La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quatorze heures cinquante, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier M. Pascal Savoldelli de son engagement et notre collègue rapporteure, Mme Cathy Apourceau-Poly, de la qualité de son travail.
Cette proposition de loi vise à encadrer le recours aux algorithmes et la numérisation des relations de travail. Il s’agit de renforcer la responsabilité des employeurs et la protection des salariés.
Cette initiative parlementaire s’inscrit dans le prolongement du rapport d’information de Pascal Savoldelli du 29 septembre 2021 sur l’ubérisation de la société et l’incidence des plateformes numériques sur les métiers et le marché de l’emploi.
Selon les conclusions de cette mission d’information, les plateformes tendent à remettre en cause notre modèle social et économique, en imposant aux travailleurs auxquelles elles recourent les pratiques du management algorithmique. Il serait donc nécessaire de mieux les encadrer.
Des recommandations sont ainsi formulées autour de quatre grands axes : l’amélioration des conditions de travail, le développement du dialogue social, l’encadrement du management et la transparence et la régulation des algorithmes des plateformes.
Antérieurement à la parution de ce rapport, la proposition de loi relative au statut des travailleurs des plateformes numériques a été rejetée par notre assemblée en juin 2020. Notre ancienne collègue Catherine Fournier soulignait alors que la transformation de la relation commerciale du travailleur indépendant de plateforme en un contrat relevant du droit du travail, centrée sur les plateformes de services, était trop restrictive et faisait fi de la diversité de celles-ci.
Par ailleurs, j’appelle votre attention sur la proposition de loi déposée en août 2022 par notre collègue Bruno Retailleau relative aux travailleurs en situation de dépendance économique vis-à-vis des plateformes numériques. Ce texte met l’accent sur le développement du numérique qui a donné naissance à de nouvelles formes d’organisation du travail.
L’émergence de ces dernières a permis l’accès à l’emploi de personnes qui en étaient parfois éloignées. Les profils de ces travailleurs sont variés : anciens chômeurs, étudiants, actifs souhaitant compléter les revenus d’un emploi salarié… La question de leur protection est ainsi abordée par une réflexion sous le prisme de leur statut.
Cette proposition de loi s’appuie notamment sur les conclusions d’un rapport d’information de Mme Frédérique Puissat, M. Michel Forissier et Mme Catherine Fournier au nom de la commission des affaires sociales, déposé en mai 2020 et intitulé Travailleurs de plateformes : au-delà de la question du statut, quelles protections ? Les auteurs estimaient « nécessaire de dépasser le débat sur le statut et de développer des droits et une couverture sociale indépendants de ce dernier ».
Le texte de Bruno Retailleau vise à appliquer cette recommandation. Sans toucher au régime des travailleurs indépendants, il crée un nouveau type de contrat sur mesure, qui améliorera la protection sociale des travailleurs. De plus, il comporte des mesures de prévention en matière de santé, ainsi que des garanties sur la transparence du fonctionnement des algorithmes.
Ces différents travaux menés au Sénat témoignent de l’intérêt que nous portons à ce sujet et mettent en lumière la nécessité de mieux connaître ce phénomène, qui recouvre tout un spectre d’activités et de situations sociales.
Née dans divers secteurs des mobilités, la plateformisation s’étend désormais à l’ensemble de l’économie. Elle se traduit par une explosion du nombre de travailleurs de plateforme : ils sont actuellement 28 millions au sein de l’Union européenne et seront, selon les estimations, 43 millions en 2025.
L’extension de cette nouvelle façon de travailler exige de porter un nouveau regard sur les conséquences de ce phénomène et nous impose de réorganiser le dialogue social.
Dans un contexte où les discriminations se développent, les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate. Force est de constater que ces personnes, souvent précaires, isolées et contraintes de recourir à ces formes d’emploi, cumulent les fragilités : faiblesse des rémunérations, protection sociale incomplète, exposition aux risques professionnels… Soumises à un degré élevé de contrôle, elles peuvent ressentir une forme de dépendance à l’égard des plateformes.
Nous défendons l’idée d’un travail décent dans le monde en ligne. Pour lutter contre les effets discriminatoires, il nous semble important que la chaîne de responsabilité soit considérée comme humaine, même si son fonctionnement repose sur des algorithmes.
Idéalement, les algorithmes doivent être contrôlés et encadrés, puisqu’ils sont utilisés à des fins de gestion des ressources humaines, d’organisation du travail et de recrutement.
Le groupe Union Centriste approuve la démarche parlementaire consistant à proposer des améliorations aux conditions de vie et de travail des travailleurs de plateformes et à diminuer ainsi leur exposition aux risques.
En tout état de cause, nous ne pouvons pas voter contre cette proposition de loi qui vise à améliorer la transparence de nouveaux modes d’organisation du travail, ainsi qu’à responsabiliser les employeurs.
Toutefois, mes chers collègues, nous savons qu’une proposition de directive sur la reconnaissance d’une présomption irréfragable de salariat pour certains de ces travailleurs est en cours de négociation à l’échelle de l’Union européenne. Il est nécessaire que ces travaux aboutissent.
Par conséquent, il nous semble prématuré de légiférer sur ce sujet avant que ces travaux n’aboutissent, étant donné que notre travail législatif risque d’être détricoté à l’avenir.
La prise en considération de la dimension européenne de cette question constitue une étape importante dans la recherche de solutions pour améliorer les conditions de travail. Ce combat à l’échelle européenne tracera de nouvelles perspectives pour aborder cette thématique, qui occupera certainement une place importante dans les débats sur les droits sociaux des travailleurs dans les prochaines années.
Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste s’abstiendra.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le développement technologique a longtemps été associé à la notion de progrès et force est de constater qu'il a pu être porteur d'avancées réelles dans de nombreux domaines sociaux et économiques, y compris dans le monde du travail.
Néanmoins, il emporte aussi son lot d'inquiétudes et de questionnements, dès lors qu'il percute les droits des salariés ou interfère avec les conditions de travail ou les processus de recrutement, à l'image de la récente polémique autour du groupe Amazon, dont l'algorithme d'analyse des candidatures favorisait celles des hommes – quelle ironie pour un groupe portant un tel nom ! §
Les débats actuels sont d'ailleurs denses sur les risques que porte intrinsèquement la progression exponentielle de l'intelligence artificielle, qu'il s'agisse de son fonctionnement désincarné ou des abus potentiels de son usage.
Évidemment, l'argument selon lequel l'outil est par nature innocent et seuls les usages peuvent être détournés est absolument irrecevable. Il est au contraire de la responsabilité des concepteurs d'en garantir toutes les sécurités d'utilisation et de celle du législateur de fixer le cadre d'exercice de cette responsabilité.
C'est précisément l'objet de cette proposition de loi déposée par nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
La commission n'a pas adopté le texte, au motif qu'il n'apporterait pas de garanties supérieures aux salariés et que des travaux du même ordre sont en cours à l'échelle européenne. Et alors ? Pourquoi attendre l'Europe ?
Pour ma part, j'estime que, lorsqu'il s'agit de la relation au travail, les garanties et protections des salariés méritent toujours d'être interrogées et renforcées, d'autant plus dans un contexte où les discussions européennes semblent assez mal engagées…
Gardons en mémoire que l'économie des plateformes concernera, d'ici à 2025, 43 millions de salariés !
Au-delà des plateformes, nombre d'entreprises ont aujourd'hui pris le virage du numérique avec pour objectifs affichés d'améliorer leurs processus d'organisation, de simplifier et d'améliorer leurs moyens d'action ou encore d'optimiser la gestion du travail.
L'informatique peut certes constituer une aide, mais n'oublions pas que, derrière ces logiciels et algorithmes, se trouvent des programmateurs qui paramètrent leurs outils en fonction des consignes qui leur sont données.
La décision automatisée est d'autant plus dangereuse qu'elle est, par nature, prise de façon opaque et qu'elle peut reproduire à l'envi des comportements discriminants avec le risque d'une standardisation des décisions. Cela est d'autant plus inquiétant pour les intelligences artificielles (IA) dites apprenantes, capables d'acquérir une autonomie croissante et dont le fonctionnement devient complexe à expliquer, voire difficile à maîtriser.
Aussi me semble-t-il pertinent, comme le dispose l'article 1er de la proposition de loi, de clarifier la nature juridique du recours à l'algorithme comme une expression du pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur, traduisant ainsi l'une des conclusions de la mission d'information sénatoriale consacrée à l'ubérisation de la société.
Même si elle est automatique et invisible, une décision issue d'un traitement automatisé n'en a pas moins des conséquences pour le salarié. Celui-ci doit être en mesure, d'une part, de se défendre face à une décision qui lui est défavorable et, d'autre part, de la contester, si elle est l'expression d'une discrimination. De ce point de vue, contraindre l'employeur à apporter la preuve que son algorithme n'est pas discriminatoire va dans le bon sens.
Enfin, la proposition de loi s'attaque au sujet épineux des plateformes et du lien de subordination que celles-ci imposent à leurs collaborateurs présentés, souvent à tort, comme indépendants.
Or, le plus souvent, ils n'ont que peu ou pas la maîtrise de la gestion de leurs missions ou de la fixation de leurs tarifs, comme ils ne peuvent pas véritablement négocier leur contrat ni contester les sanctions qui leur sont appliquées.
Il s'agit ici, sans attendre l'issue des négociations européennes, mais avec la préoccupation de protéger les salariés de ces plateformes, d'intégrer dans notre droit du travail les jurisprudences Uber, Deliveroo et Elite Taxi.
Cette définition permettra d'harmoniser les responsabilités entre les employeurs lambda et les plateformes, lesquelles ont trop souvent exploité les failles du vide juridique les concernant.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE est favorable à cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le développement technologique a longtemps été associé à la notion de progrès et force est de constater qu’il a pu être porteur d’avancées réelles dans de nombreux domaines sociaux et économiques, y compris dans le monde du travail.
Néanmoins, il emporte aussi son lot d’inquiétudes et de questionnements, dès lors qu’il percute les droits des salariés ou interfère avec les conditions de travail ou les processus de recrutement, à l’image de la récente polémique autour du groupe Amazon, dont l’algorithme d’analyse des candidatures favorisait celles des hommes – quelle ironie pour un groupe portant un tel nom !
Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, CRCE et GEST. – Mme la rapporteure applaudit également.
Sourires.
Les débats actuels sont d’ailleurs denses sur les risques que porte intrinsèquement la progression exponentielle de l’intelligence artificielle, qu’il s’agisse de son fonctionnement désincarné ou des abus potentiels de son usage.
Évidemment, l’argument selon lequel l’outil est par nature innocent et seuls les usages peuvent être détournés est absolument irrecevable. Il est au contraire de la responsabilité des concepteurs d’en garantir toutes les sécurités d’utilisation et de celle du législateur de fixer le cadre d’exercice de cette responsabilité.
C’est précisément l’objet de cette proposition de loi déposée par nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
La commission n’a pas adopté le texte, au motif qu’il n’apporterait pas de garanties supérieures aux salariés et que des travaux du même ordre sont en cours à l’échelle européenne. Et alors ? Pourquoi attendre l’Europe ?
Pour ma part, j’estime que, lorsqu’il s’agit de la relation au travail, les garanties et protections des salariés méritent toujours d’être interrogées et renforcées, d’autant plus dans un contexte où les discussions européennes semblent assez mal engagées…
Gardons en mémoire que l’économie des plateformes concernera, d’ici à 2025, 43 millions de salariés !
Au-delà des plateformes, nombre d’entreprises ont aujourd’hui pris le virage du numérique avec pour objectifs affichés d’améliorer leurs processus d’organisation, de simplifier et d’améliorer leurs moyens d’action ou encore d’optimiser la gestion du travail.
L’informatique peut certes constituer une aide, mais n’oublions pas que, derrière ces logiciels et algorithmes, se trouvent des programmateurs qui paramètrent leurs outils en fonction des consignes qui leur sont données.
La décision automatisée est d’autant plus dangereuse qu’elle est, par nature, prise de façon opaque et qu’elle peut reproduire à l’envi des comportements discriminants avec le risque d’une standardisation des décisions. Cela est d’autant plus inquiétant pour les intelligences artificielles (IA) dites apprenantes, capables d’acquérir une autonomie croissante et dont le fonctionnement devient complexe à expliquer, voire difficile à maîtriser.
Aussi me semble-t-il pertinent, comme le dispose l’article 1er de la proposition de loi, de clarifier la nature juridique du recours à l’algorithme comme une expression du pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur, traduisant ainsi l’une des conclusions de la mission d’information sénatoriale consacrée à l’ubérisation de la société.
Même si elle est automatique et invisible, une décision issue d’un traitement automatisé n’en a pas moins des conséquences pour le salarié. Celui-ci doit être en mesure, d’une part, de se défendre face à une décision qui lui est défavorable et, d’autre part, de la contester, si elle est l’expression d’une discrimination. De ce point de vue, contraindre l’employeur à apporter la preuve que son algorithme n’est pas discriminatoire va dans le bon sens.
Enfin, la proposition de loi s’attaque au sujet épineux des plateformes et du lien de subordination que celles-ci imposent à leurs collaborateurs présentés, souvent à tort, comme indépendants.
Or, le plus souvent, ils n’ont que peu ou pas la maîtrise de la gestion de leurs missions ou de la fixation de leurs tarifs, comme ils ne peuvent pas véritablement négocier leur contrat ni contester les sanctions qui leur sont appliquées.
Il s’agit ici, sans attendre l’issue des négociations européennes, mais avec la préoccupation de protéger les salariés de ces plateformes, d’intégrer dans notre droit du travail les jurisprudences Uber, Deliveroo et Elite Taxi.
Cette définition permettra d’harmoniser les responsabilités entre les employeurs lambda et les plateformes, lesquelles ont trop souvent exploité les failles du vide juridique les concernant.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE est favorable à cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, CRCE et GEST. – Mme la rapporteure applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un certain humanisme à la française, assez largement partagé, qu'il soit d'origine religieuse ou laïque, nous a toujours fait considérer avec inquiétude et circonspection l'intrusion d'automatismes dans les relations interpersonnelles au sein du monde du travail.
Souvenons-nous de l'essai de Georges Bernanos, La France contre les robots, dans lequel l'auteur formulait, dès 1947, une violente critique de la société industrielle, estimant que le machinisme limitait la liberté des hommes et perturbait jusqu'à leur mode de pensée.
L'actualité concernant les nouvelles formes d'emploi – free-lance, micro-entrepreneur, salarié porté – et les modes d'engagement, en particulier sur les plateformes numériques, suscitent des interrogations.
Il s'agit d'accompagner et de sécuriser l'important mouvement de fond en faveur de ces nouvelles formes d'emploi. Il apparaît également urgent d'examiner l'ensemble des composantes du travail indépendant afin de révolutionner notre pacte social et d'adapter notre système à ces transformations.
Il convient de réinterroger aussi bien le contenu, les équilibres et les applications des dispositifs actuels de protection sociale. Il est vrai que la tentation d'une ubérisation sociale issue de l'organisation algorithmique du travail a dévoyé ces perspectives.
Cependant, actuellement, plus de 28 millions de personnes travaillent par l'intermédiaire de plateformes numériques de travail au sein de l'Union européenne ; en 2025, elles devraient être 43 millions.
Il s'agit d'un secteur particulièrement dynamique et innovant. Ainsi, entre 2016 et 2020, les revenus de l'économie des plateformes ont été multipliés par près de cinq, passant d'un montant estimé à 3 milliards d'euros à environ 14 milliards d'euros.
Partout dans le monde, les conditions d'emploi des travailleurs des plateformes suscitent de nombreuses inquiétudes liées à leur statut juridique : sont-ils des salariés ou des contractants indépendants, par conséquent responsables de leur propre assurance sociale et exerçant un contrôle sur leurs revenus ?
L'issue de cette controverse ayant trait à leur protection sociale n'est pas anodine. Le débat juridique, économique et social est donc vif. En Europe, les États ont apporté des réponses différentes, soit par la loi, soit par la jurisprudence.
Par ailleurs, le développement d'un management par les algorithmes soumet les travailleurs à une pression constante et à un contrôle intrusif.
La première objection à cette proposition de loi est son caractère prématuré, puisqu'une proposition de directive européenne est discutée depuis le 10 décembre 2021. Celle-ci vise à garantir aux personnes travaillant par l'intermédiaire de plateformes numériques de travail le statut professionnel juridique correspondant à leurs modalités réelles de travail.
Pour cela, la proposition de directive prévoit une liste de critères de contrôle afin de déterminer si la plateforme est un « employeur ». Si au moins deux de ces critères sont remplis, les personnes travaillant par l'intermédiaire de la plateforme devraient jouir des droits du travail et des droits sociaux qui découlent du statut de salarié.
Après des mois d'intenses négociations, le Parlement européen a adopté une position de négociation le 2 février, laquelle tend à supprimer les critères de présomption de salariat, ce qui risque d'entraîner une incertitude juridique, de conduire à des requalifications massives et, finalement, de causer des pertes d'emploi. Les États membres de l'Union européenne doivent avancer au même rythme sous peine, sinon, de créer des inégalités de concurrence qui affaibliront la compétitivité de nos entreprises.
La deuxième objection à cette proposition de loi est qu'elle est réductrice. Les mutations du travail ne concernent pas seulement les plateformes numériques, mais de nombreuses autres branches professionnelles, comme l'ont montré les travaux de la délégation sénatoriale aux entreprises sur l'évolution des modes de travail et les défis managériaux de juillet 2021, dont nos collègues Martine Berthet, Michel Canévet et Fabien Gay étaient les rapporteurs. Ces derniers appelaient à une réflexion globale sur la définition juridique du travail indépendant, qui ne peut être réduit à la seule dimension des plateformes de mise en relation.
Il apparaît également que le secteur public s'empare de cette possibilité, en utilisant des algorithmes pour l'orientation des jeunes – je pense notamment à la plateforme Parcoursup.
La troisième objection est que la traduction dans la proposition de loi des pistes identifiées dans le rapport d'information de nos collègues Martine Berthet et Pascal Savoldelli sur l'ubérisation de la société, ainsi que sur l'impact des plateformes numériques sur les métiers et l'emploi, datant de septembre 2021, est inadaptée.
Il faut prendre garde à ne pas repousser les micro-entrepreneurs vers le travail non déclaré en raison d'une réglementation que l'on souhaite toujours vertueuse, mais qui a souvent des effets contre-productifs.
Pour autant, ce taylorisme numérique est un véritable sujet, que la proposition de loi soulève avec raison. Il instaure une surveillance constante des travailleurs par une intelligence artificielle. Ce management déshumanisant crée un profond sentiment d'anxiété chez les employés, voire de perte de confiance envers l'employeur, pouvant conduire à un désengagement dans le travail. Cependant, ce réflexe législatif est-il le bon ?
Nous avons trop tendance à recourir à la norme pour accompagner l'évolution économique. Une réflexion sur ce thème est d'ailleurs actuellement conduite par nos collègues Olivier Rietmann, Jean-Pierre Moga et Gilbert-Luc Devinaz ; il faut simplifier les normes applicables aux entreprises. La solution est sans doute moins normative que managériale.
Les employés acceptent un peu mieux d'être gérés grâce à une intelligence artificielle, si l'employeur prend le temps de leur expliquer le pourquoi et le comment de cette approche managériale, ce qui contribue à réduire l'insécurité professionnelle ou encore l'asymétrie d'information et de pouvoir. L'employeur doit adapter son style de gestion afin que l'ajout d'une intelligence artificielle soit perçu non pas comme une déshumanisation des ressources humaines, mais comme un « plus » améliorant la gestion des ressources humaines au bénéfice des travailleurs eux-mêmes.
À ce véritable sujet, une réponse pertinente, adaptée et proportionnée s'impose, ce qui n'est pas le cas de la proposition de loi, laquelle, si elle a le mérite d'attirer notre attention, ne peut être adoptée.
En revanche, je nous donne rendez-vous pour la transposition de la prochaine directive européenne, en nous gardant bien de contribuer à la surtransposer !
Ainsi, vous l'aurez compris, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis sa sortie à la fin de l'année 2022, et plus encore depuis celle de sa dernière version, ChatGPT ne cesse de faire parler de lui et nourrit autant d'inquiétudes qu'il fait d'adeptes. Parmi les craintes, on évoque les risques liés à la confidentialité des données, ceux relatifs à l'exactitude des informations transmises par le chatbot et les risques de plagiat.
Il est aussi régulièrement question des risques de suppression d'emplois que cette intelligence artificielle générative pourrait causer. À ce titre, dans un rapport publié le 26 mars dernier, des économistes ont estimé que ce type d'intelligence artificielle pourrait exposer plus de 300 millions d'emplois à l'automatisation.
Toutefois, cette inquiétude de l'articulation entre le travail et l'évolution technique et numérique est-elle une nouveauté ? Pas véritablement.
La crainte des évolutions techniques et de leurs effets sur le travail de l'être humain existe depuis longtemps et n'a pas attendu les pontes de la Silicon Valley. En 1589, la reine Élisabeth Ire d'Angleterre interdisait la machine à tricoter les bas, de crainte qu'elle ne prive ses sujets d'emplois.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un certain humanisme à la française, assez largement partagé, qu’il soit d’origine religieuse ou laïque, nous a toujours fait considérer avec inquiétude et circonspection l’intrusion d’automatismes dans les relations interpersonnelles au sein du monde du travail.
Souvenons-nous de l’essai de Georges Bernanos, La France contre les robots, dans lequel l’auteur formulait, dès 1947, une violente critique de la société industrielle, estimant que le machinisme limitait la liberté des hommes et perturbait jusqu’à leur mode de pensée.
L’actualité concernant les nouvelles formes d’emploi – free-lance, micro-entrepreneur, salarié porté – et les modes d’engagement, en particulier sur les plateformes numériques, suscitent des interrogations.
Il s’agit d’accompagner et de sécuriser l’important mouvement de fond en faveur de ces nouvelles formes d’emploi. Il apparaît également urgent d’examiner l’ensemble des composantes du travail indépendant afin de révolutionner notre pacte social et d’adapter notre système à ces transformations.
Il convient de réinterroger aussi bien le contenu, les équilibres et les applications des dispositifs actuels de protection sociale. Il est vrai que la tentation d’une ubérisation sociale issue de l’organisation algorithmique du travail a dévoyé ces perspectives.
Cependant, actuellement, plus de 28 millions de personnes travaillent par l’intermédiaire de plateformes numériques de travail au sein de l’Union européenne ; en 2025, elles devraient être 43 millions.
Il s’agit d’un secteur particulièrement dynamique et innovant. Ainsi, entre 2016 et 2020, les revenus de l’économie des plateformes ont été multipliés par près de cinq, passant d’un montant estimé à 3 milliards d’euros à environ 14 milliards d’euros.
Partout dans le monde, les conditions d’emploi des travailleurs des plateformes suscitent de nombreuses inquiétudes liées à leur statut juridique : sont-ils des salariés ou des contractants indépendants, par conséquent responsables de leur propre assurance sociale et exerçant un contrôle sur leurs revenus ?
L’issue de cette controverse ayant trait à leur protection sociale n’est pas anodine. Le débat juridique, économique et social est donc vif. En Europe, les États ont apporté des réponses différentes, soit par la loi, soit par la jurisprudence.
Par ailleurs, le développement d’un management par les algorithmes soumet les travailleurs à une pression constante et à un contrôle intrusif.
La première objection à cette proposition de loi est son caractère prématuré, puisqu’une proposition de directive européenne est discutée depuis le 10 décembre 2021. Celle-ci vise à garantir aux personnes travaillant par l’intermédiaire de plateformes numériques de travail le statut professionnel juridique correspondant à leurs modalités réelles de travail.
Pour cela, la proposition de directive prévoit une liste de critères de contrôle afin de déterminer si la plateforme est un « employeur ». Si au moins deux de ces critères sont remplis, les personnes travaillant par l’intermédiaire de la plateforme devraient jouir des droits du travail et des droits sociaux qui découlent du statut de salarié.
Après des mois d’intenses négociations, le Parlement européen a adopté une position de négociation le 2 février, laquelle tend à supprimer les critères de présomption de salariat, ce qui risque d’entraîner une incertitude juridique, de conduire à des requalifications massives et, finalement, de causer des pertes d’emploi. Les États membres de l’Union européenne doivent avancer au même rythme sous peine, sinon, de créer des inégalités de concurrence qui affaibliront la compétitivité de nos entreprises.
La deuxième objection à cette proposition de loi est qu’elle est réductrice. Les mutations du travail ne concernent pas seulement les plateformes numériques, mais de nombreuses autres branches professionnelles, comme l’ont montré les travaux de la délégation sénatoriale aux entreprises sur l’évolution des modes de travail et les défis managériaux de juillet 2021, dont nos collègues Martine Berthet, Michel Canévet et Fabien Gay étaient les rapporteurs. Ces derniers appelaient à une réflexion globale sur la définition juridique du travail indépendant, qui ne peut être réduit à la seule dimension des plateformes de mise en relation.
Il apparaît également que le secteur public s’empare de cette possibilité, en utilisant des algorithmes pour l’orientation des jeunes – je pense notamment à la plateforme Parcoursup.
La troisième objection est que la traduction dans la proposition de loi des pistes identifiées dans le rapport d’information de nos collègues Martine Berthet et Pascal Savoldelli sur l’ubérisation de la société, ainsi que sur l’impact des plateformes numériques sur les métiers et l’emploi, datant de septembre 2021, est inadaptée.
Il faut prendre garde à ne pas repousser les micro-entrepreneurs vers le travail non déclaré en raison d’une réglementation que l’on souhaite toujours vertueuse, mais qui a souvent des effets contre-productifs.
Pour autant, ce taylorisme numérique est un véritable sujet, que la proposition de loi soulève avec raison. Il instaure une surveillance constante des travailleurs par une intelligence artificielle. Ce management déshumanisant crée un profond sentiment d’anxiété chez les employés, voire de perte de confiance envers l’employeur, pouvant conduire à un désengagement dans le travail. Cependant, ce réflexe législatif est-il le bon ?
Nous avons trop tendance à recourir à la norme pour accompagner l’évolution économique. Une réflexion sur ce thème est d’ailleurs actuellement conduite par nos collègues Olivier Rietmann, Jean-Pierre Moga et Gilbert-Luc Devinaz ; il faut simplifier les normes applicables aux entreprises. La solution est sans doute moins normative que managériale.
Les employés acceptent un peu mieux d’être gérés grâce à une intelligence artificielle, si l’employeur prend le temps de leur expliquer le pourquoi et le comment de cette approche managériale, ce qui contribue à réduire l’insécurité professionnelle ou encore l’asymétrie d’information et de pouvoir. L’employeur doit adapter son style de gestion afin que l’ajout d’une intelligence artificielle soit perçu non pas comme une déshumanisation des ressources humaines, mais comme un « plus » améliorant la gestion des ressources humaines au bénéfice des travailleurs eux-mêmes.
À ce véritable sujet, une réponse pertinente, adaptée et proportionnée s’impose, ce qui n’est pas le cas de la proposition de loi, laquelle, si elle a le mérite d’attirer notre attention, ne peut être adoptée.
En revanche, je nous donne rendez-vous pour la transposition de la prochaine directive européenne, en nous gardant bien de contribuer à la surtransposer !
Ainsi, vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un certain humanisme à la française, assez largement partagé, qu’il soit d’origine religieuse ou laïque, nous a toujours fait considérer avec inquiétude et circonspection l’intrusion d’automatismes dans les relations interpersonnelles au sein du monde du travail.
Souvenons-nous de l’essai de Georges Bernanos, La France contre les robots, dans lequel l’auteur formulait, dès 1947, une violente critique de la société industrielle, estimant que le machinisme limitait la liberté des hommes et perturbait jusqu’à leur mode de pensée.
L’actualité concernant les nouvelles formes d’emploi – free-lance, microentrepreneur, salarié porté – et les modes d’engagement, en particulier sur les plateformes numériques, suscitent des interrogations.
Il s’agit d’accompagner et de sécuriser l’important mouvement de fond en faveur de ces nouvelles formes d’emploi. Il apparaît également urgent d’examiner l’ensemble des composantes du travail indépendant afin de révolutionner notre pacte social et d’adapter notre système à ces transformations.
Il convient de réinterroger aussi bien le contenu, les équilibres et les applications des dispositifs actuels de protection sociale. Il est vrai que la tentation d’une ubérisation sociale issue de l’organisation algorithmique du travail a dévoyé ces perspectives.
Cependant, actuellement, plus de 28 millions de personnes travaillent par l’intermédiaire de plateformes numériques de travail au sein de l’Union européenne ; en 2025, elles devraient être 43 millions.
Il s’agit d’un secteur particulièrement dynamique et innovant. Ainsi, entre 2016 et 2020, les revenus de l’économie des plateformes ont été multipliés par près de cinq, passant d’un montant estimé à 3 milliards d’euros à environ 14 milliards d’euros.
Partout dans le monde, les conditions d’emploi des travailleurs des plateformes suscitent de nombreuses inquiétudes liées à leur statut juridique : sont-ils des salariés ou des contractants indépendants, par conséquent responsables de leur propre assurance sociale et exerçant un contrôle sur leurs revenus ?
L’issue de cette controverse ayant trait à leur protection sociale n’est pas anodine. Le débat juridique, économique et social est donc vif. En Europe, les États ont apporté des réponses différentes, soit par la loi, soit par la jurisprudence.
Par ailleurs, le développement d’un management par les algorithmes soumet les travailleurs à une pression constante et à un contrôle intrusif.
La première objection à cette proposition de loi est son caractère prématuré, puisqu’une proposition de directive européenne est discutée depuis le 10 décembre 2021. Celle-ci vise à garantir aux personnes travaillant par l’intermédiaire de plateformes numériques de travail le statut professionnel juridique correspondant à leurs modalités réelles de travail.
Pour cela, la proposition de directive prévoit une liste de critères de contrôle afin de déterminer si la plateforme est un « employeur ». Si au moins deux de ces critères sont remplis, les personnes travaillant par l’intermédiaire de la plateforme devraient jouir des droits du travail et des droits sociaux qui découlent du statut de salarié.
Après des mois d’intenses négociations, le Parlement européen a adopté une position de négociation le 2 février, laquelle tend à supprimer les critères de présomption de salariat, ce qui risque d’entraîner une incertitude juridique, de conduire à des requalifications massives et, finalement, de causer des pertes d’emploi. Les États membres de l’Union européenne doivent avancer au même rythme sous peine, sinon, de créer des inégalités de concurrence qui affaibliront la compétitivité de nos entreprises.
La deuxième objection à cette proposition de loi est qu’elle est réductrice. Les mutations du travail ne concernent pas seulement les plateformes numériques, mais de nombreuses autres branches professionnelles, comme l’ont montré les travaux de la délégation sénatoriale aux entreprises sur l’évolution des modes de travail et les défis managériaux de juillet 2021, dont nos collègues Martine Berthet, Michel Canévet et Fabien Gay étaient les rapporteurs. Ces derniers appelaient à une réflexion globale sur la définition juridique du travail indépendant, qui ne peut être réduit à la seule dimension des plateformes de mise en relation.
Il apparaît également que le secteur public s’empare de cette possibilité, en utilisant des algorithmes pour l’orientation des jeunes – je pense notamment à la plateforme Parcoursup.
La troisième objection est que la traduction dans la proposition de loi des pistes identifiées dans le rapport d’information de nos collègues Martine Berthet et Pascal Savoldelli sur l’ubérisation de la société, ainsi que sur l’impact des plateformes numériques sur les métiers et l’emploi, datant de septembre 2021, est inadaptée.
Il faut prendre garde à ne pas repousser les microentrepreneurs vers le travail non déclaré en raison d’une réglementation que l’on souhaite toujours vertueuse, mais qui a souvent des effets contre-productifs.
Pour autant, ce taylorisme numérique est un véritable sujet, que la proposition de loi soulève avec raison. Il instaure une surveillance constante des travailleurs par une intelligence artificielle. Ce management déshumanisant crée un profond sentiment d’anxiété chez les employés, voire de perte de confiance envers l’employeur, pouvant conduire à un désengagement dans le travail. Cependant, ce réflexe législatif est-il le bon ?
Nous avons trop tendance à recourir à la norme pour accompagner l’évolution économique. Une réflexion sur ce thème est d’ailleurs actuellement conduite par nos collègues Olivier Rietmann, Jean-Pierre Moga et Gilbert-Luc Devinaz ; il faut simplifier les normes applicables aux entreprises. La solution est sans doute moins normative que managériale.
Les employés acceptent un peu mieux d’être gérés grâce à une intelligence artificielle, si l’employeur prend le temps de leur expliquer le pourquoi et le comment de cette approche managériale, ce qui contribue à réduire l’insécurité professionnelle ou encore l’asymétrie d’information et de pouvoir. L’employeur doit adapter son style de gestion afin que l’ajout d’une intelligence artificielle soit perçu non pas comme une déshumanisation des ressources humaines, mais comme un « plus » améliorant la gestion des ressources humaines au bénéfice des travailleurs eux-mêmes.
À ce véritable sujet, une réponse pertinente, adaptée et proportionnée s’impose, ce qui n’est pas le cas de la proposition de loi, laquelle, si elle a le mérite d’attirer notre attention, ne peut être adoptée.
En revanche, je nous donne rendez-vous pour la transposition de la prochaine directive européenne, en nous gardant bien de contribuer à la surtransposer !
Ainsi, vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte.
Sourires.
Plus récemment, dès l'apparition d'Uber en France en 2011, des alertes étaient lancées sur le risque d'ubérisation de la société et sur la nécessité d'adapter notre droit du travail aux évolutions numériques.
Nous devons donc en permanence nous interroger sur le rapport entre les évolutions techniques et le travail, qui est le sujet de la présente proposition de loi. Plus précisément, ses auteurs nous proposent de légiférer sur les effets des algorithmes sur la relation de travail.
Le cadre de cette proposition de loi dépasse celui des plateformes numériques. L'usage d'algorithmes dans la relation de travail est aujourd'hui présent bien plus largement, y compris dans des secteurs qui ne sont pas directement liés au numérique, par exemple en matière de processus de recrutement, de gestion des carrières ou d'évaluation des salariés. Les algorithmes interviennent de façon croissante dans la gestion des ressources humaines.
Ce texte a le mérite d'ouvrir le débat sur cette nouvelle forme de management qu'est le management algorithmique et sur les enjeux qu'il soulève. Si ce type d'inquiétude n'est pas nouveau, le nombre important et le type d'emplois qui pourraient être concernés inquiètent davantage, comme la rapidité avec laquelle ils pourraient l'être.
Il nous revient d'encadrer l'usage des algorithmes de sorte qu'il ne se fasse pas au détriment des salariés. Reconnaissons-le, pour les travailleurs comme d'ailleurs pour les employeurs, les algorithmes ont souvent quelque chose d'abstrait, voire d'opaque.
Cette proposition de loi pose des questions tout à fait légitimes sur l'articulation entre algorithme et pouvoir de l'employeur, sur les critères et les paramètres retenus par un algorithme ou encore sur le statut des travailleurs des plateformes numériques.
Toutes ces questions sont pertinentes. Cependant, nous ne pensons pas que les réponses figurent dans ce texte.
En effet, les dispositions législatives en vigueur n'excluent pas les décisions prises grâce à un algorithme du pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur. Elles ne les excluent pas non plus du principe de non-discrimination. Est-il nécessaire de légiférer afin de préciser que tout ce qui ne serait pas exclu d'une règle y est inclus ? Nous ne le pensons pas.
À propos du statut des travailleurs de plateformes, nous estimons plus pertinent d'attendre la directive européenne, qui devrait nous parvenir prochainement.
Voilà une semaine, plus d'un millier de personnalités du monde de la tech signaient une lettre ouverte appelant à suspendre le développement de l'intelligence artificielle et s'interrogeaient : « Devrions-nous automatiser tous les emplois ? Devrions-nous développer des esprits non humains qui pourraient finalement nous dépasser en nombre et en intelligence, nous rendre obsolètes et nous remplacer ? Devrions-nous risquer de perdre le contrôle de notre civilisation ? »
Autant de questions auxquelles les six mois de suspension demandés par les signataires ne suffiront sans doute pas à trouver des réponses. Les signataires n'en apportent pas non plus, mais ils alertent au moins sur ce sujet, à l'image de cette proposition de loi. Toutefois, il est intéressant d'en débattre et je remercie les auteurs de ce texte de nous avoir permis d'y réfléchir.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre ce texte.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis sa sortie à la fin de l’année 2022, et plus encore depuis celle de sa dernière version, ChatGPT ne cesse de faire parler de lui et nourrit autant d’inquiétudes qu’il fait d’adeptes. Parmi les craintes, on évoque les risques liés à la confidentialité des données, ceux relatifs à l’exactitude des informations transmises par le chatbot et les risques de plagiat.
Il est aussi régulièrement question des risques de suppression d’emplois que cette intelligence artificielle générative pourrait causer. À ce titre, dans un rapport publié le 26 mars dernier, des économistes ont estimé que ce type d’intelligence artificielle pourrait exposer plus de 300 millions d’emplois à l’automatisation.
Toutefois, cette inquiétude de l’articulation entre le travail et l’évolution technique et numérique est-elle une nouveauté ? Pas véritablement.
La crainte des évolutions techniques et de leurs effets sur le travail de l’être humain existe depuis longtemps et n’a pas attendu les pontes de la Silicon Valley. En 1589, la reine Élisabeth Ire d’Angleterre interdisait la machine à tricoter les bas, de crainte qu’elle ne prive ses sujets d’emplois.
Sourires.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Mark MacGann, ancien dirigeant de l'entreprise Uber devenu lanceur d'alerte, s'interrogeait le 23 mars dernier lors de son audition par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative aux révélations des Uber Files : « Combien de fois ai-je eu affaire à des gouvernements qui nous accusaient, à raison, d'être des hors-la-loi, mais qui, en privé, nous promettaient de trouver des solutions rapides et favorables à la croissance effrénée exigée par nos dirigeants et nos investisseurs ? [...] En quoi cacher des rencontres avec des dirigeants d'entreprises sert-il la démocratie ? »
Il poursuivait : « Comment est-il possible que le fer de lance des États membres de l'Union européenne qui cherchent à vider de son sens la directive européenne sur les travailleurs des plateformes, adoptée par le Parlement européen, soit la France ? La même France qui a créé la sécurité sociale en 1945 et le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) en 1950, la France des congés payés, du minimum vieillesse, de la couverture médicale universelle (CMU), du revenu de solidarité active (RSA) et – c'est d'actualité – de la retraite à taux plein à 60 ans ! »
Nous saluons la proposition de loi de nos collègues du groupe CRCE qui, au-delà des plateformes numériques dites de mise en relation, adapte une partie de notre droit à l'avancée de l'organisation algorithmique du travail dans les entreprises.
Il nous apparaît en effet fondamental et urgent de définir juridiquement l'algorithme comme une intégration automatisée du pouvoir de direction, d'organisation et de contrôle de l'employeur, qui est le seul responsable in fine des critères et des finalités retenus dans le cahier des charges destiné aux informaticiens.
Le traitement automatisé qui s'ensuit ne peut masquer et invisibiliser le concepteur derrière le management algorithmique. Oui, selon une formule pertinente de l'exposé des motifs de cette proposition de loi, « l'algorithme est devenu le contremaître des temps modernes ».
C'est pourquoi l'employeur doit pouvoir répondre d'un possible biais de discrimination de l'algorithme et avoir l'obligation de s'en expliquer comme de le corriger. Dans ce cadre, le comité social et économique de l'entreprise devrait avoir connaissance des logiques de fonctionnement des algorithmes afin d'exercer pleinement ses prérogatives.
Enfin, concernant le cas spécifique des plateformes numériques, lorsqu'elles définissent et contrôlent les caractéristiques essentielles de la prestation et de la relation de travail, l'article 3 de ce texte prévoit d'intégrer dans le droit du travail la jurisprudence de la Cour de cassation, en leur contestant la qualité de simple « opérateur de mise en relation ».
Dès lors, nous appelons la France à soutenir – enfin ! – au Conseil de l'Union européenne la proposition de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, sur laquelle le Parlement européen a adopté le 2 février une position de négociation. Ce texte établit une présomption légale de salariat. D'autres pays européens ont déjà légiféré en ce sens.
En effet, le récit d'une prétendue indépendance des opérateurs de ces plateformes se révèle souvent être une fiction, déconstruite par la force de rappel d'une exploitation sans régulation.
« Faites-vous livrer là où la vie vous mène » propose Uber Eats via une campagne commerciale. Il s'agit de livraisons réalisées au détriment des conditions de travail des coursiers : contrôle en temps réel, opacité de la fixation des tarifs, dépendance à l'algorithme…
Dans les faits, le modèle économique des plateformes numériques participe massivement à la précarisation et à la paupérisation des travailleurs. Ainsi, au sein de l'Union européenne, plus de la moitié des travailleurs des plateformes gagnent moins que le salaire horaire net minimum du pays dans lequel ils travaillent.
Le journal Le Progrès, comme d'autres journaux régionaux, publiait mardi un dossier titré : « Qui sont les forçats de l'ubérisation ? »
Selon la Commission européenne, le texte qu'elle a proposé permettrait à la France, outre d'améliorer de façon substantielle les revenus des travailleurs, de percevoir entre 328 millions et 780 millions d'euros de recettes annuelles supplémentaires. Nous l'avons déjà souligné pendant l'examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale réformant les retraites, voilà de véritables solutions de financement de substitution renouant enfin avec le progrès social.
Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi, qui reprend plusieurs recommandations de la mission d'information sénatoriale. §
Plus récemment, dès l’apparition d’Uber en France en 2011, des alertes étaient lancées sur le risque d’ubérisation de la société et sur la nécessité d’adapter notre droit du travail aux évolutions numériques.
Nous devons donc en permanence nous interroger sur le rapport entre les évolutions techniques et le travail, qui est le sujet de la présente proposition de loi. Plus précisément, ses auteurs nous proposent de légiférer sur les effets des algorithmes sur la relation de travail.
Le cadre de cette proposition de loi dépasse celui des plateformes numériques. L’usage d’algorithmes dans la relation de travail est aujourd’hui présent bien plus largement, y compris dans des secteurs qui ne sont pas directement liés au numérique, par exemple en matière de processus de recrutement, de gestion des carrières ou d’évaluation des salariés. Les algorithmes interviennent de façon croissante dans la gestion des ressources humaines.
Ce texte a le mérite d’ouvrir le débat sur cette nouvelle forme de management qu’est le management algorithmique et sur les enjeux qu’il soulève. Si ce type d’inquiétude n’est pas nouveau, le nombre important et le type d’emplois qui pourraient être concernés inquiètent davantage, comme la rapidité avec laquelle ils pourraient l’être.
