Intervention de Hamid Oumoussa

Mission d'information Gestion de l'eau — Réunion du 29 mars 2023 à 14h00
Audition plénière de la fédération nationale de la pêche en france fnpf

Hamid Oumoussa, directeur général de la Fédération nationale de la pêche en France :

Les remises en cause peuvent aller dans les deux sens. De fait, si l'enjeu de la continuité écologique est considéré comme essentiel depuis la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, dite loi Lema, nos efforts sont contrecarrés par une contestation de ce principe, notamment au Sénat.

En voici une illustration : pour évaluer le potentiel de développement de l'hydroélectricité, d'excellentes concertations ont été menées de manière contradictoire, par bassin versant, pendant cinq ans, associant fédérations, État, collectivités, propriétaires de moulins... Malgré cela, un certain nombre d'associations sont venues au Sénat et à l'Assemblée nationale pour remettre en cause ce potentiel en avançant des études et des chiffres différents.

Nos fédérations s'inscrivent dans des protocoles liés aux retenues quand elles le jugent utile, par exemple quand il s'agit de favoriser une agriculture agroécologique ou quand le débit réservé négocié est plus élevé que celui prévu par la réglementation. Que le Gouvernement vienne les invalider ensuite est un problème.

La continuité écologique est une exigence ancienne. La réglementation date de la fin du XIXe siècle. Elle dispose qu'une échelle à poissons doit être prévue partout où un ouvrage est installé. La loi du 29 juin 1984 relative à la pêche en eau douce et à la gestion des ressources piscicoles n'a pas été mentionnée dans nos échanges jusqu'à présent, pourtant elle avait été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Elle a consacré législativement les notions de « débit réservé », vital pour le milieu naturel, et de « continuité écologique », vitale pour le peuplement piscicole. La loi du 30 décembre 2006 a transféré ces articles au sein du code de l'environnement.

L'installation d'énormes barrages a été accompagnée par nos structures. Elle répondait à l'enjeu de l'indépendance énergétique, de l'intérêt général et de l'activité économique. Cela n'a posé aucune difficulté : toujours, nous avons su rester à la table des négociations pour s'accorder grâce à une étroite collaboration des parties, sur les débits réservés, les échelles à poissons à aménager et pour proposer des solutions de suivi. Je tiens d'ailleurs à casser un mythe : les poissons ne peuvent pas franchir les ouvrages en sautant sur plusieurs mètres, saumon compris. Cette image est une totale fiction et la négation de notre travail au quotidien...

Entre 100 000 et 150 000 ouvrages de toutes natures barrent la continuité écologique. En 2006, les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale ont réalisé un travail remarquable au sujet des moulins : ils ont trouvé des compromis satisfaisants pour tout le monde permettant de lancer le plan national d'actions pour la restauration de la continuité écologique (Parce). À partir de 2012, le vent a tourné. Il y a eu une velléité de remettre en cause substantiellement la continuité écologique ; la seule contrepartie imposée aux moulins a été de respecter la loi... Depuis 2006, à chacune des grandes lois relatives à l'écologie, des amendements sur les moulins et la continuité écologique sont déposés au Sénat.

Humblement, nous estimons que le Parlement est allé trop loin dans les droits qu'il a accordés aux propriétaires de moulins puisque, au gré d'une loi, ces derniers ont été considérés comme exonérés du respect de la continuité écologique. Or comment justifier qu'un ouvrage d'accès à l'eau potable doive respecter cette exigence, mais pas un moulin ? Récemment, le Conseil d'État a jugé que cela contrevenait aux conventions internationales signées par la France. La loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a abrogé l'article L. 214-18-1 qui visait à accorder des droits substantiels et exorbitants aux propriétaires de moulins. La disparition de cet « ovni juridique » apaise un peu la situation, d'autant que personne ne revendique la disparition des moulins : ils font partie de notre patrimoine.

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