Nous avons parlé de particularités, de singularités, de diversité. C'est un signe de richesse, bien sûr. À travers ces particularités se forme tout de même un faisceau commun qui transcende le territoire et nos particularismes, et qui dessine en quelque sorte un socle commun de compétences parentales. C'est celui-ci qu'il s'agit de matérialiser et de rendre visible et lisible pour disposer d'un référentiel et construire un programme de formation évoqué par plusieurs d'entre nous.
Vous avez également évoqué l'accessibilité aux services et aux droits. Il est possible de créer un guichet unique qui permettrait de centraliser les demandes diverses. Souvent, nous sommes confrontés à un effet boule de neige, où une difficulté en génère une autre. Nous devrions pouvoir orienter la personne en prenant en une seule et même fois ses doléances.
Par ailleurs, les services dématérialisés ont été évoqués plus tôt. À La Réunion, plusieurs expérimentations ont été menées, parmi lesquelles une itinérance de la Caf ou d'autres administrations qui se déplacent en bus pour toucher les populations les plus distantes et les plus fragiles. Cette pratique pourrait être diffusée et faire office de support pour accéder aux publics invisibles.
Enfin, malgré un arsenal de prestations bien fourni, de nombreux foyers monoparentaux peinent à faire face aux dépenses incompressibles, notamment en matière de logement. Nous remarquons aussi une pression administrative importante relative à l'actualisation de la situation, qui génère du stress, par peur d'oublier un élément, de se tromper, d'être contraint à rembourser, s'ajoutant à une charge mentale déjà élevée.
On parlait également d'horaires décalés, qui s'accompagnent d'un manque de solutions et de modes de garde adaptés, réellement problématiques pour les familles monoparentales. L'exercice de la co-parentalité est également difficile. Ici, il est nécessaire de renforcer le réseau de médiation familiale afin de réintégrer le père dans le système familial et de favoriser une parentalité apaisée. Des initiatives de médiation innovantes ont également vu le jour. Je pense notamment à la médiation par le rire ou par la nature. Ici, à La Réunion, une association vise à rapprocher les individus de la nature pour qu'ils s'expriment pleinement. Nous pourrions également profiter d'un temps d'accompagnement plus long, plus posé, permettant une approche plus qualitative. Nous sommes contraints dans nos structures respectives à une certaine rentabilité, à une obligation de résultat par nos financeurs. Or, cette rentabilité peut être contre-productive vis-à-vis de l'aspect qualitatif des accompagnements.
Pour ce qui est de la place du père, je pense que l'hypothèse du père légitime et de plein droit est à construire, et même à co-construire. La réflexion préalable doit nécessairement impliquer toutes les parties prenantes : la mère de l'enfant, les instances socialisantes (école, loisirs et cultures), les instances économiques...
Au sein de notre île, nous notons que le père souhaite prendre pleinement sa place dans l'éducation des enfants. Nous le voyons de plus en plus présent dans les crèches ou dans les associations de soutien à la parentalité, de plus en plus nombreuses. Pour autant, ces services ont été construits sur l'idée selon laquelle c'est la mère qui se charge des enfants. Nous devons ainsi déconstruire cette représentation et élargir cette visée dans une approche universaliste de la parentalité.
Lorsque nous leur demandons ce que signifie, à leur sens, le fait d'être père, ces derniers nous répondent qu'il s'agit avant tout d'être présents pour les enfants et la famille, de satisfaire les besoins, de subvenir aux besoins de la famille, de donner de l'amour, d'être à l'écoute, de communiquer le plus possible, de transmettre des valeurs humanistes, de participer aux loisirs, de conseiller, donner l'exemple et protéger. Pour leur permettre de mettre en oeuvre tout cela, nous devons créer des espaces d'écoute dans lesquels recueillir leur parole et faire fleurir de beaux projets.