Il nous revient d’encadrer l’usage des algorithmes de sorte qu’il ne se fasse pas au détriment des salariés. Reconnaissons-le, pour les travailleurs comme d’ailleurs pour les employeurs, les algorithmes ont souvent quelque chose d’abstrait, voire d’opaque.
Cette proposition de loi pose des questions tout à fait légitimes sur l’articulation entre algorithme et pouvoir de l’employeur, sur les critères et les paramètres retenus par un algorithme ou encore sur le statut des travailleurs des plateformes numériques.
Toutes ces questions sont pertinentes. Cependant, nous ne pensons pas que les réponses figurent dans ce texte.
En effet, les dispositions législatives en vigueur n’excluent pas les décisions prises grâce à un algorithme du pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur. Elles ne les excluent pas non plus du principe de non-discrimination. Est-il nécessaire de légiférer afin de préciser que tout ce qui ne serait pas exclu d’une règle y est inclus ? Nous ne le pensons pas.
À propos du statut des travailleurs de plateformes, nous estimons plus pertinent d’attendre la directive européenne, qui devrait nous parvenir prochainement.
Voilà une semaine, plus d’un millier de personnalités du monde de la tech signaient une lettre ouverte appelant à suspendre le développement de l’intelligence artificielle et s’interrogeaient : « Devrions-nous automatiser tous les emplois ? Devrions-nous développer des esprits non humains qui pourraient finalement nous dépasser en nombre et en intelligence, nous rendre obsolètes et nous remplacer ? Devrions-nous risquer de perdre le contrôle de notre civilisation ? »
Autant de questions auxquelles les six mois de suspension demandés par les signataires ne suffiront sans doute pas à trouver des réponses. Les signataires n’en apportent pas non plus, mais ils alertent au moins sur ce sujet, à l’image de cette proposition de loi. Toutefois, il est intéressant d’en débattre et je remercie les auteurs de ce texte de nous avoir permis d’y réfléchir.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre ce texte.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi a pour objet d'encadrer davantage la numérisation des relations de travail, en définissant juridiquement l'algorithme, en renforçant les prérogatives d'information et de contrôle des comités sociaux et économiques et en légiférant sur le cas particulier des plateformes de mise en relation.
En 2021, nous avons mené une mission d'information, dont j'ai été vice-président – je salue d'ailleurs le travail de son rapporteur, Pascal Savoldelli –, portant sur l'ubérisation de la société et l'impact des plateformes numériques sur les métiers et l'emploi.
Nous avions formulé diverses recommandations organisées autour de quatre grands axes : l'amélioration des conditions de travail, le développement du dialogue social, l'encadrement du management algorithmique, ainsi que la transparence et la régulation des algorithmes des plateformes.
Ainsi, madame la rapporteure, si nous soutenons l'objectif de ce texte, qui est bien l'amélioration de la protection des salariés dans le cadre d'une relation algorithmique du travail, nous ne sommes pas complètement d'accord avec les moyens avancés.
Concernant l'article 1er, nous ne pensons pas que le dispositif proposé apporte des garanties supplémentaires aux travailleurs, car l'employeur est déjà responsable de ses décisions, même lorsqu'il a recours à des moyens technologiques.
Nous serions plutôt favorables à un dispositif qui améliorerait l'information des travailleurs sur ces plateformes, qui faciliterait leur accès aux données engendrées par leur activité et qui contribuerait à supprimer automatiquement, à intervalles réguliers, l'historique de leurs données.
Garantir l'intelligibilité des algorithmes aux travailleurs est la première étape indispensable pour faire du contenu de l'algorithme un véritable objet de négociation et pour intégrer ces problématiques au dialogue social.
En ce qui concerne l'article 2, si nous sommes favorables à une lutte plus accrue contre les discriminations au travail, qui peuvent être aggravées par l'utilisation des algorithmes, nous pensons toutefois que le dispositif proposé est satisfait par le droit en vigueur.
Il faut également rappeler que la procédure relative au contentieux des discriminations au travail peut d'ores et déjà s'appliquer aux recours contre les décisions des employeurs prises à l'aide d'outils technologiques, comme l'a indiqué Mme la ministre.
Au fil des auditions que nous avons menées pendant cette mission d'information, nous avons acquis la conviction qu'un algorithme était non pas seulement une suite d'opérations permettant de traiter des volumes importants de données, mais bel et bien une chaîne de responsabilité humaine, au long de laquelle il demeure possible d'intervenir à chaque moment. Cela peut être réalisé, par exemple, en rappelant la possibilité offerte aux salariés d'utiliser le statut de lanceur d'alerte.
Si l'article 3 soulève le sujet très attendu de la définition et de la qualification des travailleurs de plateformes, nous pensons cependant que nos travaux gagneraient à être orientés vers l'amélioration concrète des protections dont bénéficient ces travailleurs.
Je ne vous apprends rien ; des négociations sont en cours au sein du Conseil de l'Union européenne au sujet de la proposition de directive ayant trait à la présomption légale de salariat, présentée en décembre 2021 par la Commission européenne. Cette requalification, que nous soutenons, permettra un réel renforcement des droits des travailleurs des plateformes.
Le développement des plateformes numériques a considérablement transformé notre rapport au travail, ainsi que notre modèle social et économique.
Le travail est le secteur qui a subi l'une des évolutions les plus considérables dans notre société ces dernières années, nécessitant une adaptation très forte de la part des travailleurs. La généralisation du télétravail induite par la crise sanitaire et, plus récemment, les débats animés sur la question des retraites ont démontré toute l'importance des inquiétudes des Français à ce sujet.
Ainsi, si nous partageons certains des constats qui motivent cette proposition de loi – et je salue ici l'ensemble du travail effectué –, le groupe RDPI ne votera pas en faveur de ce texte.
Toutefois, nous sommes favorables à l'engagement d'une réflexion d'ensemble sur le sujet du travail et des valeurs qui l'accompagnent pour aboutir in fine à l'élaboration d'un texte législatif.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Mark MacGann, ancien dirigeant de l’entreprise Uber devenu lanceur d’alerte, s’interrogeait le 23 mars dernier lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale relative aux révélations des Uber Files : « Combien de fois ai-je eu affaire à des gouvernements qui nous accusaient, à raison, d’être des hors-la-loi, mais qui, en privé, nous promettaient de trouver des solutions rapides et favorables à la croissance effrénée exigée par nos dirigeants et nos investisseurs ? […] En quoi cacher des rencontres avec des dirigeants d’entreprises sert-il la démocratie ? »
Il poursuivait : « Comment est-il possible que le fer de lance des États membres de l’Union européenne qui cherchent à vider de son sens la directive européenne sur les travailleurs des plateformes, adoptée par le Parlement européen, soit la France ? La même France qui a créé la sécurité sociale en 1945 et le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) en 1950, la France des congés payés, du minimum vieillesse, de la couverture médicale universelle (CMU), du revenu de solidarité active (RSA) et – c’est d’actualité – de la retraite à taux plein à 60 ans ! »
Nous saluons la proposition de loi de nos collègues du groupe CRCE qui, au-delà des plateformes numériques dites de mise en relation, adapte une partie de notre droit à l’avancée de l’organisation algorithmique du travail dans les entreprises.
Il nous apparaît en effet fondamental et urgent de définir juridiquement l’algorithme comme une intégration automatisée du pouvoir de direction, d’organisation et de contrôle de l’employeur, qui est le seul responsable in fine des critères et des finalités retenus dans le cahier des charges destiné aux informaticiens.
Le traitement automatisé qui s’ensuit ne peut masquer et invisibiliser le concepteur derrière le management algorithmique. Oui, selon une formule pertinente de l’exposé des motifs de cette proposition de loi, « l’algorithme est devenu le contremaître des temps modernes ».
C’est pourquoi l’employeur doit pouvoir répondre d’un possible biais de discrimination de l’algorithme et avoir l’obligation de s’en expliquer comme de le corriger. Dans ce cadre, le comité social et économique de l’entreprise devrait avoir connaissance des logiques de fonctionnement des algorithmes afin d’exercer pleinement ses prérogatives.
Enfin, concernant le cas spécifique des plateformes numériques, lorsqu’elles définissent et contrôlent les caractéristiques essentielles de la prestation et de la relation de travail, l’article 3 de ce texte prévoit d’intégrer dans le droit du travail la jurisprudence de la Cour de cassation, en leur contestant la qualité de simple « opérateur de mise en relation ».
Dès lors, nous appelons la France à soutenir – enfin ! – au Conseil de l’Union européenne la proposition de directive relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, sur laquelle le Parlement européen a adopté le 2 février une position de négociation. Ce texte établit une présomption légale de salariat. D’autres pays européens ont déjà légiféré en ce sens.
En effet, le récit d’une prétendue indépendance des opérateurs de ces plateformes se révèle souvent être une fiction, déconstruite par la force de rappel d’une exploitation sans régulation.
« Faites-vous livrer là où la vie vous mène » propose Uber Eats via une campagne commerciale. Il s’agit de livraisons réalisées au détriment des conditions de travail des coursiers : contrôle en temps réel, opacité de la fixation des tarifs, dépendance à l’algorithme…
Dans les faits, le modèle économique des plateformes numériques participe massivement à la précarisation et à la paupérisation des travailleurs. Ainsi, au sein de l’Union européenne, plus de la moitié des travailleurs des plateformes gagnent moins que le salaire horaire net minimum du pays dans lequel ils travaillent.
Le journal Le Progrès, comme d’autres journaux régionaux, publiait mardi un dossier titré : « Qui sont les forçats de l’ubérisation ? »
Selon la Commission européenne, le texte qu’elle a proposé permettrait à la France, outre d’améliorer de façon substantielle les revenus des travailleurs, de percevoir entre 328 millions et 780 millions d’euros de recettes annuelles supplémentaires. Nous l’avons déjà souligné pendant l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale réformant les retraites, voilà de véritables solutions de financement de substitution renouant enfin avec le progrès social.
Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi, qui reprend plusieurs recommandations de la mission d’information sénatoriale.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et SER. – Mme la rapporteure et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.
Applaudissements sur les travées d es groupe s CRCE et SER. – Mme la rapporteure et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre de la proposition de loi relative à la maîtrise de l'organisation algorithmique du travail.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain accueille très positivement ce texte, tant il est en phase avec l'actualité. Chaque jour, la démonstration est faite que la plateformisation du travail, dont le cœur de la matrice se trouve dans l'opacité de la « boîte noire » qu'est l'algorithme, n'est ni plus ni moins qu'un cheval de Troie contre notre modèle social.
Nous avons toujours affirmé n'être en rien opposés au développement de l'économie numérique et aux plateformes collaboratives qui rendent de nombreux services à nos concitoyens. Mais nous souhaitons faire clairement la distinction entre ces interfaces et les plateformes numériques de travail, qui dérégulent le marché du travail et de nombreux secteurs d'activités, et formuler des propositions afin d'encadrer cette plateformisation de l'économie. Ainsi, dès 2019, notre collègue Monique Lubin présentait une proposition de loi visant à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques.
En France, plusieurs milliers de femmes et d'hommes ont été séduits par les promesses des plateformes, qui proposent une organisation libre du temps du travail, sans contrainte hiérarchique. En pratique, à cette illusion de liberté se substitue fréquemment une réalité bien plus brutale, les travailleurs se retrouvant très rapidement pieds et poings liés face aux exigences des plateformes.
Du jour au lendemain, certains d'entre eux voient leur compte suspendu, souvent sans aucune justification. Cela est d'autant plus dur qu'ils sont privés de nombreux droits sociaux, en raison du statut fictif de travailleur indépendant.
Nul ne peut plus nier que la dématérialisation des entreprises, à laquelle nous assistons sous l'effet de l'intelligence artificielle, et plus largement le numérique bouleversent toutes les relations de travail. De plus en plus de travailleurs seront gérés par un algorithme, qui leur attribuera des tâches, les rémunérera, organisera leur travail, les évaluera et, même, les sanctionnera.
L'enjeu est désormais de maîtriser ces algorithmes. Il est de notre responsabilité de garder la mainmise sur les innovations technologiques avant d'être dépassés par elles. Encadrer et contrôler devraient être nos maîtres mots.
Si le rôle de simple intermédiaire et de mise en relation est souvent mis en avant par les plateformes elles-mêmes pour décrire le fonctionnement des algorithmes, personne ne peut plus nier que le management algorithmique contribue, au contraire, à déterminer les conditions de travail et de rémunération des travailleurs bien au-delà d'une simple mise en relation entre l'offre et la demande.
Les algorithmes de tarification, les mécanismes d'incitation et les systèmes de notation ont des effets directs sur le comportement des travailleurs des plateformes, en modifiant leur organisation et leur temps de travail et en ne leur permettant d'avoir une visibilité ni sur leurs revenus ni sur leur projet professionnel.
Un algorithme est non pas seulement une suite d'opérations permettant de traiter des volumes importants de données, mais bien une chaîne de responsabilité humaine au long de laquelle il demeure possible d'intervenir à chaque étape de conception et d'utilisation.
Ce faisant, nous sommes évidemment favorables à la proposition de loi du groupe CRCE, qui reprend d'ailleurs plusieurs propositions du rapport de la mission d'information du Sénat sur l'ubérisation de la société que nous avions approuvées. Outre sa participation active à cette mission, notre groupe avait rédigé une contribution, notamment pour insister sur la légitime question du statut des travailleurs des plateformes.
Oui, nous devons inscrire dans la loi que les décisions des employeurs prises à l'aide de moyens technologiques sont des décisions relevant de leur pouvoir de direction.
Oui, il importe, en cas de litige portant sur une discrimination au travail, que ce soit à l'employeur d'apporter la preuve que les outils qu'il utilise ne sont pas source de discriminations. Notre collègue Olivier Jacquin avait d'ailleurs déjà émis ce souhait dans le cadre de sa proposition de loi visant notamment à contrôler la place de l'algorithme dans les relations contractuelles.
Et oui, enfin, il convient de conforter le mouvement jurisprudentiel actuel en faveur de la requalification de certains travailleurs de plateformes, en posant clairement la distinction entre, d'une part, les véritables opérateurs de mise en relation et, d'autre part, les plateformes d'emploi qui exercent un contrôle juridique et économique sur les éléments essentiels de la relation les liant aux travailleurs.
Il est grand temps d'avancer sur ces sujets.
L'intelligence artificielle est utilisée par des outils qui visent à éclairer la prise de décision ou à surveiller les employés. Cela crée une asymétrie de pouvoir et d'information. L'algorithme déformant l'ensemble des conditions de travail, nous avons le devoir aujourd'hui d'agir pour y remédier.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme la rapporteure applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi a pour objet d’encadrer davantage la numérisation des relations de travail, en définissant juridiquement l’algorithme, en renforçant les prérogatives d’information et de contrôle des comités sociaux et économiques et en légiférant sur le cas particulier des plateformes de mise en relation.
En 2021, nous avons mené une mission d’information, dont j’ai été vice-président – je salue d’ailleurs le travail de son rapporteur, Pascal Savoldelli –, portant sur l’ubérisation de la société et l’impact des plateformes numériques sur les métiers et l’emploi.
Nous avions formulé diverses recommandations organisées autour de quatre grands axes : l’amélioration des conditions de travail, le développement du dialogue social, l’encadrement du management algorithmique, ainsi que la transparence et la régulation des algorithmes des plateformes.
Ainsi, madame la rapporteure, si nous soutenons l’objectif de ce texte, qui est bien l’amélioration de la protection des salariés dans le cadre d’une relation algorithmique du travail, nous ne sommes pas complètement d’accord avec les moyens avancés.
Concernant l’article 1er, nous ne pensons pas que le dispositif proposé apporte des garanties supplémentaires aux travailleurs, car l’employeur est déjà responsable de ses décisions, même lorsqu’il a recours à des moyens technologiques.
Nous serions plutôt favorables à un dispositif qui améliorerait l’information des travailleurs sur ces plateformes, qui faciliterait leur accès aux données engendrées par leur activité et qui contribuerait à supprimer automatiquement, à intervalles réguliers, l’historique de leurs données.
Garantir l’intelligibilité des algorithmes aux travailleurs est la première étape indispensable pour faire du contenu de l’algorithme un véritable objet de négociation et pour intégrer ces problématiques au dialogue social.
En ce qui concerne l’article 2, si nous sommes favorables à une lutte plus accrue contre les discriminations au travail, qui peuvent être aggravées par l’utilisation des algorithmes, nous pensons toutefois que le dispositif proposé est satisfait par le droit en vigueur.
Il faut également rappeler que la procédure relative au contentieux des discriminations au travail peut d’ores et déjà s’appliquer aux recours contre les décisions des employeurs prises à l’aide d’outils technologiques, comme l’a indiqué Mme la ministre.
Au fil des auditions que nous avons menées pendant cette mission d’information, nous avons acquis la conviction qu’un algorithme était non pas seulement une suite d’opérations permettant de traiter des volumes importants de données, mais bel et bien une chaîne de responsabilité humaine, au long de laquelle il demeure possible d’intervenir à chaque moment. Cela peut être réalisé, par exemple, en rappelant la possibilité offerte aux salariés d’utiliser le statut de lanceur d’alerte.
Si l’article 3 soulève le sujet très attendu de la définition et de la qualification des travailleurs de plateformes, nous pensons cependant que nos travaux gagneraient à être orientés vers l’amélioration concrète des protections dont bénéficient ces travailleurs.
Je ne vous apprends rien ; des négociations sont en cours au sein du Conseil de l’Union européenne au sujet de la proposition de directive ayant trait à la présomption légale de salariat, présentée en décembre 2021 par la Commission européenne. Cette requalification, que nous soutenons, permettra un réel renforcement des droits des travailleurs des plateformes.
Le développement des plateformes numériques a considérablement transformé notre rapport au travail, ainsi que notre modèle social et économique.
Le travail est le secteur qui a subi l’une des évolutions les plus considérables dans notre société ces dernières années, nécessitant une adaptation très forte de la part des travailleurs. La généralisation du télétravail induite par la crise sanitaire et, plus récemment, les débats animés sur la question des retraites ont démontré toute l’importance des inquiétudes des Français à ce sujet.
Ainsi, si nous partageons certains des constats qui motivent cette proposition de loi – et je salue ici l’ensemble du travail effectué –, le groupe RDPI ne votera pas en faveur de ce texte.
Toutefois, nous sommes favorables à l’engagement d’une réflexion d’ensemble sur le sujet du travail et des valeurs qui l’accompagnent pour aboutir in fine à l’élaboration d’un texte législatif.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier mon collègue Pascal Savoldelli d'avoir présenté la proposition de loi relative à la maîtrise de l'organisation algorithmique du travail. Celle-ci s'inscrit dans la continuité de son tour de France et de son travail en faveur de la création d'un véritable statut des travailleuses et des travailleurs des plateformes numériques.
Je remercie également ma collègue Cathy Apourceau-Poly de la présentation de son rapport et des auditions qu'elle a conduites, qui ont enrichi le travail de Pascal Savoldelli.
Cette réflexion sur le travail dans notre société est essentielle. Au lieu de voter la retraite à 64 ans et, ainsi, voler les deux plus belles années de vie à la retraite des travailleurs et des travailleuses, le Gouvernement et la droite sénatoriale auraient été mieux inspirés de débattre du partage des richesses et du sens du travail.
Nous ne pouvons plus en faire l'économie. Le travail connaît des mutations sous l'effet de la généralisation de l'informatisation et de la robotisation amorcée dans les années 1980 et, à présent, de l'intelligence artificielle et des algorithmes, ce qui constitue une étape supplémentaire.
Les algorithmes dictent les contenus de nos téléphones et les articles de presse que nous lisons, influençant ainsi nos pensées et nos vies ; en nous orientant vers ce que nous aimons, ils nous privent de découvertes et donc de l'inconnu.
Ils modifient également notre rapport au travail et notre vie en société. En tant qu'êtres humains, citoyens et travailleurs, nous leurs sommes subordonnés. Il est donc urgent d'encadrer l'intelligence artificielle et les algorithmes.
Même Elon Musk, pourtant fondamentalement opposé aux droits sociaux et syndicaux, a réclamé, avec une centaine d'experts mondiaux, une pause de six mois dans la recherche sur les intelligences artificielles – un comble ! –, car ces technologies posent des problèmes de protection des données, de dérégulation du marché de l'emploi et de circulation de fausses informations.
Sous couvert de neutralité et d'équité, ces algorithmes sont en réalité des aides à la décision pour l'employeur, qui demeure pourtant le seul donneur d'ordres ; or ils sont subjectifs. Ils constituent un nouvel outil de contrôle des travailleurs, de management, mais aussi de discrimination, voire de répression syndicale : ce n'est plus le patron qui vous licencie, c'est l'algorithme qui vous suspend.
Nous proposons donc de modifier le code du travail afin que les décisions prises à l'aide de moyens technologiques relèvent du pouvoir de direction de l'employeur, qui programme la machine à son avantage.
La relation de travail qui en est issue est, certes, moins directe avec l'employé, mais elle reste contractuelle et elle accroît la domination de l'employeur, en faisant peser de nouvelles contraintes sur les salariés. En étant maître de la programmation et en organisant son opacité, l'employeur reste le décideur unique : il existe donc bien un lien de subordination.
Les algorithmes incitent à davantage de rendement, en notant les travailleurs et en les poussant à augmenter leur productivité. Il est donc urgent de garantir à ces derniers un droit à la déconnexion, car le contremaître numérique, lui, ne prend jamais de pause.
Surtout, l'algorithme est froid ; avec lui, plus de débats, plus d'association du salarié aux prises de décision, plus non plus de discussions sur le sens du travail. L'intelligence artificielle et les algorithmes, c'est « travaille et tais-toi ! »
Ne pas légiférer reviendrait à refuser d'équilibrer la relation entre les employeurs et les travailleurs, à laisser ces derniers en dehors du champ du code du travail et à refuser de les protéger face à un système qui s'étendra peut-être, à l'avenir, à tous les champs du salariat. Les algorithmes impliquent souvent des salariés déguisés en auto-entrepreneurs, sans droits ni salaire, mais avec une rémunération à la tâche, subissant la contrainte de devoir atteindre 60 heures par semaine pour s'en sortir.
La commission des affaires sociales du Sénat a estimé qu'il était prématuré de légiférer avant l'aboutissement de la réflexion européenne. Le Sénat français devrait pourtant œuvrer pour faire avancer la législation. Notre proposition de loi porte cette ambition : elle prend acte de la résolution adoptée par la Confédération européenne des syndicats le 6 décembre dernier, laquelle a établi la nécessité, pour les représentants des travailleurs, de bénéficier d'une expertise externe afin d'évaluer l'impact des algorithmes sur les conditions de travail.
Il est essentiel de faire valoir transparence et expertise pour rééquilibrer la relation au travail des plateformes numériques ; nous proposons donc de lever la zone d'ombre qui dissimule le véritable statut de ces travailleurs.
Dès lors que les plateformes encadrent juridiquement et économiquement l'activité des travailleurs, ceux-ci ne peuvent être considérés comme des indépendants, mais doivent être reconnus pour ce qu'ils sont : des salariés dans un rapport de subordination aux plateformes.
Aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations fiscales et administratives, la loi doit imposer le respect de leurs obligations sociales. C'est pourquoi nous voterons cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier notre collègue Pascal Savoldelli et le groupe communiste républicain citoyen et écologiste de nous permettre de débattre à nouveau de l'impact du numérique et des nouvelles formes de travail issues de la plateformisation et de ce que l'on appelle communément l'ubérisation.
Ce texte est le quatrième sur le sujet que nous étudions en quatre ans, après deux missions d'information et de nombreuses autres propositions, déposées pour alimenter nos réflexions. Il faut croire que l'on parle davantage du travail grâce aux initiatives parlementaires que dans les textes du Gouvernement !
La question centrale est simple : comment s'assurer que le progrès technologique permette l'émancipation des travailleurs, et non leur assujettissement via un contremaître 2.0 ?
Corinne Féret a cité ma proposition de loi visant à lutter contre l'indépendance fictive, en permettant des requalifications en salarié par action de groupe et en contrôlant la place de l'algorithme dans les relations contractuelles, qui a été rejetée ici en 2021. Nous y défendions déjà la nécessité de contrôle et de transparence des algorithmes.
Le texte présenté aujourd'hui avance encore dans cette direction, et je m'étonne que la majorité sénatoriale continue, quant à elle, à se cacher sur ce sujet majeur, après le revirement opéré l'année dernière, lors des débats sur la ratification de l'ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation, dite ordonnance Mettling.
En 2019, la commission des affaires sociales s'est opposée au tiers statut, mais, en 2021, elle a donné un blanc-seing au Gouvernement, dont l'intention était claire, comme l'était celle de la rapporteure de l'Assemblée nationale à l'époque : « réduire le faisceau d'indices susceptibles de révéler l'existence d'un lien de subordination » de telle sorte que « le risque d'une requalification [...] soit aussi réduit que possible ».
Je ne fais que vous citer, madame la ministre : vous étiez en effet cette rapporteure, et vous oubliiez alors que nombre de ces travailleurs étaient des « indépendants fictifs », comme les a qualifiés la Cour de cassation.
L'excellent rapport de Cathy Apourceau-Poly nous apprend que notre collègue Frédérique Puissat a évoqué en commission une position plus nuancée de la majorité sénatoriale, sans pour autant nous en dire davantage ni déposer d'amendements sur ce texte. J'ai du mal à comprendre cette position.
Je rejoins notre collègue Pascale Gruny sur la nécessité de s'assurer que les textes que nous votons soient conformes à la proposition de directive de Nicolas Schmit relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, en cours de discussion au niveau européen et que vous n'avez même pas citée, madame la ministre.
Je vous suggère donc, mes chers collègues, de voter la proposition de résolution européenne que j'ai déposée hier, avec Monique Lubin et Laurence Harribey, par laquelle nous appelons le Gouvernement à soutenir cette proposition de directive qui garantit de véritables droits aux travailleurs des plateformes.
Elle reprend d'ailleurs beaucoup des propositions défendues depuis des années par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, notamment dans ma proposition de loi de 2021 : présomption de salariat, inversion de la charge de la preuve en matière de requalification et transparence des algorithmes.
De même, une idée que je défends depuis plusieurs années y trouve sa place : l'adaptation du devoir de vigilance des multinationales à l'ubérisation, pour garantir un ultime filet de sécurité aux travailleurs. L'article 8 de la proposition de directive prévoit ainsi que ces derniers pourront exiger des explications sur les décisions algorithmiques les concernant, avec obligation pour la plateforme de répondre par écrit sous une semaine. Cette disposition est donc en parfaite concordance avec la proposition de loi en débat.
Mes chers collègues, en votant ce texte, nous signifierons surtout au Gouvernement qu'il fait fausse route : il doit cesser de bloquer l'adoption d'un texte proposant un cadre de régulation des algorithmes pour la protection des travailleurs des plateformes et, au contraire, souhaiter son adoption sous la présidence espagnole de l'Union européenne.
Dès lors, avec mon groupe, nous vous appelons, malgré les réserves qui ont été avancées par certains, à voter cette proposition de loi. §
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre de la proposition de loi relative à la maîtrise de l’organisation algorithmique du travail.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain accueille très positivement ce texte, tant il est en phase avec l’actualité. Chaque jour, la démonstration est faite que la plateformisation du travail, dont le cœur de la matrice se trouve dans l’opacité de la « boîte noire » qu’est l’algorithme, n’est ni plus ni moins qu’un cheval de Troie contre notre modèle social.
Nous avons toujours affirmé n’être en rien opposés au développement de l’économie numérique et aux plateformes collaboratives qui rendent de nombreux services à nos concitoyens. Mais nous souhaitons faire clairement la distinction entre ces interfaces et les plateformes numériques de travail, qui dérégulent le marché du travail et de nombreux secteurs d’activités, et formuler des propositions afin d’encadrer cette plateformisation de l’économie. Ainsi, dès 2019, notre collègue Monique Lubin présentait une proposition de loi visant à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques.
En France, plusieurs milliers de femmes et d’hommes ont été séduits par les promesses des plateformes, qui proposent une organisation libre du temps du travail, sans contrainte hiérarchique. En pratique, à cette illusion de liberté se substitue fréquemment une réalité bien plus brutale, les travailleurs se retrouvant très rapidement pieds et poings liés face aux exigences des plateformes.
Du jour au lendemain, certains d’entre eux voient leur compte suspendu, souvent sans aucune justification. Cela est d’autant plus dur qu’ils sont privés de nombreux droits sociaux, en raison du statut fictif de travailleur indépendant.
Nul ne peut plus nier que la dématérialisation des entreprises, à laquelle nous assistons sous l’effet de l’intelligence artificielle, et plus largement le numérique bouleversent toutes les relations de travail. De plus en plus de travailleurs seront gérés par un algorithme, qui leur attribuera des tâches, les rémunérera, organisera leur travail, les évaluera et, même, les sanctionnera.
L’enjeu est désormais de maîtriser ces algorithmes. Il est de notre responsabilité de garder la mainmise sur les innovations technologiques avant d’être dépassés par elles. Encadrer et contrôler devraient être nos maîtres mots.
Si le rôle de simple intermédiaire et de mise en relation est souvent mis en avant par les plateformes elles-mêmes pour décrire le fonctionnement des algorithmes, personne ne peut plus nier que le management algorithmique contribue, au contraire, à déterminer les conditions de travail et de rémunération des travailleurs bien au-delà d’une simple mise en relation entre l’offre et la demande.
Les algorithmes de tarification, les mécanismes d’incitation et les systèmes de notation ont des effets directs sur le comportement des travailleurs des plateformes, en modifiant leur organisation et leur temps de travail et en ne leur permettant d’avoir une visibilité ni sur leurs revenus ni sur leur projet professionnel.
Un algorithme est non pas seulement une suite d’opérations permettant de traiter des volumes importants de données, mais bien une chaîne de responsabilité humaine au long de laquelle il demeure possible d’intervenir à chaque étape de conception et d’utilisation.
Ce faisant, nous sommes évidemment favorables à la proposition de loi du groupe CRCE, qui reprend d’ailleurs plusieurs propositions du rapport de la mission d’information du Sénat sur l’ubérisation de la société que nous avions approuvées. Outre sa participation active à cette mission, notre groupe avait rédigé une contribution, notamment pour insister sur la légitime question du statut des travailleurs des plateformes.
Oui, nous devons inscrire dans la loi que les décisions des employeurs prises à l’aide de moyens technologiques sont des décisions relevant de leur pouvoir de direction.
Oui, il importe, en cas de litige portant sur une discrimination au travail, que ce soit à l’employeur d’apporter la preuve que les outils qu’il utilise ne sont pas source de discriminations. Notre collègue Olivier Jacquin avait d’ailleurs déjà émis ce souhait dans le cadre de sa proposition de loi visant notamment à contrôler la place de l’algorithme dans les relations contractuelles.
Et oui, enfin, il convient de conforter le mouvement jurisprudentiel actuel en faveur de la requalification de certains travailleurs de plateformes, en posant clairement la distinction entre, d’une part, les véritables opérateurs de mise en relation et, d’autre part, les plateformes d’emploi qui exercent un contrôle juridique et économique sur les éléments essentiels de la relation les liant aux travailleurs.
Il est grand temps d’avancer sur ces sujets.
L’intelligence artificielle est utilisée par des outils qui visent à éclairer la prise de décision ou à surveiller les employés. Cela crée une asymétrie de pouvoir et d’information. L’algorithme déformant l’ensemble des conditions de travail, nous avons le devoir aujourd’hui d’agir pour y remédier.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre de la proposition de loi relative à la maîtrise de l’organisation algorithmique du travail.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain accueille très positivement ce texte, tant il est en phase avec l’actualité. Chaque jour, la démonstration est faite que la plateformisation du travail, dont le cœur de la matrice se trouve dans l’opacité de la « boîte noire » qu’est l’algorithme, n’est ni plus ni moins qu’un cheval de Troie contre notre modèle social.
Nous avons toujours affirmé n’être en rien opposés au développement de l’économie numérique et aux plateformes collaboratives qui rendent de nombreux services à nos concitoyens. Mais nous souhaitons faire clairement la distinction entre ces interfaces et les plateformes numériques de travail, qui dérégulent le marché du travail et de nombreux secteurs d’activité, et formuler des propositions afin d’encadrer cette plateformisation de l’économie. Ainsi, dès 2019, notre collègue Monique Lubin présentait une proposition de loi visant à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques.
En France, plusieurs milliers de femmes et d’hommes ont été séduits par les promesses des plateformes, qui proposent une organisation libre du temps du travail, sans contrainte hiérarchique. En pratique, à cette illusion de liberté se substitue fréquemment une réalité bien plus brutale, les travailleurs se retrouvant très rapidement pieds et poings liés face aux exigences des plateformes.
Du jour au lendemain, certains d’entre eux voient leur compte suspendu, souvent sans aucune justification. Cela est d’autant plus dur qu’ils sont privés de nombreux droits sociaux, en raison du statut fictif de travailleur indépendant.
Nul ne peut plus nier que la dématérialisation des entreprises, à laquelle nous assistons sous l’effet de l’intelligence artificielle, et plus largement le numérique bouleversent toutes les relations de travail. De plus en plus de travailleurs seront gérés par un algorithme, qui leur attribuera des tâches, les rémunérera, organisera leur travail, les évaluera et, même, les sanctionnera.
L’enjeu est désormais de maîtriser ces algorithmes. Il est de notre responsabilité de garder la mainmise sur les innovations technologiques avant d’être dépassés par elles. Encadrer et contrôler devraient être nos maîtres mots.
Si le rôle de simple intermédiaire et de mise en relation est souvent mis en avant par les plateformes elles-mêmes pour décrire le fonctionnement des algorithmes, personne ne peut plus nier que le management algorithmique contribue, au contraire, à déterminer les conditions de travail et de rémunération des travailleurs bien au-delà d’une simple mise en relation entre l’offre et la demande.
Les algorithmes de tarification, les mécanismes d’incitation et les systèmes de notation ont des effets directs sur le comportement des travailleurs des plateformes, en modifiant leur organisation et leur temps de travail et en ne leur permettant d’avoir une visibilité ni sur leurs revenus ni sur leur projet professionnel.
Un algorithme est non pas seulement une suite d’opérations permettant de traiter des volumes importants de données, mais bien une chaîne de responsabilité humaine au long de laquelle il demeure possible d’intervenir à chaque étape de conception et d’utilisation.
Ce faisant, nous sommes évidemment favorables à la proposition de loi du groupe CRCE, qui reprend d’ailleurs plusieurs propositions du rapport de la mission d’information du Sénat sur l’ubérisation de la société que nous avions approuvées. Outre sa participation active à cette mission, notre groupe avait rédigé une contribution, notamment pour insister sur la légitime question du statut des travailleurs des plateformes.
Oui, nous devons inscrire dans la loi que les décisions des employeurs prises à l’aide de moyens technologiques sont des décisions relevant de leur pouvoir de direction.
Oui, il importe, en cas de litige portant sur une discrimination au travail, que ce soit à l’employeur d’apporter la preuve que les outils qu’il utilise ne sont pas source de discriminations. Notre collègue Olivier Jacquin avait d’ailleurs déjà émis ce souhait dans le cadre de sa proposition de loi visant notamment à contrôler la place de l’algorithme dans les relations contractuelles.
Et oui, enfin, il convient de conforter le mouvement jurisprudentiel actuel en faveur de la requalification de certains travailleurs de plateformes, en posant clairement la distinction entre, d’une part, les véritables opérateurs de mise en relation et, d’autre part, les plateformes d’emploi qui exercent un contrôle juridique et économique sur les éléments essentiels de la relation les liant aux travailleurs.
Il est grand temps d’avancer sur ces sujets.
L’intelligence artificielle est utilisée par des outils qui visent à éclairer la prise de décision ou à surveiller les employés. Cela crée une asymétrie de pouvoir et d’information. L’algorithme déformant l’ensemble des conditions de travail, nous avons le devoir aujourd’hui d’agir pour y remédier.
La discussion générale est close.
La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme la rapporteure applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mon collègue Pascal Savoldelli d’avoir présenté la proposition de loi relative à la maîtrise de l’organisation algorithmique du travail. Celle-ci s’inscrit dans la continuité de son tour de France et de son travail en faveur de la création d’un véritable statut des travailleuses et des travailleurs des plateformes numériques.
Je remercie également ma collègue Cathy Apourceau-Poly de la présentation de son rapport et des auditions qu’elle a conduites, qui ont enrichi le travail de Pascal Savoldelli.
Cette réflexion sur le travail dans notre société est essentielle. Au lieu de voter la retraite à 64 ans et, ainsi, voler les deux plus belles années de vie à la retraite des travailleurs et des travailleuses, le Gouvernement et la droite sénatoriale auraient été mieux inspirés de débattre du partage des richesses et du sens du travail.
Nous ne pouvons plus en faire l’économie. Le travail connaît des mutations sous l’effet de la généralisation de l’informatisation et de la robotisation amorcée dans les années 1980 et, à présent, de l’intelligence artificielle et des algorithmes, ce qui constitue une étape supplémentaire.
Les algorithmes dictent les contenus de nos téléphones et les articles de presse que nous lisons, influençant ainsi nos pensées et nos vies ; en nous orientant vers ce que nous aimons, ils nous privent de découvertes et donc de l’inconnu.
Ils modifient également notre rapport au travail et notre vie en société. En tant qu’êtres humains, citoyens et travailleurs, nous leurs sommes subordonnés. Il est donc urgent d’encadrer l’intelligence artificielle et les algorithmes.
Même Elon Musk, pourtant fondamentalement opposé aux droits sociaux et syndicaux, a réclamé, avec une centaine d’experts mondiaux, une pause de six mois dans la recherche sur les intelligences artificielles – un comble ! –, car ces technologies posent des problèmes de protection des données, de dérégulation du marché de l’emploi et de circulation de fausses informations.
Sous couvert de neutralité et d’équité, ces algorithmes sont en réalité des aides à la décision pour l’employeur, qui demeure pourtant le seul donneur d’ordres ; or ils sont subjectifs. Ils constituent un nouvel outil de contrôle des travailleurs, de management, mais aussi de discrimination, voire de répression syndicale : ce n’est plus le patron qui vous licencie, c’est l’algorithme qui vous suspend.
Nous proposons donc de modifier le code du travail afin que les décisions prises à l’aide de moyens technologiques relèvent du pouvoir de direction de l’employeur, qui programme la machine à son avantage.
La relation de travail qui en est issue est, certes, moins directe avec l’employé, mais elle reste contractuelle et elle accroît la domination de l’employeur, en faisant peser de nouvelles contraintes sur les salariés. En étant maître de la programmation et en organisant son opacité, l’employeur reste le décideur unique : il existe donc bien un lien de subordination.
Les algorithmes incitent à davantage de rendement, en notant les travailleurs et en les poussant à augmenter leur productivité. Il est donc urgent de garantir à ces derniers un droit à la déconnexion, car le contremaître numérique, lui, ne prend jamais de pause.
Surtout, l’algorithme est froid ; avec lui, plus de débats, plus d’association du salarié aux prises de décision, plus non plus de discussions sur le sens du travail. L’intelligence artificielle et les algorithmes, c’est « travaille et tais-toi ! »
Ne pas légiférer reviendrait à refuser d’équilibrer la relation entre les employeurs et les travailleurs, à laisser ces derniers en dehors du champ du code du travail et à refuser de les protéger face à un système qui s’étendra peut-être, à l’avenir, à tous les champs du salariat. Les algorithmes impliquent souvent des salariés déguisés en auto-entrepreneurs, sans droits ni salaire, mais avec une rémunération à la tâche, subissant la contrainte de devoir atteindre 60 heures par semaine pour s’en sortir.
La commission des affaires sociales du Sénat a estimé qu’il était prématuré de légiférer avant l’aboutissement de la réflexion européenne. Le Sénat français devrait pourtant œuvrer pour faire avancer la législation. Notre proposition de loi porte cette ambition : elle prend acte de la résolution adoptée par la Confédération européenne des syndicats le 6 décembre dernier, laquelle a établi la nécessité, pour les représentants des travailleurs, de bénéficier d’une expertise externe afin d’évaluer l’impact des algorithmes sur les conditions de travail.
Il est essentiel de faire valoir transparence et expertise pour rééquilibrer la relation au travail des plateformes numériques ; nous proposons donc de lever la zone d’ombre qui dissimule le véritable statut de ces travailleurs.
Dès lors que les plateformes encadrent juridiquement et économiquement l’activité des travailleurs, ceux-ci ne peuvent être considérés comme des indépendants, mais doivent être reconnus pour ce qu’ils sont : des salariés dans un rapport de subordination aux plateformes.
Aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations fiscales et administratives, la loi doit imposer le respect de leurs obligations sociales. C’est pourquoi nous voterons cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mon collègue Pascal Savoldelli d’avoir présenté la proposition de loi relative à la maîtrise de l’organisation algorithmique du travail. Celle-ci s’inscrit dans la continuité de son tour de France et de son travail en faveur de la création d’un véritable statut des travailleuses et des travailleurs des plateformes numériques.
Je remercie également ma collègue Cathy Apourceau-Poly de la présentation de son rapport et des auditions qu’elle a conduites, qui ont enrichi le travail de Pascal Savoldelli.
Cette réflexion sur le travail dans notre société est essentielle. Au lieu de voter la retraite à 64 ans et, ainsi, voler les deux plus belles années de vie à la retraite des travailleurs et des travailleuses, le Gouvernement et la droite sénatoriale auraient été mieux inspirés de débattre du partage des richesses et du sens du travail.
Nous ne pouvons plus en faire l’économie. Le travail connaît des mutations sous l’effet de la généralisation de l’informatisation et de la robotisation amorcée dans les années 1980 et, à présent, de l’intelligence artificielle et des algorithmes, ce qui constitue une étape supplémentaire.
Les algorithmes dictent les contenus de nos téléphones et les articles de presse que nous lisons, influençant ainsi nos pensées et nos vies ; en nous orientant vers ce que nous aimons, ils nous privent de découvertes et donc de l’inconnu.
Ils modifient également notre rapport au travail et notre vie en société. En tant qu’êtres humains, citoyens et travailleurs, nous leur sommes subordonnés. Il est donc urgent d’encadrer l’intelligence artificielle et les algorithmes.
Même Elon Musk, pourtant fondamentalement opposé aux droits sociaux et syndicaux, a réclamé, avec une centaine d’experts mondiaux, une pause de six mois dans la recherche sur les intelligences artificielles – un comble ! –, car ces technologies posent des problèmes de protection des données, de dérégulation du marché de l’emploi et de circulation de fausses informations.
