Intervention de Valérie Mancret-Taylor

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 27 mars 2023 à 15h00
Audition de M. Thierry Repentin président et Mme Valérie Mancret-taylor directrice générale de l'agence nationale de l'habitat anah

Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l'Anah :

L'Anah intervient dans le cadre de l'habitat privé uniquement. La politique de rénovation énergétique connaît de profondes évolutions depuis une dizaine d'années. Grâce au programme « Habiter mieux », plus de 600 000 rénovations globales ont pu être financées, dont 176 000 ces trois dernières années sous une nouvelle appellation, MaPrimeRénov' Sérénité.

MaPrimeRénov' a marqué un basculement, en transformant un crédit d'impôt en aide directe. En 2020, elle était essentiellement centrée sur les ménages modestes et très modestes. Depuis début 2021, elle est ouverte à tous les propriétaires occupants et copropriétaires quelles que soient leurs ressources et, depuis l'été 2021, à tous les propriétaires bailleurs.

En trois ans, l'Anah comptabilise plus de 1,5 million de ménages accompagnés, soit plus de 7 milliards d'euros d'aides versées et 21 milliards d'euros de travaux générés grâce à ces aides publiques. Ces résultats montrent le chemin parcouru, mais il est encore en construction. Cette politique publique est jeune et connaît des évolutions. Ainsi, par exemple, l'inflation est désormais prise en compte.

La prise de conscience des citoyens est réelle : ils sollicitent très fortement nos aides. Soulignons aussi l'action des territoires. Les élus locaux s'engagent de plus en plus dans des politiques locales en faveur de l'habitat privé notamment.

Cette politique publique s'inscrit dans un temps long.

Le dispositif « Mon Accompagnateur Rénov' » est entré en vigueur le 1er janvier de cette année. Des équipes de suivi et d'animation sont désignées par les collectivités territoriales, ou se trouvent dans les espaces de conseil France Rénov'. D'ici quelques semaines, nous ouvrirons l'agrément, de façon à démultiplier le nombre d'accompagnateurs sur le territoire. L'objectif est que les ménages aient confiance, afin de s'engager dans des travaux.

La politique de rénovation énergétique concerne 20 millions de ménages, de toutes catégories socioprofessionnelles. Ils se posent de multiples questions. C'est pourquoi il est très important de les faire bénéficier d'un diagnostic solide et de les mettre en contact avec des entreprises de qualité.

Un travail important a été mis en place depuis plusieurs années pour faire converger l'ensemble des aides existantes, c'est-à-dire aligner leurs critères d'attribution, sur la base d'un même objectif, pour un reste à charge le plus faible possible.

Vous m'avez interrogée sur la fraude et l'escroquerie. Il est nécessaire de distinguer les deux. La fraude est très organisée : elle désigne l'usurpation d'identité d'usagers et d'entreprises, entrée dans les systèmes d'information et les plateformes de demandes d'aides publiques. L'escroquerie en revanche concerne des entreprises conduisant des ménages à demander des subventions plus élevées que ce qui correspond aux travaux effectués dans le logement.

L'Anah versant des subventions extrêmement importantes, elle lutte contre la fraude via un plan de contrôle et de maîtrise des risques. Nous effectuons un contrôle sur pièces systématique de l'ensemble des dossiers et sur place de 10 % des dossiers, avant le versement de la subvention. Nous sommes amenés dans certains cas à augmenter nos contrôles, lorsque nous observons des dérives.

Nous participons au groupe de travail de la mission de coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments, dont M. Simon Huffeteau a dû vous parler.

Nous sensibilisons aussi les ménages, par des campagnes de communication. Nous rappelons que l'Anah ne fait jamais de démarchage, et qu'il n'est jamais nécessaire de se précipiter pour signer un devis. Il faut au contraire prendre le temps de réfléchir avant de s'engager dans des travaux sur son patrimoine.

