Absolument : je parle du périmètre du PLFSS.
Je vous remercie d'avoir invité les différentes composantes de notre industrie autour de cette table. Vous constaterez qu'il s'agit de business models assez différents les uns des autres.
Une rupture d'approvisionnement est une situation dramatique pour nos entreprises, dont la vocation est d'apporter des solutions thérapeutiques au lit des patients. Nous n'oublions jamais que les pénuries concernent avant tout les patients : nous sommes mobilisés et nous faisons des propositions, comme ce fut le cas en 2019.
Il n'est bien évidemment pas question de contester l'augmentation du nombre de ruptures d'approvisionnement. Plusieurs raisons permettent d'expliquer ce phénomène extrêmement préoccupant.
Vous avez parlé de l'augmentation de la demande mondiale, qui croît effectivement beaucoup plus rapidement que l'offre et que les capacités de production. En 2021, la hausse de la capacité de production, en France, au cours des cinq dernières années, s'est établie, en moyenne, à 6 %, contre 10 % pour celle de la demande.
Quelles en sont les causes ? Je citerai le vieillissement de la population, mais aussi le fait que les pays en développement se dotent de systèmes de protection sociale modernes. Vous avez également évoqué la concentration des fournisseurs de matières premières et d'excipients : en cas de problème sur l'un des sites, le risque de rupture augmente. Concernant les anciens produits, la décroissance progressive du prix des médicaments conjugué à l'accroissement des normes européennes conduit à l'arrêt de la production de certaines substances actives en Europe et à la délocalisation des productions dans les pays asiatiques, notamment l'Inde et la Chine, où les coûts de production sont plus réduits. Pour de nombreuses molécules, nous n'avons plus que deux ou trois fournisseurs dans le monde : c'est un constat que nous partageons avec vous.
Un autre élément, que vous n'avez pas évoqué, est le temps de cycle de production et les risques liés à la complexité technologique. De plus en plus de médicaments sont issus des sciences du vivant et des biotechnologies. Les médicaments injectables, stériles, nécessitent des infrastructures très sophistiquées et des conditions de production très strictes : contrôle de l'environnement, stérilité des matières premières et des produits finis, du matériel, protection des personnels. La moitié des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur déclarés à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour tension d'approvisionnement ou pour rupture sont des formes injectables. Toute perturbation liée soit à un problème industriel, soit à une fluctuation inattendue des besoins du marché ne peut pas être compensée, s'agissant de produits biologiques, dans de brefs délais. De manière générale, le temps de cycle de production des médicaments s'est fortement allongé, ce qui complique l'adaptation de la fabrication en fonction des fluctuations imprévues du marché.
Les fabricants ont également mis en place des systèmes d'assurance qualité pharmaceutique extrêmement exigeants, capables de détecter toute anomalie en cours de production. La fabrication est soumise à des normes européennes de qualité et de sécurité très exigeantes, qui augmentent les risques de non-conformité - c'est un constat, et non un jugement de valeur.
Par ailleurs, nous ne sommes jamais à l'abri d'un arrêt de production lié à un problème de qualité, à un défaut de personnel, à un accident industriel. Chaque fois qu'un fabricant est à l'arrêt quelque part dans le monde, il met en tension l'ensemble de la chaîne.
Cela étant, il existe, effectivement, des spécificités françaises. Nous allons évidemment diverger sur les prix. Nos données montrent qu'il existe un écart de prix d'environ 37 % par rapport à l'Allemagne. Cela n'incite pas les industriels à investir en France et crée des difficultés pour prioriser l'approvisionnement en cas de tension. De surcroît, les prix bas encouragent l'exportation parallèle, avec un système d'achat-revente par des short-liners vers les marchés étrangers plus attractifs.
Le Parlement a débattu des obligations de stockage. Nous sommes parvenus aujourd'hui à un point d'équilibre, mais imposer des durées de stockage longues sur des produits à faible valeur ajoutée pourrait créer un risque de décommercialisation.
À tout cela s'ajoute l'explosion des coûts de production, qu'il s'agisse des matières premières, des intrants, des principes actifs, des emballages en verre, en aluminium, en carton, des dérivés du pétrole, de l'énergie, de la masse salariale. Or les médicaments sont des produits à prix administrés : nous n'avons pas la possibilité de répercuter ces augmentations sur le prix des produits, à la différence de la quasi-totalité des autres secteurs. Le prix fabricant hors taxe de la boîte d'amoxicilline s'établit à 76 centimes d'euros. Comment garantir la production et a fortiori la relocaliser lorsque les coûts de production explosent ? C'est une vraie difficulté. Autre exemple, le flacon d'un demi-litre de bicarbonate de sodium pour perfusion, très utilisé à l'hôpital, est vendu 1,40 euro. En 2014, le fabricant gagnait 13 centimes par flacon ; aujourd'hui, il en perd 17 ! Il s'agit d'un fabricant français. Quand il aura disparu, où nous approvisionnerons-nous ? Il faut que le Parlement prenne la mesure de ces difficultés.
Quant aux génériques, leur marge est de 0,3 % en moyenne. Face à cette situation, certains pays - l'Allemagne, le Portugal, la Suède - ont annoncé des mesures de revalorisation du prix des produits anciens. En France, des annonces ont été faites, mais elles ne se sont pas encore concrétisées. Seront-elles suffisantes pour faire face aux enjeux ?
Je reviendrai à la fin de cette audition sur les pistes de solutions possibles.
Le G5 Santé est un cercle de réflexion qui rassemble les dirigeants des principales entreprises françaises de santé, que sont BioMérieux, Guerbet, Ipsen, le LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier et Théa.
Les entreprises du G5 Santé sont un atout pour la souveraineté sanitaire de la France. Elles disposent de plus de cinquante usines et d'une trentaine de sites de recherche dans notre pays. Chaque année, elles investissent 3,5 milliards d'euros en recherche et en développement. Elles sont le premier partenaire de la recherche publique française, leurs dépenses représentant les trois quarts des investissements du secteur. Elles investissent également 1,5 milliard d'euros par an dans le domaine industriel en France.
La crise sanitaire a enfin permis de prendre conscience de l'importance de la souveraineté sanitaire et des fragilités de la France, sujets sur lesquels le G5 Santé avait alerté les pouvoirs publics depuis fort longtemps.
La réponse politique à cette crise sanitaire a été forte et rapide, avec France Relance. Je pense notamment à la baisse des impôts de production, aux appels à projets, aux appels à manifestation d'intérêt. Nous ne pouvons que nous féliciter de ce début de politique industrielle, en particulier des 18 projets de rapatriement en France de production de principes actifs - 35 molécules sont concernées.