Sous couvert de neutralité et d’équité, ces algorithmes sont en réalité des aides à la décision pour l’employeur, qui demeure pourtant le seul donneur d’ordres ; or ils sont subjectifs. Ils constituent un nouvel outil de contrôle des travailleurs, de management, mais aussi de discrimination, voire de répression syndicale : ce n’est plus le patron qui vous licencie, c’est l’algorithme qui vous suspend.
Nous proposons donc de modifier le code du travail afin que les décisions prises à l’aide de moyens technologiques relèvent du pouvoir de direction de l’employeur, qui programme la machine à son avantage.
La relation de travail qui en est issue est, certes, moins directe avec l’employé, mais elle reste contractuelle et elle accroît la domination de l’employeur, en faisant peser de nouvelles contraintes sur les salariés. En étant maître de la programmation et en organisant son opacité, l’employeur reste le décideur unique : il existe donc bien un lien de subordination.
Les algorithmes incitent à davantage de rendement, en notant les travailleurs et en les poussant à augmenter leur productivité. Il est donc urgent de garantir à ces derniers un droit à la déconnexion, car le contremaître numérique, lui, ne prend jamais de pause.
Surtout, l’algorithme est froid ; avec lui, plus de débats, plus d’association du salarié aux prises de décision, plus non plus de discussions sur le sens du travail. L’intelligence artificielle et les algorithmes, c’est « travaille et tais-toi ! »
Ne pas légiférer reviendrait à refuser d’équilibrer la relation entre les employeurs et les travailleurs, à laisser ces derniers en dehors du champ du code du travail et à refuser de les protéger face à un système qui s’étendra peut-être, à l’avenir, à tous les champs du salariat. Les algorithmes impliquent souvent des salariés déguisés en autoentrepreneurs, sans droits ni salaire, mais avec une rémunération à la tâche, subissant la contrainte de devoir atteindre 60 heures par semaine pour s’en sortir.
La commission des affaires sociales du Sénat a estimé qu’il était prématuré de légiférer avant l’aboutissement de la réflexion européenne. Le Sénat français devrait pourtant œuvrer pour faire avancer la législation. Notre proposition de loi porte cette ambition : elle prend acte de la résolution adoptée par la Confédération européenne des syndicats le 6 décembre dernier, laquelle a établi la nécessité, pour les représentants des travailleurs, de bénéficier d’une expertise externe afin d’évaluer l’impact des algorithmes sur les conditions de travail.
Il est essentiel de faire valoir transparence et expertise pour rééquilibrer la relation au travail des plateformes numériques ; nous proposons donc de lever la zone d’ombre qui dissimule le véritable statut de ces travailleurs.
Dès lors que les plateformes encadrent juridiquement et économiquement l’activité des travailleurs, ceux-ci ne peuvent être considérés comme des indépendants, mais doivent être reconnus pour ce qu’ils sont : des salariés dans un rapport de subordination aux plateformes.
Aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations fiscales et administratives, la loi doit imposer le respect de leurs obligations sociales. C’est pourquoi nous voterons cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier notre collègue Pascal Savoldelli et le groupe communiste républicain citoyen et écologiste de nous permettre de débattre à nouveau de l’impact du numérique et des nouvelles formes de travail issues de la plateformisation et de ce que l’on appelle communément l’ubérisation.
Ce texte est le quatrième sur le sujet que nous étudions en quatre ans, après deux missions d’information et de nombreuses autres propositions, déposées pour alimenter nos réflexions. Il faut croire que l’on parle davantage du travail grâce aux initiatives parlementaires que dans les textes du Gouvernement !
La question centrale est simple : comment s’assurer que le progrès technologique permette l’émancipation des travailleurs, et non leur assujettissement via un contremaître 2.0 ?
Corinne Féret a cité ma proposition de loi visant à lutter contre l’indépendance fictive, en permettant des requalifications en salarié par action de groupe et en contrôlant la place de l’algorithme dans les relations contractuelles, qui a été rejetée ici en 2021. Nous y défendions déjà la nécessité de contrôle et de transparence des algorithmes.
Le texte présenté aujourd’hui avance encore dans cette direction, et je m’étonne que la majorité sénatoriale continue, quant à elle, à se cacher sur ce sujet majeur, après le revirement opéré l’année dernière, lors des débats sur la ratification de l’ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation, dite ordonnance Mettling.
En 2019, la commission des affaires sociales s’est opposée au tiers statut, mais, en 2021, elle a donné un blanc-seing au Gouvernement, dont l’intention était claire, comme l’était celle de la rapporteure de l’Assemblée nationale à l’époque : « réduire le faisceau d’indices susceptibles de révéler l’existence d’un lien de subordination » de telle sorte que « le risque d’une requalification […] soit aussi réduit que possible ».
Je ne fais que vous citer, madame la ministre : vous étiez en effet cette rapporteure, et vous oubliiez alors que nombre de ces travailleurs étaient des « indépendants fictifs », comme les a qualifiés la Cour de cassation.
L’excellent rapport de Cathy Apourceau-Poly nous apprend que notre collègue Frédérique Puissat a évoqué en commission une position plus nuancée de la majorité sénatoriale, sans pour autant nous en dire davantage ni déposer d’amendements sur ce texte. J’ai du mal à comprendre cette position.
Je rejoins notre collègue Pascale Gruny sur la nécessité de s’assurer que les textes que nous votons soient conformes à la proposition de directive de Nicolas Schmit relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, en cours de discussion au niveau européen et que vous n’avez même pas citée, madame la ministre.
Je vous suggère donc, mes chers collègues, de voter la proposition de résolution européenne que j’ai déposée hier, avec Monique Lubin et Laurence Harribey, par laquelle nous appelons le Gouvernement à soutenir cette proposition de directive qui garantit de véritables droits aux travailleurs des plateformes.
Elle reprend d’ailleurs beaucoup des propositions défendues depuis des années par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, notamment dans ma proposition de loi de 2021 : présomption de salariat, inversion de la charge de la preuve en matière de requalification et transparence des algorithmes.
De même, une idée que je défends depuis plusieurs années y trouve sa place : l’adaptation du devoir de vigilance des multinationales à l’ubérisation, pour garantir un ultime filet de sécurité aux travailleurs. L’article 8 de la proposition de directive prévoit ainsi que ces derniers pourront exiger des explications sur les décisions algorithmiques les concernant, avec obligation pour la plateforme de répondre par écrit sous une semaine. Cette disposition est donc en parfaite concordance avec la proposition de loi en débat.
Mes chers collègues, en votant ce texte, nous signifierons surtout au Gouvernement qu’il fait fausse route : il doit cesser de bloquer l’adoption d’un texte proposant un cadre de régulation des algorithmes pour la protection des travailleurs des plateformes et, au contraire, souhaiter son adoption sous la présidence espagnole de l’Union européenne.
Dès lors, avec mon groupe, nous vous appelons, malgré les réserves qui ont été avancées par certains, à voter cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier notre collègue Pascal Savoldelli et le groupe communiste républicain citoyen et écologiste de nous permettre de débattre de nouveau de l’impact du numérique et des nouvelles formes de travail issues de la plateformisation et de ce que l’on appelle communément l’ubérisation.
Ce texte est le quatrième sur le sujet que nous étudions en quatre ans, après deux missions d’information et de nombreuses autres propositions, déposées pour alimenter nos réflexions. Il faut croire que l’on parle davantage du travail grâce aux initiatives parlementaires que dans les textes du Gouvernement !
La question centrale est simple : comment s’assurer que le progrès technologique permette l’émancipation des travailleurs, et non leur assujettissement via un contremaître 2.0 ?
Corinne Féret a cité ma proposition de loi visant à lutter contre l’indépendance fictive, en permettant des requalifications en salarié par action de groupe et en contrôlant la place de l’algorithme dans les relations contractuelles, qui a été rejetée ici en 2021. Nous y défendions déjà la nécessité de contrôle et de transparence des algorithmes.
Le texte présenté aujourd’hui avance encore dans cette direction, et je m’étonne que la majorité sénatoriale continue, quant à elle, à se cacher sur ce sujet majeur, après le revirement opéré l’année dernière, lors des débats sur la ratification de l’ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation, dite ordonnance Mettling.
En 2019, la commission des affaires sociales s’est opposée au tiers statut, mais, en 2021, elle a donné un blanc-seing au Gouvernement, dont l’intention était claire, comme l’était celle de la rapporteure de l’Assemblée nationale à l’époque : « réduire le faisceau d’indices susceptibles de révéler l’existence d’un lien de subordination » de telle sorte que « le risque d’une requalification […] soit aussi réduit que possible ».
Je ne fais que vous citer, madame la ministre : vous étiez en effet cette rapporteure, et vous oubliiez alors que nombre de ces travailleurs étaient des « indépendants fictifs », comme les a qualifiés la Cour de cassation.
L’excellent rapport de Cathy Apourceau-Poly nous apprend que notre collègue Frédérique Puissat a évoqué en commission une position plus nuancée de la majorité sénatoriale, sans pour autant nous en dire davantage ni déposer d’amendements sur ce texte. J’ai du mal à comprendre cette position.
Je rejoins notre collègue Pascale Gruny sur la nécessité de s’assurer que les textes que nous votons soient conformes à la proposition de directive de Nicolas Schmit relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, en cours de discussion au niveau européen et que vous n’avez même pas citée, madame la ministre.
Je vous suggère donc, mes chers collègues, de voter la proposition de résolution européenne que j’ai déposée hier, avec Monique Lubin et Laurence Harribey, par laquelle nous appelons le Gouvernement à soutenir cette proposition de directive qui garantit de véritables droits aux travailleurs des plateformes.
Elle reprend d’ailleurs beaucoup des propositions défendues depuis des années par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, notamment dans ma proposition de loi de 2021 : présomption de salariat, inversion de la charge de la preuve en matière de requalification et transparence des algorithmes.
De même, une idée que je défends depuis plusieurs années y trouve sa place : l’adaptation du devoir de vigilance des multinationales à l’ubérisation, pour garantir un ultime filet de sécurité aux travailleurs. L’article 8 de la proposition de directive prévoit ainsi que ces derniers pourront exiger des explications sur les décisions algorithmiques les concernant, avec obligation pour la plateforme de répondre par écrit sous une semaine. Cette disposition est donc en parfaite concordance avec la proposition de loi en débat.
Mes chers collègues, en votant ce texte, nous signifierons surtout au Gouvernement qu’il fait fausse route : il doit cesser de bloquer l’adoption d’un texte proposant un cadre de régulation des algorithmes pour la protection des travailleurs des plateformes et, au contraire, souhaiter son adoption sous la présidence espagnole de l’Union européenne.
Dès lors, avec mon groupe, nous vous appelons, malgré les réserves qui ont été avancées par certains, à voter cette proposition de loi.
Je vais tenter de vous convaincre de voter l'article 1er, mes chers collègues.
Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre : vous avez affirmé que les dispositifs existants en matière de dialogue social et de lutte contre le salariat déguisé étaient bons. Or cet article définit l'algorithme au plan juridique comme un pouvoir de direction et de contrôle.
Madame la ministre, allez donc voir les livreurs, les femmes qui font le ménage, tous ces travailleurs dont le métier est détourné par les plateformes numériques de travail ! Ils disent tous : « mon patron, c'est un algorithme ! »
Ce n'est pas la notion de patron qui est ici déjugée, mais bien la manière dont cette fonction est désincarnée et déshumanisée.
Vous affirmez que le dialogue social existe, mais je vous invite à aller interroger les juges des prud'hommes sur les difficultés qu'ils rencontrent face à l'augmentation des contentieux.
Madame la ministre, mettez-vous à la place de ces hommes et de ces femmes : comment défendriez-vous vos intérêts particuliers et la négociation collective face à un outil totalement dématérialisé et déshumanisé ?
Si nous voulons offrir à ces travailleurs un levier et une béquille, il serait bon de voter au moins l'article 1er. Je remercie donc mes collègues du groupe Les Républicains de bien vouloir faire ce petit geste ! §
Article 1er
Je vais tenter de vous convaincre de voter l’article 1er, mes chers collègues.
Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre : vous avez affirmé que les dispositifs existants en matière de dialogue social et de lutte contre le salariat déguisé étaient bons. Or cet article définit l’algorithme au plan juridique comme un pouvoir de direction et de contrôle.
Madame la ministre, allez donc voir les livreurs, les femmes qui font le ménage, tous ces travailleurs dont le métier est détourné par les plateformes numériques de travail ! Ils disent tous : « mon patron, c’est un algorithme ! »
La parabole historique de la relation entre la technologie et le travail me semble tout à fait intéressante.
Ma chère collègue, vous auriez d'ailleurs pu remonter bien plus loin : Pline l'Ancien rapporte que l'empereur Tibère avait mis à mort un ouvrier verrier qui lui avait proposé le verre incassable, parce que cela mettait en danger toute la profession des verriers.
On pourrait également rappeler la révolte des canuts contre les machines à tondre les draps, en 1819.
Pour autant, il ne s'agit pas du tout de cela ici. Jusqu'à présent, il existait une relation sociale du travail entre employeurs et salariés ; désormais, un nouvel élément émerge : la plateforme, considérée comme un monstre noir, neutre et complètement technique, qui fonctionne avec des algorithmes et donne l'illusion que son travail ne consiste qu'à mettre en relation des clients et des auto-entrepreneurs.
Il faut bien comprendre que cette technique algorithmique emporte la négation de la relation sociale du travail et in fine la négation de ce qu'est l'entreprise. Avec les plateformes, plus d'entreprise et plus non plus d'entrepreneurs ! Ce qui est en jeu est, à mon sens, fondamental, car cela touche à de nombreux aspects de notre société.
J'ai aussi à l'esprit la difficulté que nous rencontrons pour légiférer contre les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – et leur incapacité à réguler les propos haineux en ligne. Il s'agit du même problème : on nous laisse à croire que les plateformes seraient des outils techniques complètement neutres.
Pour notre part, nous entendons réintroduire du social dans ce système, car nous sommes opposés à cette irresponsabilité sociale organisée par les algorithmes.
Ce n’est pas la notion de patron qui est ici déjugée, mais bien la manière dont cette fonction est désincarnée et déshumanisée.
Vous affirmez que le dialogue social existe, mais je vous invite à aller interroger les juges des prud’hommes sur les difficultés qu’ils rencontrent face à l’augmentation des contentieux.
Madame la ministre, mettez-vous à la place de ces hommes et de ces femmes : comment défendriez-vous vos intérêts particuliers et la négociation collective face à un outil totalement dématérialisé et déshumanisé ?
Si nous voulons offrir à ces travailleurs un levier et une béquille, il serait bon de voter au moins l’article 1er. Je remercie donc mes collègues du groupe Les Républicains de bien vouloir faire ce petit geste !
La parabole historique de la relation entre la technologie et le travail me semble tout à fait intéressante.
Ma chère collègue, vous auriez d’ailleurs pu remonter bien plus loin : Pline l’Ancien rapporte que l’empereur Tibère avait mis à mort un ouvrier verrier qui lui avait proposé le verre incassable, parce que cela mettait en danger toute la profession des verriers.
On pourrait également rappeler la révolte des canuts contre les machines à tondre les draps, en 1819.
Pour autant, il ne s’agit pas du tout de cela ici. Jusqu’à présent, il existait une relation sociale du travail entre employeurs et salariés ; désormais, un nouvel élément émerge : la plateforme, considérée comme un monstre noir, neutre et complètement technique, qui fonctionne avec des algorithmes et donne l’illusion que son travail ne consiste qu’à mettre en relation des clients et des auto-entrepreneurs.
Il faut bien comprendre que cette technique algorithmique emporte la négation de la relation sociale du travail et in fine la négation de ce qu’est l’entreprise. Avec les plateformes, plus d’entreprise et plus non plus d’entrepreneurs ! Ce qui est en jeu est, à mon sens, fondamental, car cela touche à de nombreux aspects de notre société.
J’ai aussi à l’esprit la difficulté que nous rencontrons pour légiférer contre les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – et leur incapacité à réguler les propos haineux en ligne. Il s’agit du même problème : on nous laisse à croire que les plateformes seraient des outils techniques complètement neutres.
Pour notre part, nous entendons réintroduire du social dans ce système, car nous sommes opposés à cette irresponsabilité sociale organisée par les algorithmes.
La parabole historique de la relation entre la technologie et le travail me semble tout à fait intéressante.
Ma chère collègue, vous auriez d’ailleurs pu remonter bien plus loin : Pline l’Ancien rapporte que l’empereur Tibère avait mis à mort un ouvrier verrier qui lui avait proposé le verre incassable, parce que cela mettait en danger toute la profession des verriers.
On pourrait également rappeler la révolte des canuts contre les machines à tondre les draps, en 1819.
Pour autant, il ne s’agit pas du tout de cela ici. Jusqu’à présent, il existait une relation sociale du travail entre employeurs et salariés ; désormais, un nouvel élément émerge : la plateforme, considérée comme un monstre noir, neutre et complètement technique, qui fonctionne avec des algorithmes et donne l’illusion que son travail ne consiste qu’à mettre en relation des clients et des autoentrepreneurs.
Il faut bien comprendre que cette technique algorithmique emporte la négation de la relation sociale du travail et in fine la négation de ce qu’est l’entreprise. Avec les plateformes, plus d’entreprise et plus non plus d’entrepreneurs ! Ce qui est en jeu est, à mon sens, fondamental, car cela touche à de nombreux aspects de notre société.
J’ai aussi à l’esprit la difficulté que nous rencontrons pour légiférer contre les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – et leur incapacité à réguler les propos haineux en ligne. Il s’agit du même problème : on nous laisse à croire que les plateformes seraient des outils techniques complètement neutres.
Pour notre part, nous entendons réintroduire du social dans ce système, car nous sommes opposés à cette irresponsabilité sociale organisée par les algorithmes.
Je me propose d'essayer d'interpréter cette demande de scrutin public : à travers le sujet de l'algorithme, différents problèmes ont été évoqués par plusieurs de nos collègues sur toutes les travées, ils concernaient notamment les questions du temps de travail, de la définition du salaire ou de la valeur ajoutée.
Or ces questions ne sont pas propres à la gauche. Beaucoup de gens se mobilisent actuellement au sein du mouvement contre la réforme des retraites, parce que ce sujet les préoccupe, mais aussi parce qu'ils sont inquiets du niveau de leur pension ou de leur salaire, de leurs conditions de travail, du sens de celui-ci, etc.
Le Gouvernement fait parfois valoir une confusion qui obscurcirait le clivage entre la gauche et la droite. Or, sur cette question, ce clivage existe réellement. Pour autant, la droite n'est pas monolithique ; il en existe plusieurs courants en France, tout comme il y a différentes gauches. Cependant, les gauches sont actuellement rassemblées et unies, ...
Vote sur l’ensemble
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi – je vous informe, mes chers collègues, que j’ai été saisie d’une demande de scrutin public par le groupe Les Républicains
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Exclamations sur les travées du groupe CRCE.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 260 :
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. le vice-président de la commission.
Je me propose d’essayer d’interpréter cette demande de scrutin public : à travers le sujet de l’algorithme, différents problèmes ont été évoqués par plusieurs de nos collègues sur toutes les travées, ils concernaient notamment les questions du temps de travail, de la définition du salaire ou de la valeur ajoutée.
Or ces questions ne sont pas propres à la gauche. Beaucoup de gens se mobilisent actuellement au sein du mouvement contre la réforme des retraites, parce que ce sujet les préoccupe, mais aussi parce qu’ils sont inquiets du niveau de leur pension ou de leur salaire, de leurs conditions de travail, du sens de celui-ci, etc.
Le Gouvernement fait parfois valoir une confusion qui obscurcirait le clivage entre la gauche et la droite. Or, sur cette question, ce clivage existe réellement. Pour autant, la droite n’est pas monolithique ; il en existe plusieurs courants en France, tout comme il y a différentes gauches. Cependant, les gauches sont actuellement rassemblées et unies, …
Le résultat de ce scrutin reflète la position de la commission, mais je tiens à remercier notre collègue Pascal Savoldelli d'avoir porté ce sujet, qui a donné lieu à un débat de qualité dans l'hémicycle.
Dans chaque groupe politique, on a ainsi pu se poser certaines questions, que vous avez très bien évoquées dans votre dernière intervention, mon cher collègue, s'agissant des conditions et du temps de travail, ainsi que de la responsabilité des employeurs.
Ce sujet ne concerne d'ailleurs pas seulement les parlementaires, mais aussi les élus locaux, qui vivent au quotidien les effets des évolutions que nous avons évoquées.
Je vous remercie également d'avoir porté le débat à la commission des affaires sociales. Cet après-midi a davantage donné lieu à une litanie d'interventions, mais, en commission, nous avons eu une véritable discussion.
Je tiens d'ailleurs à remercier la rapporteure qui, au-delà de la reprise de certains arguments, a su élever le débat en commission afin de faire réagir ceux qui se penchent sur la question des conditions de travail des salariés.
Ce sujet ne perdra pas son actualité dans cet hémicycle, car il suscite encore beaucoup d'interrogations. Nous attendons ainsi beaucoup de la proposition de directive européenne, mais celle-ci ne résoudra pas tout. Je vous donne donc rendez-vous : nous aurons l'occasion d'y revenir, avec le Gouvernement.
… tandis que les droites ne partagent pas tout à fait la même approche du sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous exprimer à mon tour ma gratitude pour la qualité des débats.
Je suis consciente que nombre d'entre vous sont pleinement impliqués sur ce sujet depuis plusieurs années, avec la volonté de réfléchir aux conditions de travail pour l'ensemble des travailleurs en France, comme aux adaptations nécessaires aux nouvelles formes d'activité et à leurs modalités de pilotage.
Il est indéniable que cette question a toute sa place dans le débat public ; elle a d'ailleurs été abordée lors des Assises du travail. Je vous propose que nous travaillions ensemble sur les conclusions à donner à ces rencontres.
Il nous faut avancer, en tenant compte des évolutions du droit européen comme des concertations nationales menées sur ces enjeux. Ainsi, nous pourrons veiller à ce que notre droit et notre dialogue paritaire accompagnent les évolutions sociétales.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
Le scrutin a lieu.
La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Le résultat de ce scrutin reflète la position de la commission, mais je tiens à remercier notre collègue Pascal Savoldelli d’avoir porté ce sujet, qui a donné lieu à un débat de qualité dans l’hémicycle.
Dans chaque groupe politique, on a ainsi pu se poser certaines questions, que vous avez très bien évoquées dans votre dernière intervention, mon cher collègue, s’agissant des conditions et du temps de travail, ainsi que de la responsabilité des employeurs.
Ce sujet ne concerne d’ailleurs pas seulement les parlementaires, mais aussi les élus locaux, qui vivent au quotidien les effets des évolutions que nous avons évoquées.
Je vous remercie également d’avoir porté le débat à la commission des affaires sociales. Cet après-midi a davantage donné lieu à une litanie d’interventions, mais, en commission, nous avons eu une véritable discussion.
Je tiens d’ailleurs à remercier la rapporteure qui, au-delà de la reprise de certains arguments, a su élever le débat en commission afin de faire réagir ceux qui se penchent sur la question des conditions de travail des salariés.
Ce sujet ne perdra pas son actualité dans cet hémicycle, car il suscite encore beaucoup d’interrogations. Nous attendons ainsi beaucoup de la proposition de directive européenne, mais celle-ci ne résoudra pas tout. Je vous donne donc rendez-vous : nous aurons l’occasion d’y revenir, avec le Gouvernement.
L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement (proposition n° 341, texte de la commission n° 465, rapport n° 464).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, notre vision pour EDF est claire : l'énergéticien national est au cœur de la transition énergétique du pays.
C'est aussi la vision qui régnait il y a près de soixante-dix-sept ans, quand Marcel Paul, un ministre communiste, présidait à la création d'EDF, avec comme objectif l'instauration d'un monopole de l'énergéticien. En soixante-dix-sept ans, ce monopole a permis l'électrification du pays et la construction du deuxième parc nucléaire au monde.
Nous bénéficions des fruits d'une telle décision encore aujourd'hui, puisque notre pays dispose d'un mix électrique parmi les moins émetteurs de gaz à effet de serre et les plus compétitifs au monde.
Depuis vingt ans, notre énergéticien national est affecté, en bien et en moins bien, par l'ouverture sur l'Union européenne – je pense notamment à la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et aux conséquences du sommet de Barcelone des 15 et 16 mars 2002 qui a conduit à la libéralisation du marché de l'électricité et du gaz.
Ce marché intégré a certes des défauts, et nous travaillons à y remédier, mais reconnaissons tout de même, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il constitue aujourd'hui le plus gros système intégré d'électricité du monde, ce qui permet à notre pays d'importer et d'exporter de l'électricité quotidiennement en fonction de ses besoins.
Ayant vécu une dizaine d'années au Québec, où depuis deux jours, 1 million de foyers sont privés d'électricité, je mesure les avantages d'un marché intégré de l'électricité.
Notre vision pour EDF est claire : le groupe Électricité de France est et restera un instrument essentiel pour mettre en œuvre la politique énergétique de l'État français et, au-delà, un champion à l'exportation.
Les objectifs prioritaires d'EDF – cela est clairement indiqué dans la lettre de mission de son nouveau PDG Luc Rémont, dont vous avez validé la nomination – s'articulent aujourd'hui autour de la production électrique et de la conduite des grands projets industriels.
EDF a besoin d'investir des dizaines de milliards d'euros tous les ans, ce qui suppose de disposer de moyens suffisants et d'une véritable crédibilité financière.
EDF a besoin de retrouver sa maîtrise industrielle dans le nucléaire.
Enfin, EDF a besoin de développer les énergies renouvelables, en se fixant des objectifs ambitieux pour les trente prochaines années.
Le Gouvernement a pris ses responsabilités pour aider le groupe à relever ces défis. D'abord, l'État a toujours accompagné EDF dans ses opérations de recapitalisation, que ce soit en 2017 ou en 2022. Ensuite, et bien que nous nous apprêtions à accélérer encore, le fait est que nous n'avons jamais autant investi dans le nucléaire que depuis 2017.
Nous avons aussi sécurisé le calendrier de l'EPR2 (Evolutionary Power Reactor) grâce au projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, que vous avez voté en première lecture.
EDF est toutefois une société endettée, qui a de gros besoins d'investissement. C'est pourquoi, conformément aux engagements pris par le Président de la République durant sa campagne, le Gouvernement a lancé dès l'été dernier une offre publique d'achat (OPA) visant à prendre le contrôle de 100 % du capital d'EDF. Le Parlement a libéré 9, 7 milliards d'euros de crédits budgétaires à cette fin.
Par cette nationalisation, nous renforçons à la fois les moyens dont EDF dispose pour investir dans les prochaines années et la crédibilité financière du groupe. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'offre publique d'achat est en cours de finalisation, elle devrait être prête d'ici au début de mois de juin, après épuisement des derniers recours.
Ce gouvernement répond donc aux véritables problématiques du groupe EDF, si bien que nous avons été quelque peu surpris par l'inscription de cette proposition de loi visant à la nationalisation d'EDF au calendrier parlementaire, et plus encore par la manière dont s'est déroulé son examen à l'Assemblée nationale, où les débats ont parfois flirté avec les théories du complot.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous exprimer à mon tour ma gratitude pour la qualité des débats.
Je suis consciente que nombre d’entre vous sont pleinement impliqués sur ce sujet depuis plusieurs années, avec la volonté de réfléchir aux conditions de travail pour l’ensemble des travailleurs en France, comme aux adaptations nécessaires aux nouvelles formes d’activité et à leurs modalités de pilotage.
Il est indéniable que cette question a toute sa place dans le débat public ; elle a d’ailleurs été abordée lors des Assises du travail. Je vous propose que nous travaillions ensemble sur les conclusions à donner à ces rencontres.
Il nous faut avancer, en tenant compte des évolutions du droit européen comme des concertations nationales menées sur ces enjeux. Ainsi, nous pourrons veiller à ce que notre droit et notre dialogue paritaire accompagnent les évolutions sociétales.
Cette proposition de loi vise à répondre à des angoisses qui n'ont aucun lieu d'être. Comme Bruno Le Maire a eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises et comme je l'ai rappelé à la tribune de l'Assemblée nationale, le projet Hercule – je le répète – est mort et enterré.
Il n'y a aucun projet, ni visible ni caché, de démantèlement de notre opérateur national.
Je salue le travail du Sénat qui, durant l'examen de ce texte en commission, a eu la sagesse d'en réécrire une bonne part. Je salue particulièrement le travail et l'esprit de responsabilité du rapporteur pour cette remise à plat.
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
La commission a en effet supprimé les articles 1er et 3 qui prévoyaient la nationalisation du groupe EDF. Non seulement de telles dispositions arrivent à contretemps, mais elles seraient en fait susceptibles de fragiliser l'OPA en cours de finalisation.
La commission a également supprimé, au sein de l'article 2, les références aux activités d'un groupe « unifié » dont le capital aurait été totalement « incessible ». Une telle rédaction rendait absolument impossibles les opérations courantes de gestion d'actifs par EDF, y compris les cessions d'actifs d'un montant de 3 milliards d'euros dans lesquelles l'électricien national est d'ores et déjà engagé.
La commission a également modifié l'article 3 bis, en restreignant le périmètre d'extension des tarifs réglementés de vente au champ des TPE qui ne sont pas encore éligibles.
Sur cette base, nous avons matière à mener une discussion apaisée et constructive. Restent malgré tout deux points de désaccord sur lesquels je souhaite attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, même si nous y reviendrons dans le cadre de la discussion des amendements.
Le premier point porte sur l'article 2, qui inscrit dans la loi que l'État détient 100 % du capital d'EDF. Je n'ai pas de difficulté avec cette disposition, qui redonne une place importante au Parlement, puisque celui-ci devra ainsi se prononcer sur n'importe quelle réouverture du capital. Il n'y a aucune ambiguïté sur nos intentions – je répète que le projet Hercule a été abandonné –, mais cela va peut-être mieux en l'écrivant.
En revanche, dans sa rédaction actuelle, cet article prescrit l'ouverture d'au moins 1, 5 % du capital d'EDF aux salariés et anciens salariés du groupe, et ce dès le 1er janvier 2024. Comme je l'ai indiqué, l'OPA n'est pas encore terminée. À la suite des recours qui ont été déposés, il nous reste notamment à convaincre à peu près 5 % des actionnaires, dont un certain nombre d'actionnaires salariés, d'apporter leurs titres.
Il semble donc pour le moins prématuré d'envisager d'instaurer des dispositifs d'intéressement et de participation via de l'actionnariat salarié. Ces dispositifs ne s'appliqueraient en effet que durant quelques mois, puisque nous nous efforçons d'acheter des actions à ces mêmes salariés.
De plus, la situation financière d'EDF – il faut être clair – ne le permet pas aujourd'hui.
Je proposerai un amendement de compromis visant à laisser ouverte la possibilité d'un actionnariat salarié pour l'avenir sans pour autant rendre celui-ci automatique dès le 1er janvier prochain.
Le second point de désaccord porte sur l'extension du tarif réglementé de vente d'électricité (TRVE) à toutes les TPE, alors que celui-ci est actuellement réservé aux TPE petites consommatrices.
L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (proposition n° 341, texte de la commission n° 465, rapport n° 464).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, notre vision pour EDF est claire : l’énergéticien national est au cœur de la transition énergétique du pays.
C’est aussi la vision qui régnait il y a près de soixante-dix-sept ans, quand Marcel Paul, un ministre communiste, présidait à la création d’EDF, avec comme objectif l’instauration d’un monopole de l’énergéticien. En soixante-dix-sept ans, ce monopole a permis l’électrification du pays et la construction du deuxième parc nucléaire au monde.
Nous bénéficions des fruits d’une telle décision encore aujourd’hui, puisque notre pays dispose d’un mix électrique parmi les moins émetteurs de gaz à effet de serre et les plus compétitifs au monde.
Depuis vingt ans, notre énergéticien national est affecté, en bien et en moins bien, par l’ouverture sur l’Union européenne – je pense notamment à la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité et aux conséquences du sommet de Barcelone des 15 et 16 mars 2002 qui a conduit à la libéralisation du marché de l’électricité et du gaz.
Ce marché intégré a certes des défauts, et nous travaillons à y remédier, mais reconnaissons tout de même, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il constitue aujourd’hui le plus gros système intégré d’électricité du monde, ce qui permet à notre pays d’importer et d’exporter de l’électricité quotidiennement en fonction de ses besoins.
Ayant vécu une dizaine d’années au Québec, où depuis deux jours, 1 million de foyers sont privés d’électricité, je mesure les avantages d’un marché intégré de l’électricité.
Notre vision pour EDF est claire : le groupe Électricité de France est et restera un instrument essentiel pour mettre en œuvre la politique énergétique de l’État français et, au-delà, un champion à l’exportation.
Les objectifs prioritaires d’EDF – cela est clairement indiqué dans la lettre de mission de son nouveau PDG Luc Rémont, dont vous avez validé la nomination – s’articulent aujourd’hui autour de la production électrique et de la conduite des grands projets industriels.
EDF a besoin d’investir des dizaines de milliards d’euros tous les ans, ce qui suppose de disposer de moyens suffisants et d’une véritable crédibilité financière.
EDF a besoin de retrouver sa maîtrise industrielle dans le nucléaire.
Enfin, EDF a besoin de développer les énergies renouvelables, en se fixant des objectifs ambitieux pour les trente prochaines années.
Le Gouvernement a pris ses responsabilités pour aider le groupe à relever ces défis. D’abord, l’État a toujours accompagné EDF dans ses opérations de recapitalisation, que ce soit en 2017 ou en 2022. Ensuite, et bien que nous nous apprêtions à accélérer encore, le fait est que nous n’avons jamais autant investi dans le nucléaire que depuis 2017.
Nous avons aussi sécurisé le calendrier de l’EPR2 (Evolutionary Power Reactor) grâce au projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, que vous avez voté en première lecture.
EDF est toutefois une société endettée, qui a de gros besoins d’investissement. C’est pourquoi, conformément aux engagements pris par le Président de la République durant sa campagne, le Gouvernement a lancé dès l’été dernier une offre publique d’achat (OPA) visant à prendre le contrôle de 100 % du capital d’EDF. Le Parlement a libéré 9, 7 milliards d’euros de crédits budgétaires à cette fin.
Par cette nationalisation, nous renforçons à la fois les moyens dont EDF dispose pour investir dans les prochaines années et la crédibilité financière du groupe. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’offre publique d’achat est en cours de finalisation, elle devrait être prête d’ici au début de mois de juin, après épuisement des derniers recours.
Ce gouvernement répond donc aux véritables problématiques du groupe EDF, si bien que nous avons été quelque peu surpris par l’inscription de cette proposition de loi visant à la nationalisation d’EDF au calendrier parlementaire, et plus encore par la manière dont s’est déroulé son examen à l’Assemblée nationale, où les débats ont parfois flirté avec les théories du complot.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Oui, monsieur Gay, mais cela coûte cher !
MM Fabien Gay et Victorin Lurel protestent.
MM . Fabien Gay et Victorin Lurel protestent.
M. Fabien Gay proteste.
Cette proposition de loi vise à répondre à des angoisses qui n’ont aucun lieu d’être. Comme Bruno Le Maire a eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises et comme je l’ai rappelé à la tribune de l’Assemblée nationale, le projet Hercule – je le répète – est mort et enterré.
En outre, une telle disposition entre en contradiction avec la logique même du TRVE qui a été conçu, lors des discussions avec la Commission européenne qui ont présidé à son instauration, comme un outil visant avant tout à protéger les consommateurs et les petites entreprises dont la consommation est similaire à celle d'un ménage, les entreprises dont la consommation s'apparente à une consommation industrielle devant acheter l'électricité au tarif du marché.
Certes, la rédaction proposée par le Sénat est plus claire et elle restreint le champ de la disposition aux TPE, mais son application supposerait l'ouverture d'une négociation complexe et bien trop longue avec la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et la Commission européenne, quand notre objectif premier est de protéger les TPE, les PME, les ETI et les grandes entreprises des effets de la crise énergétique.
Je ne serai pas plus long, car nous aurons l'occasion de revenir sur ces différents points dans le cadre des débats sur les articles et les amendements.
En conclusion, je souhaite rappeler que le Gouvernement souscrit pleinement aux objectifs réaffirmés par cette proposition de loi réécrite par les soins de la commission : disposer d'un opérateur national de qualité, inscrit dans la durée, qui pourra investir autant qu'il le faudra pour que les soixante-dix-sept ans à venir soient aussi remplis de succès que les soixante-dix-sept ans qui viennent de s'écouler. §
Il n’y a aucun projet, ni visible ni caché, de démantèlement de notre opérateur national.
Je salue le travail du Sénat qui, durant l’examen de ce texte en commission, a eu la sagesse d’en réécrire une bonne part. Je salue particulièrement le travail et l’esprit de responsabilité du rapporteur pour cette remise à plat.
une proposition de loi présentée par le député Philippe Brun, élu de l'ancienne circonscription de Pierre Mendès France, dans l'Eure. Ce texte a été voté à l'unanimité, ou presque, par l'Assemblée nationale, ce qui cache un profond malentendu quant aux intentions des députés qui se sont exprimés.
J'évoquerai trois points. Sur deux d'entre eux, la commission des finances, au nom de laquelle je rapporte ce texte, a tenu à apporter des modifications substantielles.
Le premier concerne Mayotte, qui apparaissait mystérieusement dans une demande de rapport sur l'opportunité de nationaliser la société Électricité de Mayotte, qui appartient pour partie au département et pour partie à EDF. S'il n'est pas l'habitude de notre assemblée d'accepter des demandes de rapport, il était impossible de trancher sur le fond dans les délais d'étude accordés à la commission des finances.
Le deuxième point tient au soutien apporté aux entreprises, et il explique en grande partie le vote qui sera celui du groupe Les Républicains du Sénat – ce sera, du reste, le même que celui du groupe LR de l'Assemblée nationale.
La commission des finances a estimé que nous pouvions faire sauter le verrou que constitue le seuil de 36 kilovoltampères. Celui-ci distingue en effet inutilement les artisans selon que la puissance du transformateur dont leur entreprise est équipée est en dessous de ce seuil – ils bénéficient alors du bouclier tarifaire – ou au-dessus – dans ce cas, ils ne bénéficient pas du bouclier tarifaire, alors qu'ils exercent peu ou prou le même métier que les premiers et que leur entreprise satisfait aux normes fixées par l'Union européenne quant à la définition d'une TPE.
La suppression de ce verrou permettra à tout artisan employant moins de dix salariés et réalisant moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires de bénéficier du TRVE, quelle que soit la capacité de son transformateur.
Aller plus loin – nous y reviendrons dans le cadre du débat d'amendements – serait impossible et dangereux juridiquement, tant vis-à-vis des sociétés qui délivrent de l'électricité que vis-à-vis de l'Union européenne.
Le troisième point, passionnant au demeurant, a trait à la crainte, exprimée avec force par l'auteur de la proposition de loi, d'un démembrement d'EDF. En cela, M. Brun nous oblige à réfléchir, monsieur le ministre, mes chers collègues, à une évolution du marché de l'électricité européen qui, depuis plus d'un an, connaît d'importantes secousses.
De ce marché de l'électricité européen dépendent en effet les libertés dont les dirigeants d'EDF disposent pour diriger leur entreprise.
J'ai le plus grand respect, y compris pour des raisons personnelles, pour Marcel Paul, mais nous ne sommes plus en 1946. Le marché de l'énergie électrique est libre, non seulement en ce qui concerne la production, ce qui n'était pas le cas jusqu'en 2002, mais aussi en matière de vente aux consommateurs, qu'ils soient petits ou grands, que les pays soient producteurs d'électricité ou non. Personne en Europe ne songe à remettre en cause cette liberté.
Cette liberté et ce marché ont-ils été catastrophiques ? La réponse est non. En réalité, entre 2015 et 2020, le prix spot moyen s'est situé entre 35 et 40 euros le mégawattheure, si bien que l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), mécanisme par lequel EDF revendait alors de l'électricité à 43 euros le mégawattheure, n'a été que peu sollicité, voire pas du tout, pendant cette période.
Pour autant, certaines questions qui relèvent des négociations intergouvernementales et du Parlement européen ne sont pas tranchées.
Il convient tout d'abord de réaffirmer la liberté à laquelle est attachée l'immense majorité des Européens en matière de production et de vente d'électricité.
Il convient ensuite de fixer le cap de ce marché électrique. Faut-il décarboner la société ou faut-il la verdir ? Ce n'est pas tout à fait la même chose : si l'on décarbone, on s'appuie sur le nucléaire, alors que s'il s'agit simplement de verdir, le malheureux nucléaire se trouvera confronté aux mêmes difficultés de financement qui l'handicapent aujourd'hui.
Par ailleurs, à l'aune de l'expérience tragique que constitue l'invasion de l'Ukraine par la Russie, acceptons-nous de placer l'indépendance énergétique au rang qui doit être le sien, c'est-à-dire celui de principale préoccupation ? Une telle préoccupation présidait au programme nucléaire français, dans le sillage duquel nous nous inscrivons toujours, que Georges Pompidou et Pierre Messmer ont présenté en mars 1974, un mois avant la disparition du président Pompidou.
Faut-il verdir ou décarboner ? Faut-il bâtir notre indépendance ou bénéficier du prix le plus bas, ce qui nous a longtemps conduits à acheter du gaz russe, l'accès à cet approvisionnement étant aujourd'hui frappé d'incertitude ?
Peut-on imaginer une organisation de marché qui dépende moins du prix spot, c'est-à-dire du coût marginal de la dernière entreprise de production électrique thermique – en général allemande et fonctionnant au lignite ? Ne peut-on bâtir un système différent ?
Le marché de l'électricité – nos amis électriciens le savent bien – achoppe sur la difficulté que constitue l'impossibilité de stocker l'électricité, ce qui rend la régulation à peu près impossible : cela aboutit, dès lors que les prix dépendent essentiellement du coût marginal de production, à des écarts de prix spectaculaires et insupportables pour le consommateur.
J'ajoute que nous, Français, sommes fiers de notre parc nucléaire et que nous souhaiterions profiter de l'avantage qu'il constitue plutôt que de subir des hausses dues à un calcul fondé sur le coût marginal.
Ces interrogations relatives au marché de l'électricité doivent être tranchées, car de fait, elles pèsent déjà sur le statut d'EDF. À ce titre, je souhaite indiquer à l'auteur de la présente proposition de loi que le démembrement d'EDF est déjà en partie effectif s'agissant du transport et de la distribution de l'électricité.
La commission a en effet supprimé les articles 1er et 3 qui prévoyaient la nationalisation du groupe EDF. Non seulement de telles dispositions arrivent à contretemps, mais elles seraient en fait susceptibles de fragiliser l’OPA en cours de finalisation.
