Intervention de Stéphane Sajoux

Mission d'information Bâti scolaire — Réunion du 21 mars 2023 : 1ère réunion
Entreprises du bâtiment et du paysage — Audition de Mm. Stéphane Sajoux président du groupe performance énergétique de la fédération française du bâtiment ffb président de la ffb île-de-france est david morales vice-président la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment capeb en charge des affaires économiques et alain chouguiat directeur du pôle économique de la capeb et jean-marc delpeyroux membre de la commission technique l'union nationale des entreprises du paysage

Stéphane Sajoux, président du groupe Performance énergétique de la FFB :

En ce qui concerne la commande publique, je segmenterai ma réponse en deux parties : les dysfonctionnements actuels et les ajustements possibles pour encourager les petites entreprises à répondre aux appels d'offres.

En premier lieu, aujourd'hui, toutes nos entreprises ont des difficultés de trésorerie et la FFB s'est félicitée des ajustements mis en place pour la protection des entreprises en matière de commande publique : je mentionne ici l'introduction du seuil de 100 000 euros, le gel des pénalités, le relèvement à 30 % du seuil d'avance à la commande ainsi que les possibilités de révision de prix pour accompagner les entreprises confrontées à une augmentation du coût des matériaux. Nous avons donc une première base réglementaire solide pour les entreprises. Dans les faits, nous rencontrons cependant de gros problèmes de fonctionnement. En tant qu'entrepreneur et employeur de 100 personnes, j'ai attendu pendant six mois un acompte à la commande en raison de dysfonctionnements du portail Chorus Pro - obligatoire pour transmettre les factures électroniques aux entités publiques. La complexité des logiciels de gestion utilisés par certaines régions ou départements est aussi un problème. De nombreuses entreprises doivent faire face à des situations similaires : il peut s'écouler deux à trois mois avant de récupérer 50 000 ou 100 000 euros, voire plus. Il subsiste donc à l'évidence des dysfonctionnements concrets dans la commande publique : il ne faut pas les négliger, d'autant qu'ils ne correspondent pas à la volonté du Gouvernement d'aider les entreprises ni aux outils réglementaires qui sont en place et bien calibrés.

Il y a également des cas de dévoiement : dans la commande publique, la réglementation nous autorise à bénéficier d'indices de révision de prix pour gérer les fluctuations de coût des matériaux qui font souffrir les entreprises. Cependant, lorsqu'une entreprise générale ou de taille importante remporte un marché public assorti d'une clause de révision de prix, son sous-traitant ne peut pas bénéficier de cette protection car il signe un marché privé de second rang. C'est un vrai problème. C'est un effet de bord, mais qui ternit l'image de la commande publique pour les petites entreprises sous-traitantes et qui s'ajoute aux éventuels retards de paiement que ne contrebalance pas, aux yeux de certains entrepreneurs, la possibilité de réclamer des intérêts moratoires.

J'ajoute qu'un certain nombre d'aménagements particuliers pourraient être envisagés pour les travaux sur le bâti scolaire. Par exemple, les entreprises subissent des retenues de garantie pour couvrir le parfait achèvement des travaux. Cela génère des coûts importants pour les professionnels qui doivent demander des cautions aux banques avec des frais financiers qui, dans la situation actuelle, augmentent fortement. Il y aurait une étude à mener sur la possibilité de réduire de 5 % à 3 % ces retenues de garantie et faire en sorte que leurs conditions de délivrance, ainsi que les paiements du décompte général et définitif (DGD), qui clôt juridiquement et financièrement le marché à la fin du chantier, soient un peu plus rapides et automatiques.

Il faut également améliorer les conditions de paiement direct de certains sous-traitants qui interviennent ponctuellement sur un chantier global, par exemple pour remplacer les fenêtres ou poser une pompe à chaleur. Aujourd'hui, il serait opportun d'abaisser le seuil permettant à entreprises qui interviennent en second rang de bénéficier d'un paiement direct de la commande publique.

En résumé, s'il faut se féliciter des avancées prévues pour protéger les entreprises, il subsiste des difficultés sur le terrain. Enfin, à la marge, il reste encore quelques curseurs à pousser, en particulier pour diminuer le montant des cautionnements de retenues de garantie. Cela concerne la question du CPE.

Je signale enfin que si, dans la commande publique, on en venait à demander aux opérateurs locaux de passer des contrats de performance énergétique pour le moindre geste de travaux, ce serait la catastrophe car je ne vois pas comment les petites entreprises locales ou un maire devant exercer une petite maîtrise d'ouvrage vont pouvoir se plonger dans les OPEX (dépenses d'exploitation), CAPEX (dépenses d'investissement) ou ROI (retour sur investissement) : ce n'est pas réaliste. De plus, cela risquerait de centrifuger l'ensemble des opérateurs locaux capables de réaliser ces travaux. En effet, un contrat de performance énergétique impose de s'engager sur des résultats, pendant une durée importante qui n'est pas à l'échelle de temps de nos petites entreprises, en assumant le risque d'une consommation énergétique qui ne serait pas conforme aux prévisions initiales. Dans un tel schéma, seuls les assureurs ou les grandes sociétés de maintenance auront la surface financière et la visibilité globale nécessaires pour apporter cette garantie. Prenons garde, car les prix seront alors bien plus élevés et, s'agissant des opérateurs, ils vont de toute façon être obligés de venir les chercher chez nous. Au final, tout le monde risque d'y perdre. J'appelle donc à la vigilance sur le contrat de performance énergétique qui, il est vrai, peut être présenté comme un bon support pour financer les travaux par des économies d'énergie.

À mon sens, le tiers financeur peut aussi, dans ce domaine, apporter son appui pour expliciter les contrats de performance énergétique. Cela permettrait aux petits et grands maîtres d'ouvrage de bénéficier d'une expertise financière pour évaluer les retours sur investissement, sans avoir à confier cette tâche aux entrepreneurs dont le coeur de métier est d'appliquer les critères techniques permettant aux utilisateurs de bénéficier d'un bâtiment économe en énergie. Les utilisateurs doivent également être impliqués dans ce processus. Voyez ce qui se passe quand on achète une voiture électrique : tel utilisateur novice épuisera rapidement la batterie tandis que tel autre parviendra à couvrir beaucoup plus de kilomètres, à véhicule identique. On peut transposer cela aux travaux de rénovation énergétique.

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