Après la crise sanitaire, l'enjeu est désormais d'armer la France et l'Europe pour lutter contre les pénuries et renforcer la souveraineté sanitaire. Nous attendons toujours la liste des médicaments dits « critiques », à sécuriser de façon prioritaire. Cette liste permettrait de cibler les actions à conduire pour assurer la sécurité d'approvisionnement. Si nous soutenons cette politique favorable aux investissements en amont, le problème - selon nous - se situe davantage en aval, à savoir sur le niveau bas du prix d'achat des médicaments par les pouvoirs publics en France, comme vient de le mentionner Philippe Lamoureux.
Il existe une incohérence entre les politiques publiques, la politique industrielle de soutien au secteur et la politique budgétaire. La production de médicaments demande des investissements très importants. C'est d'autant plus vrai en France et en Europe, où le coût et les contraintes sont bien supérieurs à ceux qui existent en Chine ou en Inde. Il n'est donc pas simple pour un industriel de maintenir sa production, de décider de nouveaux investissements pour augmenter la production de produits critiques ou de relocaliser en France, le risque étant de n'être pas rentable, voire de produire à perte, en raison d'une régulation économique bien trop forte, avec des baisses de prix importantes.
Les entreprises du G5 Santé ont fait réaliser par le Bureau d'informations et de prévisions économiques (Bipe) une étude qui démontre que nos huit entreprises ne s'en sortent aujourd'hui que grâce à leurs positions à l'export. Cette étude sera bientôt réactualisée, mais, sur la période 2010-2017, l'évolution du chiffre d'affaires de ces entreprises était de - 16 % en France, contre + 6 % à l'export, ce qui permet une stabilisation de notre chiffre d'affaires total. Sur cette même période, nous avons maintenu nos emplois industriels en France et stabilisé nos installations industrielles, alors même que notre profitabilité, notre excédent brut d'exploitation, y a chuté de 32 %. En tant qu'entreprise française, notre marché domestique devrait, au contraire, être notre plateforme pour développer nos actions à l'international.
Enfin, je souhaite terminer par un exemple concret qui montre que la loi votée par les sénateurs et les députés prend parfois beaucoup de temps avant d'être appliquée. Il s'agit de l'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, voté grâce à la compréhension par le Parlement des difficultés de notre pays en matière industrielle. Cet article mentionne que la fixation du prix d'un médicament peut également tenir compte de la sécurité d'approvisionnement du marché français que garantit l'implantation des sites de production. Un an et demi après l'adoption de cet article, le CEPS vient enfin d'officialiser sa doctrine d'application, après des arbitrages rendus tout récemment par les cabinets ministériels. Cependant, cette doctrine s'applique, à ce jour, uniquement aux produits nouveaux. Or ce ne sont pas ces produits nouveaux qui posent des problèmes de pénurie et d'approvisionnement ! Il faut donc que cet article de loi puisse aussi s'appliquer pour réviser à la hausse le prix des médicaments déjà commercialisés, des médicaments dits « critiques », la loi ne prévoyant aucune restriction dans son application.
Il faut donc revoir rapidement notre politique de régulation et de financement des médicaments, remonter le prix d'un certain nombre d'entre eux, qui, du fait de l'inflation, ne sont plus économiquement viables s'ils sont produits en France. Ces décisions de hausses de prix doivent être prises rapidement. Elles permettront d'éviter des exportations parallèles de nos médicaments dans les pays européens où les prix sont plus élevés, ce qui peut être source de tensions et de ruptures d'approvisionnement en France. Ces hausses de prix de médicaments sont également indispensables si nous ne voulons pas, demain, fermer les lignes de production non rentables sur le territoire national.
En résumé, il convient : de mettre en oeuvre l'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 pour la prise en compte de l'implantation des sites de production dans la fixation et la révision des prix des médicaments ; de finaliser la liste des médicaments dits « critiques » et d'appliquer rapidement des hausses de prix sur les médicaments à fort enjeu d'indépendance sanitaire.
L'Amlis représente environ 168 petites ou moyennes entreprises (PME) françaises, qui emploient 24 000 personnes sur le territoire national et produisent 34,4 % des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) consommés en France - c'est-à-dire les médicaments qui traitent les maladies chroniques affectant 95 % des personnes prenant des médicaments après cinquante ans, qu'il s'agisse du diabète ou de l'hypertension, et dont l'interruption engage le pronostic vital du patient.
Par ailleurs, 55 % de la production de ces MITM est réalisée en France et 90 % en Europe. Nous sommes donc, en quelque sorte, les petits frères du G5 Santé.
L'indépendance sanitaire nous touche particulièrement. Nous mettons plutôt l'accent sur ce que l'on appelle des « produits matures », c'est-à-dire sur les médicaments qui font le quotidien des Français souffrant d'hypertension, de diabète, d'épilepsie ou autres. Ces médicaments ont connu des baisses de prix successives. Le système consistant à financer l'innovation par des réductions de prix des produits matures arrive en bout de course, puisque certains produits matures ont désormais atteint un niveau de prix qui ne leur permet plus d'être économiquement viables. Notre analyse est formelle : cet état de fait explique en grande partie les ruptures.
En parallèle des baisses de prix successives, nous avons assisté à une augmentation des normes de qualité. La sérialisation représente environ 20 centimes par boîte : tout cela a été absorbé par les fabricants. Qu'il s'agisse des recherches de nitrosamines ou des normes ICH Q3D, le coût a été totalement neutre pour la sécurité sociale.
Le contexte inflationniste vient aggraver une situation déjà difficile. Je pense à l'augmentation des intrants, du verre, du carton, de l'aluminium, etc. La hausse est évaluée entre 15 % et 20 % au cours des deux dernières années, même si certains principes actifs pharmaceutiques (Active Pharmaceutical Ingredients, ou API) ont pu connaître plus de 300 % d'augmentation. L'augmentation du prix du verre atteint, par exemple, plus de 600 %, avec des temps d'approvisionnement de plus en plus longs, sans parler de la hausse du coût de l'énergie, qui pèse lourd sur la sous-traitance pharmaceutique (Contract Development Manufacturing Organisations, ou CDMO). Notre industrie est également soumise à une augmentation de la masse salariale située autour de 7 %. Or, contrairement au boulanger qui peut augmenter le coût de la baguette, nous ne pouvons pas augmenter le prix des médicaments que nous produisons et nous devons absorber intégralement la baisse de nos marges. Sur des produits classiques, avec une marge brute de moins de 20 %, il ne nous est plus possible de faire face aux coûts réglementaires et de qualité.
Reprenons l'exemple du bicarbonate de sodium, produit absolument indispensable présent dans les solutés de perfusion : on nous demande de vendre le flacon stérile en verre de 500 millilitres 1,40 euro, soit à peu près le prix d'une baguette. Or fabriquer ce flacon coûte 1,74 euro. Le fabricant doit vendre ce produit moins cher qu'il ne coûte !