La commission a également supprimé, au sein de l’article 2, les références aux activités d’un groupe « unifié » dont le capital aurait été totalement « incessible ». Une telle rédaction rendait absolument impossibles les opérations courantes de gestion d’actifs par EDF, y compris les cessions d’actifs d’un montant de 3 milliards d’euros dans lesquelles l’électricien national est d’ores et déjà engagé.
La commission a également modifié l’article 3 bis, en restreignant le périmètre d’extension des tarifs réglementés de vente au champ des TPE qui ne sont pas encore éligibles.
Sur cette base, nous avons matière à mener une discussion apaisée et constructive. Restent malgré tout deux points de désaccord sur lesquels je souhaite attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, même si nous y reviendrons dans le cadre de la discussion des amendements.
Le premier point porte sur l’article 2, qui inscrit dans la loi que l’État détient 100 % du capital d’EDF. Je n’ai pas de difficulté avec cette disposition, qui redonne une place importante au Parlement, puisque celui-ci devra ainsi se prononcer sur n’importe quelle réouverture du capital. Il n’y a aucune ambiguïté sur nos intentions – je répète que le projet Hercule a été abandonné –, mais cela va peut-être mieux en l’écrivant.
En revanche, dans sa rédaction actuelle, cet article prescrit l’ouverture d’au moins 1, 5 % du capital d’EDF aux salariés et anciens salariés du groupe, et ce dès le 1er janvier 2024. Comme je l’ai indiqué, l’OPA n’est pas encore terminée. À la suite des recours qui ont été déposés, il nous reste notamment à convaincre à peu près 5 % des actionnaires, dont un certain nombre d’actionnaires salariés, d’apporter leurs titres.
Il semble donc pour le moins prématuré d’envisager d’instaurer des dispositifs d’intéressement et de participation via de l’actionnariat salarié. Ces dispositifs ne s’appliqueraient en effet que durant quelques mois, puisque nous nous efforçons d’acheter des actions à ces mêmes salariés.
De plus, la situation financière d’EDF – il faut être clair – ne le permet pas aujourd’hui.
Je proposerai un amendement de compromis visant à laisser ouverte la possibilité d’un actionnariat salarié pour l’avenir sans pour autant rendre celui-ci automatique dès le 1er janvier prochain.
Le second point de désaccord porte sur l’extension du tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) à toutes les TPE, alors que celui-ci est actuellement réservé aux TPE petites consommatrices.
La commission a en effet supprimé les articles 1er et 3 qui prévoyaient la nationalisation du groupe EDF. Non seulement de telles dispositions arrivent à contretemps, mais elles seraient en fait susceptibles de fragiliser l’OPA en cours de finalisation.
La commission a également supprimé, au sein de l’article 2, les références aux activités d’un groupe « unifié » dont le capital aurait été totalement « incessible ». Une telle rédaction rendait absolument impossibles les opérations courantes de gestion d’actifs par EDF, y compris les cessions d’actifs d’un montant de 3 milliards d’euros dans lesquelles l’électricien national est d’ores et déjà engagé.
La commission a également modifié l’article 3 bis, en restreignant le périmètre d’extension des tarifs réglementés de vente au champ des très petites entreprises (TPE) qui ne sont pas encore éligibles.
Sur cette base, nous avons matière à mener une discussion apaisée et constructive. Restent malgré tout deux points de désaccord sur lesquels je souhaite attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, même si nous y reviendrons dans le cadre de la discussion des amendements.
Le premier point porte sur l’article 2, qui inscrit dans la loi que l’État détient 100 % du capital d’EDF. Je n’ai pas de difficulté avec cette disposition, qui redonne une place importante au Parlement, puisque celui-ci devra ainsi se prononcer sur n’importe quelle réouverture du capital. Il n’y a aucune ambiguïté sur nos intentions – je répète que le projet Hercule a été abandonné –, mais cela va peut-être mieux en l’écrivant.
En revanche, dans sa rédaction actuelle, cet article prescrit l’ouverture d’au moins 1, 5 % du capital d’EDF aux salariés et anciens salariés du groupe, et ce dès le 1er janvier 2024. Comme je l’ai indiqué, l’OPA n’est pas encore terminée. À la suite des recours qui ont été déposés, il nous reste notamment à convaincre à peu près 5 % des actionnaires, dont un certain nombre d’actionnaires salariés, d’apporter leurs titres.
Il semble donc pour le moins prématuré d’envisager d’instaurer des dispositifs d’intéressement et de participation via de l’actionnariat salarié. Ces dispositifs ne s’appliqueraient en effet que durant quelques mois, puisque nous nous efforçons d’acheter des actions à ces mêmes salariés.
De plus, la situation financière d’EDF – il faut être clair – ne le permet pas aujourd’hui.
Je proposerai un amendement de compromis visant à laisser ouverte la possibilité d’un actionnariat salarié pour l’avenir sans pour autant rendre celui-ci automatique dès le 1er janvier prochain.
Le second point de désaccord porte sur l’extension du tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) à toutes les TPE, alors que celui-ci est actuellement réservé aux TPE petites consommatrices.
En vertu de la liberté du marché, nous avons en effet l'obligation d'accepter que des tiers accèdent au réseau électrique. Or, en raison de l'évident monopole technique en la matière – je dis bien technique et pas économique –, il est impensable de multiplier les réseaux tant de transport que de distribution.
Il faut donc bien accepter que Réseau de transport d'électricité (RTE) et Enedis soient indépendants d'EDF, même si elle en est actionnaire, parce qu'elle n'est aujourd'hui que l'un des utilisateurs des réseaux.
J'en viens à l'Arenh.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Oui, monsieur Gay, mais cela coûte cher !
Ce mécanisme touche à sa fin, puisque son application n'est prévue que jusqu'en 2025. Faut-il le maintenir ? Faut-il se contenter d'augmenter le prix ? Ne peut-on imaginer, sur le modèle des assurances, un système plus intelligent, fondé sur le principe « take or pay », « prenez ou payez » ?
L'assurance paraît chère tant qu'on n'a pas d'accident, mais on est bien content d'être assuré le jour où on en a un... L'Arenh a joué ce rôle d'assurance, mais le mécanisme est conçu de telle sorte qu'il revient à payer l'assurance après l'accident, ce qui est un peu la même chose que de gagner aux courses de chevaux en pariant après l'arrivée : c'est beaucoup plus facile !
De même, certains fournisseurs d'électricité très sérieux, y compris français, accepteraient volontiers de participer au financement du nucléaire français, non pas pour l'exploiter – l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) les en garde… –, mais pour disposer de droits de tirage leur garantissant une certaine stabilité.
Nous, législateurs, pourrions même imaginer – c'est notre rôle – de contraindre les entreprises qui revendiquent de fournir de l'électricité à garantir 70 % de l'approvisionnement par des contrats à long terme, ce que la Commission européenne a jusqu'à présent toujours refusé.
Vous avez donc un formidable combat à mener, monsieur le ministre, et ce n'est qu'à l'issue de celui-ci que nous pourrons indiquer aux dirigeants d'EDF les opportunités dont il leur faudra se saisir et les risques qu'ils devront assumer.
En somme, la proposition de loi de Philippe Brun sera parfaite dès lors que les règles du jeu seront définitivement connues, mais pour l'heure, elle est prématurée. C'est pourquoi je propose, à titre conservatoire, de confier 100 % du capital à l'État. Laissons l'État et le Parlement faire leur travail en toute responsabilité, …
M. Fabien Gay proteste.
En outre, une telle disposition entre en contradiction avec la logique même du TRVE qui a été conçu, lors des discussions avec la Commission européenne qui ont présidé à son instauration, comme un outil visant avant tout à protéger les consommateurs et les petites entreprises dont la consommation est similaire à celle d’un ménage, les entreprises dont la consommation s’apparente à une consommation industrielle devant acheter l’électricité au tarif du marché.
Certes, la rédaction proposée par le Sénat est plus claire et elle restreint le champ de la disposition aux TPE, mais son application supposerait l’ouverture d’une négociation complexe et bien trop longue avec la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et la Commission européenne, quand notre objectif premier est de protéger les TPE, les PME, les ETI et les grandes entreprises des effets de la crise énergétique.
Je ne serai pas plus long, car nous aurons l’occasion de revenir sur ces différents points dans le cadre des débats sur les articles et les amendements.
En conclusion, je souhaite rappeler que le Gouvernement souscrit pleinement aux objectifs réaffirmés par cette proposition de loi réécrite par les soins de la commission : disposer d’un opérateur national de qualité, inscrit dans la durée, qui pourra investir autant qu’il le faudra pour que les soixante-dix-sept ans à venir soient aussi remplis de succès que les soixante-dix-sept ans qui viennent de s’écouler.
M. Gérard Longuet, rapporteur. … ayons confiance en nos électriciens et faisons d'EDF une fierté nationale !
Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – MM Emmanuel Capus et Pierre Louault applaudissent également.
Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – MM . Emmanuel Capus et Pierre Louault applaudissent également.
Applaudissements
Mes chers collègues, je demande à chacun des orateurs de bien vouloir respecter leur temps de parole de façon à ce que nous puissions terminer l'examen des propositions de loi inscrites à notre ordre du jour dans le temps contraint dont nous disposons.
La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Gérard Longuet, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons – dans l’enthousiasme général
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le doute plane sur l'avenir du groupe EDF et malgré l'abandon du projet Hercule, les députés ont voté la présente proposition de loi visant à la nationalisation du groupe EDF, qui a été rebaptisé par le Sénat proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement.
Le spectre d'Hercule ne s'est pas totalement dissipé et il continue de nourrir des inquiétudes. Il visait à réorganiser EDF afin de subvenir aux investissements nécessaires pour, d'une part, prolonger la durée de vie du parc nucléaire, d'autre part, développer les énergies renouvelables, sans oublier l'EPR.
Ce projet prévoyait la création de trois entités : la première regroupant les activités nucléaires et de réseaux de transport, la deuxième associant le volet commercial et celui des énergies renouvelables, la troisième incluant les barrages hydroélectriques, au risque de vendre « par appartements » les branches les plus rentables du premier opérateur européen d'électricité.
Selon la formule consacrée, il s'agissait de « socialiser les pertes et de privatiser les profits » ! On comprend mieux les craintes des auteurs du texte.
Nul doute que nous allons connaître, quoi qu'on en dise, une croissance exponentielle du prix et de la consommation d'électricité compte tenu du rythme du développement d'activités très énergivores, telles que le numérique et sa cohorte de serveurs informatiques, et du choix du business model du « tout électrique » pour les véhicules automobiles.
Dans ce contexte aggravé par le contexte européen et international de crise géopolitique, nous devons déterminer nos orientations avec la plus grande prudence. L'État doit garder la maîtrise des équipements stratégiques que sont les infrastructures de production et de distribution d'électricité : elles garantissent l'indépendance énergétique du pays, son dynamisme économique et l'approvisionnement des foyers français.
D'autres facteurs doivent être pris en compte, tels que l'interaction entre les métiers de la filière – elle doit aussi être garantie par la puissance publique. La coordination entre la gestion des barrages hydroélectriques et le refroidissement des centrales nucléaires doit notamment être assurée ; il y va de notre sécurité nationale. Comment faire en cas de privatisation par branche ?
Avant de conclure, j'évoquerai le texte transmis au Sénat. Alors que celui-ci comportait six articles, il n'en compte plus que trois. La majorité sénatoriale l'a vidé de sa substance, au motif qu'il aurait télescopé le rachat par l'État des parts des actionnaires minoritaires, toujours en cours.
Si, comme l'ensemble de mes collègues du groupe du RDSE, je suis favorable à l'amendement tendant à élargir, à l'article 3 bis, le bénéfice des tarifs réglementés à toutes les TPE et commerces de proximité, j'estime que rien ne justifie la suppression de l'article 1er qui prévoyait la renationalisation d'EDF afin de garantir la propriété publique et l'unité du service public de l'énergie.
L'article 2 modifiant le code de l'énergie a lui aussi été vidé de sa substance. Il obligeait à passer par la loi en cas de tentative de privatisation des activités d'EDF, qu'il s'agisse de la production, du transport ou de l'exportation d'électricité ou encore de la prestation de services énergétiques.
À titre personnel, sans rétablissement de l'article 1er à l'issue de nos débats, je ne voterai pas ce texte, car je n'oublie pas l'inquiétude des Français et du Gouvernement face au spectre des coupures d'électricité durant l'hiver qui vient de s'achever.
Sourires.
J’évoquerai trois points. Sur deux d’entre eux, la commission des finances, au nom de laquelle je rapporte ce texte, a tenu à apporter des modifications substantielles.
Le premier concerne Mayotte, qui apparaissait mystérieusement dans une demande de rapport sur l’opportunité de nationaliser la société Électricité de Mayotte, qui appartient pour partie au département et pour partie à EDF. S’il n’est pas l’habitude de notre assemblée d’accepter des demandes de rapport, il était impossible de trancher sur le fond dans les délais d’étude accordés à la commission des finances.
Le deuxième point tient au soutien apporté aux entreprises, et il explique en grande partie le vote qui sera celui du groupe Les Républicains du Sénat – ce sera, du reste, le même que celui du groupe LR de l’Assemblée nationale.
La commission des finances a estimé que nous pouvions faire sauter le verrou que constitue le seuil de 36 kilovoltampères. Celui-ci distingue en effet inutilement les artisans selon que la puissance du transformateur dont leur entreprise est équipée est en dessous de ce seuil – ils bénéficient alors du bouclier tarifaire – ou au-dessus – dans ce cas, ils ne bénéficient pas du bouclier tarifaire, alors qu’ils exercent peu ou prou le même métier que les premiers et que leur entreprise satisfait aux normes fixées par l’Union européenne quant à la définition d’une TPE.
La suppression de ce verrou permettra à tout artisan employant moins de dix salariés et réalisant moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires de bénéficier du TRVE, quelle que soit la capacité de son transformateur.
Aller plus loin – nous y reviendrons dans le cadre du débat d’amendements – serait impossible et dangereux juridiquement, tant vis-à-vis des sociétés qui délivrent de l’électricité que vis-à-vis de l’Union européenne.
Le troisième point, passionnant au demeurant, a trait à la crainte, exprimée avec force par l’auteur de la proposition de loi, d’un démembrement d’EDF. En cela, M. Brun nous oblige à réfléchir, monsieur le ministre, mes chers collègues, à une évolution du marché de l’électricité européen qui, depuis plus d’un an, connaît d’importantes secousses.
De ce marché de l’électricité européen dépendent en effet les libertés dont les dirigeants d’EDF disposent pour diriger leur entreprise.
J’ai le plus grand respect, y compris pour des raisons personnelles, pour Marcel Paul, mais nous ne sommes plus en 1946. Le marché de l’énergie électrique est libre, non seulement en ce qui concerne la production, ce qui n’était pas le cas jusqu’en 2002, mais aussi en matière de vente aux consommateurs, qu’ils soient petits ou grands, que les pays soient producteurs d’électricité ou non. Personne en Europe ne songe à remettre en cause cette liberté.
Cette liberté et ce marché ont-ils été catastrophiques ? La réponse est non. En réalité, entre 2015 et 2020, le prix spot moyen s’est situé entre 35 et 40 euros le mégawattheure, si bien que l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), mécanisme par lequel EDF revendait alors de l’électricité à 43 euros le mégawattheure, n’a été que peu sollicité, voire pas du tout, pendant cette période.
Pour autant, certaines questions qui relèvent des négociations intergouvernementales et du Parlement européen ne sont pas tranchées.
Il convient tout d’abord de réaffirmer la liberté à laquelle est attachée l’immense majorité des Européens en matière de production et de vente d’électricité.
Il convient ensuite de fixer le cap de ce marché électrique. Faut-il décarboner la société ou faut-il la verdir ? Ce n’est pas tout à fait la même chose : si l’on décarbone, on s’appuie sur le nucléaire, alors que s’il s’agit simplement de verdir, le malheureux nucléaire se trouvera confronté aux mêmes difficultés de financement qui l’handicapent aujourd’hui.
Par ailleurs, à l’aune de l’expérience tragique que constitue l’invasion de l’Ukraine par la Russie, acceptons-nous de placer l’indépendance énergétique au rang qui doit être le sien, c’est-à-dire celui de principale préoccupation ? Une telle préoccupation présidait au programme nucléaire français, dans le sillage duquel nous nous inscrivons toujours, que Georges Pompidou et Pierre Messmer ont présenté en mars 1974, un mois avant la disparition du président Pompidou.
Faut-il verdir ou décarboner ? Faut-il bâtir notre indépendance ou bénéficier du prix le plus bas, ce qui nous a longtemps conduits à acheter du gaz russe, l’accès à cet approvisionnement étant aujourd’hui frappé d’incertitude ?
Peut-on imaginer une organisation de marché qui dépende moins du prix spot, c’est-à-dire du coût marginal de la dernière entreprise de production électrique thermique – en général allemande et fonctionnant au lignite ? Ne peut-on bâtir un système différent ?
Le marché de l’électricité – nos amis électriciens le savent bien – achoppe sur la difficulté que constitue l’impossibilité de stocker l’électricité, ce qui rend la régulation à peu près impossible : cela aboutit, dès lors que les prix dépendent essentiellement du coût marginal de production, à des écarts de prix spectaculaires et insupportables pour le consommateur.
J’ajoute que nous, Français, sommes fiers de notre parc nucléaire et que nous souhaiterions profiter de l’avantage qu’il constitue plutôt que de subir des hausses dues à un calcul fondé sur le coût marginal.
Ces interrogations relatives au marché de l’électricité doivent être tranchées, car de fait, elles pèsent déjà sur le statut d’EDF. À ce titre, je souhaite indiquer à l’auteur de la présente proposition de loi que le démembrement d’EDF est déjà en partie effectif s’agissant du transport et de la distribution de l’électricité.
J’évoquerai trois points. Sur deux d’entre eux, la commission des finances, au nom de laquelle je rapporte ce texte, a tenu à apporter des modifications substantielles.
Le premier concerne Mayotte, qui apparaissait mystérieusement dans une demande de rapport sur l’opportunité de nationaliser la société Électricité de Mayotte, qui appartient pour partie au département et pour partie à EDF. S’il n’est pas l’habitude de notre assemblée d’accepter des demandes de rapport, il était impossible de trancher sur le fond dans les délais d’étude accordés à la commission des finances.
Le deuxième point tient au soutien apporté aux entreprises, et il explique en grande partie le vote qui sera celui du groupe Les Républicains du Sénat – ce sera, du reste, le même que celui du groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale.
La commission des finances a estimé que nous pouvions faire sauter le verrou que constitue le seuil de 36 kilovoltampères. Celui-ci distingue en effet inutilement les artisans selon que la puissance du transformateur dont leur entreprise est équipée est en dessous de ce seuil – ils bénéficient alors du bouclier tarifaire – ou au-dessus – dans ce cas, ils ne bénéficient pas du bouclier tarifaire, alors qu’ils exercent peu ou prou le même métier que les premiers et que leur entreprise satisfait aux normes fixées par l’Union européenne quant à la définition d’une TPE.
La suppression de ce verrou permettra à tout artisan employant moins de dix salariés et réalisant moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires de bénéficier du TRVE, quelle que soit la capacité de son transformateur.
Aller plus loin – nous y reviendrons dans le cadre du débat d’amendements – serait impossible et dangereux juridiquement, tant vis-à-vis des sociétés qui délivrent de l’électricité que vis-à-vis de l’Union européenne.
Le troisième point, passionnant au demeurant, a trait à la crainte, exprimée avec force par l’auteur de la proposition de loi, d’un démembrement d’EDF. En cela, M. Brun nous oblige à réfléchir, monsieur le ministre, mes chers collègues, à une évolution du marché de l’électricité européen qui, depuis plus d’un an, connaît d’importantes secousses.
De ce marché de l’électricité européen dépendent en effet les libertés dont les dirigeants d’EDF disposent pour diriger leur entreprise.
J’ai le plus grand respect, y compris pour des raisons personnelles, pour Marcel Paul, mais nous ne sommes plus en 1946. Le marché de l’énergie électrique est libre, non seulement en ce qui concerne la production, ce qui n’était pas le cas jusqu’en 2002, mais aussi en matière de vente aux consommateurs, qu’ils soient petits ou grands, que les pays soient producteurs d’électricité ou non. Personne en Europe ne songe à remettre en cause cette liberté.
Cette liberté et ce marché ont-ils été catastrophiques ? La réponse est non. En réalité, entre 2015 et 2020, le prix spot moyen s’est situé entre 35 et 40 euros le mégawattheure, si bien que l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), mécanisme par lequel EDF revendait alors de l’électricité à 43 euros le mégawattheure, n’a été que peu sollicité, voire pas du tout, pendant cette période.
Pour autant, certaines questions qui relèvent des négociations intergouvernementales et du Parlement européen ne sont pas tranchées.
Il convient tout d’abord de réaffirmer la liberté à laquelle est attachée l’immense majorité des Européens en matière de production et de vente d’électricité.
Il convient ensuite de fixer le cap de ce marché électrique. Faut-il décarboner la société ou faut-il la verdir ? Ce n’est pas tout à fait la même chose : si l’on décarbone, on s’appuie sur le nucléaire, alors que s’il s’agit simplement de verdir, le malheureux nucléaire se trouvera confronté aux mêmes difficultés de financement qui le handicapent aujourd’hui.
Par ailleurs, à l’aune de l’expérience tragique que constitue l’invasion de l’Ukraine par la Russie, acceptons-nous de placer l’indépendance énergétique au rang qui doit être le sien, c’est-à-dire celui de principale préoccupation ? Une telle préoccupation présidait au programme nucléaire français, dans le sillage duquel nous nous inscrivons toujours, que Georges Pompidou et Pierre Messmer ont présenté en mars 1974, un mois avant la disparition du président Pompidou.
Faut-il verdir ou décarboner ? Faut-il bâtir notre indépendance ou bénéficier du prix le plus bas, ce qui nous a longtemps conduits à acheter du gaz russe, l’accès à cet approvisionnement étant aujourd’hui frappé d’incertitude ?
Peut-on imaginer une organisation de marché qui dépende moins du prix spot, c’est-à-dire du coût marginal de la dernière entreprise de production électrique thermique – en général allemande et fonctionnant au lignite ? Ne peut-on bâtir un système différent ?
Le marché de l’électricité – nos amis électriciens le savent bien – achoppe sur la difficulté que constitue l’impossibilité de stocker l’électricité, ce qui rend la régulation à peu près impossible : cela aboutit, dès lors que les prix dépendent essentiellement du coût marginal de production, à des écarts de prix spectaculaires et insupportables pour le consommateur.
J’ajoute que nous, Français, sommes fiers de notre parc nucléaire et que nous souhaiterions profiter de l’avantage qu’il constitue plutôt que de subir des hausses dues à un calcul fondé sur le coût marginal.
Ces interrogations relatives au marché de l’électricité doivent être tranchées, car de fait, elles pèsent déjà sur le statut d’EDF. À ce titre, je souhaite indiquer à l’auteur de la présente proposition de loi que le démembrement d’EDF est déjà en partie effectif s’agissant du transport et de la distribution de l’électricité.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons cet après-midi porte sur trois sujets, le dernier étant sans lien direct avec les deux premiers : la nationalisation d'EDF, son possible démembrement et l'extension des tarifs réglementés de vente de l'électricité.
En ce qui concerne le premier point, sans grande surprise, le groupe Les Républicains soutient la position du rapporteur, dont je salue le travail de qualité, qui a proposé la suppression de l'article 1er prévoyant la nationalisation.
Cela ne signifie pas que la question de la garantie de la non-privatisation d'une activité hautement stratégique ne mérite pas d'être considérée. Je vous renvoie, mes chers collègues, aux débats que nous avons eus sur Aéroports de Paris (ADP) à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.
La souveraineté énergétique de la France repose sur EDF, dont l'État possédait 84 % du capital jusqu'en 2022. Une montée au capital pour passer à 100 % est en cours – le déblocage de 9, 7 milliards d'euros de crédits a d'ailleurs été voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative du mois de juillet dernier – sous la forme d'une offre publique d'achat (OPA) simplifiée à un prix de 12 euros par action qui a été validé par le conseil d'administration d'EDF.
L'inconvénient de cette OPA est que la procédure échappe presque totalement au contrôle du Parlement. Les députés du groupe Les Républicains l'ont d'ailleurs souligné, tout en reconnaissant que la nationalisation n'était certainement pas la meilleure réponse à apporter. Nous partageons cette position : l'OPA étant en cours, la nationalisation ne se justifie pas.
Par cette OPA, l'État cherche à se donner les moyens de mettre en œuvre une politique de relance du nucléaire. Nous avons envie de vous croire, monsieur le ministre, même si c'est votre majorité – il faut quand même le rappeler – qui a mis fin au programme Astrid en 2019.
En juillet 2021, notre collègue Stéphane Piednoir, dans un rapport fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) – je m'exprime sous le contrôle de son premier vice-président Gérard Longuet – et intitulé L'énergie nucléaire du futur et les conséquences de l'abandon du projet de réacteur nucléaire de 4 e génération « Astrid », a mis en évidence les conséquences néfastes de cet abandon pour la stratégie énergétique française.
Si la relance du nucléaire est un défi technique – quel type de réacteurs devons-nous construire ? –, elle constitue surtout un défi financier.
Le groupe EDF est très endetté – sa dette s'élevait à 64, 5 milliards d'euros à la fin de l'année 2022 – et les investissements nécessaires au développement du nouveau nucléaire sont considérables, alors qu'il faut en même temps financer le programme de grand carénage, dont le montant s'élève à près de 60 milliards d'euros, tout en tenant compte des impératifs d'adaptation au changement climatique – la commission des finances a travaillé récemment sur ce dernier sujet.
En mars 2021, Bercy estimait que le programme de six EPR2 pourrait coûter, hors frais financiers, entre 52 milliards et 57 milliards d'euros « dans un scénario de bonne maîtrise industrielle », ce montant pouvant atteindre 64 milliards d'euros dans un scénario plus dégradé...
Pouvez-vous nous en dire plus sur la stratégie de financement du Gouvernement, monsieur le ministre ?
J'ai cru lire ou comprendre qu'un appel aux investisseurs étrangers pourrait être envisagé – cela ressort d'une visioconférence à laquelle participait l'ancien patron d'EDF, Jean-Bernard Lévy, en janvier 2021 – ou qu'il pourrait être fait appel aux fonds du Livret A qui sont pour l'heure consacrés au financement du logement social.
Comme vous l'aurez compris, monsieur le ministre, si nous n'avons pas d'opposition à cette offre publique d'achat, nous avons de véritables interrogations sur les modalités de financement de la stratégie qui est menée.
À court terme, la seule question que pose cette OPA est celle du devenir des actionnaires salariés.
Depuis le 8 février 2023, date de clôture provisoire de l'offre, l'État détient près de 95 % du capital d'EDF, alors que 1, 17 % du capital social reste détenu par les salariés. Rien n'empêche donc l'État de se retirer de la cote.
La clôture définitive de l'opération a été retardée par un procès des petits actionnaires d'EDF à l'État français, portant notamment sur le prix de rachat des actions, jugé trop faible.
Dans les faits, le prix de rachat, fixé à 12 euros, constitue une prime par rapport à la valorisation du marché à court terme de l'entreprise ; je rappelle qu'au mois de juillet dernier, l'action est descendue à près de 7 euros. Mais les petits actionnaires qui ont acheté l'action à 32 euros pour les non-salariés et à 25, 6 euros, en 2005, pour les salariés, subissent une perte nette en capital. En effet, le cours de l'action a été divisé de plus de sa moitié, et l'inflation rend la perte d'autant plus importante.
Ces petits actionnaires, au nombre de 82 000, salariés ou anciens salariés, souhaitent être maintenus au capital ; la justice rendra sa décision dans le procès en cours le 2 mai prochain.
Pour cranter dans la loi le passage d'EDF à 100 % dans le giron de l'État, la commission des finances, sur l'initiative de son rapporteur Gérard Longuet, a inscrit dans la proposition de loi l'objectif d'une détention par l'État de 100 % du capital d'EDF au plus tard au 1er janvier 2024. Le texte issu des travaux de la commission, celui que nous examinons, prévoit que 2 % de ce capital pourrait toutefois être accordé aux salariés ou anciens salariés d'EDF.
Je m'interroge sur la mise en œuvre concrète de cette disposition. En effet, dans la mesure où l'offre publique d'achat prévoit une montée à 100 % du capital par l'État, comment serait-il possible d'en rétrocéder ensuite 2 % aux salariés ?
Je m'interroge aussi sur l'intérêt pour les petits actionnaires de détenir une action non liquide, puisque EDF ne sera plus cotée. Par ailleurs, l'entreprise n'est actuellement pas profitable. En 2022, elle a enregistré une perte de près de 18 milliards d'euros, notamment du fait du mécanisme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), qui doit s'éteindre en 2025. Si l'on ne connaît rien des suites qui seront données, il est certain que celle-ci aura des conséquences très fortes sur la rentabilité du groupe.
Tous ces sujets méritent que l'on en débatte.
En outre, le versement de dividendes sera-t-il possible alors que les besoins d'investissement seront très importants ? Je rappelle qu'EDF emprunte déjà entre 1, 5 milliard d'euros et 3 milliards d'euros par an pour verser des dividendes à ses actionnaires. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, depuis 2016, l'État accepte de toucher ses dividendes non plus en cash, mais en actions pour soulager la trésorerie de l'entreprise.
Certes, le Gouvernement a déposé un amendement au texte de la commission. Mais je ne comprends pas bien en quoi un tel dispositif permet de mieux répondre à ces interrogations. Nous aurons l'occasion d'en débattre tout à l'heure.
La question du démembrement d'EDF se pose depuis que le Gouvernement l'avait envisagée en 2019 en lançant le projet Hercule, qui a été abandonné depuis.
Les élus du groupe LR du Sénat n'ont pas d'opposition de principe à ce qui est écrit dans la note d'information à l'Autorité des marchés financiers, à savoir qu'il faut « poursuivre le plan de cessions d'actifs à hauteur d'environ 3 milliards d'euros entre 2022 et 2024 », dès lors que les décisions qui seront prises participeront d'une stratégie d'indépendance énergétique et de décarbonation.
C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons la réécriture de l'article 2 : l'État possédera désormais une entreprise qui agit dans le cadre fixé par le code de l'énergie. Cette nouvelle rédaction lève un certain nombre de risques pesant sur les filiales du groupe, notamment Réseau de transport d'électricité (RTE).
Enfin, sur l'extension des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE), les députés socialistes avaient prévu une mesure dont le coût est beaucoup trop important, le Gouvernement le chiffrant à 18 milliards d'euros par an. Il est vrai qu'en matière de chiffrage sur le coût des dispositions dans le domaine de l'énergie, nous ne pouvons que nous montrer circonspects depuis l'examen du projet de loi de finances pour 2023, en décembre dernier, et le fameux sous-amendement à 6 milliards d'euros ; nous attendons d'ailleurs toujours les chiffres à l'appui des assertions du Gouvernement, monsieur le ministre. Nous ne vous accordons donc qu'un crédit limité sur le coût de la mesure.
Toutefois, cette mesure reste très onéreuse, puisque s'applique l'article 13 du règlement européen du 6 octobre 2022, en vertu duquel l'État doit indemniser les fournisseurs dès lors qu'ils vendent à perte.
Enfin, l'extension aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) est contraire au droit européen, les aides d'État temporaires n'étant possibles que pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises (TPE-PME).
En revanche, nous souscrivons à l'objet de cette mesure, qui était, dans l'esprit de ses auteurs, d'apporter une réponse aux petites entreprises, en particulier aux boulangers, mais aussi aux collectivités, dont certaines se trouvent exclues des tarifs réglementés, alors même qu'elles remplissent les critères de chiffre d'affaires, de budget ou de nombre de salariés pour y prétendre. Dans les deux cas, il s'agit de pouvoir disposer d'une puissance installée forte, qu'il s'agisse de faire fonctionner une pompe à chaleur pour les collectivités ou bien un four pour les boulangers.
La solution qui consiste à supprimer la mention de 36 kilovoltampères (kVA) est très pertinente. Elle aurait d'ailleurs pu être mise en œuvre bien plus tôt, car elle relève du niveau règlementaire. Il aurait été bien plus facile de faire évoluer une mesure réglementaire que de corriger la loi.
À l'instar de ce que mon collègue Daniel Gremillet avait pu dire en ouverture de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, je ne peux que déplorer le manque de vision d'ensemble sur l'avenir de notre politique énergétique. Depuis quelques mois, nous empilons des briques, sur le nucléaire, sur les énergies renouvelables, aujourd'hui sur EDF, sans disposer d'aucun plan pour le mur que nous cherchons à construire.
En vertu de la liberté du marché, nous avons en effet l’obligation d’accepter que des tiers accèdent au réseau électrique. Or, en raison de l’évident monopole technique en la matière – je dis bien technique et pas économique –, il est impensable de multiplier les réseaux tant de transport que de distribution.
Il faut donc bien accepter que Réseau de transport d’électricité (RTE) et Enedis soient indépendants d’EDF, même si elle en est actionnaire, parce qu’elle n’est aujourd’hui que l’un des utilisateurs des réseaux.
J’en viens à l’Arenh.
Ce mécanisme touche à sa fin, puisque son application n’est prévue que jusqu’en 2025. Faut-il le maintenir ? Faut-il se contenter d’augmenter le prix ? Ne peut-on imaginer, sur le modèle des assurances, un système plus intelligent, fondé sur le principe « take or pay », « prenez ou payez » ?
L’assurance paraît chère tant qu’on n’a pas d’accident, mais on est bien content d’être assuré le jour où on en a un… L’Arenh a joué ce rôle d’assurance, mais le mécanisme est conçu de telle sorte qu’il revient à payer l’assurance après l’accident, ce qui est un peu la même chose que de gagner aux courses de chevaux en pariant après l’arrivée : c’est beaucoup plus facile !
De même, certains fournisseurs d’électricité très sérieux, y compris français, accepteraient volontiers de participer au financement du nucléaire français, non pas pour l’exploiter – l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) les en garde… –, mais pour disposer de droits de tirage leur garantissant une certaine stabilité.
Nous, législateurs, pourrions même imaginer – c’est notre rôle – de contraindre les entreprises qui revendiquent de fournir de l’électricité à garantir 70 % de l’approvisionnement par des contrats à long terme, ce que la Commission européenne a jusqu’à présent toujours refusé.
Vous avez donc un formidable combat à mener, monsieur le ministre, et ce n’est qu’à l’issue de celui-ci que nous pourrons indiquer aux dirigeants d’EDF les opportunités dont il leur faudra se saisir et les risques qu’ils devront assumer.
En somme, la proposition de loi de Philippe Brun sera parfaite dès lors que les règles du jeu seront définitivement connues, mais pour l’heure, elle est prématurée. C’est pourquoi je propose, à titre conservatoire, de confier 100 % du capital à l’État. Laissons l’État et le Parlement faire leur travail en toute responsabilité, …
Ce mécanisme touche à sa fin, puisque son application n’est prévue que jusqu’en 2025. Faut-il le maintenir ? Faut-il se contenter d’augmenter le prix ? Ne peut-on imaginer, sur le modèle des assurances, un système plus intelligent, fondé sur le principe take or pay, « prenez ou payez » ?
L’assurance paraît chère tant qu’on n’a pas d’accident, mais on est bien content d’être assuré le jour où on en a un… L’Arenh a joué ce rôle d’assurance, mais le mécanisme est conçu de telle sorte qu’il revient à payer l’assurance après l’accident, ce qui est un peu la même chose que de gagner aux courses de chevaux en pariant après l’arrivée : c’est beaucoup plus facile !
De même, certains fournisseurs d’électricité très sérieux, y compris français, accepteraient volontiers de participer au financement du nucléaire français, non pas pour l’exploiter – l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) les en garde… –, mais pour disposer de droits de tirage leur garantissant une certaine stabilité.
Nous, législateurs, pourrions même imaginer – c’est notre rôle – de contraindre les entreprises qui revendiquent de fournir de l’électricité à garantir 70 % de l’approvisionnement par des contrats à long terme, ce que la Commission européenne a jusqu’à présent toujours refusé.
Vous avez donc un formidable combat à mener, monsieur le ministre, et ce n’est qu’à l’issue de celui-ci que nous pourrons indiquer aux dirigeants d’EDF les opportunités dont il leur faudra se saisir et les risques qu’ils devront assumer.
En somme, la proposition de loi de Philippe Brun sera parfaite dès lors que les règles du jeu seront définitivement connues, mais pour l’heure, elle est prématurée. C’est pourquoi je propose, à titre conservatoire, de confier 100 % du capital à l’État. Laissons l’État et le Parlement faire leur travail en toute responsabilité, …
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la particularité d'une entreprise nationale est que sa stratégie dépend du calendrier électoral. Il me semble utile de rappeler cette évidence en préambule, alors que des éloges de l'État-actionnaire vont fuser à gauche comme à droite de l'hémicycle.
Or les cycles d'investissement industriel s'inscrivent dans le temps long. Ils s'accordent mal avec le calendrier électoral.
Aujourd'hui, un consensus politique s'est pourtant formé autour de la nationalisation d'EDF. Ce point d'accord est un fait rare, car en matière de politique énergétique, l'accord est l'exception, et le désaccord la règle.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, il n'y a eu que deux grands accords historiques. Le premier est le Conseil national de la Résistance. Les auteurs de la proposition de loi s'y réfèrent abondamment, et nos collègues socialistes saluent l'œuvre du général de Gaulle avec une ferveur qui, je l'avoue, ne laisse pas insensible.
Le second accord historique est le virage du tout nucléaire dans le cadre du plan Messmer de 1974 : une grande année !
Sourires.
M. Gérard Longuet, rapporteur. … ayons confiance en nos électriciens et faisons d’EDF une fierté nationale !
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.
Je ne pensais pas à cela.
La France s'est alors engagée dans la construction du plus grand parc nucléaire au monde. Ce développement industriel n'a pas été remis en cause par les gouvernements suivants. Cette remarquable constance a permis à EDF de bâtir un actif stratégique hors du commun, qui a très largement contribué à la prospérité de la France, grâce à une électricité abondante et peu chère.
Pour justifier la nationalisation d'EDF, les auteurs du texte dressent le parallèle entre la France de 2023 et celle de 1946. Mais, à vrai dire, mes chers collègues, la situation actuelle ressemble bien plus au premier choc pétrolier qu'à la Seconde Guerre mondiale : la crise énergétique découle d'une guerre qui ne se produit pas sur notre sol, mais dont nous subissons indirectement les conséquences et qui nous oblige à agir.
D'ailleurs, comme il y a cinquante ans, la Nation se rassemble aujourd'hui autour d'un objectif : garantir la souveraineté énergétique en construisant de nouveaux réacteurs. C'est tout le projet du Gouvernement, qui a annoncé reprendre la possession d'EDF, afin de garder la maîtrise du parc nucléaire.
Nos collègues socialistes reprochent encore au Gouvernement de nationaliser EDF pour mieux la saucissonner. C'est fort de café, alors que c'est la gauche qui a orchestré la mise à mal de la filière nucléaire française sous François Hollande !
Mes chers collègues, je demande à chacun des orateurs de bien vouloir respecter leur temps de parole de façon à ce que nous puissions terminer l’examen des propositions de loi inscrites à notre ordre du jour dans le temps contraint dont nous disposons.
La parole est à M. Christian Bilhac.
Mes chers collègues, je demande à chacun des orateurs de bien vouloir respecter leur temps de parole de façon que nous puissions terminer l’examen des propositions de loi inscrites à notre ordre du jour dans le temps contraint dont nous disposons.
La parole est à M. Christian Bilhac.
Protestations sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le doute plane sur l’avenir du groupe EDF et malgré l’abandon du projet Hercule, les députés ont voté la présente proposition de loi visant à la nationalisation du groupe EDF, qui a été rebaptisé par le Sénat proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement.
Le spectre d’Hercule ne s’est pas totalement dissipé et il continue de nourrir des inquiétudes. Il visait à réorganiser EDF afin de subvenir aux investissements nécessaires pour, d’une part, prolonger la durée de vie du parc nucléaire, d’autre part, développer les énergies renouvelables, sans oublier l’EPR.
Ce projet prévoyait la création de trois entités : la première regroupant les activités nucléaires et de réseaux de transport, la deuxième associant le volet commercial et celui des énergies renouvelables, la troisième incluant les barrages hydroélectriques, au risque de vendre « par appartements » les branches les plus rentables du premier opérateur européen d’électricité.
Selon la formule consacrée, il s’agissait de « socialiser les pertes et de privatiser les profits » ! On comprend mieux les craintes des auteurs du texte.
Nul doute que nous allons connaître, quoi qu’on en dise, une croissance exponentielle du prix et de la consommation d’électricité compte tenu du rythme du développement d’activités très énergivores, telles que le numérique et sa cohorte de serveurs informatiques, et du choix du business model du « tout électrique » pour les véhicules automobiles.
Dans ce contexte aggravé par le contexte européen et international de crise géopolitique, nous devons déterminer nos orientations avec la plus grande prudence. L’État doit garder la maîtrise des équipements stratégiques que sont les infrastructures de production et de distribution d’électricité : elles garantissent l’indépendance énergétique du pays, son dynamisme économique et l’approvisionnement des foyers français.
D’autres facteurs doivent être pris en compte, tels que l’interaction entre les métiers de la filière – elle doit aussi être garantie par la puissance publique. La coordination entre la gestion des barrages hydroélectriques et le refroidissement des centrales nucléaires doit notamment être assurée ; il y va de notre sécurité nationale. Comment faire en cas de privatisation par branche ?
Avant de conclure, j’évoquerai le texte transmis au Sénat. Alors que celui-ci comportait six articles, il n’en compte plus que trois. La majorité sénatoriale l’a vidé de sa substance, au motif qu’il aurait télescopé le rachat par l’État des parts des actionnaires minoritaires, toujours en cours.
Si, comme l’ensemble de mes collègues du groupe du RDSE, je suis favorable à l’amendement tendant à élargir, à l’article 3 bis, le bénéfice des tarifs réglementés à toutes les TPE et commerces de proximité, j’estime que rien ne justifie la suppression de l’article 1er qui prévoyait la renationalisation d’EDF afin de garantir la propriété publique et l’unité du service public de l’énergie.
L’article 2 modifiant le code de l’énergie a lui aussi été vidé de sa substance. Il obligeait à passer par la loi en cas de tentative de privatisation des activités d’EDF, qu’il s’agisse de la production, du transport ou de l’exportation d’électricité ou encore de la prestation de services énergétiques.
À titre personnel, sans rétablissement de l’article 1er à l’issue de nos débats, je ne voterai pas ce texte, car je n’oublie pas l’inquiétude des Français et du Gouvernement face au spectre des coupures d’électricité durant l’hiver qui vient de s’achever.
