Faut-il réformer le code de procédure pénale ? Certainement. Nombre de dispositions sont devenues au fil du temps peu cohérentes ou lacunaires, d'où un problème de lisibilité de la loi et, partant, de respect de la prééminence du droit, fondement d'un État de droit démocratique. Il ne saurait dès lors être question de travailler à droit constant : toute modification de la lettre d'un texte peut avoir une incidence sur son contenu.
Une simplification est-elle nécessaire ? Sans doute, s'il s'agit de procéder à des clarifications, de supprimer les incohérences et de combler les lacunes. Mais il convient d'être prudent avec ce terme : d'une part, la simplification ne peut pas être une fin en soi ; d'autre part, l'expression a été employée à de nombreuses reprises antérieurement. La procédure pénale est, par définition, instable et complexe, puisqu'elle tend à établir un équilibre entre les pouvoirs de l'État et les droits des personnes.
Que faut-il attendre d'une telle réforme ? Il convient d'avancer avec délicatesse. Les juristes sont fatigués de devoir s'adapter en permanence à un ordre juridique mouvant.
Six réformes assez rapidement réalisables sont souhaitables : premièrement, la modification des conditions de nomination et de poursuites disciplinaires des membres du ministère public, afin de les rapprocher de celles des juges du siège ; deuxièmement, le recentrage des missions du parquet sur la direction des enquêtes et la poursuite ; troisièmement, la suppression des freins mis à l'avertissement pénal probatoire ; quatrièmement, l'insertion dans le code d'un corps de règles générales relatives à l'administration de la preuve ; cinquièmement, le renforcement du statut de témoin assisté, afin que l'audition sous ce statut devienne la règle ; sixièmement, l'arrêt du mouvement tendant à supprimer progressivement la participation des citoyens au jugement des affaires criminelles, participation qui est quasiment la seule occasion donnée aux citoyens de prendre conscience de la complexité de l'acte de juger.
Trois modifications envisagées dans le plan présenté au mois de janvier sont inopportunes : premièrement, la simplification des cadres d'enquête, car l'existence de trois cadres d'investigation répond à une exigence de proportionnalité de la réponse étatique ; deuxièmement, l'autorisation des perquisitions nocturnes par le juge des libertés de la détention (JLD) pour tous les crimes, mesure qui remettrait largement en cause l'inviolabilité du domicile pendant la nuit sans que les contreparties soient connues ; troisièmement, la prolongation du délai de la comparution à délai différé, qui ressemble à une fuite en avant.
Une réflexion sur une réforme plus ample me semble inévitable à terme. Dans notre système pénal, le centre de gravité du procès se situe dans la phase préparatoire, la France faisant partie des rares pays de l'Union européenne à avoir encore une instruction. Lors des négociations en vue de la création d'un parquet européen, notre pays a accepté que le modèle accusatoire désormais dominant en Europe s'applique sur son territoire. Plutôt que d'attendre la mort lente du juge d'instruction ne serait-il pas sage de concevoir une phase préparatoire réduite aux enquêtes dirigées par le parquet sous le contrôle d'un juge des libertés devenu juge de l'enquête ? Cela nécessiterait que l'on augmente le nombre des magistrats du ministère public et que le JLD soit spécialisé en matière pénale et pourvu des moyens de toute nature pour devenir un véritable juge de l'enquête exerçant en toute indépendance. Les prémices d'une telle réforme s'observent. Cela pourrait redonner au juge toute sa place dans la phase préparatoire du procès pénal.