Intervention de Arnaud Quémard

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 29 mars 2023 à 9h00
Avenir des concessions d'autoroutes — Audition de M. Arnaud Quémard directeur général de la société des autoroutes du nord et de l'est de la france sanef

Arnaud Quémard, directeur général de la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France :

Selon le rapport de l'IGF, certains concessionnaires auraient une rentabilité supérieure à celle qui est prévue contractuellement, tandis que le TRI « actionnaires » du groupe Sanef se situerait dans l'ordre de grandeur de ce qui était prévu. Ce rapport ne faisant pas état du modèle financier qui a permis d'établir ces données, je suis incapable de vous dire si elles sont exactes, mais je constate que l'IGF et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) eux-mêmes les manient avec précaution.

Il reste que la rentabilité du groupe Sanef et, partant, de son actionnaire Albertis est peu ou prou celle qui avait été prévue à l'origine. En réalité, nous avons même réalisé 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires en moins par rapport à ce qui était prévu dans le modèle initial. C'est donc en quelque sorte 1 milliard d'euros que les usagers n'ont pas payés.

Je n'ai pas de commentaire particulier à formuler sur les propositions de l'IGF, si ce n'est qu'il n'existe pas, dans les contrats de concessions, de clause permettant, sur la base d'une supposée surrentabilité de l'actionnaire, de réduire. Il existe une disposition qui permet de réduire la durée de la concession moyennant une juste compensation, qui se finirait à dire d'expert. La solution fiscale me paraît injuste, car elle s'appliquerait de manière homogène aux sociétés autoroutières privées, dont les rentabilités diffèrent, ainsi qu'à l'unique société d'autoroute, Cofiroute, qui n'a jamais été privatisée.

J'en viens à la question des tarifs. À la demande du ministre des transports, nous avons mis en place des formules d'abonnement efficaces, qui permettent aux usagers de bénéficier de 40 % de réduction sur les trajets du quotidien. Par ailleurs, afin d'encourager la décarbonation, les véhicules électriques bénéficient d'une réduction de 5 % sur l'ensemble des tarifs de péage.

En un peu moins d'un an et demi, nous avons installé près de 500 bornes à haute puissance sur les réseaux du groupe Sanef. Ces bornes font l'objet de sous-concessions dont le repreneur aura l'obligation d'adapter le nombre de bornes en fonction du taux d'occupation.

Pour ce qui concerne les poids lourds, le règlement européen sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs (Afir) rendra prochainement obligatoire l'installation de bornes de recharge. Les concessionnaires ne pourront pas prendre en charger seuls les lourds investissements qui s'imposeront - cela nécessitera non seulement la création d'aires de service spécifiques, mais aussi la fourniture de volumes d'énergie importants -, d'autant que ces investissements devront s'inscrire dans un schéma directeur global.

Si le développement du véhicule électrique a pu commencer en milieu urbain sur de petites distances et avec des temps de chargement longs, il n'en est pas de même pour les poids lourds. Je ne connais pas la solution, mais je peux vous dire que le groupe Sanef a été l'un des premiers concessionnaires autoroutiers à prendre attache avec les services de l'État pour anticiper les conséquences de ce règlement européen.

L'autosolisme a également été évoqué. C'est l'un des grands enjeux pour le périurbain. L'avenant que nous avons signé en janvier prévoit des investissements dans des pôles d'échanges multimodaux de manière à permettre le passage de modes de transport individuels à des modes de transport collectif sur de grands parkings de covoiturage.

Nous sommes par ailleurs les premiers à avoir effectué la conversion d'une autoroute - l'A13 - en flux libre, qui permet des gains de temps, mais aussi d'argent et de carburant.

La décarbonation passera par un ensemble de mesures, et nous devons trouver les moyens de réaliser ces investissements maintenant, sans attendre la fin des concessions. Cela suppose de construire des partenariats entre les concessionnaires et l'État. Je tiens d'ailleurs à préciser que si des déséquilibres ont pu être pointés dans le passé - les avenants à nos contrats sont du reste désormais soumis à l'ART puis au Conseil d'État -, nous avons une relation de travail de bonne qualité avec les services de l'État.

En tout état de cause, nous ne construirons pas l'avenir en opposant les actionnaires et les usagers. Je ne veux pas m'étendre sur le sujet car la Sanef n'est pas concernée, mais la surrentabilité qui est reprochée à certains groupes tient davantage à la variation des taux d'intérêt qu'au trafic. Si les taux d'intérêt avaient doublé depuis la privatisation, l'IGF n'aurait sans doute pas produit un rapport pour alerter sur des rentabilités trop faibles.

J'en viens aux modèles de concessions. Le groupe Albertis exploite des concessions dans le monde entier, et parfois de manière beaucoup plus encadrée qu'en France, par exemple au Chili ou en Italie, où il existe des clauses de revoyure tous les 5 ans. Il est tout à fait possible de concilier la qualité de la gestion privée, un transfert de risque raisonnable et des clauses de revoyure plus rapprochées.

Il faut certes réinventer le modèle des concessions, tout ne n'obérant pas l'avenir. Il reste un outil efficace qui doit être utilisé au maximum pour faire face aux enjeux de décarbonation.

J'ajoute que la signature de l'État doit être fiable. Vous avez évoqué la hausse de la taxe d'aménagement du territoire. Le groupe Sanef étant engagé dans un contentieux à ce sujet, je n'en dirai qu'un mot. Nos contrats comportent une clause de stabilité de la fiscalité spécifique que l'État est tenu de respecter. En 2015, le gel des tarifs autoroutiers, décidé par la ministre de l'écologie de l'époque, a constitué une grave entorse aux contrats. Si nous voulons attirer des investisseurs étrangers dans le cadre d'une mise en concurrence à l'horizon 2030, il faut que l'État respecte ses engagements contractuels.

Dans le monde entier et depuis les années 1950 en France, le développement des infrastructures est financé par de la dette. Dans les années 1990, la dette des autoroutes avait atteint le même niveau que celle de la SNCF. Grâce au modèle des concessions, et quoi qu'il en soit du taux d'intérêt, nous rendrons à la fin de la concession des sociétés autoroutières libres de toute dette alors que lorsqu'elles étaient fortement endettées lorsque nous les avons reprises en 2006. C'est l'un des grands avantages de la concession, qui comme je l'ai indiqué, est un modèle vertueux.

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