Dans la mesure où l'on sait depuis 2015 qu'il suffit d'une loi pour fragiliser l'avenir de notre industrie nucléaire, je ne suis pas certain qu'une proposition de loi pourra garantir quoi que ce soit.
Pour moi, les choses sont claires : le Gouvernement veut nationaliser EDF, et le Parlement soutient cette initiative. Le reste n'est que spéculation sur l'avenir.
Sur l'initiative de notre rapporteur Gérard Longuet, la commission des finances a largement réécrit le texte, et je salue ses travaux. Notre groupe préfère nettement cette nouvelle mouture, qui a le mérite de limiter la portée législative du texte.
Cette version a également le mérite de mettre en conformité la proposition de loi avec le droit européen. Alors que l'Europe a plus que jamais besoin d'union face à la Russie, face à la Chine et même parfois face à nos alliés américains, il ne s'agit pas là d'un simple détail.
Pour toutes ces raisons, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires partageront leurs voix entre un vote favorable et l'abstention.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue la proposition de loi présentée et défendue par Philippe Brun à l'Assemblée nationale. Elle s'inscrit pleinement dans la dynamique du projet que les écologistes avaient porté sous le slogan « Pour une République écologique » dans le cadre de l'élection présidentielle de 2022. Il s'agissait de « renationaliser » EDF et d'en faire « un outil stratégique puissant, cohérent, au service de la transition énergétique ».
Certes, la commission des finances a supprimé le premier article de cette proposition de loi, qui formalisait l'acte de nationalisation, préférant l'étatisation ; elle a supprimé l'énumération des filiales constitutives du groupe public unifié, visant à s'opposer au démantèlement du groupe. Bref, la commission des finances a décousu cette proposition de loi, et ce même si rien n'empêche que, derrière l'abandon du projet Hercule – je vous entends, monsieur le ministre –, il puisse y avoir un Hercule bis.
Les choix énergétiques pour notre pays peuvent diverger. Les nôtres sont largement minoritaires dans cet hémicycle, et vous les connaissez. Mais lorsque l'on défend le choix du nucléaire, on doit défendre un outil public à 100 %.
Chaque décision de l'État, qu'il s'agisse du bouclier tarifaire, du relèvement des volumes de l'Arenh, du grand carénage ou de la construction de six réacteurs EPR, pèse sur les comptes d'EDF, dont la situation est particulièrement dégradée.
À cela s'ajoute l'incompréhension totale des Françaises et des Français sur le coût de l'énergie.
L'énergie, ou plus précisément l'accès à l'énergie, joue un rôle social et sociétal : c'est un bien de première nécessité qui, tout comme l'eau, doit être traité comme un bien commun essentiel.
Les 15 % de reste à charge du bouclier tarifaire n'ont pas le même impact selon que l'on habite une passoire thermique ou que l'on est en situation de précarité. Ceux qui touchent des revenus modestes sont malheureusement toujours les premières victimes de cette hausse du coût de la vie.
Les bailleurs sociaux craignent une hausse des impayés. Les syndicats de copropriétaires font face également à des difficultés nouvelles. C'est aussi le cas des artisans, des commerçants et de l'ensemble des TPE-PME. Sur ce point, nous sommes favorables à l'amendement du rapporteur qui vise à supprimer le plafond des 36 kVA.
Seul un tiers des entreprises concernées par le bouclier tarifaire ont concrétisé une demande d'aide. Les collectivités, quant à elles, ne savent toujours pas dans quelle mesure elles bénéficieront ou pas des aides de l'État. La proposition de loi prévoit un accès pour toutes au tarif réglementé. On pourrait attendre de la chambre des territoires un plein soutien à cette revendication de bon sens de nos collègues maires.
La situation est grave. Les écologistes alertent depuis de nombreuses années sur l'urgence qu'il y a à s'engager fortement dans les énergies décarbonées, sur la fin de l'abondance et sur la mise hors marché et hors surconsommation de l'énergie.
Si l'État ne peut pas tout prévoir, il a une obligation de préparer l'avenir. La concurrence ouverte, la politique du prix bas, les stratégies du tout nucléaire que l'on développe encore aujourd'hui ne favorisent pas la réorientation des politiques énergétiques dans le sens des recommandations du rapport du GIEC pour lutter contre les dérèglements climatiques ; elles contribuent encore moins à garantir la maîtrise des coûts, dont la nécessité est pourtant souvent rappelée sur ces travées.
EDF pourrait redevenir le bras armé de notre pays pour une nouvelle politique énergétique. La proposition de loi de Philippe Brun répond à cet axe majeur et stratégique du retour de l'entreprise sous le contrôle de l'État. Il serait inadmissible de voir les aspects rentables du groupe comme le développement des énergies renouvelables être privatisés selon la bonne vieille méthode libérale : privatiser les bénéfices et nationaliser les pertes et les déficits.
J'évoquerai pour finir la place des citoyens comme des salariés dans ce débat. À quel moment les Françaises et les Français ont-ils été associés à ces décisions ou aux orientations prises par le Gouvernement ? Seraient-ils d'accord pour financer des réacteurs dont le modèle, celui de Flamaville – il faut le rappeler, car on l'oublie souvent –, a coûté 19, 1 milliards d'euros d'après la Cour des comptes quand il ne devait coûter que 3, 3 milliards d'euros ?
Un débat national sur les choix énergétiques de la France est indispensable. Il est même essentiel. Ces choix ne peuvent pas se faire sans une Nation éclairée quant aux enjeux climatiques et à leurs conséquences pour l'avenir.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons cet après-midi porte sur trois sujets, le dernier étant sans lien direct avec les deux premiers : la nationalisation d’EDF, son possible démembrement et l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité.
En ce qui concerne le premier point, sans grande surprise, le groupe Les Républicains soutient la position du rapporteur, dont je salue le travail de qualité, qui a proposé la suppression de l’article 1er prévoyant la nationalisation.
Cela ne signifie pas que la question de la garantie de la non-privatisation d’une activité hautement stratégique ne mérite pas d’être considérée. Je vous renvoie, mes chers collègues, aux débats que nous avons eus sur Aéroports de Paris (ADP) à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.
La souveraineté énergétique de la France repose sur EDF, dont l’État possédait 84 % du capital jusqu’en 2022. Une montée au capital pour passer à 100 % est en cours – le déblocage de 9, 7 milliards d’euros de crédits a d’ailleurs été voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative du mois de juillet dernier – sous la forme d’une offre publique d’achat (OPA) simplifiée à un prix de 12 euros par action qui a été validé par le conseil d’administration d’EDF.
L’inconvénient de cette OPA est que la procédure échappe presque totalement au contrôle du Parlement. Les députés du groupe Les Républicains l’ont d’ailleurs souligné, tout en reconnaissant que la nationalisation n’était certainement pas la meilleure réponse à apporter. Nous partageons cette position : l’OPA étant en cours, la nationalisation ne se justifie pas.
Par cette OPA, l’État cherche à se donner les moyens de mettre en œuvre une politique de relance du nucléaire. Nous avons envie de vous croire, monsieur le ministre, même si c’est votre majorité – il faut quand même le rappeler – qui a mis fin au programme Astrid en 2019.
En juillet 2021, notre collègue Stéphane Piednoir, dans un rapport fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) – je m’exprime sous le contrôle de son premier vice-président Gérard Longuet – et intitulé L ’ énergie nucléaire du futur et les conséquences de l ’ abandon du projet de réacteur nucléaire de 4 e génération « Astrid », a mis en évidence les conséquences néfastes de cet abandon pour la stratégie énergétique française.
Si la relance du nucléaire est un défi technique – quel type de réacteurs devons-nous construire ? –, elle constitue surtout un défi financier.
Le groupe EDF est très endetté – sa dette s’élevait à 64, 5 milliards d’euros à la fin de l’année 2022 – et les investissements nécessaires au développement du nouveau nucléaire sont considérables, alors qu’il faut en même temps financer le programme de grand carénage, dont le montant s’élève à près de 60 milliards d’euros, tout en tenant compte des impératifs d’adaptation au changement climatique – la commission des finances a travaillé récemment sur ce dernier sujet.
En mars 2021, Bercy estimait que le programme de six EPR2 pourrait coûter, hors frais financiers, entre 52 milliards et 57 milliards d’euros « dans un scénario de bonne maîtrise industrielle », ce montant pouvant atteindre 64 milliards d’euros dans un scénario plus dégradé…
Pouvez-vous nous en dire plus sur la stratégie de financement du Gouvernement, monsieur le ministre ?
J’ai cru lire ou comprendre qu’un appel aux investisseurs étrangers pourrait être envisagé – cela ressort d’une visioconférence à laquelle participait l’ancien patron d’EDF, Jean-Bernard Lévy, en janvier 2021 – ou qu’il pourrait être fait appel aux fonds du Livret A qui sont pour l’heure consacrés au financement du logement social.
Comme vous l’aurez compris, monsieur le ministre, si nous n’avons pas d’opposition à cette offre publique d’achat, nous avons de véritables interrogations sur les modalités de financement de la stratégie qui est menée.
À court terme, la seule question que pose cette OPA est celle du devenir des actionnaires salariés.
Depuis le 8 février 2023, date de clôture provisoire de l’offre, l’État détient près de 95 % du capital d’EDF, alors que 1, 17 % du capital social reste détenu par les salariés. Rien n’empêche donc l’État de se retirer de la cote.
La clôture définitive de l’opération a été retardée par un procès des petits actionnaires d’EDF à l’État français, portant notamment sur le prix de rachat des actions, jugé trop faible.
Dans les faits, le prix de rachat, fixé à 12 euros, constitue une prime par rapport à la valorisation du marché à court terme de l’entreprise ; je rappelle qu’au mois de juillet dernier, l’action est descendue à près de 7 euros. Mais les petits actionnaires qui ont acheté l’action à 32 euros pour les non-salariés et à 25, 6 euros, en 2005, pour les salariés, subissent une perte nette en capital. En effet, le cours de l’action a été divisé de plus de sa moitié, et l’inflation rend la perte d’autant plus importante.
Ces petits actionnaires, au nombre de 82 000, salariés ou anciens salariés, souhaitent être maintenus au capital ; la justice rendra sa décision dans le procès en cours le 2 mai prochain.
Pour cranter dans la loi le passage d’EDF à 100 % dans le giron de l’État, la commission des finances, sur l’initiative de son rapporteur Gérard Longuet, a inscrit dans la proposition de loi l’objectif d’une détention par l’État de 100 % du capital d’EDF au plus tard au 1er janvier 2024. Le texte issu des travaux de la commission, celui que nous examinons, prévoit que 2 % de ce capital pourrait toutefois être accordé aux salariés ou anciens salariés d’EDF.
Je m’interroge sur la mise en œuvre concrète de cette disposition. En effet, dans la mesure où l’offre publique d’achat prévoit une montée à 100 % du capital par l’État, comment serait-il possible d’en rétrocéder ensuite 2 % aux salariés ?
Je m’interroge aussi sur l’intérêt pour les petits actionnaires de détenir une action non liquide, puisque EDF ne sera plus cotée. Par ailleurs, l’entreprise n’est actuellement pas profitable. En 2022, elle a enregistré une perte de près de 18 milliards d’euros, notamment du fait du mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), qui doit s’éteindre en 2025. Si l’on ne connaît rien des suites qui seront données, il est certain que celle-ci aura des conséquences très fortes sur la rentabilité du groupe.
Tous ces sujets méritent que l’on en débatte.
En outre, le versement de dividendes sera-t-il possible alors que les besoins d’investissement seront très importants ? Je rappelle qu’EDF emprunte déjà entre 1, 5 milliard d’euros et 3 milliards d’euros par an pour verser des dividendes à ses actionnaires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, depuis 2016, l’État accepte de toucher ses dividendes non plus en cash, mais en actions pour soulager la trésorerie de l’entreprise.
Certes, le Gouvernement a déposé un amendement au texte de la commission. Mais je ne comprends pas bien en quoi un tel dispositif permet de mieux répondre à ces interrogations. Nous aurons l’occasion d’en débattre tout à l’heure.
La question du démembrement d’EDF se pose depuis que le Gouvernement l’avait envisagée en 2019 en lançant le projet Hercule, qui a été abandonné depuis.
Les élus du groupe LR du Sénat n’ont pas d’opposition de principe à ce qui est écrit dans la note d’information à l’Autorité des marchés financiers, à savoir qu’il faut « poursuivre le plan de cessions d’actifs à hauteur d’environ 3 milliards d’euros entre 2022 et 2024 », dès lors que les décisions qui seront prises participeront d’une stratégie d’indépendance énergétique et de décarbonation.
C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons la réécriture de l’article 2 : l’État possédera désormais une entreprise qui agit dans le cadre fixé par le code de l’énergie. Cette nouvelle rédaction lève un certain nombre de risques pesant sur les filiales du groupe, notamment Réseau de transport d’électricité (RTE).
Enfin, sur l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE), les députés socialistes avaient prévu une mesure dont le coût est beaucoup trop important, le Gouvernement le chiffrant à 18 milliards d’euros par an. Il est vrai qu’en matière de chiffrage sur le coût des dispositions dans le domaine de l’énergie, nous ne pouvons que nous montrer circonspects depuis l’examen du projet de loi de finances pour 2023, en décembre dernier, et le fameux sous-amendement à 6 milliards d’euros ; nous attendons d’ailleurs toujours les chiffres à l’appui des assertions du Gouvernement, monsieur le ministre. Nous ne vous accordons donc qu’un crédit limité sur le coût de la mesure.
Toutefois, cette mesure reste très onéreuse, puisque s’applique l’article 13 du règlement européen du 6 octobre 2022, en vertu duquel l’État doit indemniser les fournisseurs dès lors qu’ils vendent à perte.
Enfin, l’extension aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) est contraire au droit européen, les aides d’État temporaires n’étant possibles que pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises (TPE-PME).
En revanche, nous souscrivons à l’objet de cette mesure, qui était, dans l’esprit de ses auteurs, d’apporter une réponse aux petites entreprises, en particulier aux boulangers, mais aussi aux collectivités, dont certaines se trouvent exclues des tarifs réglementés, alors même qu’elles remplissent les critères de chiffre d’affaires, de budget ou de nombre de salariés pour y prétendre. Dans les deux cas, il s’agit de pouvoir disposer d’une puissance installée forte, qu’il s’agisse de faire fonctionner une pompe à chaleur pour les collectivités ou bien un four pour les boulangers.
La solution qui consiste à supprimer la mention de 36 kilovoltampères (kVA) est très pertinente. Elle aurait d’ailleurs pu être mise en œuvre bien plus tôt, car elle relève du niveau règlementaire. Il aurait été bien plus facile de faire évoluer une mesure réglementaire que de corriger la loi.
À l’instar de ce que mon collègue Daniel Gremillet avait pu dire en ouverture de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, je ne peux que déplorer le manque de vision d’ensemble sur l’avenir de notre politique énergétique. Depuis quelques mois, nous empilons des briques, sur le nucléaire, sur les énergies renouvelables, aujourd’hui sur EDF, sans disposer d’aucun plan pour le mur que nous cherchons à construire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons cet après-midi porte sur trois sujets, le dernier étant sans lien direct avec les deux premiers : la nationalisation d’EDF, son possible démembrement et l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité.
En ce qui concerne le premier point, sans grande surprise, le groupe Les Républicains soutient la position du rapporteur, dont je salue le travail de qualité, qui a proposé la suppression de l’article 1er prévoyant la nationalisation.
Cela ne signifie pas que la question de la garantie de la non-privatisation d’une activité hautement stratégique ne mérite pas d’être considérée. Je vous renvoie, mes chers collègues, aux débats que nous avons eus sur Aéroports de Paris (ADP) à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.
La souveraineté énergétique de la France repose sur EDF, dont l’État possédait 84 % du capital jusqu’en 2022. Une montée au capital pour passer à 100 % est en cours – le déblocage de 9, 7 milliards d’euros de crédits a d’ailleurs été voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative du mois de juillet dernier – sous la forme d’une offre publique d’achat (OPA) simplifiée à un prix de 12 euros par action qui a été validé par le conseil d’administration d’EDF.
L’inconvénient de cette OPA est que la procédure échappe presque totalement au contrôle du Parlement. Les députés du groupe Les Républicains l’ont d’ailleurs souligné, tout en reconnaissant que la nationalisation n’était certainement pas la meilleure réponse à apporter. Nous partageons cette position : l’OPA étant en cours, la nationalisation ne se justifie pas.
Par cette OPA, l’État cherche à se donner les moyens de mettre en œuvre une politique de relance du nucléaire. Nous avons envie de vous croire, monsieur le ministre, même si c’est votre majorité – il faut quand même le rappeler – qui a mis fin au programme Astrid en 2019.
En juillet 2021, notre collègue Stéphane Piednoir, dans un rapport fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) – je m’exprime sous le contrôle de son premier vice-président Gérard Longuet – et intitulé L ’ énergie nucléaire du futur et les conséquences de l ’ abandon du projet de réacteur nucléaire de 4 e génération « Astrid », a mis en évidence les conséquences néfastes de cet abandon pour la stratégie énergétique française.
Si la relance du nucléaire est un défi technique – quel type de réacteurs devons-nous construire ? –, elle constitue surtout un défi financier.
Le groupe EDF est très endetté – sa dette s’élevait à 64, 5 milliards d’euros à la fin de l’année 2022 – et les investissements nécessaires au développement du nouveau nucléaire sont considérables, alors qu’il faut en même temps financer le programme de grand carénage, dont le montant s’élève à près de 60 milliards d’euros, tout en tenant compte des impératifs d’adaptation au changement climatique – la commission des finances a travaillé récemment sur ce dernier sujet.
En mars 2021, Bercy estimait que le programme de six EPR2 pourrait coûter, hors frais financiers, entre 52 milliards et 57 milliards d’euros « dans un scénario de bonne maîtrise industrielle », ce montant pouvant atteindre 64 milliards d’euros dans un scénario plus dégradé…
Pouvez-vous nous en dire plus sur la stratégie de financement du Gouvernement, monsieur le ministre ?
J’ai cru lire ou comprendre qu’un appel aux investisseurs étrangers pourrait être envisagé – cela ressort d’une visioconférence à laquelle participait l’ancien patron d’EDF, Jean-Bernard Lévy, en janvier 2021 – ou qu’il pourrait être fait appel aux fonds du Livret A qui sont pour l’heure consacrés au financement du logement social.
Comme vous l’aurez compris, monsieur le ministre, si nous n’avons pas d’opposition à cette offre publique d’achat, nous avons de véritables interrogations sur les modalités de financement de la stratégie qui est menée.
À court terme, la seule question que pose cette OPA est celle du devenir des actionnaires salariés.
Depuis le 8 février 2023, date de clôture provisoire de l’offre, l’État détient près de 95 % du capital d’EDF, alors que 1, 17 % du capital social reste détenu par les salariés. Rien n’empêche donc l’État de se retirer de la cote.
La clôture définitive de l’opération a été retardée par un procès des petits actionnaires d’EDF à l’État français, portant notamment sur le prix de rachat des actions, jugé trop faible.
Dans les faits, le prix de rachat, fixé à 12 euros, constitue une prime par rapport à la valorisation du marché à court terme de l’entreprise ; je rappelle qu’au mois de juillet dernier, l’action est descendue à près de 7 euros. Mais les petits actionnaires qui ont acheté l’action à 32 euros pour les non-salariés et à 25, 6 euros, en 2005, pour les salariés, subissent une perte nette en capital. En effet, le cours de l’action a été divisé de plus de sa moitié, et l’inflation rend la perte d’autant plus importante.
Ces petits actionnaires, au nombre de 82 000, salariés ou anciens salariés, souhaitent être maintenus au capital ; la justice rendra sa décision dans le procès en cours le 2 mai prochain.
Pour cranter dans la loi le passage d’EDF à 100 % dans le giron de l’État, la commission des finances, sur l’initiative de son rapporteur Gérard Longuet, a inscrit dans la proposition de loi l’objectif d’une détention par l’État de 100 % du capital d’EDF au plus tard au 1er janvier 2024. Le texte issu des travaux de la commission, celui que nous examinons, prévoit que 2 % de ce capital pourrait toutefois être accordé aux salariés ou anciens salariés d’EDF.
Je m’interroge sur la mise en œuvre concrète de cette disposition. En effet, dans la mesure où l’offre publique d’achat prévoit une montée à 100 % du capital par l’État, comment serait-il possible d’en rétrocéder ensuite 2 % aux salariés ?
Je m’interroge aussi sur l’intérêt pour les petits actionnaires de détenir une action non liquide, puisque EDF ne sera plus cotée. Par ailleurs, l’entreprise n’est actuellement pas profitable. En 2022, elle a enregistré une perte de près de 18 milliards d’euros, notamment du fait du mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), qui doit s’éteindre en 2025. Si l’on ne connaît rien des suites qui seront données, il est certain que celle-ci aura des conséquences très fortes sur la rentabilité du groupe.
Tous ces sujets méritent que l’on en débatte.
En outre, le versement de dividendes sera-t-il possible alors que les besoins d’investissement seront très importants ? Je rappelle qu’EDF emprunte déjà entre 1, 5 milliard d’euros et 3 milliards d’euros par an pour verser des dividendes à ses actionnaires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, depuis 2016, l’État accepte de toucher ses dividendes non plus en cash, mais en actions pour soulager la trésorerie de l’entreprise.
Certes, le Gouvernement a déposé un amendement au texte de la commission. Mais je ne comprends pas bien en quoi un tel dispositif permet de mieux répondre à ces interrogations. Nous aurons l’occasion d’en débattre tout à l’heure.
La question du démembrement d’EDF se pose depuis que le Gouvernement l’avait envisagée en 2019 en lançant le projet Hercule, qui a été abandonné depuis.
Les élus du groupe LR du Sénat n’ont pas d’opposition de principe à ce qui est écrit dans la note d’information à l’Autorité des marchés financiers, à savoir qu’il faut « poursuivre le plan de cessions d’actifs à hauteur d’environ 3 milliards d’euros entre 2022 et 2024 », dès lors que les décisions qui seront prises participeront d’une stratégie d’indépendance énergétique et de décarbonation.
C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons la réécriture de l’article 2 : l’État possédera désormais une entreprise qui agit dans le cadre fixé par le code de l’énergie. Cette nouvelle rédaction lève un certain nombre de risques pesant sur les filiales du groupe, notamment Réseau de transport d’électricité (RTE).
Enfin, sur l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE), les députés socialistes avaient prévu une mesure dont le coût est beaucoup trop important, le Gouvernement le chiffrant à 18 milliards d’euros par an. Il est vrai qu’en matière de chiffrage sur le coût des dispositions dans le domaine de l’énergie, nous ne pouvons que nous montrer circonspects depuis l’examen du projet de loi de finances pour 2023, en décembre dernier, et le fameux sous-amendement à 6 milliards d’euros ; nous attendons d’ailleurs toujours les chiffres à l’appui des assertions du Gouvernement, monsieur le ministre. Nous ne vous accordons donc qu’un crédit limité sur le coût de la mesure.
Toutefois, cette mesure reste très onéreuse, puisque s’applique l’article 13 du règlement européen du 6 octobre 2022, en vertu duquel l’État doit indemniser les fournisseurs dès lors qu’ils vendent à perte.
Enfin, l’extension aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) est contraire au droit européen, les aides d’État temporaires n’étant possibles que pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises (TPE-PME).
En revanche, nous souscrivons à l’objet de cette mesure, qui était, dans l’esprit de ses auteurs, d’apporter une réponse aux petites entreprises, en particulier aux boulangers, mais aussi aux collectivités, dont certaines se trouvent exclues des tarifs réglementés, alors même qu’elles remplissent les critères de chiffre d’affaires, de budget ou de nombre de salariés pour y prétendre. Dans les deux cas, il s’agit de pouvoir disposer d’une puissance installée forte, qu’il s’agisse de faire fonctionner une pompe à chaleur pour les collectivités ou bien un four pour les boulangers.
La solution qui consiste à supprimer la mention de 36 kilovoltampères (kVA) est très pertinente. Elle aurait d’ailleurs pu être mise en œuvre bien plus tôt, car elle relève du niveau réglementaire. Il aurait été bien plus facile de faire évoluer une mesure réglementaire que de corriger la loi.
À l’instar de ce que mon collègue Daniel Gremillet avait pu dire en ouverture de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, je ne peux que déplorer le manque de vision d’ensemble sur l’avenir de notre politique énergétique. Depuis quelques mois, nous empilons des briques, sur le nucléaire, sur les énergies renouvelables, aujourd’hui sur EDF, sans disposer d’aucun plan pour le mur que nous cherchons à construire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons cet après-midi porte sur trois sujets, le dernier étant sans lien direct avec les deux premiers : la nationalisation d’EDF, son possible démembrement et l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité.
En ce qui concerne le premier point, sans grande surprise, le groupe Les Républicains soutient la position du rapporteur, dont je salue le travail de qualité, qui a proposé la suppression de l’article 1er prévoyant la nationalisation.
Cela ne signifie pas que la question de la garantie de la non-privatisation d’une activité hautement stratégique ne mérite pas d’être considérée. Je vous renvoie, mes chers collègues, aux débats que nous avons eus sur Aéroports de Paris (ADP) à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit Pacte.
La souveraineté énergétique de la France repose sur EDF, dont l’État possédait 84 % du capital jusqu’en 2022. Une montée au capital pour passer à 100 % est en cours – le déblocage de 9, 7 milliards d’euros de crédits a d’ailleurs été voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative du mois de juillet dernier – sous la forme d’une offre publique d’achat (OPA) simplifiée à un prix de 12 euros par action qui a été validé par le conseil d’administration d’EDF.
L’inconvénient de cette OPA est que la procédure échappe presque totalement au contrôle du Parlement. Les députés du groupe Les Républicains l’ont d’ailleurs souligné, tout en reconnaissant que la nationalisation n’était certainement pas la meilleure réponse à apporter. Nous partageons cette position : l’OPA étant en cours, la nationalisation ne se justifie pas.
Par cette OPA, l’État cherche à se donner les moyens de mettre en œuvre une politique de relance du nucléaire. Nous avons envie de vous croire, monsieur le ministre, même si c’est votre majorité – il faut quand même le rappeler – qui a mis fin au programme Astrid en 2019.
En juillet 2021, notre collègue Stéphane Piednoir, dans un rapport fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) – je m’exprime sous le contrôle de son premier vice-président Gérard Longuet – et intitulé L ’ énergie nucléaire du futur et les conséquences de l ’ abandon du projet de réacteur nucléaire de 4 e génération « Astrid », a mis en évidence les conséquences néfastes de cet abandon pour la stratégie énergétique française.
Si la relance du nucléaire est un défi technique – quel type de réacteurs devons-nous construire ? –, elle constitue surtout un défi financier.
Le groupe EDF est très endetté – sa dette s’élevait à 64, 5 milliards d’euros à la fin de l’année 2022 – et les investissements nécessaires au développement du nouveau nucléaire sont considérables, alors qu’il faut en même temps financer le programme de grand carénage, dont le montant s’élève à près de 60 milliards d’euros, tout en tenant compte des impératifs d’adaptation au changement climatique – la commission des finances a travaillé récemment sur ce dernier sujet.
En mars 2021, Bercy estimait que le programme de six EPR2 pourrait coûter, hors frais financiers, entre 52 milliards et 57 milliards d’euros « dans un scénario de bonne maîtrise industrielle », ce montant pouvant atteindre 64 milliards d’euros dans un scénario plus dégradé…
Pouvez-vous nous en dire plus sur la stratégie de financement du Gouvernement, monsieur le ministre ?
J’ai cru lire ou comprendre qu’un appel aux investisseurs étrangers pourrait être envisagé – cela ressort d’une visioconférence à laquelle participait l’ancien patron d’EDF, Jean-Bernard Lévy, en janvier 2021 – ou qu’il pourrait être fait appel aux fonds du Livret A qui sont pour l’heure consacrés au financement du logement social.
Comme vous l’aurez compris, monsieur le ministre, si nous n’avons pas d’opposition à cette offre publique d’achat, nous avons de véritables interrogations sur les modalités de financement de la stratégie qui est menée.
À court terme, la seule question que pose cette OPA est celle du devenir des actionnaires salariés.
Depuis le 8 février 2023, date de clôture provisoire de l’offre, l’État détient près de 95 % du capital d’EDF, alors que 1, 17 % du capital social reste détenu par les salariés. Rien n’empêche donc l’État de se retirer de la cote.
La clôture définitive de l’opération a été retardée par un procès des petits actionnaires d’EDF à l’État français, portant notamment sur le prix de rachat des actions, jugé trop faible.
Dans les faits, le prix de rachat, fixé à 12 euros, constitue une prime par rapport à la valorisation du marché à court terme de l’entreprise ; je rappelle qu’au mois de juillet dernier, l’action est descendue à près de 7 euros. Mais les petits actionnaires qui ont acheté l’action à 32 euros pour les non-salariés et à 25, 6 euros, en 2005, pour les salariés, subissent une perte nette en capital. En effet, le cours de l’action a été divisé de plus de sa moitié, et l’inflation rend la perte d’autant plus importante.
Ces petits actionnaires, au nombre de 82 000, salariés ou anciens salariés, souhaitent être maintenus au capital ; la justice rendra sa décision dans le procès en cours le 2 mai prochain.
Pour cranter dans la loi le passage d’EDF à 100 % dans le giron de l’État, la commission des finances, sur l’initiative de son rapporteur Gérard Longuet, a inscrit dans la proposition de loi l’objectif d’une détention par l’État de 100 % du capital d’EDF au plus tard au 1er janvier 2024. Le texte issu des travaux de la commission, celui que nous examinons, prévoit que 2 % de ce capital pourrait toutefois être accordé aux salariés ou anciens salariés d’EDF.
Je m’interroge sur la mise en œuvre concrète de cette disposition. En effet, dans la mesure où l’offre publique d’achat prévoit une montée à 100 % du capital par l’État, comment serait-il possible d’en rétrocéder ensuite 2 % aux salariés ?
Je m’interroge aussi sur l’intérêt pour les petits actionnaires de détenir une action non liquide, puisque EDF ne sera plus cotée. Par ailleurs, l’entreprise n’est actuellement pas profitable. En 2022, elle a enregistré une perte de près de 18 milliards d’euros, notamment du fait du mécanisme de l’Arenh, qui doit s’éteindre en 2025. Si l’on ne connaît rien des suites qui seront données, il est certain que celle-ci aura des conséquences très fortes sur la rentabilité du groupe.
Tous ces sujets méritent que l’on en débatte.
En outre, le versement de dividendes sera-t-il possible alors que les besoins d’investissement seront très importants ? Je rappelle qu’EDF emprunte déjà entre 1, 5 milliard d’euros et 3 milliards d’euros par an pour verser des dividendes à ses actionnaires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, depuis 2016, l’État accepte de toucher ses dividendes non plus en cash, mais en actions pour soulager la trésorerie de l’entreprise.
Certes, le Gouvernement a déposé un amendement au texte de la commission. Mais je ne comprends pas bien en quoi un tel dispositif permet de mieux répondre à ces interrogations. Nous aurons l’occasion d’en débattre tout à l’heure.
La question du démembrement d’EDF se pose depuis que le Gouvernement l’avait envisagée en 2019 en lançant le projet Hercule, qui a été abandonné depuis.
Les élus du groupe LR du Sénat n’ont pas d’opposition de principe à ce qui est écrit dans la note d’information à l’Autorité des marchés financiers, à savoir qu’il faut « poursuivre le plan de cessions d’actifs à hauteur d’environ 3 milliards d’euros entre 2022 et 2024 », dès lors que les décisions qui seront prises participeront d’une stratégie d’indépendance énergétique et de décarbonation.
C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons la réécriture de l’article 2 : l’État possédera désormais une entreprise qui agit dans le cadre fixé par le code de l’énergie. Cette nouvelle rédaction lève un certain nombre de risques pesant sur les filiales du groupe, notamment RTE.
Enfin, sur l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité, les députés socialistes avaient prévu une mesure dont le coût est beaucoup trop important, le Gouvernement le chiffrant à 18 milliards d’euros par an. Il est vrai qu’en matière de chiffrage sur le coût des dispositions dans le domaine de l’énergie, nous ne pouvons que nous montrer circonspects depuis l’examen du projet de loi de finances pour 2023, en décembre dernier, et le fameux sous-amendement à 6 milliards d’euros ; nous attendons d’ailleurs toujours les chiffres à l’appui des assertions du Gouvernement, monsieur le ministre. Nous ne vous accordons donc qu’un crédit limité sur le coût de la mesure.
Toutefois, cette mesure reste très onéreuse, puisque s’applique l’article 13 du règlement européen du 6 octobre 2022, en vertu duquel l’État doit indemniser les fournisseurs dès lors qu’ils vendent à perte.
Enfin, l’extension aux ETI est contraire au droit européen, les aides d’État temporaires n’étant possibles que pour les TPE-PME.
En revanche, nous souscrivons à l’objet de cette mesure, qui était, dans l’esprit de ses auteurs, d’apporter une réponse aux petites entreprises, en particulier aux boulangers, mais aussi aux collectivités, dont certaines se trouvent exclues des tarifs réglementés, alors même qu’elles remplissent les critères de chiffre d’affaires, de budget ou de nombre de salariés pour y prétendre. Dans les deux cas, il s’agit de pouvoir disposer d’une puissance installée forte, qu’il s’agisse de faire fonctionner une pompe à chaleur pour les collectivités ou bien un four pour les boulangers.
La solution qui consiste à supprimer la mention de 36 kilovoltampères (kVA) est très pertinente. Elle aurait d’ailleurs pu être mise en œuvre bien plus tôt, car elle relève du niveau réglementaire. Il aurait été bien plus facile de faire évoluer une mesure réglementaire que de corriger la loi.
À l’instar de ce que mon collègue Daniel Gremillet avait pu dire en ouverture de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, je ne peux que déplorer le manque de vision d’ensemble sur l’avenir de notre politique énergétique. Depuis quelques mois, nous empilons des briques, sur le nucléaire, sur les énergies renouvelables, aujourd’hui sur EDF, sans disposer d’aucun plan pour le mur que nous cherchons à construire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis d'emblée, le groupe RDPI votera contre ce texte.
Certes, le travail du rapporteur est impressionnant – je le remercie –, et sa démonstration était brillante. Toutefois, pourquoi voter ce texte, qui ne propose plus grand-chose ?
Premièrement, cette proposition de loi avait pour objet de nationaliser. EDF. Le Gouvernement a répondu – mes collègues l'ont rappelé – qu'une offre publique d'achat simplifiée (Opas) était en cours, , de sorte que cela ne se justifiait plus. À l'Assemblée nationale, la commission avait d'ailleurs changé l'intitulé du texte et le rapporteur avait proposé un prix de rachat de l'action à 14 euros, plus cher donc que celui désormais fixé, ce qui aurait coûté 1, 5 milliard d'euros de plus aux finances publiques. Dans sa sagesse, le Sénat a donc supprimé l'article 1er.
Deuxièmement, sur le caractère unifié du groupe, on fait un procès d'intention au Gouvernement. Bien que le projet Hercule soit abandonné, on ne cesse de répéter qu'il faut se protéger. L'article 2 n'est pas entièrement supprimé, mais il est largement amodié, et son contenu est réduit à sa plus simple expression de sorte qu'il n'apporte rien de nouveau.
Troisièmement – cela a été souligné par tous les orateurs, et nous avons entendu les explications du rapporteur –, sur le tarif réglementé de vente, la rédaction initiale était contraire au droit européen. La commission propose finalement un dispositif réduit et restreint qui évite les difficultés auxquelles on se heurtait.
Toutefois, ce qui reste du texte est squelettique, et même plus encore, puisque l'on serait dans le cas où les archéologues auraient trouvé un squelette incomplet ! Il n'y a plus de nationalisation, plus de statut spécifique et plus aucune mesure correspondant à l'objet et à l'intitulé de la proposition de loi initiale.
MM. Fabien Gay et Victorin Lurel le confirment.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Par conséquent, puisque le texte est privé de sa substance, vous comprendrez que le groupe RDPI s'y oppose.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à deux jours près, nous aurions pu fêter l'anniversaire de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz. Je ne vois pas là une simple coïncidence, mais j'ai pensé, et même rêvé que par une sorte de connivence de pensée et d'action, ce qui s'est produit sur les travées de la gauche et de la droite à l'Assemblée nationale, sous l'impulsion de Philippe Brun, pouvait se répéter ici. J'ai sincèrement pensé que ceux qui siègent sur les travées de droite de l'hémicycle pourraient se réclamer de ces aïeux et se considérer comme les héritiers du Conseil national de la Résistance, dont l'esprit s'est prolongé dans toutes les générations politiques depuis 1946.
Ainsi, en 1974, dans le cadre du plan Messmer, 56 réacteurs ont été mis en place, ce qui a permis d'engager des baisses de prix pendant une vingtaine d'années, le prix moyen de l'électricité étant inférieur de 28 % à la moyenne européenne, à 17 centimes du kilowattheure (kWh) contre 28 centimes en Allemagne, ce qui donnait un avantage compétitif considérable à la France. Or ce n'est plus tout à fait le cas.
Hélas ! Mon rêve est en train de sombrer dans les marécages de l'idéologie, ce rêve d'un consensus transpartisan que nous souhaiterions et que nous appellerions de nos vœux, de sorte que nous répéterions ici ce qui s'est fait là-bas, en préservant l'essentiel. Mais à la faveur de ce texte, on voit s'affronter deux visions diamétralement opposées, orthogonales, en quelque sorte : l'étatisation n'est pas une nationalisation.
Le texte proposé par Philippe Brun, par le groupe socialiste et, de manière plus générale, par l'ensemble de la gauche a du souffle et, si j'ose dire, une âme. Nationaliser, c'est rendre à la Nation, et cela implique non seulement le transfert des moyens de production, mais aussi leur utilisation en faveur des usagers, des citoyens et de la Nation.
Or, avec toutes les directives qui ont été prises depuis 1996, que ce soit en 2003, en 2009, en 2010 ou en 2019, on n'a cessé d'ouvrir des fenêtres. On a commencé par le faire pour les salariés depuis 1973, puis pour des filialisations, pour des hybridations et pour des croisements de capital, ce qui correspondait parfois à une privatisation rampante.
Notre collègue député du groupe socialiste entendait insuffler une âme nouvelle au groupe EDF, moteur de la souveraineté énergétique du pays, en proposant de ne pas le confier à une élite, quels que soient sa qualité et les grands commis de l'État qui ont pu œuvrer. Ne confions pas la souveraineté énergétique du pays à une technostructure qui n'a rien fait d'autre que se soumettre ; le terme est fort, nul besoin de citer la littérature sur ce sujet.
À Gérard Longuet, notre excellent collègue, je veux dire que je suis malheureux de constater que nous n'avons pas su trouver ce consensus, alors que nous aurions pu le faire : c'est une occasion manquée. La nationalisation n'est pas l'affaire de l'Europe, qui reste dans une sorte de neutralité technologique et juridique à cet égard, que le monopole soit public ou privé, car cela ne la concerne pas. Elle ne s'intéresse qu'à l'ouverture du marché et considère que s'il y a un monopole, qu'il soit de fait ou juridique, il faut que le marché soit ouvert et donc contestable. La « contestabilité du marché » : la sémantique est belle pour désigner une affreuse réalité.
Le problème est donc national, et Philippe Brun a proposé de nous doter d'une arme nationale. Nationaliser EDF, c'est réarmer la France. Une entreprise verticalement intégrée, d'intérêt général et d'intérêt national, cela équivaut à un nouveau ministère de la défense. Mais nous passons à côté pour des raisons idéologiques : il faut faire la tarification au coût marginal ou bien encore il faut corréler le prix de l'électricité à la dernière unité mise en œuvre, à savoir du lignite ou peut-être du charbon allemand.
Et quand, voulant faire le bien des Français, certains proposent un TRVE qui vaudrait pour tous, on préfère changer le mode de calcul et se référer au coût d'approvisionnement du fournisseur alternatif, qui n'a de fournisseur que le nom. Tel est le modèle qui nous est soumis et auquel nous nous soumettons tous ; je le regrette vraiment.
Il nous faut un champion national. Il faut donc nationaliser EDF et défendre les intérêts de la France. Il faut délimiter le périmètre pour éviter les cessions. Il faut un TRVE revu et corrigé. Telles sont les mesures que nous vous proposons par nos amendements de réintroduire dans le texte qui vous est soumis.
Nous réservons notre vote en espérant, avec optimisme, que vous ferez en sorte qu'il soit favorable. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la particularité d’une entreprise nationale est que sa stratégie dépend du calendrier électoral. Il me semble utile de rappeler cette évidence en préambule, alors que des éloges de l’État-actionnaire vont fuser à gauche comme à droite de l’hémicycle.
Or les cycles d’investissement industriel s’inscrivent dans le temps long. Ils s’accordent mal avec le calendrier électoral.
Aujourd’hui, un consensus politique s’est pourtant formé autour de la nationalisation d’EDF. Ce point d’accord est un fait rare, car en matière de politique énergétique, l’accord est l’exception, et le désaccord la règle.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, il n’y a eu que deux grands accords historiques. Le premier est le Conseil national de la Résistance. Les auteurs de la proposition de loi s’y réfèrent abondamment, et nos collègues socialistes saluent l’œuvre du général de Gaulle avec une ferveur qui, je l’avoue, ne laisse pas insensible.
Le second accord historique est le virage du tout nucléaire dans le cadre du plan Messmer de 1974 : une grande année !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la particularité d’une entreprise nationale est que sa stratégie dépend du calendrier électoral. Il me semble utile de rappeler cette évidence en préambule, alors que des éloges de l’État actionnaire vont fuser à gauche comme à droite de l’hémicycle.
Or les cycles d’investissement industriel s’inscrivent dans le temps long. Ils s’accordent mal avec le calendrier électoral.
Aujourd’hui, un consensus politique s’est pourtant formé autour de la nationalisation d’EDF. Ce point d’accord est un fait rare, car en matière de politique énergétique, l’accord est l’exception, et le désaccord la règle.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, il n’y a eu que deux grands accords historiques. Le premier est le Conseil national de la Résistance. Les auteurs de la proposition de loi s’y réfèrent abondamment, et nos collègues socialistes saluent l’œuvre du général de Gaulle avec une ferveur qui, je l’avoue, ne laisse pas insensible.
Le second accord historique est le virage du tout nucléaire dans le cadre du plan Messmer de 1974 : une grande année !
Sourires.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise énergétique n'est pas seulement le résultat de la guerre en Ukraine, comme vous essayez de le faire croire. Il ne suffira pas pour la résoudre de délier les prix du gaz et de l'électricité ou d'ajuster le marché européen comme vous venez d'ailleurs de le faire au profit de la compétitivité allemande.
