Absolument : je parle du périmètre du PLFSS.
Je vous remercie d'avoir invité les différentes composantes de notre industrie autour de cette table. Vous constaterez qu'il s'agit de business models assez différents les uns des autres.
Une rupture d'approvisionnement est une situation dramatique pour nos entreprises, dont la vocation est d'apporter des solutions thérapeutiques au lit des patients. Nous n'oublions jamais que les pénuries concernent avant tout les patients : nous sommes mobilisés et nous faisons des propositions, comme ce fut le cas en 2019.
Il n'est bien évidemment pas question de contester l'augmentation du nombre de ruptures d'approvisionnement. Plusieurs raisons permettent d'expliquer ce phénomène extrêmement préoccupant.
Vous avez parlé de l'augmentation de la demande mondiale, qui croît effectivement beaucoup plus rapidement que l'offre et que les capacités de production. En 2021, la hausse de la capacité de production, en France, au cours des cinq dernières années, s'est établie, en moyenne, à 6 %, contre 10 % pour celle de la demande.
Quelles en sont les causes ? Je citerai le vieillissement de la population, mais aussi le fait que les pays en développement se dotent de systèmes de protection sociale modernes. Vous avez également évoqué la concentration des fournisseurs de matières premières et d'excipients : en cas de problème sur l'un des sites, le risque de rupture augmente. Concernant les anciens produits, la décroissance progressive du prix des médicaments conjugué à l'accroissement des normes européennes conduit à l'arrêt de la production de certaines substances actives en Europe et à la délocalisation des productions dans les pays asiatiques, notamment l'Inde et la Chine, où les coûts de production sont plus réduits. Pour de nombreuses molécules, nous n'avons plus que deux ou trois fournisseurs dans le monde : c'est un constat que nous partageons avec vous.
Un autre élément, que vous n'avez pas évoqué, est le temps de cycle de production et les risques liés à la complexité technologique. De plus en plus de médicaments sont issus des sciences du vivant et des biotechnologies. Les médicaments injectables, stériles, nécessitent des infrastructures très sophistiquées et des conditions de production très strictes : contrôle de l'environnement, stérilité des matières premières et des produits finis, du matériel, protection des personnels. La moitié des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur déclarés à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour tension d'approvisionnement ou pour rupture sont des formes injectables. Toute perturbation liée soit à un problème industriel, soit à une fluctuation inattendue des besoins du marché ne peut pas être compensée, s'agissant de produits biologiques, dans de brefs délais. De manière générale, le temps de cycle de production des médicaments s'est fortement allongé, ce qui complique l'adaptation de la fabrication en fonction des fluctuations imprévues du marché.
Les fabricants ont également mis en place des systèmes d'assurance qualité pharmaceutique extrêmement exigeants, capables de détecter toute anomalie en cours de production. La fabrication est soumise à des normes européennes de qualité et de sécurité très exigeantes, qui augmentent les risques de non-conformité - c'est un constat, et non un jugement de valeur.
Par ailleurs, nous ne sommes jamais à l'abri d'un arrêt de production lié à un problème de qualité, à un défaut de personnel, à un accident industriel. Chaque fois qu'un fabricant est à l'arrêt quelque part dans le monde, il met en tension l'ensemble de la chaîne.
Cela étant, il existe, effectivement, des spécificités françaises. Nous allons évidemment diverger sur les prix. Nos données montrent qu'il existe un écart de prix d'environ 37 % par rapport à l'Allemagne. Cela n'incite pas les industriels à investir en France et crée des difficultés pour prioriser l'approvisionnement en cas de tension. De surcroît, les prix bas encouragent l'exportation parallèle, avec un système d'achat-revente par des short-liners vers les marchés étrangers plus attractifs.
Le Parlement a débattu des obligations de stockage. Nous sommes parvenus aujourd'hui à un point d'équilibre, mais imposer des durées de stockage longues sur des produits à faible valeur ajoutée pourrait créer un risque de décommercialisation.
À tout cela s'ajoute l'explosion des coûts de production, qu'il s'agisse des matières premières, des intrants, des principes actifs, des emballages en verre, en aluminium, en carton, des dérivés du pétrole, de l'énergie, de la masse salariale. Or les médicaments sont des produits à prix administrés : nous n'avons pas la possibilité de répercuter ces augmentations sur le prix des produits, à la différence de la quasi-totalité des autres secteurs. Le prix fabricant hors taxe de la boîte d'amoxicilline s'établit à 76 centimes d'euros. Comment garantir la production et a fortiori la relocaliser lorsque les coûts de production explosent ? C'est une vraie difficulté. Autre exemple, le flacon d'un demi-litre de bicarbonate de sodium pour perfusion, très utilisé à l'hôpital, est vendu 1,40 euro. En 2014, le fabricant gagnait 13 centimes par flacon ; aujourd'hui, il en perd 17 ! Il s'agit d'un fabricant français. Quand il aura disparu, où nous approvisionnerons-nous ? Il faut que le Parlement prenne la mesure de ces difficultés.
Quant aux génériques, leur marge est de 0,3 % en moyenne. Face à cette situation, certains pays - l'Allemagne, le Portugal, la Suède - ont annoncé des mesures de revalorisation du prix des produits anciens. En France, des annonces ont été faites, mais elles ne se sont pas encore concrétisées. Seront-elles suffisantes pour faire face aux enjeux ?
Je reviendrai à la fin de cette audition sur les pistes de solutions possibles.