Intervention de Colette Mélot

Réunion du 6 avril 2023 à 14h45
Maîtrise de l'organisation algorithmique du travail — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Plus récemment, dès l'apparition d'Uber en France en 2011, des alertes étaient lancées sur le risque d'ubérisation de la société et sur la nécessité d'adapter notre droit du travail aux évolutions numériques.

Nous devons donc en permanence nous interroger sur le rapport entre les évolutions techniques et le travail, qui est le sujet de la présente proposition de loi. Plus précisément, ses auteurs nous proposent de légiférer sur les effets des algorithmes sur la relation de travail.

Le cadre de cette proposition de loi dépasse celui des plateformes numériques. L'usage d'algorithmes dans la relation de travail est aujourd'hui présent bien plus largement, y compris dans des secteurs qui ne sont pas directement liés au numérique, par exemple en matière de processus de recrutement, de gestion des carrières ou d'évaluation des salariés. Les algorithmes interviennent de façon croissante dans la gestion des ressources humaines.

Ce texte a le mérite d'ouvrir le débat sur cette nouvelle forme de management qu'est le management algorithmique et sur les enjeux qu'il soulève. Si ce type d'inquiétude n'est pas nouveau, le nombre important et le type d'emplois qui pourraient être concernés inquiètent davantage, comme la rapidité avec laquelle ils pourraient l'être.

Il nous revient d'encadrer l'usage des algorithmes de sorte qu'il ne se fasse pas au détriment des salariés. Reconnaissons-le, pour les travailleurs comme d'ailleurs pour les employeurs, les algorithmes ont souvent quelque chose d'abstrait, voire d'opaque.

Cette proposition de loi pose des questions tout à fait légitimes sur l'articulation entre algorithme et pouvoir de l'employeur, sur les critères et les paramètres retenus par un algorithme ou encore sur le statut des travailleurs des plateformes numériques.

Toutes ces questions sont pertinentes. Cependant, nous ne pensons pas que les réponses figurent dans ce texte.

En effet, les dispositions législatives en vigueur n'excluent pas les décisions prises grâce à un algorithme du pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur. Elles ne les excluent pas non plus du principe de non-discrimination. Est-il nécessaire de légiférer afin de préciser que tout ce qui ne serait pas exclu d'une règle y est inclus ? Nous ne le pensons pas.

À propos du statut des travailleurs de plateformes, nous estimons plus pertinent d'attendre la directive européenne, qui devrait nous parvenir prochainement.

Voilà une semaine, plus d'un millier de personnalités du monde de la tech signaient une lettre ouverte appelant à suspendre le développement de l'intelligence artificielle et s'interrogeaient : « Devrions-nous automatiser tous les emplois ? Devrions-nous développer des esprits non humains qui pourraient finalement nous dépasser en nombre et en intelligence, nous rendre obsolètes et nous remplacer ? Devrions-nous risquer de perdre le contrôle de notre civilisation ? »

Autant de questions auxquelles les six mois de suspension demandés par les signataires ne suffiront sans doute pas à trouver des réponses. Les signataires n'en apportent pas non plus, mais ils alertent au moins sur ce sujet, à l'image de cette proposition de loi. Toutefois, il est intéressant d'en débattre et je remercie les auteurs de ce texte de nous avoir permis d'y réfléchir.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre ce texte.

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