En effet, elle est d'abord le résultat des principes de l'Europe libérale, de la fracturation de notre entreprise intégrée historique EDF en plusieurs entités et de traders qui spéculent et touchent des dividendes record.
Que dire encore de l'Arenh, ce racket organisé sur le dos d'EDF et des usagers, qui affaiblit sa capacité d'investissement, qui enrichit les acteurs alternatifs et qui casse progressivement les tarifs réglementés de vente de l'électricité ?
Ce bilan, c'est le vôtre, monsieur le ministre, et celui de l'alliance de tous les libéraux pour faire de l'énergie une marchandise comme une autre, alors que c'est un monopole de fait et qu'elle doit donc être sortie du marché et considérée comme un bien commun.
La droite sénatoriale est à l'offensive, au moins dans les mots : « indépendance énergétique », « souveraineté », « réforme du marché européen », ou encore « protection de nos collectivités ». Mais quand il faut passer aux actes, il n'y a plus personne.
Nous vous avons proposé au mois de décembre dernier le retour aux tarifs réglementés pour toutes les collectivités : vous l'avez refusé. Sortir du marché européen et faire valoir notre exception d'une production nucléaire à bas coût ? Vous l'avez refusé. Et aujourd'hui, vous refusez une loi sur la renationalisation d'EDF, ou du moins vous ne l'envisagez que bien amputée de l'ambition initiale de nos collègues socialistes.
Je veux d'ailleurs saluer leur texte, qui prévoyait un groupe unifié, avec des actions non cessibles pour éviter la vente d'actifs comme Dalkia ou Enedis, et qui visait à vous empêcherait de réactiver votre projet Hercule, que la majorité des salariés des industries électriques et gazières (IEG) ont rejeté.
Aujourd'hui, tout le monde l'aura compris, la solution ne viendra pas de vous ni de vos mesurettes pour corriger un système voué à s'effondrer.
Soixante-dix-sept ans après l'œuvre du père d'EDF et GDF, Marcel Paul, résistant, déporté et ministre communiste, il nous faut une nouvelle loi de nationalisation de tout le secteur énergétique.
Aujourd'hu, nous avons un double défi : décarboner notre économie et sortir 15 millions de personnes de la précarité énergétique.
Il faut d'ores et déjà préparer l'avenir sans vous, car vos échecs et vos renoncements nous conduisent dans le mur. Plus de 50 milliards d'euros de bouclier tarifaire, d'Arenh supplémentaire et de filet de sécurité n'auront rien réglé ni stabilisé, mis à part les profits d'acteurs alternatifs rapaces.
Je propose donc que nous travaillions dès maintenant à un grand projet, à la hauteur de celui de Marcel Paul et de ses camarades : un groupe public, sous la forme d'un établissement public industriel et commercial (Épic). Il regrouperait en son sein EDF, mais aussi Engie et Total énergies, nationalisés à 100 %, et il porterait le nom de GEDF, Groupe Énergie de France.
Vous me demanderez sans doute combien cela coûtera. L'affaire coûtera probablement une centaine de milliards d'euros, mais après tout, ce n'est que le double de ce que vous avez gaspillé l'an dernier !
Ce groupe détiendrait un monopole public ; il serait un groupe intégré qui assurerait la production, le transport et la distribution, et qui mettrait fin à l'Arenh. Ce serait un groupe qui rétablirait l'ensemble des tarifs réglementés.
Ces tarifs sont la condition pour protéger les usagers, les TPE-PME, les collectivités, et les grandes entreprises, qui ont besoin d'une vision à long terme. Ils sont la condition pour garantir la stabilité, pour réindustrialiser le pays et pour lui redonner la compétitivité dont il a besoin face à l'Asie et aux États-Unis.
Il faudra pour cela renforcer le statut des IEG, protéger tous les travailleurs et travailleuses de la filière, les salariés et celles et ceux qui sont aujourd'hui des sous-traitants. Ce statut est la condition pour maintenir les talents dont nous avons besoin pour la filière, pour le pays et pour notre sécurité.
Marcel Paul avait demandé à ses enfants de veiller à vos attaques et de protéger cette entreprise, qu'il qualifiait très justement d'« instrument fondamental de la vie du pays ».
Vous qui avez tout détruit et qui voulez continuer, vous nous trouverez sur votre route, avec ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, prêts à tout reconstruire !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste voudrait tout d'abord remercier sincèrement le rapporteur du texte, Gérard Longuet, de la pertinence de ses analyses et de la manière dont il a exposé la situation.
En effet, ce texte, par notre fait, aborde tout simplement la politique énergétique de notre pays. D'autres textes l'ont également évoquée, comme celui sur l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires ou celui sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Cependant, il me semble que le débat n'a pas été clos et mérite d'être largement poursuivi. L'examen de ce texte nous en donne l'occasion, monsieur le ministre.
Disons-le clairement, le groupe Union Centriste est attaché au mix énergétique, car cela permet véritablement de garantir la souveraineté de notre pays.
D'ailleurs, ce mix ne devrait pas se limiter à l'électricité : il pourrait s'étendre au gaz, renouvelable bien sûr, ainsi qu'à d'autres formes de production. Celles-ci sont importantes si l'on veut que, demain, notre pays soit souverain et autonome dans le domaine énergétique.
J'ajoute que chacun sait, particulièrement le ministre de l'industrie que vous êtes, combien l'énergie est un élément indispensable pour la compétitivité de nos entreprises.
Je ne partage pas du tout les propos que vient de tenir notre collègue Fabien Gay au sujet de la nécessité de nationaliser EDF. Un système monolithique ne permettrait pas à notre pays de répondre aux défis auxquels il est confronté en matière d'énergie. Il nous faut trouver au contraire une multitude de solutions, qui seront l'apanage d'un grand nombre d'opérateurs, qui, s'ils peuvent s'exprimer dans le cadre légal que nous instituons, sauront apporter des réponses aux besoins de nos concitoyens.
Disons-le aussi, nous devons nous interroger sur la perspective de nationalisation d'EDF, ne serait-ce que parce que cela coûte beaucoup d'argent : plus de 8 milliards d'euros. Était-il nécessaire d'entamer cette nationalisation ? Ne valait-il pas mieux consacrer cet argent à moderniser notre parc de production d'électricité ? Il convient de se poser la question.
Cela étant, la décision a été prise, ce dont nous, membres du groupe Union Centriste, prenons acte.
Le texte que nous examinons cet après-midi comporte plusieurs mesures importantes.
J'en viens à l'article 2 et à la possibilité pour les salariés d'EDF d'acquérir des parts du capital. Nous pensons, dans le même esprit que celui de la loi Pacte, votée voilà maintenant cinq ans, qu'il faut favoriser l'actionnariat populaire, salarié en particulier. La question du partage de la valeur est, pour nous, extrêmement importante.
À cet égard, nous nous interrogeons sur l'amendement n° 19 rectifié du Gouvernement, qui tend à limiter cet actionnariat salarié. Nous préférerions en rester à la rédaction de l'article 2 telle qu'elle résulte des travaux de la commission. Il nous semble que le rapporteur a su trouver un juste compromis en la matière. Selon nous, il faut en effet tenir compte de la motivation de l'ensemble des salariés d'EDF.
Par ailleurs, le rapporteur l'a mentionné, l'une des principales dispositions du texte concerne les tarifs réglementés de vente d'électricité.
Le groupe Union Centriste considère qu'il faut s'en tenir aux règles européennes que nous avons édictées, d'autant plus que le marché européen de l'électricité est ouvert.
La proposition du rapporteur d'étendre le bénéfice des TRVE aux TPE, en faisant sauter le verrou des 36 kilovoltampères, nous semble tout à fait pertinente, car elle apporte une réponse à bon nombre de situations que chacun d'entre nous, après avoir tenu compte de la réalité observée sur le terrain, a déjà relayées auprès du Gouvernement. Je pense à ces boulangers qui disposent de compteurs électriques d'une puissance supérieure à 36 kVA : pour que leur activité ne soit pas mise en péril, ils doivent pouvoir bénéficier de ces tarifs réglementés.
Monsieur le ministre, il nous semble opportun d'avancer sur cette question. C'est pourquoi la proposition du rapporteur nous paraît particulièrement judicieuse.
Tels sont les éléments que nous souhaitions évoquer aujourd'hui, en attendant le débat qui ne manquera pas de s'ouvrir dans quelques instants. §
Je ne pensais pas à cela.
La France s’est alors engagée dans la construction du plus grand parc nucléaire au monde. Ce développement industriel n’a pas été remis en cause par les gouvernements suivants. Cette remarquable constance a permis à EDF de bâtir un actif stratégique hors du commun, qui a très largement contribué à la prospérité de la France, grâce à une électricité abondante et peu chère.
Pour justifier la nationalisation d’EDF, les auteurs du texte dressent le parallèle entre la France de 2023 et celle de 1946. Mais, à vrai dire, mes chers collègues, la situation actuelle ressemble bien plus au premier choc pétrolier qu’à la Seconde Guerre mondiale : la crise énergétique découle d’une guerre qui ne se produit pas sur notre sol, mais dont nous subissons indirectement les conséquences et qui nous oblige à agir.
D’ailleurs, comme il y a cinquante ans, la Nation se rassemble aujourd’hui autour d’un objectif : garantir la souveraineté énergétique en construisant de nouveaux réacteurs. C’est tout le projet du Gouvernement, qui a annoncé reprendre la possession d’EDF, afin de garder la maîtrise du parc nucléaire.
Nos collègues socialistes reprochent encore au Gouvernement de nationaliser EDF pour mieux la saucissonner. C’est fort de café, alors que c’est la gauche qui a orchestré la mise à mal de la filière nucléaire française sous François Hollande !
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Protestations sur les travées du groupe SER.
Dans la mesure où l’on sait depuis 2015 qu’il suffit d’une loi pour fragiliser l’avenir de notre industrie nucléaire, je ne suis pas certain qu’une proposition de loi pourra garantir quoi que ce soit.
Pour moi, les choses sont claires : le Gouvernement veut nationaliser EDF, et le Parlement soutient cette initiative. Le reste n’est que spéculation sur l’avenir.
Sur l’initiative de notre rapporteur Gérard Longuet, la commission des finances a largement réécrit le texte, et je salue ses travaux. Notre groupe préfère nettement cette nouvelle mouture, qui a le mérite de limiter la portée législative du texte.
Cette version a également le mérite de mettre en conformité la proposition de loi avec le droit européen. Alors que l’Europe a plus que jamais besoin d’union face à la Russie, face à la Chine et même parfois face à nos alliés américains, il ne s’agit pas là d’un simple détail.
Pour toutes ces raisons, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires partageront leurs voix entre un vote favorable et l’abstention.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue la proposition de loi présentée et défendue par Philippe Brun à l’Assemblée nationale. Elle s’inscrit pleinement dans la dynamique du projet que les écologistes avaient porté sous le slogan « Pour une République écologique » dans le cadre de l’élection présidentielle de 2022. Il s’agissait de « renationaliser » EDF et d’en faire « un outil stratégique puissant, cohérent, au service de la transition énergétique ».
Certes, la commission des finances a supprimé le premier article de cette proposition de loi, qui formalisait l’acte de nationalisation, préférant l’étatisation ; elle a supprimé l’énumération des filiales constitutives du groupe public unifié, visant à s’opposer au démantèlement du groupe. Bref, la commission des finances a décousu cette proposition de loi, et ce même si rien n’empêche que, derrière l’abandon du projet Hercule – je vous entends, monsieur le ministre –, il puisse y avoir un Hercule bis.
Les choix énergétiques pour notre pays peuvent diverger. Les nôtres sont largement minoritaires dans cet hémicycle, et vous les connaissez. Mais lorsque l’on défend le choix du nucléaire, on doit défendre un outil public à 100 %.
Chaque décision de l’État, qu’il s’agisse du bouclier tarifaire, du relèvement des volumes de l’Arenh, du grand carénage ou de la construction de six réacteurs EPR, pèse sur les comptes d’EDF, dont la situation est particulièrement dégradée.
À cela s’ajoute l’incompréhension totale des Françaises et des Français sur le coût de l’énergie.
L’énergie, ou plus précisément l’accès à l’énergie, joue un rôle social et sociétal : c’est un bien de première nécessité qui, tout comme l’eau, doit être traité comme un bien commun essentiel.
Les 15 % de reste à charge du bouclier tarifaire n’ont pas le même impact selon que l’on habite une passoire thermique ou que l’on est en situation de précarité. Ceux qui touchent des revenus modestes sont malheureusement toujours les premières victimes de cette hausse du coût de la vie.
Les bailleurs sociaux craignent une hausse des impayés. Les syndicats de copropriétaires font face également à des difficultés nouvelles. C’est aussi le cas des artisans, des commerçants et de l’ensemble des TPE-PME. Sur ce point, nous sommes favorables à l’amendement du rapporteur qui vise à supprimer le plafond des 36 kVA.
Seul un tiers des entreprises concernées par le bouclier tarifaire ont concrétisé une demande d’aide. Les collectivités, quant à elles, ne savent toujours pas dans quelle mesure elles bénéficieront ou pas des aides de l’État. La proposition de loi prévoit un accès pour toutes au tarif réglementé. On pourrait attendre de la chambre des territoires un plein soutien à cette revendication de bon sens de nos collègues maires.
La situation est grave. Les écologistes alertent depuis de nombreuses années sur l’urgence qu’il y a à s’engager fortement dans les énergies décarbonées, sur la fin de l’abondance et sur la mise hors marché et hors surconsommation de l’énergie.
Si l’État ne peut pas tout prévoir, il a une obligation de préparer l’avenir. La concurrence ouverte, la politique du prix bas, les stratégies du tout nucléaire que l’on développe encore aujourd’hui ne favorisent pas la réorientation des politiques énergétiques dans le sens des recommandations du rapport du GIEC pour lutter contre les dérèglements climatiques ; elles contribuent encore moins à garantir la maîtrise des coûts, dont la nécessité est pourtant souvent rappelée sur ces travées.
EDF pourrait redevenir le bras armé de notre pays pour une nouvelle politique énergétique. La proposition de loi de Philippe Brun répond à cet axe majeur et stratégique du retour de l’entreprise sous le contrôle de l’État. Il serait inadmissible de voir les aspects rentables du groupe comme le développement des énergies renouvelables être privatisés selon la bonne vieille méthode libérale : privatiser les bénéfices et nationaliser les pertes et les déficits.
J’évoquerai pour finir la place des citoyens comme des salariés dans ce débat. À quel moment les Françaises et les Français ont-ils été associés à ces décisions ou aux orientations prises par le Gouvernement ? Seraient-ils d’accord pour financer des réacteurs dont le modèle, celui de Flamaville – il faut le rappeler, car on l’oublie souvent –, a coûté 19, 1 milliards d’euros d’après la Cour des comptes quand il ne devait coûter que 3, 3 milliards d’euros ?
Un débat national sur les choix énergétiques de la France est indispensable. Il est même essentiel. Ces choix ne peuvent pas se faire sans une Nation éclairée quant aux enjeux climatiques et à leurs conséquences pour l’avenir.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue la proposition de loi présentée et défendue par Philippe Brun à l’Assemblée nationale. Elle s’inscrit pleinement dans la dynamique du projet que les écologistes avaient porté sous le slogan « Pour une République écologique » dans le cadre de l’élection présidentielle de 2022. Il s’agissait de « renationaliser » EDF et d’en faire « un outil stratégique puissant, cohérent, au service de la transition énergétique ».
Certes, la commission des finances a supprimé le premier article de cette proposition de loi, qui formalisait l’acte de nationalisation, préférant l’étatisation ; elle a supprimé l’énumération des filiales constitutives du groupe public unifié, visant à s’opposer au démantèlement du groupe. Bref, la commission des finances a décousu cette proposition de loi, et ce même si rien n’empêche que, derrière l’abandon du projet Hercule – je vous entends, monsieur le ministre –, il puisse y avoir un Hercule bis.
Les choix énergétiques pour notre pays peuvent diverger. Les nôtres sont largement minoritaires dans cet hémicycle, et vous les connaissez. Mais lorsque l’on défend le choix du nucléaire, on doit défendre un outil public à 100 %.
Chaque décision de l’État, qu’il s’agisse du bouclier tarifaire, du relèvement des volumes de l’Arenh, du grand carénage ou de la construction de six réacteurs EPR, pèse sur les comptes d’EDF, dont la situation est particulièrement dégradée.
À cela s’ajoute l’incompréhension totale des Françaises et des Français sur le coût de l’énergie.
L’énergie, ou plus précisément l’accès à l’énergie, joue un rôle social et sociétal : c’est un bien de première nécessité qui, tout comme l’eau, doit être traité comme un bien commun essentiel.
Les 15 % de reste à charge du bouclier tarifaire n’ont pas le même impact selon que l’on habite une passoire thermique ou que l’on est en situation de précarité. Ceux qui touchent des revenus modestes sont malheureusement toujours les premières victimes de cette hausse du coût de la vie.
Les bailleurs sociaux craignent une hausse des impayés. Les syndicats de copropriétaires font face également à des difficultés nouvelles. C’est aussi le cas des artisans, des commerçants et de l’ensemble des TPE-PME. Sur ce point, nous sommes favorables à l’amendement du rapporteur qui vise à supprimer le plafond des 36 kilovoltampères.
Seul un tiers des entreprises concernées par le bouclier tarifaire ont concrétisé une demande d’aide. Les collectivités, quant à elles, ne savent toujours pas dans quelle mesure elles bénéficieront ou pas des aides de l’État. La proposition de loi prévoit un accès pour toutes au tarif réglementé. On pourrait attendre de la chambre des territoires un plein soutien à cette revendication de bon sens de nos collègues maires.
La situation est grave. Les écologistes alertent depuis de nombreuses années sur l’urgence qu’il y a à s’engager fortement dans les énergies décarbonées, sur la fin de l’abondance et sur la mise hors marché et hors surconsommation de l’énergie.
Si l’État ne peut pas tout prévoir, il a une obligation de préparer l’avenir. La concurrence ouverte, la politique du prix bas, les stratégies du tout nucléaire que l’on développe encore aujourd’hui ne favorisent pas la réorientation des politiques énergétiques dans le sens des recommandations du rapport du GIEC pour lutter contre les dérèglements climatiques ; elles contribuent encore moins à garantir la maîtrise des coûts, dont la nécessité est pourtant souvent rappelée sur ces travées.
EDF pourrait redevenir le bras armé de notre pays pour une nouvelle politique énergétique. La proposition de loi de Philippe Brun répond à cet axe majeur et stratégique du retour de l’entreprise sous le contrôle de l’État. Il serait inadmissible de voir les aspects rentables du groupe comme le développement des énergies renouvelables être privatisés selon la bonne vieille méthode libérale : privatiser les bénéfices et nationaliser les pertes et les déficits.
J’évoquerai pour finir la place des citoyens comme des salariés dans ce débat. À quel moment les Françaises et les Français ont-ils été associés à ces décisions ou aux orientations prises par le Gouvernement ? Seraient-ils d’accord pour financer des réacteurs dont le modèle, celui de Flamanville – il faut le rappeler, car on l’oublie souvent –, a coûté 19, 1 milliards d’euros d’après la Cour des comptes quand il ne devait coûter que 3, 3 milliards d’euros ?
Un débat national sur les choix énergétiques de la France est indispensable. Il est même essentiel. Ces choix ne peuvent pas se faire sans une Nation éclairée quant aux enjeux climatiques et à leurs conséquences pour l’avenir.
Comme les différentes interventions en discussion générale l'ont montré, deux approches très différentes s'affrontent dans cet hémicycle : celle, très libérale, de la commission des finances et de son rapporteur, Gérard Longuet, qui laisse ouvertes toutes les options de cession ultérieure de filiales, et la nôtre, qui vise à conforter notre souveraineté industrielle en matière d'énergies décarbonées.
Nous voulons garder EDF et l'ensemble de ses filiales « cœur de métier » dans le giron national. J'entends par là la production d'énergie sous toutes ses formes – énergies renouvelables, hydraulique, nucléaire, thermique –, le transport et la distribution – RTE et Enedis –, sans rien toucher aux prérogatives et aux statuts particuliers de ces opérateurs, eu égard au droit européen dont ils dépendent, ainsi que les services énergétiques que le groupe rend aujourd'hui.
Parmi ces services, monsieur le ministre, vous avez laissé entendre que l'importation et l'exportation d'électricité avaient été rendues possibles par le marché européen. Or je tiens à rappeler ici que ces activités d'EDF existaient bien avant.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis d’emblée, le groupe RDPI votera contre ce texte.
Certes, le travail du rapporteur est impressionnant – je le remercie –, et sa démonstration était brillante. Toutefois, pourquoi voter ce texte, qui ne propose plus grand-chose ?
Premièrement, cette proposition de loi avait pour objet de nationaliser. EDF. Le Gouvernement a répondu – mes collègues l’ont rappelé – qu’une offre publique d’achat simplifiée (Opas) était en cours, de sorte que cela ne se justifiait plus. À l’Assemblée nationale, la commission avait d’ailleurs changé l’intitulé du texte et le rapporteur avait proposé un prix de rachat de l’action à 14 euros, plus cher donc que celui désormais fixé, ce qui aurait coûté 1, 5 milliard d’euros de plus aux finances publiques. Dans sa sagesse, le Sénat a donc supprimé l’article 1er.
Deuxièmement, sur le caractère unifié du groupe, on fait un procès d’intention au Gouvernement. Bien que le projet Hercule soit abandonné, on ne cesse de répéter qu’il faut se protéger. L’article 2 n’est pas entièrement supprimé, mais il est largement amodié, et son contenu est réduit à sa plus simple expression de sorte qu’il n’apporte rien de nouveau.
Troisièmement – cela a été souligné par tous les orateurs, et nous avons entendu les explications du rapporteur –, sur le tarif réglementé de vente, la rédaction initiale était contraire au droit européen. La commission propose finalement un dispositif réduit et restreint qui évite les difficultés auxquelles on se heurtait.
Toutefois, ce qui reste du texte est squelettique, et même plus encore, puisque l’on serait dans le cas où les archéologues auraient trouvé un squelette incomplet ! Il n’y a plus de nationalisation, plus de statut spécifique et plus aucune mesure correspondant à l’objet et à l’intitulé de la proposition de loi initiale.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis d’emblée, le groupe RDPI votera contre ce texte.
Certes, le travail du rapporteur est impressionnant – je le remercie –, et sa démonstration était brillante. Toutefois, pourquoi voter ce texte, qui ne propose plus grand-chose ?
Premièrement, cette proposition de loi avait pour objet de nationaliser. EDF. Le Gouvernement a répondu – mes collègues l’ont rappelé – qu’une offre publique d’achat simplifiée (OPAS) était en cours, de sorte que cela ne se justifiait plus. À l’Assemblée nationale, la commission avait d’ailleurs changé l’intitulé du texte et le rapporteur avait proposé un prix de rachat de l’action à 14 euros, plus cher donc que celui désormais fixé, ce qui aurait coûté 1, 5 milliard d’euros de plus aux finances publiques. Dans sa sagesse, le Sénat a donc supprimé l’article 1er.
Deuxièmement, sur le caractère unifié du groupe, on fait un procès d’intention au Gouvernement. Bien que le projet Hercule soit abandonné, on ne cesse de répéter qu’il faut se protéger. L’article 2 n’est pas entièrement supprimé, mais il est largement amodié, et son contenu est réduit à sa plus simple expression de sorte qu’il n’apporte rien de nouveau.
Troisièmement – cela a été souligné par tous les orateurs, et nous avons entendu les explications du rapporteur –, sur le tarif réglementé de vente, la rédaction initiale était contraire au droit européen. La commission propose finalement un dispositif réduit et restreint qui évite les difficultés auxquelles on se heurtait.
Toutefois, ce qui reste du texte est squelettique, et même plus encore, puisque l’on serait dans le cas où les archéologues auraient trouvé un squelette incomplet ! Il n’y a plus de nationalisation, plus de statut spécifique et plus aucune mesure correspondant à l’objet et à l’intitulé de la proposition de loi initiale.
Je tiens également à signaler que l'acquisition par l'État de 100 % du capital d'EDF SA n'empêchera pas les cessions ultérieures de capital ou de filiales.
Je regrette que la porte reste ouverte à des projets de restructuration, tel le projet Hercule. Ce texte avait pour objet d'apporter des garanties sur ce point : cela ne sera pas le cas.
Ce que nous voulons, je le répète, c'est une société EDF nationalisée dans le cadre d'un groupement public unifié. C'est le sens des amendements que nous défendrons.
Le groupe politique auquel j'appartiens tient à une loi de nationalisation d'EDF.
Électricité de France n'est pas une simple entreprise : c'est une arme, un bouclier.
Penser un seul instant qu'une offre publique d'achat simplifiée, autrement dit une étatisation, une montée en capital suffirait à garantir l'unité, la cohérence, l'intégration de cette entreprise, et à empêcher les dérives dans la gestion et le management que l'on a pu constater durant une vingtaine d'années est illusoire.
C'est la raison pour laquelle nous tenons au principe de nationalisation, reconnu dans le préambule de la Constitution de 1946 et garanti par le bloc de constitutionnalité. EDF doit devenir un bien commun, un bien de la Nation. Ses moyens de production doivent être transférés, mais surtout utilisés au bénéfice des citoyens. Voilà ce que l'on demande !
Pour autant, nous ne plaidons pas en faveur de l'enfermement national. Nous ne cherchons pas non plus à empêcher toute rotation d'actifs. Nous tenons à préserver le cœur de métier d'EDF. Tel est l'objet de notre amendement à l'article 1er : proposer que l'entreprise soit nationalisée.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. Lurel, Montaugé, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La société Électricité de France est nationalisée.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l'amendement n° 2.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à deux jours près, nous aurions pu fêter l’anniversaire de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz. Je ne vois pas là une simple coïncidence, mais j’ai pensé, et même rêvé que par une sorte de connivence de pensée et d’action, ce qui s’est produit sur les travées de la gauche et de la droite à l’Assemblée nationale, sous l’impulsion de Philippe Brun, pouvait se répéter ici. J’ai sincèrement pensé que ceux qui siègent sur les travées de droite de l’hémicycle pourraient se réclamer de ces aïeux et se considérer comme les héritiers du Conseil national de la Résistance, dont l’esprit s’est prolongé dans toutes les générations politiques depuis 1946.
Ainsi, en 1974, dans le cadre du plan Messmer, 56 réacteurs ont été mis en place, ce qui a permis d’engager des baisses de prix pendant une vingtaine d’années, le prix moyen de l’électricité étant inférieur de 28 % à la moyenne européenne, à 17 centimes du kilowattheure (kWh) contre 28 centimes en Allemagne, ce qui donnait un avantage compétitif considérable à la France. Or ce n’est plus tout à fait le cas.
Hélas ! Mon rêve est en train de sombrer dans les marécages de l’idéologie, ce rêve d’un consensus transpartisan que nous souhaiterions et que nous appellerions de nos vœux, de sorte que nous répéterions ici ce qui s’est fait là-bas, en préservant l’essentiel. Mais à la faveur de ce texte, on voit s’affronter deux visions diamétralement opposées, orthogonales, en quelque sorte : l’étatisation n’est pas une nationalisation.
Le texte proposé par Philippe Brun, par le groupe socialiste et, de manière plus générale, par l’ensemble de la gauche a du souffle et, si j’ose dire, une âme. Nationaliser, c’est rendre à la Nation, et cela implique non seulement le transfert des moyens de production, mais aussi leur utilisation en faveur des usagers, des citoyens et de la Nation.
Or, avec toutes les directives qui ont été prises depuis 1996, que ce soit en 2003, en 2009, en 2010 ou en 2019, on n’a cessé d’ouvrir des fenêtres. On a commencé par le faire pour les salariés depuis 1973, puis pour des filialisations, pour des hybridations et pour des croisements de capital, ce qui correspondait parfois à une privatisation rampante.
Notre collègue député du groupe socialiste entendait insuffler une âme nouvelle au groupe EDF, moteur de la souveraineté énergétique du pays, en proposant de ne pas le confier à une élite, quels que soient sa qualité et les grands commis de l’État qui ont pu œuvrer. Ne confions pas la souveraineté énergétique du pays à une technostructure qui n’a rien fait d’autre que se soumettre ; le terme est fort, nul besoin de citer la littérature sur ce sujet.
À Gérard Longuet, notre excellent collègue, je veux dire que je suis malheureux de constater que nous n’avons pas su trouver ce consensus, alors que nous aurions pu le faire : c’est une occasion manquée. La nationalisation n’est pas l’affaire de l’Europe, qui reste dans une sorte de neutralité technologique et juridique à cet égard, que le monopole soit public ou privé, car cela ne la concerne pas. Elle ne s’intéresse qu’à l’ouverture du marché et considère que s’il y a un monopole, qu’il soit de fait ou juridique, il faut que le marché soit ouvert et donc contestable. La « contestabilité du marché » : la sémantique est belle pour désigner une affreuse réalité.
Le problème est donc national, et Philippe Brun a proposé de nous doter d’une arme nationale. Nationaliser EDF, c’est réarmer la France. Une entreprise verticalement intégrée, d’intérêt général et d’intérêt national, cela équivaut à un nouveau ministère de la défense. Mais nous passons à côté pour des raisons idéologiques : il faut faire la tarification au coût marginal ou bien encore il faut corréler le prix de l’électricité à la dernière unité mise en œuvre, à savoir du lignite ou peut-être du charbon allemand.
Et quand, voulant faire le bien des Français, certains proposent un TRVE qui vaudrait pour tous, on préfère changer le mode de calcul et se référer au coût d’approvisionnement du fournisseur alternatif, qui n’a de fournisseur que le nom. Tel est le modèle qui nous est soumis et auquel nous nous soumettons tous ; je le regrette vraiment.
Il nous faut un champion national. Il faut donc nationaliser EDF et défendre les intérêts de la France. Il faut délimiter le périmètre pour éviter les cessions. Il faut un TRVE revu et corrigé. Telles sont les mesures que nous vous proposons par nos amendements de réintroduire dans le texte qui vous est soumis.
Nous réservons notre vote en espérant, avec optimisme, que vous ferez en sorte qu’il soit favorable.
Encore une fois, nous souhaitons la consolidation d'EDF. Nous tenons à ce que Philippe Brun a appelé un « groupe public unifié ».
On l'a fait pour la SNCF. Or j'ai entendu des arguments assez spécieux, consistant à dire qu'il s'agissait d'une simple occurrence et que nous ne pourrions pas la répéter. Au contraire, il faut recommencer !
Notre collègue Fabien Gay a déposé, au nom du groupe communiste, un amendement tendant à préciser qu'EDF est bien une société anonyme et un groupe public verticalement intégré.
Mon groupe l'avait lui-même proposé en commission, mais l'amendement a malheureusement été rejeté. En définitive a été retenue l'expression de société anonyme « d'intérêt national ».
Quoi qu'il en soit, nous tenons à cette entité et à sa nationalisation.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l'amendement n° 8.
Nous tenons, comme nos collègues du groupe socialiste, au rétablissement de l'article 1er tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, ainsi qu'à l'expression de société « nationalisée ».
Cette nationalisation ne correspond pas tout à fait à ce que vous êtes en train de faire avec EDF, monsieur le ministre.
En rachetant leurs parts aux actionnaires minoritaires, institutionnels ou salariés, vous opérez en réalité une réétatisation du groupe et sortez EDF de toute cotation ; autrement dit, la société ne sera plus cotée en Bourse.
Le capital de l'entreprise sera, certes, public à 100 %, …
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise énergétique n’est pas seulement le résultat de la guerre en Ukraine, comme vous essayez de le faire croire. Il ne suffira pas pour la résoudre de délier les prix du gaz et de l’électricité ou d’ajuster le marché européen comme vous venez d’ailleurs de le faire au profit de la compétitivité allemande.
En effet, elle est d’abord le résultat des principes de l’Europe libérale, de la fracturation de notre entreprise intégrée historique EDF en plusieurs entités et de traders qui spéculent et touchent des dividendes record.
Que dire encore de l’Arenh, ce racket organisé sur le dos d’EDF et des usagers, qui affaiblit sa capacité d’investissement, qui enrichit les acteurs alternatifs et qui casse progressivement les tarifs réglementés de vente de l’électricité ?
Ce bilan, c’est le vôtre, monsieur le ministre, et celui de l’alliance de tous les libéraux pour faire de l’énergie une marchandise comme une autre, alors que c’est un monopole de fait et qu’elle doit donc être sortie du marché et considérée comme un bien commun.
La droite sénatoriale est à l’offensive, au moins dans les mots : « indépendance énergétique », « souveraineté », « réforme du marché européen », ou encore « protection de nos collectivités ». Mais quand il faut passer aux actes, il n’y a plus personne.
Nous vous avons proposé au mois de décembre dernier le retour aux tarifs réglementés pour toutes les collectivités : vous l’avez refusé. Sortir du marché européen et faire valoir notre exception d’une production nucléaire à bas coût ? Vous l’avez refusé. Et aujourd’hui, vous refusez une loi sur la renationalisation d’EDF, ou du moins vous ne l’envisagez que bien amputée de l’ambition initiale de nos collègues socialistes.
Je veux d’ailleurs saluer leur texte, qui prévoyait un groupe unifié, avec des actions non cessibles pour éviter la vente d’actifs comme Dalkia ou Enedis, et qui visait à vous empêcherait de réactiver votre projet Hercule, que la majorité des salariés des industries électriques et gazières (IEG) ont rejeté.
Aujourd’hui, tout le monde l’aura compris, la solution ne viendra pas de vous ni de vos mesurettes pour corriger un système voué à s’effondrer.
Soixante-dix-sept ans après l’œuvre du père d’EDF et GDF, Marcel Paul, résistant, déporté et ministre communiste, il nous faut une nouvelle loi de nationalisation de tout le secteur énergétique.
Aujourd’hui, nous avons un double défi : décarboner notre économie et sortir 15 millions de personnes de la précarité énergétique.
Il faut d’ores et déjà préparer l’avenir sans vous, car vos échecs et vos renoncements nous conduisent dans le mur. Plus de 50 milliards d’euros de bouclier tarifaire, d’Arenh supplémentaire et de filet de sécurité n’auront rien réglé ni stabilisé, mis à part les profits d’acteurs alternatifs rapaces.
Je propose donc que nous travaillions dès maintenant à un grand projet, à la hauteur de celui de Marcel Paul et de ses camarades : un groupe public, sous la forme d’un établissement public industriel et commercial (Épic). Il regrouperait en son sein EDF, mais aussi Engie et Total énergies, nationalisés à 100 %, et il porterait le nom de GEDF, Groupe Énergie de France.
Vous me demanderez sans doute combien cela coûtera. L’affaire coûtera probablement une centaine de milliards d’euros, mais après tout, ce n’est que le double de ce que vous avez gaspillé l’an dernier !
Ce groupe détiendrait un monopole public ; il serait un groupe intégré qui assurerait la production, le transport et la distribution, et qui mettrait fin à l’Arenh. Ce serait un groupe qui rétablirait l’ensemble des tarifs réglementés.
Ces tarifs sont la condition pour protéger les usagers, les TPE-PME, les collectivités, et les grandes entreprises, qui ont besoin d’une vision à long terme. Ils sont la condition pour garantir la stabilité, pour réindustrialiser le pays et pour lui redonner la compétitivité dont il a besoin face à l’Asie et aux États-Unis.
Il faudra pour cela renforcer le statut des IEG, protéger tous les travailleurs et travailleuses de la filière, les salariés et celles et ceux qui sont aujourd’hui des sous-traitants. Ce statut est la condition pour maintenir les talents dont nous avons besoin pour la filière, pour le pays et pour notre sécurité.
Marcel Paul avait demandé à ses enfants de veiller à vos attaques et de protéger cette entreprise, qu’il qualifiait très justement d’« instrument fondamental de la vie du pays ».
Vous qui avez tout détruit et qui voulez continuer, vous nous trouverez sur votre route, avec ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, prêts à tout reconstruire !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise énergétique n’est pas seulement le résultat de la guerre en Ukraine, comme vous essayez de le faire croire. Il ne suffira pas pour la résoudre de délier les prix du gaz et de l’électricité ou d’ajuster le marché européen comme vous venez d’ailleurs de le faire au profit de la compétitivité allemande.
En effet, elle est d’abord le résultat des principes de l’Europe libérale, de la fracturation de notre entreprise intégrée historique EDF en plusieurs entités et de traders qui spéculent et touchent des dividendes record.
Que dire encore de l’Arenh, ce racket organisé sur le dos d’EDF et des usagers, qui affaiblit sa capacité d’investissement, qui enrichit les acteurs alternatifs et qui casse progressivement les tarifs réglementés de vente de l’électricité ?
Ce bilan, c’est le vôtre, monsieur le ministre, et celui de l’alliance de tous les libéraux pour faire de l’énergie une marchandise comme une autre, alors que c’est un monopole de fait et qu’elle doit donc être sortie du marché et considérée comme un bien commun.
La droite sénatoriale est à l’offensive, au moins dans les mots : « indépendance énergétique », « souveraineté », « réforme du marché européen », ou encore « protection de nos collectivités ». Mais quand il faut passer aux actes, il n’y a plus personne.
Nous vous avons proposé au mois de décembre dernier le retour aux tarifs réglementés pour toutes les collectivités : vous l’avez refusé. Sortir du marché européen et faire valoir notre exception d’une production nucléaire à bas coût ? Vous l’avez refusé. Et aujourd’hui, vous refusez une loi sur la renationalisation d’EDF, ou du moins vous ne l’envisagez que bien amputée de l’ambition initiale de nos collègues socialistes.
Je veux d’ailleurs saluer leur texte, qui prévoyait un groupe unifié, avec des actions non cessibles pour éviter la vente d’actifs comme Dalkia ou Enedis, et qui visait à vous empêcherait de réactiver votre projet Hercule, que la majorité des salariés des industries électriques et gazières (IEG) ont rejeté.
Aujourd’hui, tout le monde l’aura compris, la solution ne viendra pas de vous ni de vos mesurettes pour corriger un système voué à s’effondrer.
Soixante-dix-sept ans après l’œuvre du père d’EDF et GDF, Marcel Paul, résistant, déporté et ministre communiste, il nous faut une nouvelle loi de nationalisation de tout le secteur énergétique.
Aujourd’hui, nous avons un double défi : décarboner notre économie et sortir 15 millions de personnes de la précarité énergétique.
Il faut d’ores et déjà préparer l’avenir sans vous, car vos échecs et vos renoncements nous conduisent dans le mur. Plus de 50 milliards d’euros de bouclier tarifaire, d’Arenh supplémentaire et de filet de sécurité n’auront rien réglé ni stabilisé, mis à part les profits d’acteurs alternatifs rapaces.
Je propose donc que nous travaillions dès maintenant à un grand projet, à la hauteur de celui de Marcel Paul et de ses camarades : un groupe public, sous la forme d’un établissement public industriel et commercial (Épic). Il regrouperait en son sein EDF, mais aussi Engie et TotalEnergies, nationalisés à 100 %, et il porterait le nom de GEDF, Groupe Énergie de France.
Vous me demanderez sans doute combien cela coûtera. L’affaire coûtera probablement une centaine de milliards d’euros, mais après tout, ce n’est que le double de ce que vous avez gaspillé l’an dernier !
Ce groupe détiendrait un monopole public ; il serait un groupe intégré qui assurerait la production, le transport et la distribution, et qui mettrait fin à l’Arenh. Ce serait un groupe qui rétablirait l’ensemble des tarifs réglementés.
Ces tarifs sont la condition pour protéger les usagers, les TPE-PME, les collectivités, et les grandes entreprises, qui ont besoin d’une vision à long terme. Ils sont la condition pour garantir la stabilité, pour réindustrialiser le pays et pour lui redonner la compétitivité dont il a besoin face à l’Asie et aux États-Unis.
Il faudra pour cela renforcer le statut des IEG, protéger tous les travailleurs et travailleuses de la filière, les salariés et celles et ceux qui sont aujourd’hui des sous-traitants. Ce statut est la condition pour maintenir les talents dont nous avons besoin pour la filière, pour le pays et pour notre sécurité.
Marcel Paul avait demandé à ses enfants de veiller à vos attaques et de protéger cette entreprise, qu’il qualifiait très justement d’« instrument fondamental de la vie du pays ».
Vous qui avez tout détruit et qui voulez continuer, vous nous trouverez sur votre route, avec ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, prêts à tout reconstruire !
… mais, dans la mesure où celle-ci est structurée en SA, vous la transformerez en holding, comme vous l'avez fait pour la SNCF et un certain nombre d'autres entreprises publiques.
Vous le savez très bien, cela ne s'oppose pas à la filialisation du groupe et à la cession de ses actifs, notamment Dalkia et Enedis. Il faut vraiment que vous me répondiez à ce sujet, monsieur le ministre : votre gouvernement veut-il, oui ou non, céder ces deux filiales d'EDF ?
Dernière remarque, le fait de créer une holding détenue à 100 % par l'État ne vous empêchera pas non plus d'ouvrir les filiales du groupe aux capitaux privés.
Le projet que nous appelons de nos vœux, celui de la nationalisation d'EDF, n'est donc pas exactement celui que vous avez engagé.
Quitte à lancer le débat avec mes collègues des autres groupes de gauche, j'ajoute que nous devrions, en plus de la nationalisation d'EDF, demander la transformation de la société anonyme en Épic, forme d'établissement que nous connaissons extrêmement bien, et dont les employés ne relèvent pas de la fonction publique, mais y sont assimilés, comme pour le statut des industries électriques et gazières.
Nous sommes favorables à la transformation d'EDF en Épic, car elle apporte de nombreuses garanties.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste voudrait tout d’abord remercier sincèrement le rapporteur du texte, Gérard Longuet, de la pertinence de ses analyses et de la manière dont il a exposé la situation.
En effet, ce texte, par notre fait, aborde tout simplement la politique énergétique de notre pays. D’autres textes l’ont également évoquée, comme celui sur l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires ou celui sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Cependant, il me semble que le débat n’a pas été clos et mérite d’être largement poursuivi. L’examen de ce texte nous en donne l’occasion, monsieur le ministre.
Disons-le clairement, le groupe Union Centriste est attaché au mix énergétique, car cela permet véritablement de garantir la souveraineté de notre pays.
D’ailleurs, ce mix ne devrait pas se limiter à l’électricité : il pourrait s’étendre au gaz, renouvelable bien sûr, ainsi qu’à d’autres formes de production. Celles-ci sont importantes si l’on veut que, demain, notre pays soit souverain et autonome dans le domaine énergétique.
J’ajoute que chacun sait, particulièrement le ministre de l’industrie que vous êtes, combien l’énergie est un élément indispensable pour la compétitivité de nos entreprises.
