Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les forêts nous rendent des services précieux, qu’ils soient économiques, en fournissant du bois-matériaux et du bois-énergie, ou environnementaux, en termes de biodiversité ou de stockage de carbone.
En tant que ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, je rappelle que les forêts sont un véritable atout pour l’activité de nos territoires ruraux. Elles doivent donc être gérées et exploitées de manière durable pour continuer de fournir des services économiques et environnementaux à tous les Français.
Mais elles doivent également être défendues face aux événements extérieurs. Les incendies hors norme de l’été 2022, provoqués par un concours de sécheresse et de températures particulièrement élevées, ont constitué une preuve éclatante et douloureuse des effets du changement climatique en matière de feux de forêt.
Et ce ne sont pas les derniers incendies que nous constatons : les incendies survenus récemment dans les Alpes-Maritimes et en Corse nous laissent craindre des étés très difficiles.
Les incendies ont toujours existé dans le sud de la France et reviennent malheureusement chaque été. Une politique volontariste de défense des forêts contre l’incendie a été mise en place dans les années 1980 et a produit de très bons résultats : les surfaces incendiées ont depuis été divisées par deux, voire par trois.
Je souhaite sincèrement rendre hommage à l’engagement des structures et personnes mobilisées dans la prévention et la lutte contre les incendies de forêt. Je veux notamment remercier chaleureusement, au nom du Gouvernement, les sapeurs-pompiers, les personnels de la sécurité civile, les sapeurs-sauveteurs, les forestiers sapeurs – en somme, tous les acteurs qui s’engagent pour la sauvegarde de nos forêts – pour l’excellent travail qu’ils effectuent au quotidien.
Le climat change : les incendies de l’été 2022 laissent entrevoir une intensification du risque dans les régions historiquement concernées – le Sud-Est, le Sud-Ouest, la Corse… –, mais aussi et surtout une extension du risque dans des régions jusqu’ici préservées. Je pense notamment aux régions de l’ouest, de l’est et du centre de la France, territoires dans lesquels nous n’avions pas vu d’incendies de cette ampleur auparavant.
Notre politique de défense des forêts contre l’incendie et de lutte contre ces incendies doit donc être renforcée et actualisée au regard d’un risque amplifié et étendu sur davantage de nos territoires.
Je souhaite saluer le travail du Sénat et des trois rapporteurs qui se sont saisis rapidement de cet enjeu, en lançant au début de l’année 2022 une mission d’information sur l’intensification et l’extension du risque incendie. Le rapport d’information publié en août dernier est de grande qualité et trouve aujourd’hui un écho dans cette proposition de loi.
Cela traduit aussi l’engagement de longue date du Sénat à l’égard des enjeux forestiers, qui sont liés, naturellement, à la vie des collectivités territoriales, mais aussi, plus globalement, aux questions d’aménagement et d’avenir de nos territoires.
Votre proposition de loi montre la diversité des politiques à conduire pour assurer la défense des forêts contre l’incendie. Ma présence devant vous aujourd’hui pour représenter le Gouvernement traduit le caractère multidimensionnel de ce sujet qui mobilise les compétences de trois ministères : le ministère de l’intérieur et des outre-mer, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Le Gouvernement partage les objectifs de votre proposition de loi. Le 28 octobre dernier, le Président de la République a annoncé plusieurs mesures visant à renforcer notre politique nationale de défense des forêts contre l’incendie.
Tout d’abord, la prévention est et demeure essentielle. Notre stratégie est d’éviter les départs de feux et d’être en mesure d’attaquer les feux naissants pour éviter leur propagation. Des moyens supplémentaires ont ainsi été accordés dès 2023 à l’Office national des forêts pour lui permettre de renforcer ses missions de surveillance et de première intervention et de les étendre dans les territoires nouvellement concernés par ce risque.
De plus, des moyens supplémentaires ont été apportés par mon collègue Marc Fesneau à l’Association régionale de défense des forêts contre l’incendie (ARDFCI) des Landes de Gascogne, massif riche d’une organisation impliquant les propriétaires forestiers. Ce renfort de moyens se poursuivra en 2024.
