Intervention de Catherine Simonin

Commission d'enquête Pénurie de médicaments — Réunion du 29 mars 2023 à 13h35
Audition de mmes catherine simonin représentante de france assos santé juliana veras coordinatrice de médecins du monde docteurs julie allemand-sourrieu représentante du collectif santé en danger franck prouhet représentant du collectif notre santé en danger et M. Christophe duGuet représentant de l'afm-téléthon

Catherine Simonin, représentante de France Assos Santé :

Pas moins de 37 % des Français ont été confrontés à une pénurie de médicaments en 2023, contre 25 % en 2018. Ils sont 45 % à avoir dû reporter, modifier voire renoncer à leur traitement, selon les conclusions d'une enquête de 2020 de la Ligue nationale contre le cancer ; en outre, 68 % des oncologues médicaux considèrent que ces pénuries auront un impact sur la survie des personnes malades à cinq ans.

France Assos Santé se mobilise pour un accès équitable aux innovations, véritable défi pour notre système solidaire d'assurance maladie. Les malades font face à un chantage industriel. Devons-nous accepter les demandes d'augmentation de prix des médicaments anciens, qui ne sont plus sous brevet ? Des remises se négocient au sein du Comité économique des produits de santé (CEPS), mais ne sont pas publiées. Nous ne connaissons donc pas le prix réel du médicament, mais uniquement son prix facial.

Devons-nous octroyer davantage d'aides publiques aux industriels afin de faciliter les relocalisations ? Peut-être, mais ces aides doivent être assorties d'obligations, notamment celle d'une production du médicament sur le long terme. Et toutes les aides publiques doivent être publiées.

Les prix demandés par les industriels tiennent compte du positionnement tarifaire aux États-Unis, où se concentrent les innovations, mais aussi de la solvabilité de notre système de santé, qui, contrairement au système étatsunien, repose sur la solidarité. Faut-il en conclure que la France paie mal ses médicaments ? Selon le rapport du CEPS sur l'exercice 2021, le montant global de dépenses au titre des médicaments remboursables s'est élevé à 30,4 milliards d'euros en 2021, contre 27,9 milliards d'euros en 2019. Il s'agit non des prix réels, mais des prix affichés. Or le même rapport constate que les remises sur les médicaments s'élevaient à 4,5 milliards d'euros en 2021, contre 3,2 milliards d'euros en 2020, soit une augmentation de plus d'un milliard d'euros : cette situation interroge.

Le prix tient compte du volume de prescription et de dépenses. Récemment, les médicaments contenant de l'amoxicilline et du paracétamol étaient en rupture, or la France est le premier pays consommateur de ces molécules en Europe. Nous nous interrogeons sur la pertinence de prescriptions aussi nombreuses.

Nous proposons d'appliquer la législation en cours : en cas de rupture, le plan de gestion des pénuries (PGP) doit être établi par les industriels et transmis à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). La loi prévoit un stock de deux mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) et d'un mois pour les autres. Mais les sanctions contre les industriels sont rares. L'ANSM est-elle en mesure de contrôler ? Il est indispensable de prévenir les pénuries, dont la durée moyenne est de 14 semaines. Cela suppose de disposer d'un stock de quatre mois pour tous les MITM.

Nous suggérons également de poursuivre la production et la commercialisation de médicaments anciens, plus touchés par la pénurie. C'était l'objet de l'article 30 du projet de loi de financement pour la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, hélas absent de la loi promulguée. Pourquoi ne pas réintroduire cette disposition dans le PLFSS pour 2024 ?

Nous plaidons pour plus de transparence : les informations relatives à la pénurie et aux traitements de substitution doivent être communiquées au patient. Cela ne pose pas de problème dans les pharmacies, mais la situation est plus complexe à l'hôpital, d'où des pertes de chances : une étude portant sur 402 personnes soignées pour un cancer de la vessie entre 2011 et 2016 à l'hôpital Édouard-Herrriot de Lyon a montré une augmentation des récidives durant une pénurie, qui conduit à une augmentation de la mortalité à cinq ans. Il faut informer le patient en cas de substitution de traitement, car les effets secondaires, différents de ceux de son traitement habituel, peuvent parfois être graves.

Plutôt que de courir derrière les industriels, envisageons une production des molécules délaissées par une structure à but non lucratif ou disposant d'un partenariat public-privé (PPP) sur toute la chaîne du médicament. Durant la crise sanitaire, les hôpitaux, face à la pénurie, ont façonné eux-mêmes des médicaments d'anesthésie, notamment aux Hospices civils de Lyon. Cela a sauvé des vies quand les médicaments faisaient défaut !

La France doit aussi être à l'offensive dans la révision de la stratégie pharmaceutique de l'Union européenne en vue d'aboutir, à tout le moins, à une harmonisation et à une constitution de stocks de produits semi-finis, que les industriels pourraient utiliser en cas de pénurie de l'un des composants d'un médicament.

En résumé, nous regrettons l'opacité du système : les prix ne prennent pas en compte les volumes de prescription et les réductions accordées aux industriels. Il en va de même pour la fixation du montant des aides publiques.

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