Le G5 Santé est un cercle de réflexion qui rassemble les dirigeants des principales entreprises françaises de santé, que sont BioMérieux, Guerbet, Ipsen, le LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier et Théa.
Les entreprises du G5 Santé sont un atout pour la souveraineté sanitaire de la France. Elles disposent de plus de cinquante usines et d'une trentaine de sites de recherche dans notre pays. Chaque année, elles investissent 3,5 milliards d'euros en recherche et en développement. Elles sont le premier partenaire de la recherche publique française, leurs dépenses représentant les trois quarts des investissements du secteur. Elles investissent également 1,5 milliard d'euros par an dans le domaine industriel en France.
La crise sanitaire a enfin permis de prendre conscience de l'importance de la souveraineté sanitaire et des fragilités de la France, sujets sur lesquels le G5 Santé avait alerté les pouvoirs publics depuis fort longtemps.
La réponse politique à cette crise sanitaire a été forte et rapide, avec France Relance. Je pense notamment à la baisse des impôts de production, aux appels à projets, aux appels à manifestation d'intérêt. Nous ne pouvons que nous féliciter de ce début de politique industrielle, en particulier des 18 projets de rapatriement en France de production de principes actifs - 35 molécules sont concernées.
Après la crise sanitaire, l'enjeu est désormais d'armer la France et l'Europe pour lutter contre les pénuries et renforcer la souveraineté sanitaire. Nous attendons toujours la liste des médicaments dits « critiques », à sécuriser de façon prioritaire. Cette liste permettrait de cibler les actions à conduire pour assurer la sécurité d'approvisionnement. Si nous soutenons cette politique favorable aux investissements en amont, le problème - selon nous - se situe davantage en aval, à savoir sur le niveau bas du prix d'achat des médicaments par les pouvoirs publics en France, comme vient de le mentionner Philippe Lamoureux.
Il existe une incohérence entre les politiques publiques, la politique industrielle de soutien au secteur et la politique budgétaire. La production de médicaments demande des investissements très importants. C'est d'autant plus vrai en France et en Europe, où le coût et les contraintes sont bien supérieurs à ceux qui existent en Chine ou en Inde. Il n'est donc pas simple pour un industriel de maintenir sa production, de décider de nouveaux investissements pour augmenter la production de produits critiques ou de relocaliser en France, le risque étant de n'être pas rentable, voire de produire à perte, en raison d'une régulation économique bien trop forte, avec des baisses de prix importantes.
Les entreprises du G5 Santé ont fait réaliser par le Bureau d'informations et de prévisions économiques (Bipe) une étude qui démontre que nos huit entreprises ne s'en sortent aujourd'hui que grâce à leurs positions à l'export. Cette étude sera bientôt réactualisée, mais, sur la période 2010-2017, l'évolution du chiffre d'affaires de ces entreprises était de - 16 % en France, contre + 6 % à l'export, ce qui permet une stabilisation de notre chiffre d'affaires total. Sur cette même période, nous avons maintenu nos emplois industriels en France et stabilisé nos installations industrielles, alors même que notre profitabilité, notre excédent brut d'exploitation, y a chuté de 32 %. En tant qu'entreprise française, notre marché domestique devrait, au contraire, être notre plateforme pour développer nos actions à l'international.
Enfin, je souhaite terminer par un exemple concret qui montre que la loi votée par les sénateurs et les députés prend parfois beaucoup de temps avant d'être appliquée. Il s'agit de l'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, voté grâce à la compréhension par le Parlement des difficultés de notre pays en matière industrielle. Cet article mentionne que la fixation du prix d'un médicament peut également tenir compte de la sécurité d'approvisionnement du marché français que garantit l'implantation des sites de production. Un an et demi après l'adoption de cet article, le CEPS vient enfin d'officialiser sa doctrine d'application, après des arbitrages rendus tout récemment par les cabinets ministériels. Cependant, cette doctrine s'applique, à ce jour, uniquement aux produits nouveaux. Or ce ne sont pas ces produits nouveaux qui posent des problèmes de pénurie et d'approvisionnement ! Il faut donc que cet article de loi puisse aussi s'appliquer pour réviser à la hausse le prix des médicaments déjà commercialisés, des médicaments dits « critiques », la loi ne prévoyant aucune restriction dans son application.
Il faut donc revoir rapidement notre politique de régulation et de financement des médicaments, remonter le prix d'un certain nombre d'entre eux, qui, du fait de l'inflation, ne sont plus économiquement viables s'ils sont produits en France. Ces décisions de hausses de prix doivent être prises rapidement. Elles permettront d'éviter des exportations parallèles de nos médicaments dans les pays européens où les prix sont plus élevés, ce qui peut être source de tensions et de ruptures d'approvisionnement en France. Ces hausses de prix de médicaments sont également indispensables si nous ne voulons pas, demain, fermer les lignes de production non rentables sur le territoire national.
En résumé, il convient : de mettre en oeuvre l'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 pour la prise en compte de l'implantation des sites de production dans la fixation et la révision des prix des médicaments ; de finaliser la liste des médicaments dits « critiques » et d'appliquer rapidement des hausses de prix sur les médicaments à fort enjeu d'indépendance sanitaire.