Le code de procédure pénale devient de plus en plus complexe, illisible et très peu praticable. Je suis évidemment pour une réforme, mais pas pour une réforme par ordonnance, qui ne parviendra jamais à résoudre tous les problèmes.
Je ne suis pas du tout optimiste. Même si l'on arrive finalement à procéder à une réécriture dans le sens d'une simplification, le code de procédure pénale sera, dans quelques années, aussi volumineux qu'auparavant, ne serait-ce que parce que le législateur français est tenu de transposer des textes supranationaux. La procédure pénale est la cible de toutes les évolutions jurisprudentielles, qu'il s'agisse du Conseil constitutionnel, avec les QPC, ou des cours européennes, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) comme la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Le législateur sera toujours obligé de réagir, et le code de procédure pénale sera donc toujours volumineux.
Je suis d'autant moins optimiste que l'on n'a de cesse, malgré tout ce qui est indiqué, d'élargir les pouvoirs du parquet ; c'est encore le cas dans l'avant-projet de loi. Le législateur méconnaît constamment le principe de la séparation des fonctions de poursuivre et de juger. Le parquet se trouve investi d'un véritable pouvoir de sanctionner. Il a donc un pouvoir quasi juridictionnel. Il faut réfléchir sur la répartition des rôles de principaux acteurs dans la phase préalable au jugement.
Actuellement, le JLD a très peu de pouvoirs, tout simplement parce qu'il n'a pas le suivi du dossier de la procédure. Il intervient de manière occasionnelle à la suite d'une réquisition du magistrat du parquet. A-t-il le temps de réagir ? À ma connaissance, on ne l'a pas vu souvent aller dans le sens contraire du parquet. Il faut faire du JLD un véritable juge de l'enquête chargé du suivi de l'affaire du début à la fin. La phase de l'enquête est déterminante pour l'orientation du procès pénal. Il faut à tout prix sauver l'équilibre entre le parquet et le siège.
Il faudrait que ce juge puisse intervenir uniquement dans le domaine pénal, ce qui suppose de lui retirer les fonctions en matière civile et administrative. Il me paraît irréaliste de continuer à lui confier des attributions tout en lui demandant d'être un juge non spécialisé en matière civile et administrative.
L'indépendance des magistrats du parquet demeure une question d'actualité. J'ai été déçue des propositions issues des États généraux de la justice, qui ne vont pas dans le sens d'une indépendance totale de magistrats, sous prétexte que la politique pénale est définie et déterminée par le Gouvernement. Mais le Gouvernement pourra toujours continuer à déterminer la politique pénale si l'on donne une indépendance statutaire aux magistrats du parquet en alignant leur statut sur celui des magistrats du siège. Et pourquoi ne pas réfléchir à la création d'une entité purement juridique à la tête du parquet qui pourrait toujours faire le lien entre le Gouvernement et le ministère public ? Je reconnais que nous avons besoin d'une harmonisation dans l'application de la loi pénale pour respecter les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
La simplification ne devrait en aucun cas s'effectuer au détriment de l'équilibre de droits des parties dans le procès pénal, au détriment de principes directeurs du procès pénal ou au détriment des droits qui sont constitutionnellement et conventionnellement garantis.
Je suis contre l'unification des cadres d'enquête. Certes, je suis d'accord pour rendre cette partie de la procédure pénale plus lisible, en y inscrivant de manière claire le régime et les règles communes. Mais il faut laisser la distinction entre l'enquête de flagrance et l'enquête préliminaire. Les personnes qui formulent des propositions sur le sujet ne connaissent visiblement pas l'historique de nos textes, ce qui est regrettable. L'enquête de flagrance a toujours justifié des règles particulières ; le droit français s'est inspiré du droit romain, de l'ordonnance criminelle de 1670. L'enquête de flagrance comme l'enquête préliminaire sont soumises à des critères propres, avec des conditions d'application définies par la jurisprudence. En plus, les règles de déclenchement ne sont pas identiques. Faisons attention à une « simplification » qui pourrait finalement avoir des conséquences sur l'efficacité des investigations. D'ailleurs, le passage d'une enquête préliminaire à une enquête de flagrance est possible ; la jurisprudence a bien fixé les choses à cet égard.
Je suis pour la généralisation du statut de témoin assisté. Il faut bien le définir et le séparer du statut de mis en examen.
J'attire également votre attention sur le fait que la banalisation des perquisitions nocturnes risque de ne pas résister aux foudres du Conseil constitutionnel.
Il faut éviter le recours à la visioconférence, fût-ce au nom de la simplification. Le Conseil constitutionnel s'est montré sensible à la présence physique de personnes notamment s'agissant d'actes attentatoires à la liberté individuelle.
La question des procédures de convocation par procès-verbal, de comparution immédiate et de procédure de comparution à délai différé me tient à coeur. Je suis contre tout ce que je lis dans l'avant-projet de réforme du code de procédure pénale. On est en train de confier des pouvoirs exorbitants aux magistrats du parquet, qui donne l'orientation du procès pénal. Le juge d'instruction est déjà affaibli, et on renforce encore les pouvoirs du procureur.
Je ne suis pas contre le remplacement de la détention provisoire par l'assignation à résidence avec surveillance électronique, mais il faut séparer cette mesure de l'assignation à résidence avec surveillance électronique dans le cadre du contrôle judiciaire. Je suis contre cette incarcération provisoire, qui n'a aucun sens, pour vérifier la faisabilité technique de la pose du bracelet.