Autre exemple : les comprimés utilisés dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) pour calmer les personnes atteintes de démence sénile et dans les prisons pour calmer les détenus en cure de désintoxication. Il est demandé de vendre 0,89 euro une boîte de 50 de ces comprimés conditionnés en blisters aluminium - processus de suivi et de qualité compris. Sur cette boîte, le pharmacien touche 1,01 euro d'honoraires de dispensation, tandis que le fabricant ne touche que 0,12 euro de marge brute ! C'est impensable.
La production ne pouvant plus être assurée, des décisions de déremboursement sont prises. Les problèmes économiques expliquent donc les ruptures d'approvisionnement, mais aussi les arrêts de commercialisation, car on ne peut plus produire à perte.
Ces arrêts de commercialisation ont pour conséquence une diminution de l'arsenal thérapeutique. Les médecins ont alors un moindre choix de traitements pour soigner leurs patients.
Le Gemme réunit les entreprises françaises - exploitants ou fabricants - de médicaments génériques. Nos produits, distribués en pharmacie, en ville ou à l'hôpital, sont des médicaments du quotidien, qui couvrent un grand nombre de pathologies.
L'industrie du générique se caractérise par un volume et un portefeuille de produits importants - plus d'un médicament sur deux distribués en officine est générique -, un niveau de prix bas et une faible rentabilité. En France, son impact est significatif en termes d'économies pour l'assurance maladie, à hauteur d'à peu près deux milliards d'euros par an. Nos laboratoires proposent une offre diversifiée d'exploitants et de multiples sources de production. Ils sont majoritairement implantés en Europe et fortement en France, ce qui augmente notre capacité à gérer les risques de rupture.
Pour ce qui concerne le contexte actuel, nous pensons que la situation constatée est durable. Elle est la conséquence de causes structurelles, qui fragilisent la chaîne d'approvisionnement des médicaments à faible marge, et de situations conjoncturelles aggravantes, qui augmentent les risques et les pénuries.
J'en viens au diagnostic. Comme nos collègues, nous avons, depuis plusieurs années, alerté les autorités sur le poids excessif de la régulation économique, qui fragilise l'industrie du générique et dont la première conséquence est l'augmentation du risque de pénurie.
Deuxième conséquence : le risque imminent d'une réduction de l'offre d'acteurs et de produits sur le marché. Nous recensons, chez nos adhérents, plus de 700 présentations pharmaceutiques peu ou non rentables, dont nous envisageons l'arrêt de commercialisation à court ou moyen terme, soit à peu près 12 % des volumes de médicaments génériques aujourd'hui commercialisés - essentiellement des MITM.
Troisième conséquence : la difficulté persistante à investir dans la sécurisation de nos approvisionnements. Le faible niveau du prix des génériques limite la capacité des laboratoires à trouver, sur notre territoire, des fournisseurs acceptant de fabriquer à ces prix, dans un contexte d'insuffisance des capacités mondiales de production.
J'en viens aux causes. Premier point, la pression économique est croissante sur les médicaments génériques, qui sont, par nature, à marge faible, ce qui conduit à remettre en cause les baisses de prix excessives. Depuis dix ans, la régulation économique a fondé le modèle du marché des médicaments génériques exclusivement sur la maîtrise des coûts : divers outils ont été mis en place pour diminuer autant que possible le prix de ces produits. Ainsi, les dépenses de l'assurance maladie ont été divisées par deux entre 2010 et 2020, alors que les volumes de médicaments consommés augmentaient.
Le deuxième point est l'absorption des coûts de fabrication additionnels, liés à de nouvelles réglementations toujours plus exigeantes en termes de sécurité et de qualité, mais aussi à des événements externes - Brexit, stratégie zéro covid dans certaines régions du monde, complexité des relations internationales - qui ont obligé à réorganiser les chaînes de production.
Troisième point : face à cette situation de baisse des prix de vente et d'augmentation des coûts de production, l'industrie des médicaments génériques a optimisé ses chaînes d'approvisionnement, ses sites de fabrication et ses capacités de production, et a recherché des composants moins chers, souvent hors d'Europe. Les usines du secteur sont désormais exploitées au maximum pour rester rentables : il n'y a plus de capacités inutilisées sur les chaînes d'approvisionnement, ce qui permet de faire face à des poussées occasionnelles de la demande ou à des événements imprévisibles. Il en découle que, malgré la constitution de stocks de sécurité, le secteur est beaucoup plus sensible aux fluctuations et exposé aux pénuries.
Enfin, un effet majeur récent s'ajoute à l'étau économique : l'application, depuis 2019, de la clause de sauvegarde au périmètre des génériques et l'augmentation extraordinaire de son montant.
Depuis trois ans, nous alertons sur l'impasse économique d'une partie grandissante du portefeuille générique. Le secteur est sous la pression économique d'un modèle qui persiste à taxer ces médicaments à faible marge pour financer la croissance des dépenses, dont il n'est pas à l'origine, mais qu'il rend possible par les économies qu'il génère.
J'ajoute deux points importants. Premièrement, la mise en oeuvre de solutions productives dans les usines est freinée par des réglementations pharmaceutiques, dont certaines, spécifiques au marché français, pénalisent la fabrication des produits français de ces usines, qu'elles soient situées en France ou en Europe. Nous travaillons évidemment avec l'ANSM et l'Agence européenne des médicaments (EMA) sur ces sujets. Il faudrait accélérer la prise de décision pour éviter que ne se produisent davantage de situations de rupture.
Deuxièmement, je veux souligner l'existence d'une pratique d'appels d'offres publics basée sur des politiques d'achat dangereuses, lorsqu'elles ne sont pas contrebalancées par des politiques d'approvisionnement responsables. J'ai évoqué les critères d'attribution que nous appelons de nos voeux, et qui ne sont toujours pas appliqués ; j'y ajoute la prévisibilité et les délais, sans lesquels nous détruisons de la valeur industrielle et des capacités de production, voire, dans certains cas, des produits.
Nous proposons plusieurs solutions pour lutter contre le risque de pénuries et atténuer l'impact de celles-ci.
Premier volet : établir une liste de médicaments prioritaires et clarifier son objectif. Souhaitons-nous sécuriser un approvisionnement ordinaire ou de gestion de crise ? Voulons-nous relocaliser ou sécuriser nos approvisionnements ? Il nous semble important de sanctuariser des conditions économiques pérennes, quelles que soient les modalités utilisées.
Deuxième volet : préserver la résilience permise par l'offre générique et autoriser l'investissement dans les chaînes d'approvisionnement.
