Intervention de Rémi Féraud

Réunion du 4 avril 2023 à 14h30
Résidence d'attache pour les français établis hors de france — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Rémi FéraudRémi Féraud :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi une proposition de loi qui vise à compléter le droit des statuts fiscaux en créant un nouveau statut, celui de résidence d’attache.

Concrètement, elle permettrait, dans un certain nombre de situations, aux Français établis hors de France d’éviter de payer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

Je m’exprime ici au nom du groupe socialiste sur les implications de cette mesure fiscale et bien que j’aie déjà eu, comme rapporteur spécial du budget de la mission « Action extérieure de l’État », l’occasion de m’intéresser à ces questions, Jean-Yves Leconte, qui représente les Français établis hors de France, y reviendra également.

Qui est visé par cette proposition de loi ? L’article 2 détermine les cas de figure dans lesquels s’applique le statut de résidence d’attache.

Si le bien produisait des revenus locatifs, la taxe applicable aux locataires serait de fait la taxe d’habitation sur les résidences principales, aujourd’hui supprimée. Les biens mis en location ne sont donc pas concernés.

De même, dans l’hypothèse d’une domiciliation des ayants droit du propriétaire, c’est de nouveau la taxe d’habitation qui s’appliquerait. Un bien immobilier dans lequel le conjoint ou les enfants continueraient de vivre à l’année n’est donc pas concerné non plus.

Par conséquent, du moins dans son intention initiale et avant les travaux de la commission, ce texte met en place de façon indiscriminée – et c’est son véritable objectif – une exonération totale de taxe d’habitation sur les résidences secondaires pour les Français établis hors de France.

Pour notre groupe, cela n’est pas acceptable, car contraire aux principes essentiels et à des objectifs de politique publique prioritaire.

Nous sommes nombreux à partager cet avis. En effet, la généralisation de cette mesure serait inéquitable et probablement inconstitutionnelle. Elle viendrait rompre l’égalité de traitement au détriment de nos concitoyens vivant en France et possédant une résidence secondaire.

Elle encouragerait par ailleurs le maintien de nombreux logements vides, alors que l’on connaît l’ampleur de la crise du logement dans notre pays et que nous devons tout faire pour la résoudre.

Elle créerait aussi un lien très général, et peut-être dangereux dans ses conséquences, entre nationalité et fiscalité.

Enfin, elle pourrait peser lourdement sur les finances publiques, sans aucune nécessité puisque l’immense majorité de nos compatriotes établis à l’étranger vivent dans des pays où leur sécurité n’est pas menacée.

Pour limiter la portée générale de cet avantage fiscal, qui nous paraît disproportionné, notre groupe a déposé des amendements visant, pour rendre celle-ci légitime, à conditionner cette exonération, démarche déjà entamée par la commission et son rapporteur, Jérôme Bascher.

Dans des cas très précis, en effet, correspondant à des pays en guerre ou en grande instabilité, la création d’une disposition fiscale favorable peut être légitime, bien sûr. Comme vous le dites vous-même dans l’exposé des motifs, cher Ronan Le Gleut, les conflits en Ukraine et dans la région du Tigré sont de récents exemples de la nécessité de prévoir une résidence d’attache, de refuge ou de repli. On peut penser aussi à un certain nombre de pays d’Afrique subsaharienne, où la situation est particulièrement instable.

C’est pourquoi, pour nous prononcer favorablement sur ce texte, nous souhaitons ajouter comme condition préalable au dégrèvement de THRS le fait de résider dans un pays classé par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères en zone rouge, voire en zone orange. Cela réserverait le bénéfice de cet avantage fiscal à nos concitoyens vivant dans des pays très risqués et vaudrait pour la THRS comme pour l’exonération totale en cas de retour précipité et contraint.

En effet, dans ce cas, il est juste d’aider nos compatriotes davantage que dans le cas général. Si le ciblage fait par la commission est bien réel, il reste trop partiel. Nos amendements visent à l’améliorer.

Pour résumer : oui à une résidence d’attache, bénéficiant d’un avantage fiscal, pour nos compatriotes vivant à Kiev ou à Ouagadougou, mais seulement pour eux, car ils sont les seuls à avoir besoin d’un refuge, qu’ils le mobilisent ou non dans l’année fiscale.

Voilà notre réaction à ce texte : vigilante, mais aussi très constructive. J’espère que nos travaux nous permettront, en délimitant précisément la notion de résidence d’attache comme un véritable refuge, de l’adopter. J’entends, monsieur le ministre, les éventuelles fragilités juridiques. Mais si ce texte était adopté dans ces conditions, il constituerait une base sur laquelle le travail pourrait utilement se poursuivre.

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