Intervention de Philippe Lamoureux

Commission d'enquête Pénurie de médicaments — Réunion du 28 mars 2023 à 13h30
Audition de représentants des laboratoires et entreprises pharmaceutiques

Philippe Lamoureux, directeur général des Entreprises du médicament (Leem) :

Mme Coutinet semble faire autorité au Sénat pour l'élaboration des chiffres. Mais, en tant qu'industriels, il me semble que nous sommes un peu mieux placés qu'elle en la matière...

Une étude suédoise, qui vient d'être publiée et qui sera portée à votre connaissance, établit que les prix nets français sont parmi les plus bas d'Europe, en tout cas pour les produits matures. Ils sont notamment très inférieurs aux prix allemands. De plus - vous l'avez observé comme nous -, l'Allemagne, la Suède ou encore le Portugal ont décidé de revaloriser le prix de ces produits. Je conteste évidemment ces chiffres - nous vous ferons parvenir tous les éléments nécessaires à cet égard.

Les hausses de prix sont permises par un article de l'accord-cadre, mais cette disposition n'a pas été appliquée ; en tout cas, elle l'est extrêmement peu. C'est un sujet que nous abordons régulièrement avec le CEPS.

La politique du médicament est en train de craquer de toute part ; la représentation nationale doit en être consciente.

Au mois de janvier dernier, nous avons décidé de créer un observatoire de l'accès, publiant des données afin d'objectiver les difficultés croissantes que nous rencontrons, en France, pour permettre l'accès aux médicaments, qu'ils soient matures ou innovants. Il ne s'agit pas, pour nous, d'opposer les uns aux autres : la situation des produits innovants est tout aussi problématique.

Permettez-moi de vous renvoyer à l'excellent rapport de votre collègue Catherine Deroche : ce travail établit très bien les difficultés qui se font jour dans ce domaine. Au cours des quinze dernières années, les cinq nouveaux antipsychotiques ne sont pas entrés sur le marché français. Les nouveaux antimigraineux n'y entrent pas davantage. Par un récent avis, la Commission de la transparence s'est opposée au remboursement d'un certain nombre de thérapies orphelines contre le cancer. La situation est extrêmement problématique.

On a beaucoup parlé de la clause de sauvegarde. Ce dispositif avait vocation à garantir le respect des objectifs fixés par le Parlement lors du vote du PLFSS. J'ajoute qu'historiquement, lorsqu'elle était déclenchée, elle représentait 150 à 200 millions d'euros annuels. Or elle a atteint 800 millions d'euros en 2021. D'après nos estimations, ce montant s'élève à 1,3 milliard d'euros pour 2022 et devrait, en 2023, dépasser 2 milliards d'euros. Ce n'est plus une clause de sauvegarde : c'est une taxation supplémentaire sur le secteur, qui subit déjà la fiscalité la plus lourde d'Europe. Une étude réalisée par le cabinet Landwell, que nous vous adresserons, le démontre à l'évidence.

Quant au CIR, je conteste formellement qu'il constitue une aide au sens où vous l'entendez. Ce dispositif vient sanctionner le fait que l'on ait choisi d'investir dans notre pays.

En France, la recherche privée est financée par des fonds publics pour à peu près 1 % de son montant. Mais, en parallèle, la recherche et l'industrie privées financent très largement la recherche publique française, qu'il s'agisse des équipes de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Les montants sont sans comparaison. Le CIR n'est pas une aide ; c'est une incitation fiscale. Ne mélangeons pas tout.

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