Les deux volets suivants regroupent des actions opérationnelles non économiques qui peuvent influer significativement sur notre capacité à éviter des ruptures ou à en atténuer l'impact.
Troisième volet : procéder à des simplifications réglementaires pour augmenter la capacité productive, réduire l'inefficacité et les coûts. Il convient de supprimer les exceptions françaises qui rendent nos produits plus complexes à fabriquer et interdisent le recours à une meilleure productivité dans des usines françaises, européennes ou hors Europe. Il faudrait aussi accélérer les travaux en vue d'un accès digital aux notices via un QR code, si possible en utilisant un pack européen permettant aux entreprises de mieux répondre aux enjeux de protection des médicaments, en particulier ceux, génériques ou non, qui sont destinés aux hôpitaux. Enfin, en vue de diminuer les causes de ruptures longues, il serait intéressant de prévoir des flexibilités réglementaires favorisant l'utilisation de médicaments produits par des pays voisins, que nous ne produisons pas pour des raisons économiques.
Quatrième volet : améliorer nos dispositifs d'anticipation et la vigilance, en y ajoutant transparence et coopération, en particulier avec les pharmaciens. Il s'agit d'encadrer le partage des alertes et d'accélérer la mobilisation de stocks quand existent des alternatives, de faire preuve d'agilité et d'impliquer davantage les distributeurs et les dispensateurs dans la gestion de l'information. Nous avons constaté que des crises impliquant plusieurs acteurs et canaux de distribution étaient particulièrement compliquées à gérer : il nous faut continuer à progresser en mettant tous les interlocuteurs autour de la table.
Agipharm, l'association des laboratoires américains présents en France, regroupe 15 sociétés de taille variable - de grands groupes historiques comme MSD, Janssen ou Pfizer ; des sociétés de taille moyenne, comme le laboratoire de biotechnologies Amgen, que je préside ; de petites sociétés, récemment installées en France, qui commercialisent une ou deux molécules. Il s'agit principalement de laboratoires d'innovation ; certains ont dans leur portefeuille des médicaments devenus matures dont ils n'ont plus le brevet. Je concentrerai mon propos sur l'innovation.
Les entreprises membres d'Agipharm sont très présentes dans les domaines de l'oncologie, de l'hématologie, des maladies rares, des vaccins et des maladies chroniques - maladies mentales, cardiovasculaires, cardiorénales. Elles sont à l'origine de plus de 50 % des accès précoces en France, ce qui est le signe d'une innovation continue, et travaillent avec des centres de recherche fondamentale français ainsi qu'avec des centres de recherche clinique.
Les tensions d'approvisionnement qui existent aujourd'hui sur les produits matures peuvent aussi apparaître, de manière conjoncturelle, sur les produits innovants, pour trois raisons que nous avons identifiées.
Première raison : les niveaux d'exigence pour les processus de fabrication sont très élevés, induisant des investissements importants et des délais de validation et de mise au point assez longs. Le domaine de compétence d'Agipharm couvre, en effet, les molécules biologiques, les molécules chimiques ainsi que les médicaments de thérapie innovante (MTI).
Deuxième raison : le passage à l'échelle industrielle nécessite des délais incompressibles, des investissements considérables, des mises au point de processus et des validations par les agences, ce qui peut retarder la fabrication et la mise à disposition de certains produits.
Troisième raison : la multiplicité des composants entrant dans la fabrication d'une molécule. Par exemple, Pfizer a besoin de 270 à 280 composants pour produire son vaccin à ARN messager. Le manque d'un seul composant a un impact sur l'ensemble de la chaîne.
Pour illustrer le sujet de la concentration de certaines compétences, j'évoquerai les vecteurs viraux, nécessaires notamment pour la fabrication de vaccins à ARN messager. Il y a très peu de producteurs de vecteurs au niveau mondial ; on en a pourtant besoin pour produire les CAR-T cells (cellules T à récepteur antigénique chimérique), qui sont des médicaments de thérapie innovante. La priorité donnée à la production de vaccins en 2021 et 2022 a eu pour effet la diminution de la production et de l'administration desdits médicaments. Les arbitrages se font au niveau mondial entre les différents producteurs, ce qui est peu compréhensible pour le public.
Il est difficile de prévoir les besoins de production, du fait d'une demande mondiale qui peut connaître des hausses conjoncturelles absolument imprévisibles. J'en veux pour preuve le cas de l'amoxicilline : personne n'était capable d'anticiper l'augmentation de la demande. Ce problème n'est pas simple à résoudre au sein des usines, et peut avoir de graves conséquences.
Par ailleurs, la sécurité d'approvisionnement n'est pas liée au lieu de production. Le fait de disposer de chaînes de production intégralement localisées en France n'est pas une garantie de disposer de l'ensemble des médicaments dont nous avons besoin. Au vu du nombre de molécules à la disposition des praticiens français et de composants nécessaires à leur fabrication, il n'est pas réaliste de penser que l'on pourra rapatrier la production de tous ces produits. Un certain nombre d'entre eux viennent donc, et viendront, d'autres sites de production. À cet égard, il importe qu'un site principal de production soit couvert par un site d'urgence. Par exemple, dans ma société, voilà quelques années, une usine d'anticorps monoclonaux installée aux États-Unis a été frappée par un ouragan ; notre usine d'urgence a pu, du jour au lendemain, reprendre la production.
Surtout, il est pertinent de créer de la flexibilité au niveau européen entre les sites de production afin de répondre à la demande, qui peut grandement varier. En tant qu'industriels, nous cherchons toujours à répondre au marché, mais aussi à nous prémunir d'un risque : la destruction de produits. D'où l'intérêt de constituer des stocks de sécurité. Nous avons aujourd'hui des stocks de deux mois, ce qui nous paraît satisfaisant. L'augmentation de ces stocks aurait un effet délétère, avec un risque de surenchère entre les pays européens et de destruction massive des stocks non utilisés.
Très peu de marchés sont stables aujourd'hui ; la plupart connaissent des hausses et des baisses soudaines, du fait de la présence de concurrents ou d'un changement de stratégie thérapeutique, ce qui peut conduire à détruire des produits. Or c'est préjudiciable d'un point de vue éthique, et les patients pourraient ne pas le comprendre.
Notre recommandation globale est donc une réponse européenne concertée entre États membres, basée sur des critères stratégiques.
Vous avez abordé, dans votre propos introductif collégial, la politique de délocalisation très importante, principalement concentrée en Chine et en Inde, qui concerne grosso modo 80 % des principes actifs. Ce phénomène est apparu il y a une trentaine d'années. Cette stratégie - vous en avez été les fers de lance - consistait à externaliser la production pour maintenir les coûts réduits que vous souhaitiez.
