Intervention de Marie-Claude Varaillas

Réunion du 4 avril 2023 à 14h30
Lutte contre le risque incendie — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Marie-Claude VaraillasMarie-Claude Varaillas :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela a été dit, les incendies que nous avons connus l’été dernier ont détruit plus de soixante-six mille hectares de ce bien commun que sont nos forêts.

La Gironde, les Bouches-du-Rhône, mais aussi la Bretagne : les incendies ont surpris par leur intensité, mais aussi par leur étendue géographique. Des forêts habituellement épargnées par les feux estivaux sont parties en fumée. Dans mon seul département, la Dordogne, ce sont deux cent quatre-vingts hectares qui ont été détruits.

Ce qui semblait hier exceptionnel est donc en passe de devenir la norme. C’est ce que nous a rappelé la mission d’information sénatoriale constituée l’été dernier. En effet, les conclusions de cette mission pointent une intensification des feux en région méditerranéenne. Les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 % d’ici à 2050.

Ces conclusions soulignent l’extension géographique du risque à des départements peu touchés et le développement d’incendies de végétation ou de terres agricoles. Pire, il n’y a plus de « saison des feux » ; la période à risque fort sera trois fois plus longue.

Les incendies colossaux de l’été dernier nous rappellent que le changement climatique est déjà là, comme en atteste une fois encore le rapport du Giec. Ils ont mis en lumière la nécessité de penser de nouvelles stratégies d’adaptation pour la forêt et de renforcer les moyens de prévention et de lutte contre les incendies.

Ils nous rappellent aussi que nos forêts sont fragiles. Outre le feu, la succession des sécheresses affaiblit les arbres, les rendant plus vulnérables aux attaques d’insectes et autres parasites. Nous assistons ainsi au dépérissement de certaines espèces.

En ce sens, nous ne pouvons que saluer le travail effectué par les auteurs de cette proposition de loi qui nous rappellent la fragilité de ce patrimoine commun et la nécessité de le préserver.

En effet, la stratégie française, qui a consisté à renforcer la prévention et la lutte contre les incendies et qui a permis durant des années de maîtriser la survenance de feux dits anormaux, est aujourd’hui bousculée par les changements climatiques.

C’est pourquoi nous partageons la volonté de nos collègues rapporteurs d’anticiper le risque émergent, en l’intégrant de manière plus étendue dans les documents d’urbanisme et de planification des territoires jusque-là épargnés par les incendies de grande ampleur, ainsi que la prise en compte dans ces documents des espaces urbains, des terres agricoles et des massifs forestiers dans une logique de protection mutuelle.

Nous saluons aussi le renforcement des OLD. La question des zones d’interface habitats-forêts est essentielle, car, dans ces espaces, le risque de départs de feux est élevé et la protection par les pompiers difficile et coûteuse. À cet égard, il serait opportun que les communes bénéficient de dispositifs d’accompagnement, y compris financiers. Nous partageons également la nécessité d’un renforcement de la sensibilisation des citoyens, élus et professionnels concernés.

Pour autant, si les objectifs de ce texte sont louables et que les outils proposés sont pertinents, les moyens restent, encore une fois, insuffisants.

Tous les acteurs que nous avons auditionnés l’ont dit : à moyens constants, il est impossible que les services de prévention puissent maintenir leur efficacité face à des feux de plus en plus intenses et fréquents. Comme le rappelait déjà le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, « le dérèglement climatique s’accélère. Il faut accroître le nombre de bombardiers d’eau, avions comme hélicoptères. Il faut aussi augmenter les moyens humains, et ce sans attendre ».

De même, aucun investissement dans la lutte contre les incendies, aussi important soit-il, ne permettra d’empêcher les incendies extrêmes.

Il nous faut investir dans une politique forestière préventive qui permettra la résilience de nos forêts, à commencer par la diversification des essences. Les forestiers doivent renouveler les peuplements dépérissants et adapter les forêts françaises en tenant compte des risques futurs.

Il nous faut également renforcer les moyens humains et financiers face à l’intensification du risque incendie. Alors que la force de frappe des services d’incendie tient au maillage territorial, plus de deux mille sept cents centres d’incendie et de secours ont fermé ces vingt dernières années.

Enfin, les difficultés à contenir les feux dans la région Sud-Ouest cet été nous ont rappelé le besoin d’une base aérienne de sécurité civile à l’ouest afin d’accroître la rapidité et l’intensité des interventions par Canadair.

Par ailleurs, en trente-cinq ans, l’ONF, qui gère près de 25 % de la forêt métropolitaine, a perdu près de 40 % de ses effectifs. De seize mille salariés que comptait l’Office en 1986, il n’en reste plus que huit mille quatre cents aujourd’hui, auxquels l’État continue pourtant de confier un nombre équivalent de missions et dont il exige une plus grande rentabilité.

Les Sdis, l’ONF, le CNPF sont des acteurs publics garants de la résilience et de la résistance de la forêt. Ils doivent disposer des moyens matériels et humains nécessaires à l’accomplissement de leurs missions, qui – il faut le dire – se complexifient.

Malgré ces réserves, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

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