Faut-il réformer le code de procédure pénale ?
Pour répondre à cette question, nous devons d'abord, me semble-t-il, nous interroger sur les objectifs d'un tel code. À mon sens, ils sont de deux ordres. Un code de procédure pénale est d'abord un code technique à destination des professionnels ; il doit donc être clair et précis. Mais c'est aussi un code politique, un code des libertés, à destination des citoyens, qui doit marquer un équilibre entre la sécurité et les libertés, entre l'ordre public et le respect des droits fondamentaux. Actuellement, le code de procédure pénale ne remplit ni ses objectifs techniques ni ses objectifs politiques.
D'abord, c'est un code ancien. Certes, ce n'est pas critiquable en soi. Mais la numérotation est ancienne, ce qui soulève des difficultés lorsque les réformes s'enchaînent ; certains articles sont totalement illisibles et impossibles à mémoriser. Le plan d'ensemble est ancien ; il ne montre pas, par exemple, que le code de procédure pénale est aussi un code des preuves. Et on note une absence de prise en considération des principes directeurs de la procédure pénale ; certains principes, comme la loyauté de la preuve, n'y figurent même pas.
Ensuite, c'est un code incomplet. La procédure pénale est l'oeuvre non seulement du législateur, mais aussi, pour une large part, de la jurisprudence. Par définition, un code s'enrichit, ne serait-ce que compte tenu des nouvelles techniques d'enquête : perquisitions informatiques, géolocalisation, etc.
Enfin, c'est un code émietté. Cela a également été souligné, il y a un émiettement de la procédure pénale, en raison notamment des procédures spéciales. Il y a donc non pas un, mais des codes de procédure pénale. La règle de droit commun devient presque exceptionnelle et dérogatoire par rapport à toutes les procédures spéciales ; c'est un problème. Je pourrais également évoquer l'émiettement du droit de l'exécution des peines, avec une forte juridictionnalisation. Je pense que l'on pourrait presque en faire un code à part.
Le garde des sceaux a dit qu'il était nécessaire de simplifier et de moderniser le code de procédure pénale. Je n'aime pas le terme de « simplification », que je trouve dangereux dans une société démocratique : quand on simplifie, on ampute, en s'exposant d'ailleurs à des condamnations par le Conseil constitutionnel ou la CEDH.
Je préfère donc parler de « rationalisation ». Outre la numérotation, que j'ai déjà évoquée, une véritable réflexion sur les principes directeurs de la procédure pénale s'impose.
Mais il est des questions plus fondamentales que je ne vois pas apparaître dans le discours du garde des sceaux, qui aborde exclusivement des aspects très techniques. Les questions de la juridictionnalisation de l'enquête et de la place du ministère public sont tout de même fondamentales.
La France s'était engagée à admettre le principe de la procédure qui est la plus communément admise dans d'autres pays : un ministère public agissant et un juge qui contrôle les actes d'enquête. Or nous n'y sommes pas encore. Le JLD n'est pas un juge à part entière ou une juridiction. Et puis, la question du ministère public, à la fois partie au procès et garant des libertés individuelles en tant que membre de l'autorité judiciaire au titre de l'article 66 de la Constitution, n'est pas réglée.
Dans son discours, le garde des sceaux parle de codification à droit constant, mais il n'évoque pas de véritables réformes structurelles de la procédure pénale.
Il est envisagé de permettre aux enquêteurs, sur autorisation du JLD, de procéder à de telles perquisitions de nuit. Une telle dérogation à une disposition classique du code de procédure pénale, l'article 59, me pose question. L'inviolabilité du domicile a tout de même été consacrée par la Révolution française. Elle a été reprise par le Conseil constitutionnel. Je pense qu'une telle mesure soulèverait un problème de constitutionnalité, voire de conventionnalité.