Cette stratégie explique-t-elle, selon vous, l'augmentation des phénomènes de pénurie ? Comme vous l'avez dit, vous avez non seulement délocalisé et externalisé, mais aussi concentré, au point que, pour certains produits, on ne trouve parfois qu'une seule chaîne de production ; le moindre petit grain de sable conduit alors à l'arrêt de la fabrication. Dès lors, la responsabilité éthique de sécuriser les chaînes d'approvisionnement ne vous revient-elle pas ? Dire que les pénuries de médicaments n'ont qu'une seule cause serait simpliste...
Le niveau trop bas des prix en France explique, selon vous, la difficulté de maintenir une activité soutenue et dense dans notre pays. Pourriez-vous développer cette analyse ? Selon l'économiste Nathalie Coutinet, que nous avons auditionnée, la différence de prix avec l'Allemagne est liée au taux de TVA, plus élevé, et aux marges, supérieures chez notre voisin. Les choses ne sont donc pas aussi simples que vous le dites.
Par ailleurs, l'accord-cadre entre le CEPS et les entreprises du médicament permet à celles-ci de demander des hausses de prix lorsqu'un risque de rupture existe. Pourquoi n'avez-vous pas davantage recours à cette procédure ?
Mme Pinon a parlé du déremboursement. Quelle est l'ampleur de ce phénomène ? Quel est le nombre de médicaments concernés ?
J'en viens aux aides dédiées à la recherche et au développement (R&D). J'imagine que vous souhaitez tous la pérennisation du crédit d'impôt recherche (CIR), qui - France Stratégie le souligne dans son rapport - est une véritable aubaine. Au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France est le pays qui consacre le plus de dépenses à la R&D privée par rapport à son PIB. Les montants considérés sont plus de deux fois supérieurs à la moyenne des pays de l'Union européenne. À l'évidence, il faut relativiser l'idée selon laquelle les ruptures d'approvisionnement sont dues à des problèmes de prix, notamment au manque d'aides publiques.
Vous insistez sur votre volonté de relocaliser un certain nombre d'industries en France, mais les normes sanitaires et environnementales applicables dans notre pays ont un coût, que l'on ne saurait occulter. Pourriez-vous nous fournir des éléments complémentaires à ce propos ?
Mme Coutinet semble faire autorité au Sénat pour l'élaboration des chiffres. Mais, en tant qu'industriels, il me semble que nous sommes un peu mieux placés qu'elle en la matière...
Une étude suédoise, qui vient d'être publiée et qui sera portée à votre connaissance, établit que les prix nets français sont parmi les plus bas d'Europe, en tout cas pour les produits matures. Ils sont notamment très inférieurs aux prix allemands. De plus - vous l'avez observé comme nous -, l'Allemagne, la Suède ou encore le Portugal ont décidé de revaloriser le prix de ces produits. Je conteste évidemment ces chiffres - nous vous ferons parvenir tous les éléments nécessaires à cet égard.
Les hausses de prix sont permises par un article de l'accord-cadre, mais cette disposition n'a pas été appliquée ; en tout cas, elle l'est extrêmement peu. C'est un sujet que nous abordons régulièrement avec le CEPS.
La politique du médicament est en train de craquer de toute part ; la représentation nationale doit en être consciente.
Au mois de janvier dernier, nous avons décidé de créer un observatoire de l'accès, publiant des données afin d'objectiver les difficultés croissantes que nous rencontrons, en France, pour permettre l'accès aux médicaments, qu'ils soient matures ou innovants. Il ne s'agit pas, pour nous, d'opposer les uns aux autres : la situation des produits innovants est tout aussi problématique.
Permettez-moi de vous renvoyer à l'excellent rapport de votre collègue Catherine Deroche : ce travail établit très bien les difficultés qui se font jour dans ce domaine. Au cours des quinze dernières années, les cinq nouveaux antipsychotiques ne sont pas entrés sur le marché français. Les nouveaux antimigraineux n'y entrent pas davantage. Par un récent avis, la Commission de la transparence s'est opposée au remboursement d'un certain nombre de thérapies orphelines contre le cancer. La situation est extrêmement problématique.
On a beaucoup parlé de la clause de sauvegarde. Ce dispositif avait vocation à garantir le respect des objectifs fixés par le Parlement lors du vote du PLFSS. J'ajoute qu'historiquement, lorsqu'elle était déclenchée, elle représentait 150 à 200 millions d'euros annuels. Or elle a atteint 800 millions d'euros en 2021. D'après nos estimations, ce montant s'élève à 1,3 milliard d'euros pour 2022 et devrait, en 2023, dépasser 2 milliards d'euros. Ce n'est plus une clause de sauvegarde : c'est une taxation supplémentaire sur le secteur, qui subit déjà la fiscalité la plus lourde d'Europe. Une étude réalisée par le cabinet Landwell, que nous vous adresserons, le démontre à l'évidence.
Quant au CIR, je conteste formellement qu'il constitue une aide au sens où vous l'entendez. Ce dispositif vient sanctionner le fait que l'on ait choisi d'investir dans notre pays.
En France, la recherche privée est financée par des fonds publics pour à peu près 1 % de son montant. Mais, en parallèle, la recherche et l'industrie privées financent très largement la recherche publique française, qu'il s'agisse des équipes de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Les montants sont sans comparaison. Le CIR n'est pas une aide ; c'est une incitation fiscale. Ne mélangeons pas tout.
Les entreprises françaises du G5 Santé ont maintenu leur outil industriel en France et en Europe. Nous conservons ainsi 53 usines dans notre pays. Pour nous, l'enjeu est de préserver l'existant grâce à une politique industrielle et budgétaire adaptée.
Encore faut-il que ces usines puissent tourner ; l'un des soucis que nous avons eus au tout début de la pandémie a été notre approvisionnement en matières premières et en intrants, par exemple en flacons. Nos présidents ont réuni un groupe de travail comprenant les directeurs des achats et des affaires industrielles de nos huit entreprises, à l'échelle mondiale, pour réfléchir à nos fragilités et tenter de trouver des solutions. Il s'agissait notamment de diversifier nos fournisseurs, afin de ne pas être dépendant d'un seul, et, quand il est possible d'en avoir trois, d'en disposer d'au moins deux en Europe.
Telle est la politique du G5 Santé : maintenir nos usines et diversifier les sources d'approvisionnement en nous efforçant d'avoir des fournisseurs, notamment des CDMO, près de nos centres de décision en France et en Europe.
Les PME produisent elles aussi en France. Elles n'ont pas participé au mouvement de délocalisation. Néanmoins, elles aussi font face à des ruptures de stock. La délocalisation n'est pas forcément la cause de ce phénomène.
