J'ai moi aussi fluctué sur ce sujet - je l'ai admis en préambule - et je n'ai donc pas le sentiment d'avoir été spécialement dur.
Les problèmes que nous évoquons et dont nous partageons le constat n'appellent pas, à mon sens, une réponse constitutionnelle. La synthèse souhaitée récapitulant les transferts financiers de l'État figure dans un rapport annexé au PLF de l'année qui, depuis la réforme de la LOLF de 2021, donne lieu à un débat en amont de son examen dont nous pouvons mieux nous saisir. Les lois de programmation, que nous n'utilisons pas suffisamment, nous permettent en principe déjà de donner une vision pluriannuelle. Quant à ces nouvelles lois de financement, elles seraient avant tout source de contraintes.
L'examen en loi de finances des mesures relatives aux collectivités territoriales est certes quelque peu éclaté. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente 4,4 des 107 milliards d'euros de financements destinés aux collectivités : à l'évidence, nous sommes un peu à l'étroit dans ce costume...Néanmoins, l'expérience montre que l'examen de cette mission dans notre assemblée permet déjà un débat assez large sur le sujet.
Ce dont nous avons besoin, c'est plutôt d'une nouvelle gouvernance.
L'État intervient directement, et assez fréquemment, auprès des collectivités par la voie de la contractualisation. Le Parlement a de facto perdu son pouvoir en la matière et se trouve trop souvent en position de valider les accords négociés bilatéralement sans vision d'ensemble. Nous avons donc besoin d'un nouvel espace de discussion entre le Gouvernement, les assemblées parlementaires et les associations d'élus : nombre de nos voisins ont déjà opté pour cette solution, même si ce sont souvent des États fédéraux. C'est d'autant plus important que le recours à la fiscalité partagée est désormais accru.
Car en effet, en parallèle, force est de constater que notre système de fiscalité locale est manifestement à bout de souffle et exige lui-même exige un vaste travail de refondation. Comme le suggère Marc Laménie, la notion d'autonomie financière a été conçue il y a une vingtaine d'années, dans un contexte totalement différent. Elle n'a plus le même sens aujourd'hui, dans un contexte où l'autonomie financière s'est considérablement érodée.
D'un point de vue intellectuel, les services de Bercy, la direction générale des collectivités locales (DGCL) comme les universitaires spécialistes du sujet que nous avons entendus admettent la nécessité d'une nouvelle gouvernance. Mais dans la pratique, sur le plan institutionnel, Bercy et, dans une moindre mesure, la DGCL se satisfont assez bien de la situation actuelle. C'est donc à nous de porter le fer.
Vous m'avez également interrogé sur l'enjeu du recours aux indicateurs de charges réelles dans la répartition des dotations et fonds de péréquation. Dans le cadre de nos fonctions de rapporteurs de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le président Raynal et moi avons, je le disais, examiné avec intérêt la notion de « standard de charges » appliquée en Italie. Certes, on ne saurait contraindre les collectivités territoriales en leur disant exactement ce qu'elles doivent dépenser : ce serait porter atteinte à leur libre administration.
Dans un contexte où le financement des collectivités repose désormais davantage sur les dotations et la fiscalité partagée, qui s'apparente de plus en plus à une dotation, se pose la question de la bonne répartition de ces ressources. Or aujourd'hui, le calcul de la dotation globale de fonctionnement repose beaucoup sur des montants de dotations historiques sédimentées devenues souvent sans rapport avec la réalité pratique des charges auxquelles font face les collectivités territoriales, qui dépendent pour beaucoup des caractéristiques de leur territoire.
En prenant pour base les charges réelles constatées sur le territoire objectivées, on pourrait, à l'inverse, imaginer une sorte de « Smic » par compétence pour les collectivités territoriales, lequel constituerait une base pour le calcul des dotations.
Le partage des compétences n'étant pas harmonieux dans l'ensemble du pays, une telle perspective imposerait de s'écarter de la répartition communale au profit de la notion de territoire. Mais, dès lors, une forme de transparence serait opérée sur le fait que la même compétence n'est pas exercée partout de la même manière et au même coût ; c'est sans doute pourquoi cette solution ne plaît pas à tout le monde.
Beaucoup pensent qu'un comité des finances locales (CFL) élargi, aux prérogatives accrues, serait à même d'exercer cette nouvelle gouvernance. Quant au « grand soir » de la fiscalité, beaucoup l'attendent ; d'autres sont un peu moins pressés, pour des raisons que l'on devine.