Intervention de Pascal Savoldelli

Réunion du 4 avril 2023 à 14h30
Résidence d'attache pour les français établis hors de france — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Pascal SavoldelliPascal Savoldelli :

Cette proposition de la droite sénatoriale repose en effet sur une idée qui me paraît tout à fait inquiétante, selon laquelle les Français ayant choisi de s’expatrier doivent avoir le moins possible de relations fiscales avec la Nation. Autrement dit, toute contribution qui leur serait demandée mériterait d’être diminuée, voire supprimée. On est très loin de l’aide au retour…

Paradoxalement, et cet argument vaut le détour, l’application de la majoration de THRS créerait un sentiment d’injustice chez ceux qui ont fait le choix de l’exil. Vous avez voté cette majoration dans le projet de loi de finances pour 2023. Celle-ci serait injuste pour les non-résidents, pour reprendre les mots de l’auteur de ce texte, mais juste pour les résidents ! Dans les deux cas, pourtant, ces logements ne sont pas occupés, se situent trop souvent dans des zones tendues, où le manque d’habitations est important et où le prix de l’immobilier explose. Mais les règles fiscales devraient, selon vous, être différentes selon qu’on est d’un côté ou de l’autre de la frontière.

Ce texte crée des inégalités non pas uniquement entre les Français, que vous discriminez les uns par rapport aux autres : vous discriminez également les non-résidents entre eux, sans fondement juridique, sans viser un objectif de politique publique, et sans vous être suffisamment enquis du risque d’inconstitutionnalité de votre proposition de loi – vous qui nous déclariez il y a quelques semaines détenir le monopole du sérieux législatif.

Pour rappel, je précise que l’administration fiscale ne connaît pas la nationalité des contribuables. Elle n’en a jamais eu besoin. Jamais ! Pour la simple et bonne raison que, en application de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, consacré à l’égalité devant la loi, et pour citer le Conseil constitutionnel, « la différence de traitement qui en résulte » doit être « en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».

Votre objectif, selon l’exposé des motifs, est que « cette résidence constitue un point d’attache avec la France, qui les relie à leur famille et à leur patrie ».

Dès 1983, le Conseil constitutionnel a fondé son contrôle sur les « critères objectifs et rationnels » de la différence de traitement sur le plan fiscal.

Alors que les résidences secondaires sont l’une des principales causes de la hausse des prix de l’immobilier, vous tentez de justifier l’injustifiable, au motif qu’une majoration de THRS empêche les Français expatriés de conserver leur lien avec la France… Soyons concrets : il s’agit de quelques centaines d’euros par année, alors que d’autres types d’hébergement – résidence chez la famille ou les amis, hôtel, location, accueil solidaire – permettent aux Françaises et aux Français expatriés de s’établir temporairement en France, pour ceux qui n’auraient pas les moyens de s’acquitter d’une telle taxe.

Au risque de vous choquer, dois-je vous rappeler qu’à l’heure où vous vous préoccupez de ceux qui sont propriétaires, mais ne résident pas dans leur logement, seuls 38 % des résidents en France sont propriétaires non-accédants, c’est-à-dire sans crédit à supporter. Pis, 14 % des résidents en France disposeraient d’un autre logement en France, 4, 9 % d’une résidence secondaire. Votre proposition n’est finalement ni plus ni moins qu’un moyen de consacrer les inégalités.

Ce ne serait que regrettable si ce n’était habituel. Alors que la concentration du patrimoine immobilier s’est accrue depuis 2000 de 125 milliards d’euros, dont la moitié résulte de l’augmentation de la part détenue par les non-résidents, vous déclarez par cette proposition de loi que les inégalités territoriales ne vous concernent pas. Pis encore, vous aggravez la fracture.

Les revenus annuels déclarés par les non-résidents de la dernière tranche d’imposition culminaient, en moyenne, à 121 682 euros, contre 69 998 euros pour les résidents.

Mes chers collègues, cette proposition de loi créerait un effet d’aubaine pour les plus fortunés, ceux qui connaissent le mieux la fiscalité – car votre déclaration, si j’ai bien compris, se ferait sur demande. Une aide au retour, ciblée sur certaines zones, oui ; mais ce texte n’a rien à voir avec une telle idée. C’est un cadeau électoraliste.

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