Au sein de l'Amlis, nous avons réalisé un petit sondage. Il apparaît que 10 % de notre portefeuille de produits est aujourd'hui sujet à questionnements, car non viable économiquement. Faut-il mettre un terme à la commercialisation de ces produits ou la poursuivre en déremboursant ? Ce choix relève non pas du CEPS ou de la Haute Autorité de santé (HAS), mais de l'industriel.
Je reviens sur la question des prix.
Mme Coutinet ne peut avoir accès qu'à des prix faciaux. En Allemagne, le prix facial est décoté d'un certain pourcentage, qui est connu. Il n'y a pas de remise supplémentaire. En France, il existe une très grande différence entre le prix facial, constaté en pharmacie, et le prix net, qui résulte d'un accord avec le CEPS. Il suffit de lire les rapports de ce comité pour voir qu'au fil des années le montant des remises n'a cessé de croître. D'après les derniers chiffres, il atteint le montant colossal de cinq milliards d'euros. Ainsi, on se focalise sur les prix figurant au catalogue et l'on ignore les prix nets, fixés avec le CEPS. Voilà pourquoi il me semble nécessaire de s'appuyer sur des études plus fines.
Pour ma part, je constate, avec mes collègues des autres pays, que, pour un même produit, les prix nets pratiqués par la France sont toujours les plus bas de toute l'Europe.
Pour l'industrie que je représente, on estime qu'au moins 50 % des principes actifs utilisés ont des sources européennes ou internationales, hors Chine et Inde. Nous ne contestons pas le mouvement observé depuis environ trente ans : l'industrie chimique s'est davantage développée dans ces deux pays, comme beaucoup d'autres industries manufacturières d'ailleurs. Mais, dans ce domaine, les chiffres doivent être pris avec des pincettes, ne serait-ce que parce que les ratios varient selon les médicaments.
Nous parlons des principes actifs, voire de composants de sources de principes actifs ; il ne faut pas confondre ce secteur avec l'industrie manufacturière, autrement dit la production pharmaceutique.
Il reste, en France, un réseau d'usines de production pharmaceutique, qui s'est probablement réduit au cours des dernières années et que nous appelons à soutenir, en assurant des relocalisations. De même, il faut soutenir le réseau industriel européen, qui fournit la grande majorité des produits consommés en Europe. J'insiste sur la différence entre chimie et pharmacie.
Enfin, vous évoquez des questions de responsabilité et d'éthique. Il ne me semble pas que ces transformations aient eu lieu en secret. Elles résultent d'évolutions lentes. Les principes actifs dont il s'agit sont conformes aux normes et connus de nos autorités. Ils font l'objet d'audits et de données transparentes sur l'ensemble de nos chaînes d'approvisionnement. Les informations sont connues de longue date. Cela étant, on peut s'inquiéter de ce mouvement aujourd'hui, à l'aune des nouvelles relations internationales.
Les ruptures d'approvisionnement et les pénuries ont évidemment des causes multiples : il faut se garder de tout simplisme. Mais Mme Coutinet, qui, comme vous, a parlé sous serment, n'est pas la seule à dresser le constat que je viens de rappeler au sujet des prix. D'ailleurs, quels que soient les prix pratiqués, tous les pays européens ont connu des pénuries et des ruptures, ce qui appelle des explications.
Aujourd'hui, les entreprises doivent élaborer et produire des plans de gestion de pénurie (PGP) pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. On pourrait discuter de l'intérêt d'en réduire la liste. Plusieurs de nos interlocuteurs ont insisté sur ce point, mais tel n'est pas l'objet de notre commission d'enquête. D'après l'ANSM, dont nous avons auditionné les représentants, les PGP transmis sont de qualité très inégale, ce qui n'est pas normal. Comment l'expliquez-vous ? Comment responsabiliser davantage les entreprises à cet égard ?
Madame Blachier-Poisson, notre politique du médicament souffre effectivement d'un très lourd handicap : le manque de transparence. Tout le monde le subit, qu'il s'agisse des prix ou des tensions exercées sur les stocks. Pour ce qui concerne ces derniers, nous ne disposons que de données déclaratives, et les moyens de contrôle semblent insuffisants : c'est peut-être une explication du problème.
La diminution des marges, donc des résultats, a-t-elle des conséquences sur vos investissements ? Dans cet ordre d'idée, on nous a affirmé ce matin que les dividendes versés par notre grand laboratoire pharmaceutique français avaient été portés de 35 % à 50 % du résultat. Pouvez-vous le confirmer ?
La fuite des cerveaux est une autre difficulté, tout à fait compréhensible : la concurrence s'exerce et les intéressés vont là où la rémunération est plus élevée. La réduction des marges en France risque d'accentuer encore le phénomène.
Enfin, M. Borel-Giraud insiste sur l'optimisation des chaînes d'approvisionnement, qui semble bel et bien essentielle. Mme Blachier-Poisson souligne, quant à elle, que nous devons disposer de sites à même d'absorber des productions devenues urgentes. J'en déduis que l'optimisation n'est pas au rendez-vous dans ces usines, même si je mesure la difficulté de l'exercice.
On ne peut pas demander aux entreprises du médicament d'être responsables : elles le sont déjà tout à fait et ne sauraient l'être davantage que l'État lui-même.
Malheureusement, la France manque encore et toujours d'une vraie politique du médicament. Or c'est le seul moyen, en particulier pour les laboratoires pharmaceutiques, de se projeter dans le temps long. Tant que cette politique n'existera pas, la situation restera illisible pour tout le monde.
En parallèle, on a coutume de dire que les professionnels de santé et les laboratoires pharmaceutiques sont payés par l'assurance maladie et par les mutuelles : c'est totalement faux. L'assurance maladie et les mutuelles paient le patient pour qu'il puisse se soigner.
La baguette n'a pas tout à fait le même mode de financement que le médicament... L'argent n'a pas la même provenance et les arbitrages n'ont pas la même origine. De surcroît, la santé est un bien public et le médicament est l'un des outils de sa mise en oeuvre. À ce titre, il joue un rôle particulier : ce n'est pas un bien de consommation ordinaire.
Les entreprises sont dans leur rôle, et leurs problématiques économiques sont légitimes. Il n'empêche que, du point de vue des pouvoirs publics, un certain nombre d'arbitrages s'imposent, notamment quant au prix du médicament. Il y va du financement des politiques de santé publique.
Lorsque le tarif est fixé entre le laboratoire et le CEPS, des remises commerciales sont semble-t-il accordées. Comment l'expliquez-vous, alors même que les industriels déplorent des prix trop bas ?
Bien sûr, chacun est face à ses responsabilités. En tant que parlementaires, notre responsabilité est de voter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), qui est en baisse chaque année.
Ces différentes questions nous conduisent très loin : il faudrait que vous nous invitiez pour une nouvelle audition d'une heure et demie...
