L'amendement n° 18 vise à donner à l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection une nouvelle compétence, à savoir veiller au respect de l'interopérabilité.
A priori, nous ne pouvons que souscrire à l'objectif de clarté poursuivi par la commission en scindant en deux parties distinctes les mesures techniques de protection et le principe de l'interopérabilité. Toutefois, nous avons déjà eu l'occasion de l'exprimer hier soir, nous éprouvons quelques inquiétudes s'agissant de cette scission.
Aussi avons-nous souhaité que des principes et des règles claires soient établis au préalable, notamment pour donner une ligne de partage entre l'utilité des mesures techniques de protection et l'impératif d'interopérabilité afin de garantir le libre usage de l'oeuvre et la liberté de créer des logiciels à code source ouvert, dans le respect du droit d'auteur.
Quelques règles importantes ont été adoptées hier soir, comme celle qui précise que les composantes d'une mesure de protection telles que le cryptage ou les protocoles ne peuvent être considérées comme des mesures en tant que telles. Nous nous en réjouissons, mais il nous semble que nous aurions pu aller plus loin.
Si l'amendement n °18 de la commission était adopté, ces principes rappelés hier permettraient également de guider l'Autorité de régulation dans son rôle de gardien de l'interopérabilité.
S'agissant de l'amendement n° 18 en tant que tel, je voudrais exprimer notre scepticisme. En effet, confier à cette autorité le rôle de gardien de l'interopérabilité nous paraît dangereux. Nous connaissons les enjeux économiques majeurs s'agissant de cette question. C'est pourquoi, sans sous-estimer les compétences certaines des futurs membres de cette autorité, nous craignons qu'ils ne soient sujets à des pressions qui pourraient nuire à son indépendance et à sa neutralité.
Alors que l'interopérabilité devrait être un droit, un principe, avec cette autorité il devient une éventualité. En définitive, on renverse la règle, nous semble-t-il.
Enfin, nous créons une nouvelle fois une autorité administrative indépendante, donc une institution supplémentaire, ce qui ne manquera pas de générer pour l'État des coûts non négligeables.
Le recours à ces autorités sous-tend aussi l'idée que l'État n'est plus à même de remplir ses missions, d'être garant des intérêts de citoyens et d'établir des règles générales dans l'intérêt de tous, se destituant au profit d'experts.
Certes, la rédaction proposée par la commission pour remplacer l'Autorité présente des avancées certaines, notamment dans sa composition ; j'y reviendrai plus tard.
Mais s'agissant de l'interopérabilité, à défaut du refus de cette nouvelle compétence, il nous semble que des améliorations peuvent encore être apportées.
Tout d'abord, ce sous-amendement n° 268 vise à permettre à tout intéressé qui souhaite améliorer l'interopérabilité des systèmes de saisir l'Autorité de régulation pour lui demander de favoriser ou de susciter une solution de conciliation pour obtenir des titulaires des droits sur la mesure technique les informations essentielles à l'interopérabilité.
En effet, limiter la saisine à trois catégories de personnes, à savoir « tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service » ne nous paraît pas satisfaisant.
Tout d'abord, la nouvelle formulation que nous vous proposons se rapprocherait, dans une mesure partiellement satisfaisante, d'un de nos amendements repoussés hier et qui prévoyait que les fournisseurs de mesures techniques donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité. Il s'agirait ainsi de poser le principe d'une interopérabilité de droit dans la mesure où celle-ci permet, dans le respect du droit des parties, et notamment du droit d'auteur, d'utiliser l'oeuvre dans des conditions normales.
De plus, ce principe justifierait que toute personne qui ne peut utiliser dans des conditions normales une oeuvre soit en droit d'en demander les informations nécessaires à l'interopérabilité comme elle peut le faire pour le bénéfice de l'exception pour copie privée.
En effet, il nous semble important de respecter un certain parallélisme des formes en ce qui concerne les règles de saisine de cette Autorité de régulation.
L'Autorité de régulation peut être saisie par tout intéressé pour veiller à ce que la mise en oeuvre des mesures techniques de protection n'ait pas pour effet de le priver du bénéfice des exceptions pour copie privée.
M. le rapporteur parle des consommateurs. Mais les consommateurs ne sont pas les seuls à avoir intérêt à connaître ces informations : nombre de chercheurs se trouveraient dans l'impasse si on ne leur donnait pas accès à ces sources d'informations essentielles.
Il y a derrière cette question des mesures techniques de protection un enjeu majeur en termes industriel et de recherche. À trop vouloir encadrer ce principe au profit d'une protection quasi-absolue, ne risque-t-on pas de limiter le droit des consommateurs ?
Par ailleurs, la conciliation n'est pas forcément synonyme de diffusion dans le public de ces informations essentielles, puisque l'Autorité peut préciser les conditions dans lesquelles se fera cette conciliation et qui devront privilégier des diffusions restreintes des informations.
Telles sont les raisons pour lesquelles il nous semble important que tout intéressé puisse saisir l'Autorité. À elle ensuite de déterminer l'opportunité de son intérêt à agir et de sa demande.