Je ne partage pas du tout les propos que vient de tenir notre collègue Fabien Gay au sujet de la nécessité de nationaliser EDF. Un système monolithique ne permettrait pas à notre pays de répondre aux défis auxquels il est confronté en matière d’énergie. Il nous faut trouver au contraire une multitude de solutions, qui seront l’apanage d’un grand nombre d’opérateurs, qui, s’ils peuvent s’exprimer dans le cadre légal que nous instituons, sauront apporter des réponses aux besoins de nos concitoyens.
Disons-le aussi, nous devons nous interroger sur la perspective de nationalisation d’EDF, ne serait-ce que parce que cela coûte beaucoup d’argent : plus de 8 milliards d’euros. Était-il nécessaire d’entamer cette nationalisation ? Ne valait-il pas mieux consacrer cet argent à moderniser notre parc de production d’électricité ? Il convient de se poser la question.
Cela étant, la décision a été prise, ce dont nous, membres du groupe Union Centriste, prenons acte.
Le texte que nous examinons cet après-midi comporte plusieurs mesures importantes.
J’en viens à l’article 2 et à la possibilité pour les salariés d’EDF d’acquérir des parts du capital. Nous pensons, dans le même esprit que celui de la loi Pacte, votée voilà maintenant cinq ans, qu’il faut favoriser l’actionnariat populaire, salarié en particulier. La question du partage de la valeur est, pour nous, extrêmement importante.
À cet égard, nous nous interrogeons sur l’amendement n° 19 rectifié du Gouvernement, qui tend à limiter cet actionnariat salarié. Nous préférerions en rester à la rédaction de l’article 2 telle qu’elle résulte des travaux de la commission. Il nous semble que le rapporteur a su trouver un juste compromis en la matière. Selon nous, il faut en effet tenir compte de la motivation de l’ensemble des salariés d’EDF.
Par ailleurs, le rapporteur l’a mentionné, l’une des principales dispositions du texte concerne les tarifs réglementés de vente d’électricité.
Le groupe Union Centriste considère qu’il faut s’en tenir aux règles européennes que nous avons édictées, d’autant plus que le marché européen de l’électricité est ouvert.
La proposition du rapporteur d’étendre le bénéfice des TRVE aux TPE, en faisant sauter le verrou des 36 kilovoltampères, nous semble tout à fait pertinente, car elle apporte une réponse à bon nombre de situations que chacun d’entre nous, après avoir tenu compte de la réalité observée sur le terrain, a déjà relayées auprès du Gouvernement. Je pense à ces boulangers qui disposent de compteurs électriques d’une puissance supérieure à 36 kVA : pour que leur activité ne soit pas mise en péril, ils doivent pouvoir bénéficier de ces tarifs réglementés.
Monsieur le ministre, il nous semble opportun d’avancer sur cette question. C’est pourquoi la proposition du rapporteur nous paraît particulièrement judicieuse.
Tels sont les éléments que nous souhaitions évoquer aujourd’hui, en attendant le débat qui ne manquera pas de s’ouvrir dans quelques instants.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste voudrait tout d’abord remercier sincèrement le rapporteur du texte, Gérard Longuet, de la pertinence de ses analyses et de la manière dont il a exposé la situation.
En effet, ce texte, par notre fait, aborde tout simplement la politique énergétique de notre pays. D’autres textes l’ont également évoquée, comme celui sur l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires ou celui sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Cependant, il me semble que le débat n’a pas été clos et mérite d’être largement poursuivi. L’examen de ce texte nous en donne l’occasion, monsieur le ministre.
Disons-le clairement, le groupe Union Centriste est attaché au mix énergétique, car cela permet véritablement de garantir la souveraineté de notre pays.
D’ailleurs, ce mix ne devrait pas se limiter à l’électricité : il pourrait s’étendre au gaz, renouvelable bien sûr, ainsi qu’à d’autres formes de production. Celles-ci sont importantes si l’on veut que, demain, notre pays soit souverain et autonome dans le domaine énergétique.
J’ajoute que chacun sait, particulièrement le ministre de l’industrie que vous êtes, combien l’énergie est un élément indispensable pour la compétitivité de nos entreprises.
Je ne partage pas du tout les propos que vient de tenir notre collègue Fabien Gay au sujet de la nécessité de nationaliser EDF. Un système monolithique ne permettrait pas à notre pays de répondre aux défis auxquels il est confronté en matière d’énergie. Il nous faut trouver au contraire une multitude de solutions, qui seront l’apanage d’un grand nombre d’opérateurs, qui, s’ils peuvent s’exprimer dans le cadre légal que nous instituons, sauront apporter des réponses aux besoins de nos concitoyens.
Disons-le aussi, nous devons nous interroger sur la perspective de nationalisation d’EDF, ne serait-ce que parce que cela coûte beaucoup d’argent : plus de 8 milliards d’euros. Était-il nécessaire d’entamer cette nationalisation ? Ne valait-il pas mieux consacrer cet argent à moderniser notre parc de production d’électricité ? Il convient de se poser la question.
Cela étant, la décision a été prise, ce dont nous, membres du groupe Union Centriste, prenons acte.
Le texte que nous examinons cet après-midi comporte plusieurs mesures importantes.
J’en viens à l’article 2 et à la possibilité pour les salariés d’EDF d’acquérir des parts du capital. Nous pensons, dans le même esprit que celui de la loi Pacte, votée voilà maintenant cinq ans, qu’il faut favoriser l’actionnariat populaire, salarié en particulier. La question du partage de la valeur est, pour nous, extrêmement importante.
À cet égard, nous nous interrogeons sur l’amendement n° 19 rectifié du Gouvernement, qui tend à limiter cet actionnariat salarié. Nous préférerions en rester à la rédaction de l’article 2 telle qu’elle résulte des travaux de la commission. Il nous semble que le rapporteur a su trouver un juste compromis en la matière. Selon nous, il faut en effet tenir compte de la motivation de l’ensemble des salariés d’EDF.
Par ailleurs, le rapporteur l’a mentionné, l’une des principales dispositions du texte concerne les tarifs réglementés de vente d’électricité.
Le groupe Union Centriste considère qu’il faut s’en tenir aux règles européennes que nous avons édictées, d’autant plus que le marché européen de l’électricité est ouvert.
La proposition du rapporteur d’étendre le bénéfice des TRVE aux TPE, en faisant sauter le verrou des 36 kilovoltampères, nous semble tout à fait pertinente, car elle apporte une réponse à bon nombre de situations que chacun d’entre nous, après avoir tenu compte de la réalité observée sur le terrain, a déjà relayées auprès du Gouvernement. Je pense à ces boulangers qui disposent de compteurs électriques d’une puissance supérieure à 36 kilovoltampères : pour que leur activité ne soit pas mise en péril, ils doivent pouvoir bénéficier de ces tarifs réglementés.
Monsieur le ministre, il nous semble opportun d’avancer sur cette question. C’est pourquoi la proposition du rapporteur nous paraît particulièrement judicieuse.
Tels sont les éléments que nous souhaitions évoquer aujourd’hui, en attendant le débat qui ne manquera pas de s’ouvrir dans quelques instants.
Avis défavorable, pour les raisons que j'ai évoquées lors de mon intervention liminaire.
Article 1er
Il est nécessaire – je le redis ici – de nationaliser le groupe EDF pour éviter tout démantèlement ou démembrement ultérieur.
À ce stade du débat, je souhaite d'ores et déjà attirer votre attention, mes chers collègues – ce qui poussera peut-être le ministre à nous répondre dans quelques instants –, sur la problématique, parce que c'en est une, de la limitation à 2 % du capital détenu par les salariés de l'entreprise.
Cette disposition risque de fragiliser notre production hydraulique et de rouvrir le débat relatif à la mise en concurrence des concessions hydrauliques. Elle correspondrait à une première étape vers le démantèlement obligatoire de l'entreprise, que nous souhaitons évidemment éviter. Pour ce faire, il nous faut rétablir l'article 1er dans sa rédaction initiale, et en revenir au principe de nationalisation du groupe EDF.
Ce n'est pas une mince affaire, et les risques juridiques sont avérés.
Je souhaiterais que le Gouvernement et, peut-être, le rapporteur nous éclairent sur ce point, parce que les conséquences de la suppression de l'article 1er pourraient être considérables.
(Supprimé)
Je comprends bien sûr que le Gouvernement, soutenu par le rapporteur, ait fait le choix de l'étatisation, compte tenu de la situation actuelle d'EDF.
Le coût du grand carénage ou celui des six premiers EPR, qui, selon une estimation très optimiste, est trois fois moins élevé que celui de Flamanville supposent effectivement qu'un acteur public, c'est-à-dire nous-mêmes, les contribuables, participe au financement de ces dépenses considérables.
Toutefois, cela n'a rien à voir avec la proposition initiale de nationalisation d'EDF des auteurs de ce texte : c'est un autre projet qui a été présenté par nos collègues députés et qui est défendu sur les travées de la gauche sénatoriale : celui de disposer d'un levier dans le domaine des politiques énergétiques.
Au nom de mon groupe, je voterai évidemment les deux amendements identiques.
Pour finir, je le redis, il est temps d'engager un véritable débat sur la politique énergétique de notre pays plutôt que d'opérer par petites touches, d'abord sur les EPR, puis sur l'accélération de la construction de nouvelles installations nucléaires, et enfin sur ce texte.
Comme les différentes interventions en discussion générale l’ont montré, deux approches très différentes s’affrontent dans cet hémicycle : celle, très libérale, de la commission des finances et de son rapporteur, Gérard Longuet, qui laisse ouvertes toutes les options de cession ultérieure de filiales, et la nôtre, qui vise à conforter notre souveraineté industrielle en matière d’énergies décarbonées.
Nous voulons garder EDF et l’ensemble de ses filiales « cœur de métier » dans le giron national. J’entends par là la production d’énergie sous toutes ses formes – énergies renouvelables, hydraulique, nucléaire, thermique –, le transport et la distribution – RTE et Enedis –, sans rien toucher aux prérogatives et aux statuts particuliers de ces opérateurs, eu égard au droit européen dont ils dépendent, ainsi que les services énergétiques que le groupe rend aujourd’hui.
Parmi ces services, monsieur le ministre, vous avez laissé entendre que l’importation et l’exportation d’électricité avaient été rendues possibles par le marché européen. Or je tiens à rappeler ici que ces activités d’EDF existaient bien avant.
Il est tout de même dommage que M. le ministre ne prenne même pas une minute pour nous répondre.
Nous avons soulevé un certain nombre de problèmes, notamment celui de la différence entre réétatisation et nationalisation.
Permettez-moi de vous poser une question simple, monsieur le ministre. Vous engagez-vous devant le Parlement à ce que l'État ne cède aucun actif d'EDF, en particulier Enedis et Dalkia ?
Vous avez affirmé avec à-propos que le projet Hercule était abandonné. Très bien – même si on en doute un peu –, mais y aura-t-il, oui ou non, des cessions d'actifs ?
Puisque vous nous assurez qu'il n'y a aucun projet caché, dites-le donc devant le Parlement et engagez-vous au moins sur ce point !
Je tiens également à signaler que l’acquisition par l’État de 100 % du capital d’EDF SA n’empêchera pas les cessions ultérieures de capital ou de filiales.
Je regrette que la porte reste ouverte à des projets de restructuration, tel le projet Hercule. Ce texte avait pour objet d’apporter des garanties sur ce point : cela ne sera pas le cas.
Ce que nous voulons, je le répète, c’est une société EDF nationalisée dans le cadre d’un groupement public unifié. C’est le sens des amendements que nous défendrons.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 2 et 8.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Le groupe politique auquel j’appartiens tient à une loi de nationalisation d’EDF.
Électricité de France n’est pas une simple entreprise : c’est une arme, un bouclier.
Penser un seul instant qu’une offre publique d’achat simplifiée, autrement dit une étatisation, une montée en capital suffirait à garantir l’unité, la cohérence, l’intégration de cette entreprise, et à empêcher les dérives dans la gestion et le management que l’on a pu constater durant une vingtaine d’années est illusoire.
C’est la raison pour laquelle nous tenons au principe de nationalisation, reconnu dans le préambule de la Constitution de 1946 et garanti par le bloc de constitutionnalité. EDF doit devenir un bien commun, un bien de la Nation. Ses moyens de production doivent être transférés, mais surtout utilisés au bénéfice des citoyens. Voilà ce que l’on demande !
Pour autant, nous ne plaidons pas en faveur de l’enfermement national. Nous ne cherchons pas non plus à empêcher toute rotation d’actifs. Nous tenons à préserver le cœur de métier d’EDF. Tel est l’objet de notre amendement à l’article 1er : proposer que l’entreprise soit nationalisée.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par MM. Lurel, Montaugé, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 8 est présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La société Électricité de France est nationalisée.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 2.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Encore une fois, nous souhaitons la consolidation d’EDF. Nous tenons à ce que Philippe Brun a appelé un « groupe public unifié ».
On l’a fait pour la SNCF. Or j’ai entendu des arguments assez spécieux, consistant à dire qu’il s’agissait d’une simple occurrence et que nous ne pourrions pas la répéter. Au contraire, il faut recommencer !
Notre collègue Fabien Gay a déposé, au nom du groupe communiste, un amendement tendant à préciser qu’EDF est bien une société anonyme et un groupe public verticalement intégré.
Mon groupe l’avait lui-même proposé en commission, mais l’amendement a malheureusement été rejeté. En définitive a été retenue l’expression de société anonyme « d’intérêt national ».
Quoi qu’il en soit, nous tenons à cette entité et à sa nationalisation.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 261 :
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 1er demeure supprimé.
Nous tenons, comme nos collègues du groupe socialiste, au rétablissement de l’article 1er tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, ainsi qu’à l’expression de société « nationalisée ».
Cette nationalisation ne correspond pas tout à fait à ce que vous êtes en train de faire avec EDF, monsieur le ministre.
En rachetant leurs parts aux actionnaires minoritaires, institutionnels ou salariés, vous opérez en réalité une réétatisation du groupe et sortez EDF de toute cotation ; autrement dit, la société ne sera plus cotée en Bourse.
Le capital de l’entreprise sera, certes, public à 100 %, …
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3, présenté par MM. Lurel, Montaugé, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 111-67 du code de l'énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -67. – L'entreprise dénommée « Électricité de France » est un groupe public unifié composé de la société « Électricité de France SA » et de l'ensemble de ses filiales directes et indirectes. Ses activités sont les suivantes :
« 1° La production, le transport dans les zones non interconnectées et en Corse, la distribution, la commercialisation, l'importation et l'exportation d'électricité ;
« 2° Le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique ;
« 3° La prestation de services énergétiques ;
« 4° Le transport, hormis dans les zones non interconnectées et en Corse, assuré en toute indépendance opérationnelle et stratégique vis-à-vis de la société Électricité de France SA, notamment par la société Réseau de Transport d'Électricité.
« Son capital est détenu intégralement par l'État. Il est incessible. »
La parole est à M. Victorin Lurel.
… mais, dans la mesure où celle-ci est structurée en SA, vous la transformerez en holding, comme vous l’avez fait pour la SNCF et un certain nombre d’autres entreprises publiques.
Vous le savez très bien, cela ne s’oppose pas à la filialisation du groupe et à la cession de ses actifs, notamment Dalkia et Enedis. Il faut vraiment que vous me répondiez à ce sujet, monsieur le ministre : votre gouvernement veut-il, oui ou non, céder ces deux filiales d’EDF ?
Dernière remarque, le fait de créer une holding détenue à 100 % par l’État ne vous empêchera pas non plus d’ouvrir les filiales du groupe aux capitaux privés.
Le projet que nous appelons de nos vœux, celui de la nationalisation d’EDF, n’est donc pas exactement celui que vous avez engagé.
Quitte à lancer le débat avec mes collègues des autres groupes de gauche, j’ajoute que nous devrions, en plus de la nationalisation d’EDF, demander la transformation de la société anonyme en Épic, forme d’établissement que nous connaissons extrêmement bien, et dont les employés ne relèvent pas de la fonction publique, mais y sont assimilés, comme pour le statut des industries électriques et gazières.
Nous sommes favorables à la transformation d’EDF en Épic, car elle apporte de nombreuses garanties.
Nous proposons le rétablissement de la version originelle de l'article 2 et une délimitation claire du périmètre des activités de l'entreprise EDF SA, comme la production, le transport dans les zones non interconnectées, la distribution, la commercialisation, l'importation et l'exportation d'électricité ou la prestation de services énergétiques.
Nous avons néanmoins introduit une nuance par rapport à la rédaction initiale de cet article. En effet, en matière de transport, autant nous souhaitons qu'EDF maintienne une présence capitalistique – si j'ose dire – au sein de Réseau de transport d'électricité (RTE) et d'Enedis, autant nous respectons leur indépendance opérationnelle et stratégique.
Notre dispositif est bien entendu conforme au droit européen et au code de l'énergie.
L'amendement n° 9, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 111-67 du code de l'énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -67. – L'entreprise dénommée « Électricité de France » est un groupe public unifié, verticalement intégré, composé de la société « Électricité de France SA » et de l'ensemble de ses filiales directes et indirectes.
« Ses activités sont les suivantes :
« 1° La production, le transport, la distribution, la commercialisation, l'importation et l'exportation d'électricité ;
« 2° Le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique ;
« 3° La prestation de services énergétiques.
« Son capital est détenu intégralement par l'État ou, dans la limite de 2 % du capital, par des personnes salariées de l'entreprise. Il est incessible. »
La parole est à M. Fabien Gay.
J'appelle également en discussion l'amendement n° 10, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 111-67 du code de l'énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -67. – L'entreprise dénommée « Électricité de France » est un groupe public unifié, verticalement intégré, composé de la société « Électricité de France SA » et de l'ensemble de ses filiales directes et indirectes.
« Toutes orientations stratégiques tendant à modifier la structure du capital, le caractère unifié du groupe ou l'organisation interne d'Électricité de France exige l'approbation du Parlement. »
Veuillez poursuivre, monsieur Gay.
Avis défavorable, pour les raisons que j’ai évoquées lors de mon intervention liminaire.
Auparavant, EDF produisait, transportait et distribuait de l'électricité. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas pour des raisons de concurrence.
Permettez-moi de dresser un rapide bilan de la libéralisation.
Actuellement, Enedis s'occupe du transport de l'électricité. Or la nature même de cette activité suppose une déperdition énergétique, si bien qu'Enedis est contraint de racheter de l'électricité, non pas auprès d'EDF, entreprise qui détient pourtant cette filiale à près de 100 %, car elle n'en a pas le droit, mais sur le marché, notamment dans le cadre de l'Arenh.
Autrement dit, elle s'approvisionne auprès des concurrents directs d'EDF pour réinjecter de l'électricité dans le réseau… C'est extrêmement compliqué, mais bravo ! Vous avez réalisé un chef-d'œuvre, une usine à gaz qui aboutit à des aberrations totales !
On voit bien ce que vingt ans de libéralisation du secteur de l'énergie, qui constitue un monopole de fait et qui doit donc être sorti du marché, auront coûté à notre pays, à EDF, tout cela sur le dos des usagers.
Je vous repose la question, monsieur au ministre : maintiendrez-vous un groupe public intégré ? Y aura-t-il, oui ou non, des cessions d'actifs dans le cadre de la ré-étatisation que vous souhaitez, notamment celles d'Enedis et de Dalkia ?
Il est nécessaire – je le redis ici – de nationaliser le groupe EDF pour éviter tout démantèlement ou démembrement ultérieur.
À ce stade du débat, je souhaite d’ores et déjà attirer votre attention, mes chers collègues – ce qui poussera peut-être le ministre à nous répondre dans quelques instants –, sur la problématique, parce que c’en est une, de la limitation à 2 % du capital détenu par les salariés de l’entreprise.
Cette disposition risque de fragiliser notre production hydraulique et de rouvrir le débat relatif à la mise en concurrence des concessions hydrauliques. Elle correspondrait à une première étape vers le démantèlement obligatoire de l’entreprise, que nous souhaitons évidemment éviter. Pour ce faire, il nous faut rétablir l’article 1er dans sa rédaction initiale, et en revenir au principe de nationalisation du groupe EDF.
Ce n’est pas une mince affaire, et les risques juridiques sont avérés.
Je souhaiterais que le Gouvernement et, peut-être, le rapporteur nous éclairent sur ce point, parce que les conséquences de la suppression de l’article 1er pourraient être considérables.
La commission est défavorable à ces trois amendements.
Je reconnais les efforts de Victorin Lurel et de son groupe pour obtenir un vote de ce texte conforme à celui de l'Assemblée nationale, ainsi que leur geste d'ouverture s'agissant des réalités d'un marché qui est désormais, cher Fabien Gay, parfaitement concurrentiel.
Je comprends bien sûr que le Gouvernement, soutenu par le rapporteur, ait fait le choix de l’étatisation, compte tenu de la situation actuelle d’EDF.
Le coût du grand carénage ou celui des six premiers EPR, qui, selon une estimation très optimiste, est trois fois moins élevé que celui de Flamanville supposent effectivement qu’un acteur public, c’est-à-dire nous-mêmes, les contribuables, participe au financement de ces dépenses considérables.
Toutefois, cela n’a rien à voir avec la proposition initiale de nationalisation d’EDF des auteurs de ce texte : c’est un autre projet qui a été présenté par nos collègues députés et qui est défendu sur les travées de la gauche sénatoriale : celui de disposer d’un levier dans le domaine des politiques énergétiques.
Au nom de mon groupe, je voterai évidemment les deux amendements identiques.
Pour finir, je le redis, il est temps d’engager un véritable débat sur la politique énergétique de notre pays plutôt que d’opérer par petites touches, d’abord sur les EPR, puis sur l’accélération de la construction de nouvelles installations nucléaires, et enfin sur ce texte.
Je comprends bien sûr que le Gouvernement, soutenu par le rapporteur, ait fait le choix de l’étatisation, compte tenu de la situation actuelle d’EDF.
Le coût du grand carénage ou celui des six premiers EPR, qui, selon une estimation très optimiste, est trois fois moins élevé que celui de Flamanville, supposent effectivement qu’un acteur public, c’est-à-dire nous-mêmes, les contribuables, participe au financement de ces dépenses considérables.
Toutefois, cela n’a rien à voir avec la proposition initiale de nationalisation d’EDF des auteurs de ce texte : c’est un autre projet qui a été présenté par nos collègues députés et qui est défendu sur les travées de la gauche sénatoriale : celui de disposer d’un levier dans le domaine des politiques énergétiques.
Au nom de mon groupe, je voterai évidemment les deux amendements identiques.
Pour finir, je le redis, il est temps d’engager un véritable débat sur la politique énergétique de notre pays plutôt que d’opérer par petites touches, d’abord sur les EPR, puis sur l’accélération de la construction de nouvelles installations nucléaires, et enfin sur ce texte.
Il est tout de même dommage que M. le ministre ne prenne même pas une minute pour nous répondre.
Nous avons soulevé un certain nombre de problèmes, notamment celui de la différence entre réétatisation et nationalisation.
Permettez-moi de vous poser une question simple, monsieur le ministre. Vous engagez-vous devant le Parlement à ce que l’État ne cède aucun actif d’EDF, en particulier Enedis et Dalkia ?
Vous avez affirmé avec à-propos que le projet Hercule était abandonné. Très bien – même si on en doute un peu –, mais y aura-t-il, oui ou non, des cessions d’actifs ?
Puisque vous nous assurez qu’il n’y a aucun projet caché, dites-le donc devant le Parlement et engagez-vous au moins sur ce point !
Naturellement, mais vous êtes assez largement minoritaires en France et en Europe, ce qui nuit à l'autorité et aux chances d'aboutir de vos projets.
Il se trouve que l'électricité est désormais produite de manière très diversifiée : il existe une électricité d'origine nucléaire, le système nucléaire étant un système unitaire en France, une électricité thermique qui est gérée, elle, de manière morcelée – je pense aux turbines à gaz, mais aussi au charbon, puisque, si la centrale à charbon de Cordemais est exploitée par EDF, celles de Saint-Avold et de Gardanne le sont par GazelEnergie –, ainsi qu'une électricité tirée des énergies renouvelables, issue de milliers de producteurs, certains de taille importante, comme les éoliennes d'Engie ou de TotalEnergies, d'autres de très petite taille.
Je citerai l'exemple de ces particuliers qui possèdent des panneaux photovoltaïques. Vous ne les priverez plus de la liberté de produire de l'électricité, qui s'accompagne naturellement d'une décision d'investir.
Je me tourne vers notre excellent collègue Daniel Breuiller, qui a des convictions écologistes, que je respecte, mais que je ne partage pas. Mon cher collègue, vous avez une passion pour les économies locale et circulaire ; celles-ci impliquent des réseaux autonomes, ce qui, entre nous, est assez dangereux, car ils ne sont pas interconnectés. Vous défendez les producteurs indépendants. Or ces derniers n'entendent plus perdre leur indépendance.
Nous sommes obligés de tenir compte d'un système dans lequel la production électrique est, certes, dominée par EDF – ce dont je me réjouis, parce qu'il s'agit d'une production de qualité –, mais n'est plus pour autant monopolisée par l'entreprise.
Enedis comme RTE doivent être indépendants pour offrir des services garantissant une forme de loyauté et une équité de traitement entre des producteurs indépendants qui auront, demain comme aujourd'hui, le droit de produire de l'électricité.
Je précise pour finir que la situation actuelle résulte d'une initiative européenne, celle du Conseil européen qui, réuni à Barcelone en 2002, a décidé l'ouverture du marché de l'électricité. À ce Conseil, qui rassemblait l'ensemble des gouvernements de l'Union européenne, la France était représentée par Lionel Jospin, qui n'est pas un dangereux libéral…
Je mets aux voix les amendements identiques n° 2 et 8.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
J'en profite pour rappeler, puisque je l'ai déjà mentionné lors de la discussion générale, que si le Gouvernement dépense 10 milliards d'euros – l'argent du contribuable – pour racheter les parts du capital d'EDF qui manquent pour en faire une société détenue à 100 % par l'État, ce n'est évidemment pas pour envisager, dans la foulée, des cessions d'actifs, quelles qu'elles soient.
Cela étant, la priorité numéro un d'EDF aujourd'hui est de restaurer sa crédibilité financière, ce qui passe par des cessions d'actifs marginaux, déjà engagées à hauteur de 3 millions d'euros.
Si votre amendement était adopté, cela fragiliserait la consolidation d'EDF.
Par ailleurs, et vous aurez évidemment toute liberté pour l'auditionner à ce sujet, le nouveau PDG d'EDF doit remettre au Gouvernement une nouvelle feuille de route, qui cherche essentiellement à atteindre trois objectifs : tout d'abord, la restauration des capacités opérationnelles d'EDF, dont il faut reconnaître qu'elles ont récemment un peu failli ; ensuite, la consolidation financière de l'entreprise ; enfin, la meilleure stratégie possible en termes d'investissement, avec notamment la priorisation des investissements proposés à l'actionnaire, c'est-à-dire nous tous, par la direction.
Aujourd'hui, s'engager de manière très ferme à geler cette entreprise, à geler également RTE et Enedis, puisque certains des amendements que vous avez déposés visent l'ensemble du groupe, serait en totale non-conformité avec le droit européen. De plus, une telle décision mettrait en danger l'indépendance de RTE, qui est essentielle dans le schéma actuel.
J'en profite aussi pour rappeler au sénateur Gay, qui – je n'en doute pas – est au courant, que les pertes d'Enedis sont rachetées à EDF au tarif de l'Arenh, et en aucun cas sur le marché à des prix exorbitants.
Non, monsieur le sénateur, je vous enverrai les textes !
Article 2
Les pertes d'Enedis sont rachetées au prix de l'Arenh, …
I. – L’article L. 111-67 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après le mot : « anonyme » sont insérés les mots : « d’intérêt national » et les mots : « plus de 70 % » sont remplacés par le taux : « 100 % » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« La part de la détention par l’État est minorée, dans la limite de 2 %, par le capital détenu par les salariés.
« L’entreprise « Électricité de France » propose une opération permettant à ses salariés et aux anciens salariés qui détenaient des actions de l’entreprise le 22 novembre 2022 d’accéder à son capital. Cette opération porte au minimum sur 1, 50 % du capital de l’entreprise, pour un prix initial de souscription qui ne pourra être supérieur à 12 euros.
« Un arrêté du ministre chargé de l’économie détermine les modalités de cette opération.
« L’entreprise « Électricité de France » exerce ses activités conformément au présent code. »
II
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3, présenté par MM. Lurel, Montaugé, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 111-67 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -67. – L’entreprise dénommée « Électricité de France » est un groupe public unifié composé de la société « Électricité de France SA » et de l’ensemble de ses filiales directes et indirectes. Ses activités sont les suivantes :
« 1° La production, le transport dans les zones non interconnectées et en Corse, la distribution, la commercialisation, l’importation et l’exportation d’électricité ;
« 2° Le développement, la construction, l’exploitation et la maintenance des sources d’énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique ;
« 3° La prestation de services énergétiques ;
« 4° Le transport, hormis dans les zones non interconnectées et en Corse, assuré en toute indépendance opérationnelle et stratégique vis-à-vis de la société Électricité de France SA, notamment par la société Réseau de Transport d’Électricité.
« Son capital est détenu intégralement par l’État. Il est incessible. »
La parole est à M. Victorin Lurel.
L'Arenh permet aujourd'hui aux industriels français d'être compétitifs grâce à une énergie payée grosso modo au prix coûtant, pour des investissements qui ont été payés par l'État français et par la Nation depuis soixante-dix ans. Il nous faudra remplacer ce dispositif, et j'espère que celui qui lui succédera permettra encore de réindustrialiser la France plutôt que de la désindustrialiser ! §
Nous proposons le rétablissement de la version originelle de l’article 2 et une délimitation claire du périmètre des activités de l’entreprise EDF SA, comme la production, le transport dans les zones non interconnectées, la distribution, la commercialisation, l’importation et l’exportation d’électricité ou la prestation de services énergétiques.
Nous avons néanmoins introduit une nuance par rapport à la rédaction initiale de cet article. En effet, en matière de transport, autant nous souhaitons qu’EDF maintienne une présence capitalistique – si j’ose dire – au sein de Réseau de transport d’électricité (RTE) et d’Enedis, autant nous respectons leur indépendance opérationnelle et stratégique.
Notre dispositif est bien entendu conforme au droit européen et au code de l’énergie.
Nous proposons le rétablissement de la version originelle de l’article 2 et une délimitation claire du périmètre des activités de l’entreprise EDF SA, comme la production, le transport dans les zones non interconnectées, la distribution, la commercialisation, l’importation et l’exportation d’électricité ou la prestation de services énergétiques.
Nous avons néanmoins introduit une nuance par rapport à la rédaction initiale de cet article. En effet, en matière de transport, autant nous souhaitons qu’EDF maintienne une présence capitalistique – si j’ose dire – au sein de RTE et d’Enedis, autant nous respectons leur indépendance opérationnelle et stratégique.
Notre dispositif est bien entendu conforme au droit européen et au code de l’énergie.
L’amendement n° 9, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 111-67 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -67. – L’entreprise dénommée « Électricité de France » est un groupe public unifié, verticalement intégré, composé de la société « Électricité de France SA » et de l’ensemble de ses filiales directes et indirectes.
« Ses activités sont les suivantes :
« 1° La production, le transport, la distribution, la commercialisation, l’importation et l’exportation d’électricité ;
« 2° Le développement, la construction, l’exploitation et la maintenance des sources d’énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique ;
« 3° La prestation de services énergétiques.
« Son capital est détenu intégralement par l’État ou, dans la limite de 2 % du capital, par des personnes salariées de l’entreprise. Il est incessible. »
La parole est à M. Fabien Gay.
Je vous ai écouté attentivement, monsieur le ministre.
Peut-être êtes-vous en mesure de me dire si ce qui a été demandé au nouveau PDG d'EDF correspond à ce que nous proposons au travers de cet amendement en matière de production, de développement, d'exploitation et de maintenance, de transport d'électricité, de prestation de services énergétiques, et ce, contrairement à ce que vous venez d'affirmer, dans le strict respect du droit européen, notamment pour ce qui concerne RTE et Enedis.
Notre amendement mériterait d'obtenir un vote favorable, car nous voulons un groupe public unifié, dont le capital serait préservé.
Je le redis ici, la limitation à 2 % de la détention du capital d'EDF par ses salariés est un problème majeur.
Votre réponse sur ces sujets nous serait très utile.
J’appelle également en discussion l’amendement n° 10, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 111-67 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -67. – L’entreprise dénommée « Électricité de France » est un groupe public unifié, verticalement intégré, composé de la société « Électricité de France SA » et de l’ensemble de ses filiales directes et indirectes.
« Toutes orientations stratégiques tendant à modifier la structure du capital, le caractère unifié du groupe ou l’organisation interne d’Électricité de France exige l’approbation du Parlement. »
Veuillez poursuivre, monsieur Gay.
Auparavant, EDF produisait, transportait et distribuait de l’électricité. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas pour des raisons de concurrence.
Permettez-moi de dresser un rapide bilan de la libéralisation.
Actuellement, Enedis s’occupe du transport de l’électricité. Or la nature même de cette activité suppose une déperdition énergétique, si bien qu’Enedis est contraint de racheter de l’électricité, non pas auprès d’EDF, entreprise qui détient pourtant cette filiale à près de 100 %, car elle n’en a pas le droit, mais sur le marché, notamment dans le cadre de l’Arenh.
Autrement dit, elle s’approvisionne auprès des concurrents directs d’EDF pour réinjecter de l’électricité dans le réseau… C’est extrêmement compliqué, mais bravo ! Vous avez réalisé un chef-d’œuvre, une usine à gaz qui aboutit à des aberrations totales !
On voit bien ce que vingt ans de libéralisation du secteur de l’énergie, qui constitue un monopole de fait et qui doit donc être sorti du marché, auront coûté à notre pays, à EDF, tout cela sur le dos des usagers.
Je vous repose la question, monsieur au ministre : maintiendrez-vous un groupe public intégré ? Y aura-t-il, oui ou non, des cessions d’actifs dans le cadre de la ré-étatisation que vous souhaitez, notamment celles d’Enedis et de Dalkia ?
Auparavant, EDF produisait, transportait et distribuait de l’électricité. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas pour des raisons de concurrence.
Permettez-moi de dresser un rapide bilan de la libéralisation.
Actuellement, Enedis s’occupe du transport de l’électricité. Or la nature même de cette activité suppose une déperdition énergétique, si bien qu’Enedis est contraint de racheter de l’électricité, non pas auprès d’EDF, entreprise qui détient pourtant cette filiale à près de 100 %, car elle n’en a pas le droit, mais sur le marché, notamment dans le cadre de l’Arenh.
Autrement dit, elle s’approvisionne auprès des concurrents directs d’EDF pour réinjecter de l’électricité dans le réseau… C’est extrêmement compliqué, mais bravo ! Vous avez réalisé un chef-d’œuvre, une usine à gaz qui aboutit à des aberrations totales !
On voit bien ce que vingt ans de libéralisation du secteur de l’énergie, qui constitue un monopole de fait et qui doit donc être sorti du marché, auront coûté à notre pays, à EDF, tout cela sur le dos des usagers.
Je vous repose la question, monsieur au ministre : maintiendrez-vous un groupe public intégré ? Y aura-t-il, oui ou non, des cessions d’actifs dans le cadre de la réétatisation que vous souhaitez, notamment celles d’Enedis et de Dalkia ?
Tout d'abord, monsieur le ministre, je ne répondrai pas à vos propos sur l'Arenh, car examinerons tout à l'heure un amendement sur le sujet.
Ensuite, je voudrais rappeler que tout le monde s'assoit aujourd'hui sur le droit européen, sauf la France ; nous avons ce débat depuis déjà deux ans.
Les Portugais et les Espagnols nous ont montré la voie en obtenant une dérogation. Les Allemands, eux, n'en ont pas eu besoin : ils nous ont encore tordu le bras voilà quinze jours en nous convainquant de signer une « réformette » du marché européen de l'énergie qui maintient l'avantage de l'industrie allemande au détriment de la nôtre…
Nos voisins s'assoient sur le droit européen à chaque fois qu'ils doivent protéger leur industrie, ce qui ne semble déranger personne. En revanche, quand il s'agit de la France, il faut absolument rester dans les clous du droit européen ! Nous sommes pourtant le dernier pays à le respecter.
La commission est défavorable à ces trois amendements.
Je reconnais les efforts de Victorin Lurel et de son groupe pour obtenir un vote de ce texte conforme à celui de l’Assemblée nationale, ainsi que leur geste d’ouverture s’agissant des réalités d’un marché qui est désormais, cher Fabien Gay, parfaitement concurrentiel.
Mais si, c'est la réalité !
Personne n'osera me dire ici les yeux dans les yeux que la réforme du marché de l'énergie européen sera favorable à l'industrie française.
Pour terminer, monsieur le ministre, je rappelle que Mme Lavarde vous a posé une question extrêmement intéressante
Mme Christine Lavarde s'en amuse.
Vous avez évoqué la feuille de route que le nouveau PDG de la société, Luc Rémont, devra vous remettre ; celle-ci comprendra un certain nombre de pistes de désendettement et d'investissements futurs.
Vous êtes en partie responsable de la situation, puisque l'Arenh a coûté près de 8, 4 milliards d'euros l'an dernier. Vous pourrez ainsi continuer à biberonner les fournisseurs alternatifs, à dépecer EDF et – j'y reviendrai – à racketter les usagers.
Comment EDF parviendra-t-elle à se désendetter ? L'une des solutions consistera-t-elle à accélérer la cession de ses actifs, à commencer par ceux qui rapporteront le plus, Dalkia et Enedis ?
Naturellement, mais vous êtes assez largement minoritaires en France et en Europe, ce qui nuit à l’autorité et aux chances d’aboutir de vos projets.
Il se trouve que l’électricité est désormais produite de manière très diversifiée : il existe une électricité d’origine nucléaire, le système nucléaire étant un système unitaire en France, une électricité thermique qui est gérée, elle, de manière morcelée – je pense aux turbines à gaz, mais aussi au charbon, puisque, si la centrale à charbon de Cordemais est exploitée par EDF, celles de Saint-Avold et de Gardanne le sont par GazelEnergie –, ainsi qu’une électricité tirée des énergies renouvelables, issue de milliers de producteurs, certains de taille importante, comme les éoliennes d’Engie ou de TotalEnergies, d’autres de très petite taille.
Je citerai l’exemple de ces particuliers qui possèdent des panneaux photovoltaïques. Vous ne les priverez plus de la liberté de produire de l’électricité, qui s’accompagne naturellement d’une décision d’investir.
Je me tourne vers notre excellent collègue Daniel Breuiller, qui a des convictions écologistes, que je respecte, mais que je ne partage pas. Mon cher collègue, vous avez une passion pour les économies locale et circulaire ; celles-ci impliquent des réseaux autonomes, ce qui, entre nous, est assez dangereux, car ils ne sont pas interconnectés. Vous défendez les producteurs indépendants. Or ces derniers n’entendent plus perdre leur indépendance.
Nous sommes obligés de tenir compte d’un système dans lequel la production électrique est, certes, dominée par EDF – ce dont je me réjouis, parce qu’il s’agit d’une production de qualité –, mais n’est plus pour autant monopolisée par l’entreprise.
Enedis comme RTE doivent être indépendants pour offrir des services garantissant une forme de loyauté et une équité de traitement entre des producteurs indépendants qui auront, demain comme aujourd’hui, le droit de produire de l’électricité.
Je précise pour finir que la situation actuelle résulte d’une initiative européenne, celle du Conseil européen qui, réuni à Barcelone en 2002, a décidé l’ouverture du marché de l’électricité. À ce Conseil, qui rassemblait l’ensemble des gouvernements de l’Union européenne, la France était représentée par Lionel Jospin, qui n’est pas un dangereux libéral…
Monsieur le ministre, pourriez-vous répondre à la question de mon collègue Montaugé sur la participation au capital et l'actionnariat des salariés d'EDF ?
Vous avez invoqué les avantages de l'Arenh. Bien sûr qu'il y en a ! Mais je fais une autre lecture de ce qu'EDF doit absorber et payer.
Par exemple, EDF accepte aujourd'hui d'acheter des énergies renouvelables, qui sont très largement subventionnées et intermittentes – mais, bien entendu, il faut le faire –, puis de les revendre au prix du marché. Elle accepte également de vendre à ses concurrents 25 % de l'énergie nucléaire historique à un tarif de 42 euros.
Or je ne suis pas sûr que cet écart de compétitivité profite aujourd'hui à l'industrie française et à la Nation.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
J’en profite pour rappeler, puisque je l’ai déjà mentionné lors de la discussion générale, que si le Gouvernement dépense 10 milliards d’euros – l’argent du contribuable – pour racheter les parts du capital d’EDF qui manquent pour en faire une société détenue à 100 % par l’État, ce n’est évidemment pas pour envisager, dans la foulée, des cessions d’actifs, quelles qu’elles soient.
Cela étant, la priorité numéro un d’EDF aujourd’hui est de restaurer sa crédibilité financière, ce qui passe par des cessions d’actifs marginaux, déjà engagées à hauteur de 3 millions d’euros.
Si votre amendement était adopté, cela fragiliserait la consolidation d’EDF.
Par ailleurs, et vous aurez évidemment toute liberté pour l’auditionner à ce sujet, le nouveau PDG d’EDF doit remettre au Gouvernement une nouvelle feuille de route, qui cherche essentiellement à atteindre trois objectifs : tout d’abord, la restauration des capacités opérationnelles d’EDF, dont il faut reconnaître qu’elles ont récemment un peu failli ; ensuite, la consolidation financière de l’entreprise ; enfin, la meilleure stratégie possible en termes d’investissement, avec notamment la priorisation des investissements proposés à l’actionnaire, c’est-à-dire nous tous, par la direction.
Aujourd’hui, s’engager de manière très ferme à geler cette entreprise, à geler également RTE et Enedis, puisque certains des amendements que vous avez déposés visent l’ensemble du groupe, serait en totale non-conformité avec le droit européen. De plus, une telle décision mettrait en danger l’indépendance de RTE, qui est essentielle dans le schéma actuel.
J’en profite aussi pour rappeler au sénateur Gay, qui – je n’en doute pas – est au courant, que les pertes d’Enedis sont rachetées à EDF au tarif de l’Arenh, et en aucun cas sur le marché à des prix exorbitants.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Enedis est confronté à l’interdiction de racheter de l’électricité à EDF !
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 262 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 9.
L'amendement n'est pas adopté.
M. Roland Lescure, ministre délégué. … que vous critiquez jour et nuit.
M. Fabien Gay proteste.
L'amendement n'est pas adopté.