Madame la rapporteure, je vous rejoins au moins sur un point : il est tout à fait anormal que nous ayons cette discussion sur les prix nets des médicaments dont les brevets sont tombés. Nous sommes demandeurs d'une métrologie commune avec l'assurance maladie, pour que les chiffres soient communs et objectivés sous double timbre. C'est dire quel est notre degré de certitude quant aux prix nets de ces produits !
L'opacité entretenue n'est pas de notre fait. Elle permet de contester systématiquement ce que nous avançons. Or les chiffres invoqués ne correspondent pas à la réalité que nous observons. À notre tour, nous vous avons donné des chiffres, des tarifs de remboursement et des coûts de revient - je parle bien des produits dont les brevets sont tombés et pour lesquels tous les éléments sont sur la table.
Madame Gruny, vous évoquez la fuite des cerveaux. Ce qui me préoccupe, c'est plutôt une forme de schizophrénie de la politique du médicament : tout en menant des politiques industrielles extrêmement volontaristes, on fait tout pour détruire le marché. Comme le souligne M. Milon, nous sommes face à un problème de gouvernance. On met en oeuvre des mécanismes d'incentive industriels sans pour autant gérer les problématiques d'accès et de tarification du médicament, qui vont pourtant de pair. Aujourd'hui, le degré de régulation est tel que nous devons réconcilier les deux exercices et mettre en oeuvre une véritable gouvernance de la politique du médicament, ce qui suppose un pilote unique.
Madame la rapporteure, j'en viens aux PGP. La gestion des ruptures mobilise de plus en plus de moyens, sous le contrôle de l'ANSM. Pour plus d'une spécialité sur deux, on a recours au contingentement, avec parfois un arrêt du circuit de ville pour prioriser le circuit hospitalier. On a créé des stocks de dépannage d'urgence. On adresse des messages directement aux grossistes-répartiteurs pour interrompre la vente de produits à l'étranger. On a mis en oeuvre des actions d'information et d'accompagnement des professionnels de santé, via l'ANSM ou le portail DP-Ruptures - j'ai vu, à ce propos, que vous aviez reçu les pharmaciens d'officine. On contacte directement les associations de patients pour les informer. On réoriente des lots initialement destinés à d'autres marchés, voire des lots de laboratoires concurrents.
Nous sommes donc extrêmement actifs. Nous allons également contribuer au plan gouvernemental en faisant des propositions, qui seront rendues publiques dans quelques semaines. Je peux d'ores et déjà vous en indiquer les principales.
Premièrement, nous avons besoin d'une liste des médicaments critiques à sécuriser de manière prioritaire. Il faut y adosser un dispositif de financement spécifique, ce qui, à ma connaissance, n'est pas le cas aujourd'hui. Cette liste doit être, si possible, européenne ; peut-être le Sénat pourra-t-il nous aider dans cette tâche.
Deuxièmement, il faut optimiser la transparence et la qualité de l'information circulant entre les acteurs. À ce titre, nous avons besoin d'une meilleure visibilité sur l'état des stocks des médicaments en tension ou en rupture sur l'ensemble de la chaîne. Il faut diffuser une information fiable. On parle beaucoup de notre obligation de stockage, mais il faut garder à l'esprit que nous n'avons pas connaissance des stocks des grossistes-répartiteurs : ils ne sont pas visibles pour nos industriels.
Troisièmement, nous avons besoin de mobiliser les autorités pour obtenir des mesures d'optimisation réglementaire. Il faut fluidifier la production, éviter les transferts de stocks entre États de l'Union européenne, ce qui revient à lutter contre les phénomènes d'exportations parallèles, et déployer des réglementations harmonisées spécifiques aux médicaments. Ces assouplissements réglementaires doivent permettre la mise en place de la e-notice. De surcroît, il faut interdire l'exportation des médicaments signalés en tension, et non des seuls médicaments en rupture. Il faut également anticiper les impacts des réglementations environnementales sur la disponibilité des médicaments.
Quatrièmement, il faut faire converger les différentes législations européennes. À cet égard, un exemple me semble particulièrement parlant : l'Union européenne compte 23 calendriers vaccinaux pour 27 États membres ! Cela signifie que, lorsque la France subit une rupture d'approvisionnement pour un vaccin, elle ne peut pas importer de vaccins belges. On doit renforcer le rôle de la France dans la révision de la législation pharmaceutique européenne, dans le cadre de laquelle ces sujets doivent être traités. J'y insiste, il faut assurer l'européanisation de la problématique des ruptures.
Cinquièmement, il faut redynamiser l'investissement et pérenniser l'outil industriel ; nous avons longuement évoqué ces enjeux. Nous avons parlé de l'articles 65 de la LFSS et de l'article 28 de l'accord-cadre. On pourrait aussi concevoir d'utiliser la fiscalité de manière un peu plus attractive qu'aujourd'hui, afin de mieux reconnaître les investissements. Nous avons mentionné les conditions économiques : il faut prendre des mesures d'urgence pour les médicaments en situation de vulnérabilité économique.
Au-delà, nous avons besoin d'une gouvernance claire. Je le répète, nous avons le sentiment que la gouvernance du médicament est devenue schizophrène. Il faut réconcilier les exercices, faire des choix clairs, fixer des priorités et les assumer politiquement.
Enfin, je rappelle qu'au cours des dix dernières années la dépense de médicaments a été totalement contenue. Nous vous produirons les chiffres : elle a été privée de toute croissance. Elle a été, en quelque sorte, la variable d'ajustement des Ondam successifs.
Notre système de santé est bien en train de nous filer entre les doigts. Je suis d'accord avec vous, il faut commencer par en revoir la gouvernance.
Pendant trente-cinq ans, le médicament a été la seule variable d'ajustement du financement de la sécurité sociale, dont le déficit fut longtemps, avec le taux de chômage, le critère de bonne gestion d'un gouvernement, quel qu'il soit. Puis l'hôpital est à son tour devenu une variable d'ajustement. On sait où ces choix nous ont conduits.
Ces quelques rappels historiques étant formulés, j'en viens à ma question : quelle est la fiabilité de l'information dont nous disposons aujourd'hui ? Le ministre de la santé nous assure que l'amoxicilline ne connaît plus de problèmes d'approvisionnement, alors que c'est toujours le cas.
Madame Gruny, vous soulignez un point majeur : la sécurité d'approvisionnement a un coût.
Je vous rassure, l'usine chargée des productions d'urgence fabrique d'autres produits de même nature, à savoir des anticorps monoclonaux - une usine qui produit des médicaments chimiques ne pourra absorber une telle activité. Comme vous le suggérez, on ne peut pas se permettre d'avoir des usines qui tournent à vide en attendant qu'un événement survienne.
