Intervention de Valérie Mancret-Taylor

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 27 mars 2023 à 15h00
Audition de M. Thierry Repentin président et Mme Valérie Mancret-taylor directrice générale de l'agence nationale de l'habitat anah

Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l'Anah :

Vous mettez le doigt sur l'enjeu de la confiance des ménages dans les travaux exécutés. Une des réponses, c'est Mon accompagnateur Rénov'.

En matière d'aides à la pierre, l'accompagnement est obligatoire depuis l'origine. Pour MaPrimeRénov', il est optionnel - et peu utilisé. En application de la loi « Climat et résilience » et du décret paru en fin d'année dernière, l'obligation d'accompagnement va s'étendre à toutes les opérations un peu ambitieuses.

De fait, le tiers de confiance est indispensable pour garantir un travail conforme à la prescription initiale et au devis.

Vous m'avez interrogée sur la rénovation globale. En la matière, la Cour des comptes fait état de 2 200 dossiers par an : ce chiffre ne porte que sur l'aide versée au niveau national, donc les forfaits sollicités par les ménages de catégories intermédiaire et supérieure ; il n'inclut ni MaPrimeRénov' Sérénité ni MaPrimeRénov' Copropriétés. En réalité, depuis trois ans, 176 000 dossiers ont été traités - et depuis 2011, plus de 600 000.

Pour bénéficier de ces subventions, les ménages doivent réaliser un gain énergétique d'au moins 35 % ; en moyenne, le saut constaté est de 50 %.

Le président de l'Anah a parlé de cette rénovation globale, « une fois une seule », comme du parcours idéal. C'est en effet la démarche que l'on peut souhaiter pour l'ensemble des ménages du parc privé. Néanmoins, elle n'est pas toujours possible, notamment du fait d'un reste à charge substantiel - même compte tenu d'éventuels certificats d'économies d'énergie (CEE). De ce point de vue, la complémentarité entre l'aide de l'État et les aides des collectivités territoriales fait la différence. Par ailleurs, certains ménages ne souhaitent pas s'engager dans une rénovation globale, qui représente parfois plusieurs mois de travaux : ils préfèrent une démarche par étapes. Il est important que les deux parcours soient proposés.

La décision d'entreprendre une rénovation globale dépend donc des aides financières - nationales, locales et liées aux CEE -, de l'appétence du ménage, de l'accompagnement qui lui est proposé et de l'existence d'un réseau d'entreprises de qualité et de confiance. Or l'artisanat dans le secteur du bâtiment est éparpillé et compte très peu d'entreprises générales accessibles aux petits particuliers. L'accompagnement permet une coordination des différents corps d'état, mais la coordination doit aussi s'organiser en leur sein, au niveau des entreprises, pour que l'offre de rénovation globale soit démultipliée et efficace en temps - rappelons que le logement est occupé le temps des travaux.

Le premier objectif de cette politique publique est la décarbonation. L'année dernière, 60 % des aides de MaPrimeRénov' ont concerné un changement de chauffage et 20 % des travaux d'isolation ; cette dernière proportion progresse, mais reste insuffisante. Idéalement, il faudrait des réseaux organisés au niveau territorial qui se renvoient les ménages pour bien les conseiller. Ainsi, constatant qu'une demande risque de ne pas être performante pour le logement considéré, un artisan devrait pouvoir renvoyer le ménage vers un espace conseil France Rénov'. Créer des liens entre les acteurs : tel est l'objectif que nous visons à travers le réseau France Rénov'. Il s'agit de s'assurer que les professionnels correspondent entre eux et convergent pour offrir au ménage le meilleur parcours possible.

La Défenseure des droits a signalé un certain nombre de situations difficiles : 500 dossiers sur 25 000 décisions hebdomadaires, dont la moitié étaient déjà résolus au moment de l'annonce publique de la Défenseure des droits. Nous sommes en contact avec ses délégués territoriaux et résolvons les dossiers au fur et à mesure.

Pour autant, ces 500 dossiers en difficulté sont 500 dossiers de trop. Nous avons donc mis en place une équipe dédiée, qui, dès qu'il y a signalement, prend en charge le ménage et le replace dans un parcours normalisé, ce qui peut être compliqué - blocage informatique ou incompréhension sur la pièce que nous attendons dans le cadre d'un contrôle renforcé.

Nous avons mis en place plusieurs outils demandés par la Défenseure des droits - qui étaient déjà en cours de réalisation : dossier de régularisation, accès au compte sécurisé par FranceConnect, fonctionnalités pour annuler une demande et demander une prorogation de dossier.

L'ensemble des observations de la Défenseure des droits ont été prises en compte.

S'agissant des avis de dégrèvement, ils n'étaient pas pris en compte dans les fonctionnalités mises à notre disposition par la DGFiP pour vérifier l'identité fiscale du demandeur. Depuis le 1er janvier dernier, grâce à une nouvelle interface de programmation d'application, ces avis sont automatiquement pris en compte, ce qui nous simplifie fortement la tâche. Les avis qui étaient en attente sont régularisés ou en voie de l'être.

Le service public France Rénov', en place depuis le 1er janvier 2022, regroupe les espaces conseil France Rénov' et les équipes de suivi-animation des opérations programmées d'amélioration de l'habitat et des programmes d'intérêt général ; il couvre aujourd'hui 98 % du territoire, au moyen d'espaces fixes ou, dans les secteurs ruraux, déambulants - souvent selon les jours de marché. L'Anah anime ce service public avec le souci de rapprocher deux cultures qui étaient très différentes : rénovation énergétique d'un côté, amélioration de l'habitat de l'autre. Nous voulons que tous les accompagnateurs de terrain travaillent dans cette double logique : la décarbonation comme premier geste, l'amélioration de l'habitat comme objectif principal à terme.

Le nombre de conseillers France Rénov' est passé d'un peu moins de 1 000 en 2019 à plus de 2 200 aujourd'hui ; le nombre d'Opah et de PIG de 700 à 950. L'engagement des collectivités territoriales en faveur des politiques de l'habitat privé a fortement augmenté au cours des trois dernières années.

Je ne pense pas que la complexification vienne de la plateforme France Rénov', qui regroupe les services existants. En revanche, il y a une évolution régulière des aides, pour correspondre de plus en plus aux attentes des ménages. La complexification vient plutôt de là.

Dans les chiffres nationaux, on ne voit qu'une progression des demandes d'aides. Pas d'effondrement, donc, ni sur MaPrimeRénov', ni sur MaPrimeRénov' Sérénité, ni sur MaPrimeRénov' Copropriétés. En revanche, nous sommes très attentifs aux effets de l'inflation, qui renchérit les travaux et pourrait entraîner des questionnements plus profonds chez les ménages avant de s'engager dans une démarche de travaux.

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