Mais il nous faut également agir sur l’origine des feux. Sachant que 90 % des départs de feux sont liés à une activité humaine, notre priorité est d’intervenir sur les interfaces entre forêts et habitations.
Soyons clairs, les obligations légales de débroussaillement fixées dans le code forestier doivent être mieux mises en œuvre. En effet, lorsque leur mise en œuvre est effective, les résultats parlent d’eux-mêmes.
Avec Christophe Béchu et Gérald Darmanin, nous avons engagé des actions aux niveaux national et local pour sensibiliser le public concerné et accompagner les élus locaux, mais aussi pour sanctionner les négligences volontaires : des propositions de simplification et de remobilisation des acteurs sont en cours de rédaction en vue d’une publication à l’été 2023, par voie réglementaire et à cadre législatif constant.
La proposition de loi examinée aujourd’hui permettra d’aller encore plus loin, en apportant des éléments de clarification, de simplification et de responsabilisation.
Nos moyens de lutte doivent en effet être renforcés pour limiter la propagation des feux, protéger nos concitoyens et sécuriser nos infrastructures. Nous allons largement évoquer la prévention, qui est essentielle, mais pas suffisante. Malgré tout ce que l’on peut faire, le feu arrivera ; c’est pour cela que la lutte contre les incendies doit être organisée au mieux : ainsi, le Président de la République a décidé de renforcer dès cette année les moyens terrestres et aériens.
Enfin, nous sommes loin de tout savoir sur l’évolution de ce risque. Nous avons missionné les inspections générales pour actualiser la cartographie du risque incendie et définir les organisations cibles afin d’y faire face dans les années à venir. Les conclusions de cette mission seront connues d’ici à cet été ; cela nous permettra de nous préparer pour l’année prochaine et les années suivantes.
Cette proposition de loi est un signal fort envoyé aux propriétaires forestiers, aux riverains des forêts, aux associations de protection de l’environnement, aux élus locaux et à tous ceux qui agissent avec engagement au quotidien dans la prévention et la lutte contre les incendies de forêt. Il s’agit de leur montrer que nous sommes capables, ensemble, d’avancer pour nous adapter au changement climatique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi dont vous allez débattre présente des aspects très intéressants. Plusieurs mesures traitent de la défense des forêts contre les incendies.
Vous proposez d’abord l’inscription dans la loi d’une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts contre l’incendie, qui permettra de mobiliser pleinement l’ensemble des acteurs, publics et privés, concernés.
Vous proposez ensuite de faire évoluer la liste des territoires réputés comme particulièrement exposés aux risques d’incendie, ce qui constitue un moyen d’être réactif face aux évolutions du changement climatique. Le texte prévoit aussi d’améliorer l’articulation des mesures de DFCI avec d’autres politiques publiques, comme l’urbanisme et la protection des sites classés. Ainsi, nous serons collectivement plus à même de répondre au devoir de lisibilité pour les administrés.
Par ailleurs, vous proposez d’agir sur l’un des instruments de la DFCI, à savoir les OLD, par des dispositions qui peuvent être simples et efficaces. À titre d’exemple, je salue la proposition d’information de l’acheteur d’un bien quant à ces obligations.
Je me félicite également de la reprise dans la proposition de loi de deux évolutions issues de réflexions tenues par le passé dans le cadre des Assises de la forêt et du bois, à savoir l’abaissement à vingt hectares de l’obligation de disposer d’un plan simple de gestion et la systématisation de la télédéclaration.
En revanche, je souhaite préciser que le Gouvernement veut s’en tenir à une proposition de loi traitant strictement de la prévention et de la lutte contre les incendies, et qu’il ne veut pas d’une une loi relative à la gestion forestière.
L’attente de nos concitoyens porte en effet sur les incendies : c’est pourquoi nous souhaitons en rester principalement aux deux propositions, que nous trouvons équilibrées et qui sont issues du travail des rapporteurs et du passage du texte en commission.
En conclusion, je souhaite saluer de nouveau la qualité du travail des auteurs de la proposition de loi et de la commission spéciale, et vous dire ma confiance sur le fait que nous pouvons enrichir ensemble ce texte afin d’assurer la cohérence et l’efficacité des mesures proposées, dont nous partageons les objectifs.