Les produits perdant leurs brevets ont fait l'objet de politiques d'optimisation, autrement dit de minimisation des coûts, qui ont conduit à la disparition complète de certains stocks. La situation est très différente pour les produits innovants et, surtout, biologiques, qui font l'objet d'investissements bien plus élevés.
Madame la sénatrice, de manière assez paradoxale, la baisse des marges n'a pas de conséquence sur l'investissement, en tout cas pour les entreprises du G5. Alors que notre profitabilité a chuté de 32 % en France, nous consacrons encore, chaque année, 3,5 milliards d'euros à la R&D et un milliard d'euros aux investissements industriels. Ce sont nos résultats à l'international qui permettent de financer le développement de nos usines et de nos travaux de recherche en France. Je vous communiquerai, dans les prochaines semaines, nos chiffres actualisés, comprenant l'année 2022. Ils démontrent l'attachement de nos entreprises aux territoires national et européen.
Certains de nos nouveaux produits, qui ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) de la part de l'EMA, reçoivent un avis défavorable des autorités françaises, qu'il s'agisse de la commission de la transparence ou de la HAS. Or ces produits, fabriqués par une entreprise française, seront lancés et remboursés dans les autres pays de l'Union européenne. Nous restons de bons élèves, mais nous arrivons peut-être à un point de bascule.
Enfin, je laisserai les représentants de Sanofi répondre à la question que vous posez au sujet de ce laboratoire.
Aujourd'hui, en France, les CDMO sont en mauvaise situation financière : ces entreprises ne sont plus à même de faire tous les investissements nécessaires. En résulte une dégradation de l'outil industriel, que souligne l'Académie de pharmacie et qui contribue aux pénuries actuelles.
On parle de la fuite des cerveaux : il ne faut pas oublier la fuite des bras, lesquels sont nécessaires pour faire tourner toute industrie. Certes, le médicament n'est pas un bien de consommation, mais il obéit à un certain nombre de problématiques industrielles.
Les lois françaises et européennes imposent un investissement minimal permanent, de 15 % en général, pour maintenir l'ensemble de l'outil productif en état de fonctionnement. À cet égard, nous parlions non pas de réductions d'investissements, mais d'optimisation organisationnelle.
Actuellement, il n'y a plus de rupture d'amoxicilline à l'échelle nationale, mais la situation reste tendue. Ce n'est ni aujourd'hui ni en juin ou en septembre prochains que les stocks de sécurisation seront renouvelés dans des proportions suffisantes. Nous menons des discussions soutenues avec trois de nos fournisseurs, présents en Europe, dont un en France. Mais leurs usines travaillent déjà vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Elles ont dressé des plans de production pour tout l'été afin de répondre aux demandes française, européenne et mondiale, dans un contexte marqué par une forte compétition.
En outre, je le confirme, ces usines peinent à recruter des employés pour travailler sur ces créneaux supplémentaires, du fait d'une compétition de la main-d'oeuvre, aux échelles française et européenne, avec d'autres industries manufacturières. Le problème, en l'occurrence, est plutôt cette compétition avec d'autres industries manufacturières, qui rémunèrent mieux.
Permettez-moi d'apporter une conclusion en quatre points.
Premièrement, nous nous considérons comme coresponsables de ces ruptures d'approvisionnement : nous ne cherchons pas à nous dédouaner. Nous sommes évidemment parties prenantes. Pour nous, le prix n'est pas un critère explicatif. En revanche, c'est un critère d'aggravation. La structure de prix française ne nous permet pas de lutter à armes égales face à nos voisins européens.
Deuxièmement, nous avons besoin de travailler ensemble pour dégager des solutions. Pour notre part, nous nous efforçons d'être constructifs, mais nos interlocuteurs n'ont pas toujours la culture du « travailler ensemble ».
Troisièmement, nous arrivons clairement à la fin d'un système. Le chiffre d'affaires remboursable du médicament pèse 25 milliards d'euros. En parallèle, la baisse de prix représente un milliard d'euros, la clause de sauvegarde deux milliards d'euros, et les remises produits cinq milliards d'euros. Les parlementaires, qui votent le PLFSS, doivent mesurer la gravité de la situation. Pour notre part, nous sommes extrêmement inquiets. Qu'il s'agisse de l'accès des produits innovants au marché ou de l'approvisionnement des produits matures, nous sommes face aux symptômes d'une même maladie.
Quatrièmement, enfin, je rappelle qu'en 2021 une modeste PME allemande de 200 salariés, nommée BioNTech, a contribué pour 0,5 point au PIB de l'Allemagne. Nous ne sommes pas qu'un poste de dépense. Nous créons de l'investissement, de la richesse, du commerce extérieur et de l'emploi.
C'est précisément la raison pour laquelle la gouvernance doit être revue. Nous relevons non seulement du ministère de la santé, pour les dépenses, mais aussi des ministères de l'industrie et de la recherche. Par définition, notre activité est interministérielle. S'agissant du médicament, on ne peut pas construire le PLFSS en ignorant les politiques industrielles qui sont menées, les objectifs fixés par le ministère de l'économie ou encore les enjeux de stockage.
Nous avons réellement besoin de cette réconciliation. Nous avons proposé la création d'une structure interministérielle directement rattachée au Premier ministre, pour piloter la politique du médicament. L'Agence de l'innovation en santé (AIS) et le CEPS en sont peut-être les prodromes : je n'en sais rien. Ce dont je suis sûr, c'est qu'il faut mettre un terme à cette schizophrénie administrative, qui nous étouffe.
Vous allez recevoir un questionnaire, auquel il vous sera demandé de répondre de manière précise.
Nous n'avons fait qu'effleurer certains sujets. Les ruptures de médicaments touchent les produits matures, et non les produits innovants. Certains se demanderont pourquoi...
Le marché français est certes compliqué, mais nous n'avons pas parlé des volumes. Il s'agit pourtant de l'une des dimensions extrêmement attractives de notre marché. Bercy nous communiquera les éléments chiffrés, qui nous mettront tous d'accord.
Nous n'avons pas abordé non plus la question de l'excédent brut d'exploitation - j'ai en tête quelques exemples de laboratoires du G5 Santé.
Ce sont des questions sur lesquelles il serait intéressant de débattre ultérieurement. Quoi qu'il en soit, nous auditionnerons les différents ministres.
Merci beaucoup de vos contributions et de ces échanges. Nous attendons également beaucoup de vos réponses écrites. Il est important de mettre en perspective la France dans le cadre européen et mondial, notamment sur les questions de chiffres d'affaires. L'économie du médicament reste malgré tout très mondialisée. Ce sujet ne peut être complètement déconnecté de la problématique de la pénurie en France.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 15 h 15.