Nous avons renforcé nos contrôles depuis l'été 2022, après avoir relevé des fraudes et escroqueries sur certains équipements. Cela a allongé des délais de paiement, sur lesquels nous avons communiqué à l'automne dernier, en fin d'année, et plus récemment.

Vous m'avez interrogée sur les propos d'Emmanuelle Wargon, selon laquelle le nombre d'artisans qualifiés stagne à plus ou moins 10 % ou 15 % de son niveau potentiel. Il est difficile de partager cette analyse. Nous sommes convaincus que la rénovation énergétique est l'affaire de tous. Il faut une aide de l'État de qualité, d'autres aides, mais aussi un réseau bancaire capable de permettre à tous les ménages d'accéder à des prêts, et des entreprises de qualité. La Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et la Fédération française du bâtiment (FFB) sont plutôt confiantes. Le nombre de dossiers déposés à ce jour suit les tendances des deux années précédentes et les entreprises ont la capacité d'y répondre. En revanche, l'appareil économique mériterait un examen approfondi -la Capeb et la FFB seront plus à même de vous répondre.

L'Anah est financée annuellement par le budget de l'État. Le budget de l'Anah a été multiplié par plus de cinq, pour répondre à la mise en place des politiques locales de l'habitat, et à la demande de subventions pour rénover les logements. Ce budget est de 4 milliards d'euros par an, dont 2,5 milliards d'euros pour MaPrimeRénov' par geste, et 1,5 milliard d'euros dédiés aux aides à la pierre. Le nombre d'opérations programmées, contractualisées entre l'Anah et les collectivités territoriales, ne fait qu'augmenter. L'Anah et l'État prennent, avec les collectivités territoriales, des engagements pluriannuels, sur de l'aide aux travaux et de l'ingénierie.

Depuis 2019, l'État renouvelle sa confiance à l'Anah en augmentant son budget. Il nous donne des moyens de fonctionnement et d'investissement. Nous augmentons nos effectifs de plus de 30 équivalents temps plein (ETP) chaque année. D'une centaine de collaborateurs en 2018, nous passerons à 250 fin 2023.

Mais on ne peut pas se limiter aux moyens de l'agence. Il faut aussi regarder les moyens des collectivités territoriales et des services déconcentrés de l'État.

Les prestations de conseil réalisées par des cabinets auprès de l'Anah sont de natures différentes. Nous avons sollicité Capgemini pour nous accompagner dans la mise en place d'un nouveau système d'information et d'un nouveau système d'instruction. En effet, 25 000 décisions sont prises chaque semaine sur MaPrimeRénov' dont la moitié relève d'engagements, c'est-à-dire des subventions, et l'autre moitié de paiements, après réalisation de travaux. Nous avons fait appel à Capgemini pour nous aider à élaborer une feuille de route sur le développement de notre système d'information, la construction de notre plateforme et l'ensemble des process. Capgemini est intervenu dans le cadre des marchés publics de l'État.

Nous avons aussi mis en place une relation usagers. Nous recevons 8 000 appels par jour, dont le taux de décroché oscille entre 85 % et 90 % depuis deux ans. Nous sommes « APIsés », c'est-à-dire que notre plateforme a des liens avec d'autres plateformes telles que celles de l'Ademe (Agence de la transition écologique) ou de la DGFiP, ce qui peut engendrer des problèmes lors de mises à niveau.

Les cabinets de conseil nous apportent une expertise sur des domaines très spécifiques, dans un contexte d'objectifs de résultats. Je veux rappeler qu'il n'y a jamais eu d'interruption de service de MaPrimeRénov', qui fonctionne 365 jours par an.

Nous avons transmis l'ensemble de nos données à la commission d'enquête sénatoriale sur le rôle des cabinets de conseil, il y a un an, mais nous restons à votre disposition.

Enfin, les missions que nous confions à Capgemini sont extrêmement techniques, dans un contexte de très forte tension du marché des compétences en informatique. L'apport de ce prestataire est tout à fait précieux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion