Intervention de Thierry Malbert

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 9 février 2022 : 1ère réunion
Table ronde en commun avec la délégation sénatoriale aux outre-mer sur les actions de soutien à la parentalité dans les outre-mer

Thierry Malbert, directeur scientifique de l'Observatoire de la parentalité de La Réunion :

Je pense qu'il faut prendre en compte la cellule familiale dans tout son exercice. Nos travaux de recherche en anthropologie de la parenté nous permettent d'affirmer que les liens de parenté sont un des coeurs de nos sociétés. Claude Lévi-Strauss le disait, Maurice Godelier l'a contredit en parlant du religieux ou du politique, mais les liens sociaux demeurent, surtout dans les outre-mer où la précarité et le taux de chômage sont forts. Il est important de comprendre que, pour les individus, être parent est déjà un statut valorisant. Nous devons tirer parti de la valorisation et de la reconnaissance de l'individu dans la famille, en allouant des financements à la recherche et à l'action sociale. Si je peux me permettre, le renforcement des compétences parentales doit être observé d'une manière globale et systémique. Je pense surtout à l'Éducation nationale. En quoi ne pourrions-nous pas influer au niveau des programmes scolaires des collégiens et lycéens pour y intégrer des cours sur l'éducation familiale ? Comment accompagner un enfant ? Quelle est votre vision de votre futur rôle de parent ? À quel moment avez-vous bénéficié de conseils, de modèles, en dehors de celui de vos parents ? Parfois, on grandit dans une monoparentalité qui se répète de génération en génération. Le modèle est tel qu'on a tendance à le reproduire, même si l'évolution est forte et que les influences extérieures sont aujourd'hui multiples avec la mondialisation. La parentalité pourrait tout de même être enseignée dans des formations dès le collège ou le lycée, dans les programmes d'éducation civique, par exemple. Les populations dans lesquelles la précarité de l'emploi est forte doivent être particulièrement ciblées. En cas de précarité, de stage ou d'emploi précaire, il est clair que certains individus usent de stratégies pour construire des familles. Nous les observons par le biais des aides sociales, parfois utilisées pour subvenir aux besoins du quotidien. Parfois, nous constatons un décalage entre l'affirmation de la cellule familiale en tant que famille monoparentale, et la réalité. Nous sommes évidemment très fiers que les familles isolées bénéficient d'aides et que la France perpétue ce système de l'après-guerre ; pourtant, il peut exister un écart avec la réalité. En effet, certains couples sont ensemble mais la place du père est disqualifiée. Il faut le dire. La monoparentalité est forte en outre-mer et peut être parfois attractive dès la première grossesse. Le père devient alors progressivement invisible, dans une stratégie de faibles revenus et de revenus de transferts, son nom n'est pas porté par l'enfant, il n'apparaît pas sur les papiers administratifs ou sur la boîte aux lettres. Il devient invisible, même s'il contribue au foyer. Lorsque le couple bat de l'aile, c'est lui qui se retire, ce qui crée une réelle famille monoparentale.

Ainsi, il est très important de comprendre le contexte social et sociétal pour adapter et prévoir. Ce sont des stratégies de survie et d'affichage. La monoparentalité explose, les chiffres nous le disent. Mais correspondent-ils à la réalité ? Ces problématiques des stratégies familiales pour survivre doivent alimenter nos réflexions quant aux questions portant sur le thème de l'égalité parentale et du maintien du lien parent-enfant.

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