L’Arenh permet aujourd’hui aux industriels français d’être compétitifs grâce à une énergie payée grosso modo au prix coûtant, pour des investissements qui ont été payés par l’État français et par la Nation depuis soixante-dix ans. Il nous faudra remplacer ce dispositif, et j’espère que celui qui lui succédera permettra encore de réindustrialiser la France plutôt que de la désindustrialiser !
L'amendement n° 14, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le mot :
national
par les mots :
général, verticalement intégrée,
II. – Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toutes orientations stratégiques tendant à modifier la structure du capital, le caractère unifié du groupe ou de l'organisation interne d'Électricité de France exige l'approbation du Parlement. »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay s ’ esclaffe.
Il s'agit d'un amendement de repli, puisque nous avons perdu le débat sur la renationalisation. Puisque EDF ne sera pas un Épic, nous souhaitons au moins que ce soit, comme c'est le cas de la Compagnie nationale du Rhône, une société anonyme d'intérêt général.
Je vous ai écouté attentivement, monsieur le ministre.
Peut-être êtes-vous en mesure de me dire si ce qui a été demandé au nouveau PDG d’EDF correspond à ce que nous proposons au travers de cet amendement en matière de production, de développement, d’exploitation et de maintenance, de transport d’électricité, de prestation de services énergétiques, et ce, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, dans le strict respect du droit européen, notamment pour ce qui concerne RTE et Enedis.
Notre amendement mériterait d’obtenir un vote favorable, car nous voulons un groupe public unifié, dont le capital serait préservé.
Je le redis ici, la limitation à 2 % de la détention du capital d’EDF par ses salariés est un problème majeur.
Votre réponse sur ces sujets nous serait très utile.
Tout d’abord, monsieur le ministre, je ne répondrai pas à vos propos sur l’Arenh, car examinerons tout à l’heure un amendement sur le sujet.
Ensuite, je voudrais rappeler que tout le monde s’assoit aujourd’hui sur le droit européen, sauf la France ; nous avons ce débat depuis déjà deux ans.
Les Portugais et les Espagnols nous ont montré la voie en obtenant une dérogation. Les Allemands, eux, n’en ont pas eu besoin : ils nous ont encore tordu le bras voilà quinze jours en nous convainquant de signer une « réformette » du marché européen de l’énergie qui maintient l’avantage de l’industrie allemande au détriment de la nôtre…
Nos voisins s’assoient sur le droit européen à chaque fois qu’ils doivent protéger leur industrie, ce qui ne semble déranger personne. En revanche, quand il s’agit de la France, il faut absolument rester dans les clous du droit européen ! Nous sommes pourtant le dernier pays à le respecter.
Tout d’abord, monsieur le ministre, je ne répondrai pas à vos propos sur l’Arenh, car nous examinerons tout à l’heure un amendement sur le sujet.
Ensuite, je voudrais rappeler que tout le monde s’assoit aujourd’hui sur le droit européen, sauf la France ; nous avons ce débat depuis déjà deux ans.
Les Portugais et les Espagnols nous ont montré la voie en obtenant une dérogation. Les Allemands, eux, n’en ont pas eu besoin : ils nous ont encore tordu le bras voilà quinze jours en nous convainquant de signer une « réformette » du marché européen de l’énergie qui maintient l’avantage de l’industrie allemande au détriment de la nôtre…
Nos voisins s’assoient sur le droit européen chaque fois qu’ils doivent protéger leur industrie, ce qui ne semble déranger personne. En revanche, quand il s’agit de la France, il faut absolument rester dans les clous du droit européen ! Nous sommes pourtant le dernier pays à le respecter.
L'amendement n'est pas adopté.
Mais si, c’est la réalité !
Personne n’osera me dire ici les yeux dans les yeux que la réforme du marché de l’énergie européen sera favorable à l’industrie française.
Pour terminer, monsieur le ministre, je rappelle que Mme Lavarde vous a posé une question extrêmement intéressante
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et sont ajoutés les mots : « ou dans la limite de 2 % du capital, par des personnes salariées et des anciens salariés de l'entreprise »
II. – Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
et les deuxième à avant-dernier alinéas du 2° du I entrent
par les mots :
du I entre
La parole est à M. le ministre délégué.
Mme Christine Lavarde s ’ en amuse.
Cet amendement me permet de revenir sur la question de l'actionnariat salarié, sujet évoqué par un certain nombre d'entre vous, dans la discussion générale comme dans la discussion des articles.
Il s'agit de rendre possible de l'actionnariat salarié au sein de l'entreprise EDF, même si, pour le dire sans ambages, nous ne le jugeons ni souhaitable ni même envisageable à très court terme, justement parce que l'État est en train de racheter 100 % du capital pour restaurer la capacité financière, la capacité opérationnelle et la capacité à investir de l'entreprise.
Par conséquent, faire ce genre d'opération aujourd'hui ne serait sans doute pas faire un cadeau aux salariés, alors que la rédaction actuelle nous y forcerait dès le 1er janvier 2024, les forçant sans doute à faire une très mauvaise opération financière. Bien plus, ce serait évidemment totalement anachronique, alors que nous sommes exactement en train de faire le contraire, à savoir racheter les pourcentages des actionnaires minoritaires, ceux qui sont détenus dans le cadre de l'actionnariat salarié. Aujourd'hui, vous le savez, l'État détient déjà 90% du capital et pourrait légalement racheter les 10 % restants.
Du fait d'un certain nombre de recours qui ont été déposés, le Gouvernement s'est engagé à en attendre l'issue – vous l'avez dit, madame la sénatrice –, au début du mois de mai prochain. Si ces recours sont rejetés, il procédera à l'acquisition de la totalité du capital.
Vous avez voté à l'article 1er la disposition selon laquelle l'État doit détenir 100 % du capital. Pourquoi cet amendement est-il alors indispensable ? Si jamais, en 2024, 2025 ou 2026, l'entreprise souhaitait procéder à la mise en place d'un dispositif d'actionnariat salarié et que l'actionnaire l'acceptait, ce serait tout simplement impossible en raison de l'adoption de l'article 1er.
Cet amendement a donc pour objet d'ouvrir la possibilité, sans qu'un passage devant le Parlement soit nécessaire, à la direction de proposer un programme d'actionnariat salarié, sans obligation de temps ni de durée, pour laisser à l'entreprise le temps de se remettre en forme avant d'y procéder.
Vous avez évoqué la feuille de route que le nouveau PDG de la société, Luc Rémont, devra vous remettre ; celle-ci comprendra un certain nombre de pistes de désendettement et d’investissements futurs.
Vous êtes en partie responsable de la situation, puisque l’Arenh a coûté près de 8, 4 milliards d’euros l’an dernier. Vous pourrez ainsi continuer à biberonner les fournisseurs alternatifs, à dépecer EDF et – j’y reviendrai – à racketter les usagers.
Comment EDF parviendra-t-elle à se désendetter ? L’une des solutions consistera-t-elle à accélérer la cession de ses actifs, à commencer par ceux qui rapporteront le plus, Dalkia et Enedis ?
Sur cet amendement, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Il s'agit en effet d'une affaire très difficile et très sensible. Nous avons un immense respect pour l'entreprise EDF, ce qui a conduit la commission à soutenir un amendement de Victorin Lurel faisant d'EDF une entreprise d'intérêt national, ainsi que cela figure désormais dans le texte de la commission. Cela n'a pas de signification juridique autre que de reconnaître que, dans l'histoire d'EDF, la communauté des salariés a bien fait son travail.
Quelque 82 000 salariés ou anciens salariés ont été actionnaires ou sont actionnaires d'EDF aujourd'hui : c'est l'expression d'un engagement dans l'entreprise qui conforte cette image de communauté. C'est la raison pour laquelle la commission a proposé un texte qui accordait cette possibilité en l'encadrant dans une période courte. Or c'est le problème de la période courte qui apparaît avec force. Mme Lavarde l'a fait valoir dans le débat en commission. Nous avons trop d'inconnues, notamment celles que j'ai évoquées à la tribune sur l'avenir de l'organisation du marché de l'énergie électrique.
Sur l'avenir de ce marché, je suis très optimiste : il sera nécessairement en croissance, dans la mesure où la décarbonation de notre société passe par l'électricité. Je n'ai donc aucun doute sur le fait qu'il nous faudra produire de plus en plus d'électricité et que l'entreprise qui bénéficie d'une expérience de plus de cinquante ans et de cinquante-huit réacteurs nucléaires est tout de même la mieux placée pour conquérir des positions nouvelles fortes.
Pour autant, le cadre n'est pas encore clair. Nous avons donc besoin de savoir si seront autorisés des contrats d'achat de long terme, des contrats par différence, s'il sera possible d'acheter des parts de centrales nucléaires pour avoir des droits de tirage, comme Exeltium en profite. Je sais de quoi je parle : je l'ai mis en place comme ministre de l'industrie au siècle précédent. §
Se posent donc toute une série de questions qui méritent d'obtenir réponse avant que d'engager l'économie des salariés dans ce qui reste toujours une aventure. Vous savez très bien que, lorsque l'on fait de la publicité pour une ouverture de capital au public, on précise que les performances passées n'engagent pas l'avenir.
Monsieur le ministre, pourriez-vous répondre à la question de mon collègue Montaugé sur la participation au capital et l’actionnariat des salariés d’EDF ?
Vous avez invoqué les avantages de l’Arenh. Bien sûr qu’il y en a ! Mais je fais une autre lecture de ce qu’EDF doit absorber et payer.
Par exemple, EDF accepte aujourd’hui d’acheter des énergies renouvelables, qui sont très largement subventionnées et intermittentes – mais, bien entendu, il faut le faire –, puis de les revendre au prix du marché. Elle accepte également de vendre à ses concurrents 25 % de l’énergie nucléaire historique à un tarif de 42 euros.
Or je ne suis pas sûr que cet écart de compétitivité profite aujourd’hui à l’industrie française et à la Nation.
Il s'agit donc d'un avis de sagesse positive à l'égard de l'amendement du Gouvernement.
Je mets aux voix l’amendement n° 3.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Nous n'avons pas eu d'explications claires du ministre sur les conséquences juridiques de cet amendement relatif aux concessions hydrauliques dans le cadre européen.
Notre analyse, c'est qu'avec cette mesure vous lancez une torpille contre le groupe EDF. Je pèse mes mots. Vous allez devoir – c'est peut-être votre intention première – détacher l'hydraulique du groupe EDF, c'est-à-dire démanteler. Ce sera alors le début de la fin, à l'instar de ce qui s'est passé pour l'entreprise nationale qu'était Gaz de France à une époque. Cela ne manque pas de nous inquiéter.
Ce débat est crucial. S'il reste une part de capital autre que d'État au sein du groupe EDF, vous serez confronté à cette question-là et les territoires apprécieront peu de voir les concessions hydrauliques présentes sur le territoire national mises en concurrence, peut-être par obligation.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser votre analyse sur ce point extrêmement important ?
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Moi aussi, monsieur le ministre, j'ai des questions à vous poser, car j'avoue que votre explication ne m'a pas vraiment convaincue ou rassurée. Je reste toujours très sceptique à la lecture de l'exposé des motifs de cet amendement : « ...les anciens salariés d'EDF pourront également être actionnaires d'EDF, de sorte que les salariés du groupe ne soient pas forcés de vendre leurs titres lors de leur départ de l'entreprise ». Pourtant, vous venez de nous réexpliquer que l'État monterait à 100 % du capital : les salariés, anciens ou actuels, ont donc déjà vendu leurs titres. L'exposé des motifs semble dire qu'ils ont encore ces titres et qu'ils ne seraient pas forcés de les vendre au moment où ils quittent l'entreprise.
Je m'interroge sur la procédure de mise en œuvre : soit l'État détient 100 % du capital, ce qui peut avoir sa pertinence pour les raisons que j'ai déjà exposées, notamment pour permettre le financement des investissements considérables qui ne permettront pas le financement de dividendes, soit on veut apporter quelque chose aux salariés qui ont fait l'histoire du groupe et de notre politique énergétique, notamment nucléaire, auquel cas il faut que ce soit clair pour eux. Or, là, cela ne l'est pas.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 262 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 9.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Rendre l'actionnariat salarié optionnel ou obligatoire, tel qu'il est aujourd'hui prévu dans la rédaction issue des travaux de la commission, ne change en rien les débats que l'on a par ailleurs sur les concessions hydrauliques, sur lesquelles il nous faut évidemment être extrêmement fermes. Si vous m'y autorisez, monsieur le sénateur, une fois que nous serons assurés d'avoir bien compris les termes de votre question, nous y répondrons par écrit.
L'État achète 100 % du capital. Si le jugement du tribunal est conforme à ce à quoi on s'attend, on aura dans la foulée la capacité d'acheter les 5 % du capital restants et l'État détiendra alors 100 % du capital.
Si, dans deux, trois, quatre ou cinq ans, l'entreprise est dans une meilleure situation, on l'autorise éventuellement par cet amendement à envisager et à mettre en œuvre un accord d'actionnariat salarié sans avoir à repasser par le Parlement. Comme dans l'accord précédent, ce nouvel accord permet aux salariés non seulement d'acheter des actions du groupe et de les détenir, mais aussi de les conserver ultérieurement au cas où ils quitteraient le groupe, par exemple au moment où ils partiraient à la retraite.
Il s'agit donc de reproduire par avance des dispositions qui existaient d'ores et déjà dans l'accord d'actionnariat salarié. Il ne s'agit en aucun cas de prolonger les actions détenues aujourd'hui par des salariés, puisque l'État détiendra bien 100 % du capital jusqu'à ce qu'il en soit décidé autrement dans le cadre de la gestion d'entreprise et dans le cadre d'un accord d'actionnariat salarié.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Comme quoi, l'actionnariat salarié, c'est un peu plus compliqué que ce que l'on nous vend à longueur de temps !
A priori, pour vous, cela devrait même remplacer le salaire. Intéressement, participation, actionnariat salarié, c'est bon pour vous, alors que les salaires, pas du tout.
L’amendement n° 14, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le mot :
national
par les mots :
général, verticalement intégrée,
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toutes orientations stratégiques tendant à modifier la structure du capital, le caractère unifié du groupe ou de l’organisation interne d’Électricité de France exige l’approbation du Parlement. »
La parole est à M. Fabien Gay.
Il s’agit d’un amendement de repli, puisque nous avons perdu le débat sur la renationalisation. Puisque EDF ne sera pas un Épic, nous souhaitons au moins que ce soit, comme c’est le cas de la Compagnie nationale du Rhône, une société anonyme d’intérêt général.
Nous défendons l'actionnariat salarié à EDF. Il faut se rappeler l'histoire du groupe. L'actionnariat salarié à EDF a commencé en 2005, lorsque vous avez décidé d'ouvrir le capital : il s'agissait en réalité d'une compensation pour les salariés. À l'époque, 130 000 sont devenus actionnaires salariés et, au bout du compte, ils auront perdu de l'argent : ils auront racheté le titre 30 euros et seront obligés de le revendre 11 euros ou 12 euros. C'est pour cela qu'ils ont attaqué l'État à la suite des dernières décisions que vous avez prises, notamment les 20 térawattheures qui ont fait perdre 8, 4 milliards d'euros et ont fait baisser le prix des actions au moment de leur entrée en bourse, ce qui vous permet de les racheter à un prix moindre.
Finalement, monsieur le ministre vous êtes en train de nous expliquer que vous êtes en quelque sorte en capacité de spolier les actionnaires salariés aujourd'hui.
Vous allez reprendre 100 % du capital et peut-être que, demain, vous leur proposerez à nouveau de redevenir actionnaires salariés.
Monsieur le ministre, personne ne comprend rien à ce que vous êtes en train de faire.
Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, le groupe Union Centriste est particulièrement attaché au développement de l'actionnariat salarié comme au partage de la valeur. À ce titre, les propositions du rapporteur nous semblaient empreintes de bon sens.
Compte tenu du débat qui vient d'avoir lieu sur cet amendement, le groupe UC s'abstiendra.
Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Le scrutin a lieu.
L’amendement n° 19 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et sont ajoutés les mots : « ou dans la limite de 2 % du capital, par des personnes salariées et des anciens salariés de l’entreprise »
II. – Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
et les deuxième à avant-dernier alinéas du 2° du I entrent
par les mots :
du I entre
La parole est à M. le ministre délégué.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Cet amendement me permet de revenir sur la question de l’actionnariat salarié, sujet évoqué par un certain nombre d’entre vous, dans la discussion générale comme dans la discussion des articles.
Il s’agit de rendre possible de l’actionnariat salarié au sein de l’entreprise EDF, même si, pour le dire sans ambages, nous ne le jugeons ni souhaitable ni même envisageable à très court terme, justement parce que l’État est en train de racheter 100 % du capital pour restaurer la capacité financière, la capacité opérationnelle et la capacité à investir de l’entreprise.
Par conséquent, faire ce genre d’opération aujourd’hui ne serait sans doute pas faire un cadeau aux salariés, alors que la rédaction actuelle nous y forcerait dès le 1er janvier 2024, les forçant sans doute à faire une très mauvaise opération financière. Bien plus, ce serait évidemment totalement anachronique, alors que nous sommes exactement en train de faire le contraire, à savoir racheter les pourcentages des actionnaires minoritaires, ceux qui sont détenus dans le cadre de l’actionnariat salarié. Aujourd’hui, vous le savez, l’État détient déjà 90 % du capital et pourrait légalement racheter les 10 % restants.
Du fait d’un certain nombre de recours qui ont été déposés, le Gouvernement s’est engagé à en attendre l’issue – vous l’avez dit, madame la sénatrice –, au début du mois de mai prochain. Si ces recours sont rejetés, il procédera à l’acquisition de la totalité du capital.
Vous avez voté à l’article 1er la disposition selon laquelle l’État doit détenir 100 % du capital. Pourquoi cet amendement est-il alors indispensable ? Si jamais, en 2024, 2025 ou 2026, l’entreprise souhaitait procéder à la mise en place d’un dispositif d’actionnariat salarié et que l’actionnaire l’acceptait, ce serait tout simplement impossible en raison de l’adoption de l’article 1er.
Cet amendement a donc pour objet d’ouvrir la possibilité, sans qu’un passage devant le Parlement soit nécessaire, à la direction de proposer un programme d’actionnariat salarié, sans obligation de temps ni de durée, pour laisser à l’entreprise le temps de se remettre en forme avant d’y procéder.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 263 :
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Sur cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Il s’agit en effet d’une affaire très difficile et très sensible. Nous avons un immense respect pour l’entreprise EDF, ce qui a conduit la commission à soutenir un amendement de Victorin Lurel faisant d’EDF une entreprise d’intérêt national, ainsi que cela figure désormais dans le texte de la commission. Cela n’a pas de signification juridique autre que de reconnaître que, dans l’histoire d’EDF, la communauté des salariés a bien fait son travail.
Quelque 82 000 salariés ou anciens salariés ont été actionnaires ou sont actionnaires d’EDF aujourd’hui : c’est l’expression d’un engagement dans l’entreprise qui conforte cette image de communauté. C’est la raison pour laquelle la commission a proposé un texte qui accordait cette possibilité en l’encadrant dans une période courte. Or c’est le problème de la période courte qui apparaît avec force. Mme Lavarde l’a fait valoir dans le débat en commission. Nous avons trop d’inconnues, notamment celles que j’ai évoquées à la tribune sur l’avenir de l’organisation du marché de l’énergie électrique.
Sur l’avenir de ce marché, je suis très optimiste : il sera nécessairement en croissance, dans la mesure où la décarbonation de notre société passe par l’électricité. Je n’ai donc aucun doute sur le fait qu’il nous faudra produire de plus en plus d’électricité et que l’entreprise qui bénéficie d’une expérience de plus de cinquante ans et de cinquante-huit réacteurs nucléaires est tout de même la mieux placée pour conquérir des positions nouvelles fortes.
Pour autant, le cadre n’est pas encore clair. Nous avons donc besoin de savoir si seront autorisés des contrats d’achat de long terme, des contrats par différence, s’il sera possible d’acheter des parts de centrales nucléaires pour avoir des droits de tirage, comme Exeltium en profite. Je sais de quoi je parle : je l’ai mis en place comme ministre de l’industrie au siècle précédent.
Le scrutin a lieu.
Sourires.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Se posent donc toute une série de questions qui méritent d’obtenir réponse avant que d’engager l’économie des salariés dans ce qui reste toujours une aventure. Vous savez très bien que, lorsque l’on fait de la publicité pour une ouverture de capital au public, on précise que les performances passées n’engagent pas l’avenir.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 264 :
Le Sénat a adopté.
Il s’agit donc d’un avis de sagesse positive à l’égard de l’amendement du Gouvernement.
L'amendement n° 18, présenté par MM. Montaugé, Lurel, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 111-67 du code de l'énergie, il est inséré un article L. 111-67-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -67 -…. – I. – Une autorisation législative est nécessaire pour toute opération de réorganisation du groupe Électricité de France, dont la société Électricité de France est l'entité de tête, visant ses activités dites cœur de métier d'électricien national, qui sont au cœur des enjeux de souveraineté électrique du pays, soit :
« 1° Les activités de production d'électricité sur le territoire national ;
« 2° Les activités de commercialisation d'électricité sur le territoire national ;
« 3° Les activités de sa filiale gestionnaire des réseaux publics de distribution issue de la séparation entre les activités de gestion de réseau public de distribution et les activités de production ou de fourniture exercées par Électricité de France en application de l'article L. 111-57 ;
« 4° Sa participation dans le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité mentionné à l'article L. 111-40.
« II. – La notion d'opération de réorganisation mentionnée au I du présent article recoupe exclusivement les opérations suivantes :
« 1° Filialisation de l'activité de production d'électricité sur le territoire national aujourd'hui directement exercée par la société Électricité de France dans le cadre de filiales indirectes ou de filiales non contrôlées ;
« 2° Filialisation de l'activité de commercialisation d'électricité sur le territoire national aujourd'hui directement exercée par la société Électricité de France dans le cadre de filiales indirectes ou de filiales non contrôlées ;
« 3° Cession conduisant la société Électricité de France à détenir directement moins de 80 % du capital du gestionnaire des réseaux publics de distribution d'électricité ;
« 4° Opération visant à faire perdre au gestionnaire des réseaux publics de distribution d'électricité le statut de filiale directement contrôlée par la société Électricité de France ;
« 5° Cession conduisant la société Électricité de France à détenir moins de 50 % du capital du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité ;
« 6° Modification substantielle de l'objet social ;
« 7° Dissolution de la société Électricité de France et des sociétés mentionnées aux 3° et 4° du I du présent article visant à l'étendre à de nouvelles activités ;
« 8° Fusion-absorption de la société Électricité de France et des sociétés mentionnées aux 3° et 4° du I du présent article visant à l'étendre à de nouvelles activités. »
La parole est à M. Franck Montaugé.
Nous n’avons pas eu d’explications claires du ministre sur les conséquences juridiques de cet amendement relatif aux concessions hydrauliques dans le cadre européen.
Notre analyse, c’est qu’avec cette mesure vous lancez une torpille contre le groupe EDF. Je pèse mes mots. Vous allez devoir – c’est peut-être votre intention première – détacher l’hydraulique du groupe EDF, c’est-à-dire démanteler. Ce sera alors le début de la fin, à l’instar de ce qui s’est passé pour l’entreprise nationale qu’était Gaz de France à une époque. Cela ne manque pas de nous inquiéter.
Ce débat est crucial. S’il reste une part de capital autre que d’État au sein du groupe EDF, vous serez confronté à cette question-là et les territoires apprécieront peu de voir les concessions hydrauliques présentes sur le territoire national mises en concurrence, peut-être par obligation.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser votre analyse sur ce point extrêmement important ?
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous en appelons au renforcement de notre souveraineté nationale, au sens premier du terme. Il s'agit de doter le souverain, donc notre peuple, de la possibilité, par le vote de ses représentants, de décider des questions et sujets qui engagent la vie de la Nation.
Depuis près de quatre-vingts ans, EDF a été au cœur de la performance économique de la France. Nous devons à cette entreprise et aux générations de salariés qui se sont succédé une part importante de la compétitivité de notre industrie et, plus largement, de notre économie. C'est encore vrai aujourd'hui, malgré les difficultés provoquées – cela a été évoqué – par la mise en place du marché européen, dont beaucoup de consommateurs, quelle que soit leur taille, peinent à voir les effets positifs induits.
EDF, pour les activités de cœur de métier décrites dans amendement, doit être un levier fort d'amélioration de la compétitivité nationale, dans le contexte de transition énergétique et climatique que nous devons collectivement réussir. C'est pour cela que le Parlement doit être saisi de tout sujet de réorganisation concernant EDF.
Moi aussi, monsieur le ministre, j’ai des questions à vous poser, car j’avoue que votre explication ne m’a pas vraiment convaincue ou rassurée. Je reste toujours très sceptique à la lecture de l’exposé des motifs de cet amendement : « …les anciens salariés d’EDF pourront également être actionnaires d’EDF, de sorte que les salariés du groupe ne soient pas forcés de vendre leurs titres lors de leur départ de l’entreprise ». Pourtant, vous venez de nous réexpliquer que l’État monterait à 100 % du capital : les salariés, anciens ou actuels, ont donc déjà vendu leurs titres. L’exposé des motifs semble dire qu’ils ont encore ces titres et qu’ils ne seraient pas forcés de les vendre au moment où ils quittent l’entreprise.
Je m’interroge sur la procédure de mise en œuvre : soit l’État détient 100 % du capital, ce qui peut avoir sa pertinence pour les raisons que j’ai déjà exposées, notamment pour permettre le financement des investissements considérables qui ne permettront pas le financement de dividendes, soit on veut apporter quelque chose aux salariés qui ont fait l’histoire du groupe et de notre politique énergétique, notamment nucléaire, auquel cas il faut que ce soit clair pour eux. Or, là, cela ne l’est pas.
Moi aussi, monsieur le ministre, j’ai des questions à vous poser, car j’avoue que votre explication ne m’a pas vraiment convaincue ou rassurée. Je reste toujours très sceptique à la lecture de l’exposé des motifs de cet amendement : « … les anciens salariés d’EDF pourront également être actionnaires d’EDF, de sorte que les salariés du groupe ne soient pas forcés de vendre leurs titres lors de leur départ de l’entreprise ». Pourtant, vous venez de nous réexpliquer que l’État monterait à 100 % du capital : les salariés, anciens ou actuels, ont donc déjà vendu leurs titres. L’exposé des motifs semble dire qu’ils ont encore ces titres et qu’ils ne seraient pas forcés de les vendre au moment où ils quittent l’entreprise.
Je m’interroge sur la procédure de mise en œuvre : soit l’État détient 100 % du capital, ce qui peut avoir sa pertinence pour les raisons que j’ai déjà exposées, notamment pour permettre le financement des investissements considérables qui ne permettront pas le financement de dividendes, soit on veut apporter quelque chose aux salariés qui ont fait l’histoire du groupe et de notre politique énergétique, notamment nucléaire, auquel cas il faut que ce soit clair pour eux. Or, là, cela ne l’est pas.
Rendre l’actionnariat salarié optionnel ou obligatoire, tel qu’il est aujourd’hui prévu dans la rédaction issue des travaux de la commission, ne change en rien les débats que l’on a par ailleurs sur les concessions hydrauliques, sur lesquelles il nous faut évidemment être extrêmement fermes. Si vous m’y autorisez, monsieur le sénateur, une fois que nous serons assurés d’avoir bien compris les termes de votre question, nous y répondrons par écrit.
L’État achète 100 % du capital. Si le jugement du tribunal est conforme à ce à quoi on s’attend, on aura dans la foulée la capacité d’acheter les 5 % du capital restants et l’État détiendra alors 100 % du capital.
Si, dans deux, trois, quatre ou cinq ans, l’entreprise est dans une meilleure situation, on l’autorise éventuellement par cet amendement à envisager et à mettre en œuvre un accord d’actionnariat salarié sans avoir à repasser par le Parlement. Comme dans l’accord précédent, ce nouvel accord permet aux salariés non seulement d’acheter des actions du groupe et de les détenir, mais aussi de les conserver ultérieurement au cas où ils quitteraient le groupe, par exemple au moment où ils partiraient à la retraite.
Il s’agit donc de reproduire par avance des dispositions qui existaient d’ores et déjà dans l’accord d’actionnariat salarié. Il ne s’agit en aucun cas de prolonger les actions détenues aujourd’hui par des salariés, puisque l’État détiendra bien 100 % du capital jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement dans le cadre de la gestion d’entreprise et dans le cadre d’un accord d’actionnariat salarié.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Je mets aux voix l'amendement n° 18.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Nous défendons l’actionnariat salarié à EDF. Il faut se rappeler l’histoire du groupe. L’actionnariat salarié à EDF a commencé en 2005, lorsque vous avez décidé d’ouvrir le capital : il s’agissait en réalité d’une compensation pour les salariés. À l’époque, 130 000 sont devenus actionnaires salariés et, au bout du compte, ils auront perdu de l’argent : ils auront racheté le titre 30 euros et seront obligés de le revendre 11 euros ou 12 euros. C’est pour cela qu’ils ont attaqué l’État à la suite des dernières décisions que vous avez prises, notamment les 20 térawattheures qui ont fait perdre 8, 4 milliards d’euros et ont fait baisser le prix des actions au moment de leur entrée en bourse, ce qui vous permet de les racheter à un prix moindre.
Finalement, monsieur le ministre vous êtes en train de nous expliquer que vous êtes en quelque sorte en capacité de spolier les actionnaires salariés aujourd’hui.
Vous allez reprendre 100 % du capital et peut-être que, demain, vous leur proposerez de nouveau de redevenir actionnaires salariés.
Monsieur le ministre, personne ne comprend rien à ce que vous êtes en train de faire.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le groupe Union Centriste est particulièrement attaché au développement de l’actionnariat salarié comme au partage de la valeur. À ce titre, les propositions du rapporteur nous semblaient empreintes de bon sens.
Compte tenu du débat qui vient d’avoir lieu sur cet amendement, le groupe UC s’abstiendra.
L'amendement n° 4, présenté par MM. Lurel, Montaugé, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au 1er juillet 2023, si l'offre publique d'achat simplifiée de la société dénommée « Électricité de France » initiée par l'État français portant le visa n° 22-464 n'a pas été menée à son terme, une commission administrative nationale d'évaluation présidée par le premier président de la Cour des comptes et composée du Gouverneur de la Banque de France, du président de la section des finances du Conseil d'État, du président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation et d'un membre du Conseil économique, social et environnemental désigné par le président de cette assemblée est chargée de fixer la valeur d'échange à cette date des actions de la société dénommée « Électricité de France ».
La parole est à M. Victorin Lurel.
Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Il s'agit de rétablir le texte dans sa version originelle, à savoir l'évaluation, donc le rachat de l'entreprise EDF, à l'instar de ce qui a été fait en 1946 par une commission administrative nationale d'évaluation présidée par des fonctionnaires indépendants.
Pour notre part, nous pensons que l'offre publique d'achat simplifiée n'aboutira pas, contrairement à ce que j'ai pu entendre ici asséner avec certitude. Comme si nous maîtrisions les délais judiciaires de la cour d'appel de Paris et du Conseil d'État ! Moi, je n'en suis pas sûr, d'autant qu'il y a des possibilités de recours ultime en cassation. Ce n'est donc pas évident.
Nous avons là une proposition de loi de nationalisation qui peut être une aubaine pour le Gouvernement pour parer au plus mauvais ou au plus pressé.
Mes chers collègues, nous vous demandons par conséquent de voter cet amendement tendant à rétablir le principe d'une nationalisation d'EDF.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 263 :
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Je l'ai souligné lors de la discussion générale, mais je le rappelle : si EDF est dans une telle situation, ce n'est pas parce que ce n'était pas une entreprise nationale !
On ne peut pas reprocher à l'entreprise privée EDF la situation dans laquelle elle est. Aujourd'hui, EDF est dans cette situation uniquement parce que la filière nucléaire a été malmenée par des gouvernements socialistes, sous l'influence de groupes écologistes. §
L’amendement n° 18, présenté par MM. Montaugé, Lurel, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 111-67 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 111-67-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -67 -…. – I. – Une autorisation législative est nécessaire pour toute opération de réorganisation du groupe “Électricité de France”, dont la société “Électricité de France” est l’entité de tête, visant ses activités dites cœur de métier d’électricien national, qui sont au cœur des enjeux de souveraineté électrique du pays, soit :
« 1° Les activités de production d’électricité sur le territoire national ;
« 2° Les activités de commercialisation d’électricité sur le territoire national ;
« 3° Les activités de sa filiale gestionnaire des réseaux publics de distribution issue de la séparation entre les activités de gestion de réseau public de distribution et les activités de production ou de fourniture exercées par “Électricité de France” en application de l’article L. 111-57 ;
« 4° Sa participation dans le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité mentionné à l’article L. 111-40.
« II. – La notion d’opération de réorganisation mentionnée au I du présent article recoupe exclusivement les opérations suivantes :
« 1° Filialisation de l’activité de production d’électricité sur le territoire national aujourd’hui directement exercée par la société “Électricité de France” dans le cadre de filiales indirectes ou de filiales non contrôlées ;
« 2° Filialisation de l’activité de commercialisation d’électricité sur le territoire national aujourd’hui directement exercée par la société “Électricité de France” dans le cadre de filiales indirectes ou de filiales non contrôlées ;
« 3° Cession conduisant la société “Électricité de France” à détenir directement moins de 80 % du capital du gestionnaire des réseaux publics de distribution d’électricité ;
« 4° Opération visant à faire perdre au gestionnaire des réseaux publics de distribution d’électricité le statut de filiale directement contrôlée par la société “Électricité de France” ;
« 5° Cession conduisant la société “Électricité de France” à détenir moins de 50 % du capital du gestionnaire du réseau public de transport d’électricité ;
« 6° Modification substantielle de l’objet social ;
« 7° Dissolution de la société “Électricité de France” et des sociétés mentionnées aux 3° et 4° du I du présent article visant à l’étendre à de nouvelles activités ;
« 8° Fusion-absorption de la société “Électricité de France” et des sociétés mentionnées aux 3° et 4° du I du présent article visant à l’étendre à de nouvelles activités. »
La parole est à M. Franck Montaugé.
Il faut tout de même le rappeler. Il y a une prise de conscience d'une très grande majorité des Français et même des groupes politiques qui forment la gauche aujourd'hui et qui prennent conscience que, si l'on veut vraiment lutter contre le réchauffement climatique, il faut une énergie décarbonée, donc il faut relancer le nucléaire. C'est tout à fait salvateur.
Ce n'est pas parce qu'EDF n'était pas une entreprise nationale qu'elle se trouve dans cette situation aujourd'hui.
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous en appelons au renforcement de notre souveraineté nationale, au sens premier du terme. Il s’agit de doter le souverain, donc notre peuple, de la possibilité, par le vote de ses représentants, de décider des questions et sujets qui engagent la vie de la Nation.
Depuis près de quatre-vingts ans, EDF a été au cœur de la performance économique de la France. Nous devons à cette entreprise et aux générations de salariés qui se sont succédé une part importante de la compétitivité de notre industrie et, plus largement, de notre économie. C’est encore vrai aujourd’hui, malgré les difficultés provoquées – cela a été évoqué – par la mise en place du marché européen, dont beaucoup de consommateurs, quelle que soit leur taille, peinent à voir les effets positifs induits.
EDF, pour les activités de cœur de métier décrites dans amendement, doit être un levier fort d’amélioration de la compétitivité nationale, dans le contexte de transition énergétique et climatique que nous devons collectivement réussir. C’est pour cela que le Parlement doit être saisi de tout sujet de réorganisation concernant EDF.
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous en appelons au renforcement de notre souveraineté nationale, au sens premier du terme. Il s’agit de doter le souverain, donc notre peuple, de la possibilité, par le vote de ses représentants, de décider des questions et sujets qui engagent la vie de la Nation.
Depuis près de quatre-vingts ans, EDF a été au cœur de la performance économique de la France. Nous devons à cette entreprise et aux générations de salariés qui se sont succédé une part importante de la compétitivité de notre industrie et, plus largement, de notre économie. C’est encore vrai aujourd’hui, malgré les difficultés provoquées – cela a été évoqué – par la mise en place du marché européen, dont beaucoup de consommateurs, quelle que soit leur taille, peinent à voir les effets positifs induits.
EDF, pour les activités de cœur de métier décrites dans cet amendement, doit être un levier fort d’amélioration de la compétitivité nationale, dans le contexte de transition énergétique et climatique que nous devons collectivement réussir. C’est pour cela que le Parlement doit être saisi de tout sujet de réorganisation concernant EDF.
Je mets aux voix l'amendement n° 4.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Je mets aux voix l’amendement n° 18.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa de l'article L. 337-6 du code de l'énergie est ainsi rédigé :
« Les tarifs réglementés de vente d'électricité sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques du mix de production français et des coûts liés à ces productions, des importations et exportations, des coûts d'acheminement de l'électricité, des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture. »
II. – L'ensemble des consommateurs finals domestiques et non domestiques peuvent souscrire une offre aux tarifs réglementés définis à l'article L. 337-6 du code de l'énergie.
La parole est à M. Fabien Gay.
J'appelle donc en discussion l'amendement n° 13, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 337-8 du code de l'énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 337 -8. Les tarifs réglementés de vente de l'électricité mentionnés à l'article L. 337-1 bénéficient, à leur demande :
« 1° Aux consommateurs finals domestiques et non domestiques pour leurs sites situés dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental ;
« 2° Aux consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros ;
« 3° Aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics ;
« 4° Aux consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de 250 personnes, qui ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros. »
J'appelle également en discussion l'amendement n° 12, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le même article L. 337-7 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Par dérogation au présent article, les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics bénéficient à leur demande des tarifs réglementés de vente d'électricité mentionnés à l'article L. 337-1. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
Ces amendements ont tous trois pour objet le retour aux tarifs réglementés.
L'amendement n° 16 tend à revenir sur le mode de calcul du TRVE.
L'amendement n° 13 vise à élargir le bénéfice du TRVE à toutes les collectivités et TPE-PME.
L'amendement n° 12 est un amendement de repli concernant les collectivités.
Il y a évidemment un lien de cause à effet entre le TRVE et l'Arenh. Sur les 60 milliards d'euros d'endettement d'EDF, il faudra d'ailleurs définir la part réelle de l'Arenh, qui a été votée en 2010 dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite Nome. Je ne crois d'ailleurs pas qu'à l'époque le gouvernement était socialiste !
L'Arenh pose question. Et pour répondre à l'interpellation de M. le rapporteur, il est vrai qu'il y a des acteurs alternatifs qui produisent. Pour autant, sur les quatre-vingt-dix qui existent aujourd'hui, il n'y en a véritablement que deux : Engie et TotalEnergies ; tous les autres sont des facturateurs et sont en réalité des suceurs de sang d'EDF.
L’amendement n° 4, présenté par MM. Lurel, Montaugé, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au 1er juillet 2023, si l’offre publique d’achat simplifiée de la société dénommée « Électricité de France » initiée par l’État français portant le visa n° 22-464 n’a pas été menée à son terme, une commission administrative nationale d’évaluation présidée par le premier président de la Cour des comptes et composée du Gouverneur de la Banque de France, du président de la section des finances du Conseil d’État, du président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation et d’un membre du Conseil économique, social et environnemental désigné par le président de cette assemblée est chargée de fixer la valeur d’échange à cette date des actions de la société dénommée « Électricité de France ».
La parole est à M. Victorin Lurel.
Si l'on suspendait l'Arenh, ces quatre-vingt-huit acteurs alternatifs tomberaient. D'ailleurs, il n'y a pas que le groupe communiste ou Fabien Gay qui le demande : M. Antoine Armand, député du groupe Renaissance et rapporteur de la commission d'enquêtevisant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, demande lui aussi la suspension très rapide de l'Arenh.
Ceux qui se penchent sur la question se rendent compte de l'ineptie de ce système et demandent non pas sa rénovation, mais sa suspension.
J'en viens au retour au tarif réglementé. Les gens doivent savoir que, plus il y a d'Arenh, moins il y a d'écrêtement. C'est pourquoi les acteurs alternatifs doivent aujourd'hui se fournir à hauteur de 70% auprès de l'Arenh à 40 euros le mégawattheure et, pour le reste, sur le marché. Comme les prix ont dévissé, le mégawattheure a parfois atteint cette année 200, 300 400, 500 euros, avec un pic à 1 200 euros au mois d'août dernier.
Depuis cinq ans, le problème, ce n'est pas l'empilement des coûts et le coût réel, c'est que l'on prend en compte pour l'augmentation du tarif réglementé la partie du taux d'écrêtement pour les acteurs alternatifs qui doivent se fournir sur le marché. Par conséquent, le tarif réglementé ne reflète pas le coût réel de l'énergie, mais sert à payer les dividendes des actionnaires des acteurs alternatifs. En d'autres termes, le tarif réglementé augmente non pas en fonction des cours réels, mais sur cette part d'écrêtement, donc sur le trading du marché. Voilà la réalité !
C'est pour cela que le prix dévisse depuis cinq ans et que le tarif réglementé, même s'il a particulièrement augmenté ces deux dernières années, ne cesse d'augmenter – tous les six mois ! – depuis 2017.
Il faut en revenir à un tarif réglementé qui s'applique sur les coûts et il faut en finir avec l'Arenh qui rackette, d'un côté, EDF et, de l'autre, les usagers !
Il s’agit de rétablir le texte dans sa version originelle, à savoir l’évaluation, donc le rachat de l’entreprise EDF, à l’instar de ce qui a été fait en 1946 par une commission administrative nationale d’évaluation présidée par des fonctionnaires indépendants.
Pour notre part, nous pensons que l’offre publique d’achat simplifiée n’aboutira pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici asséner avec certitude. Comme si nous maîtrisions les délais judiciaires de la cour d’appel de Paris et du Conseil d’État ! Moi, je n’en suis pas sûr, d’autant qu’il y a des possibilités de recours ultime en cassation. Ce n’est donc pas évident.
Nous avons là une proposition de loi de nationalisation qui peut être une aubaine pour le Gouvernement pour parer au plus mauvais ou au plus pressé.
Mes chers collègues, nous vous demandons par conséquent de voter cet amendement tendant à rétablir le principe d’une nationalisation d’EDF.
La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements, dont les objets sont en contradiction avec les règles européennes, c'est-à-dire avec les accords gouvernementaux transposés en droit français, en particulier dans le code de l'énergie, sur la capacité d'ouvrir les TRVE à l'ensemble des consommateurs.
Sont éligibles au TRVE les résidentiels, c'est-à-dire les particuliers, et les entreprises dès lors qu'elles ont moins de dix salariés et dégagent moins de 2 millions de chiffre d'affaires. Évidemment, on a envie d'aider tout le monde, sauf que c'est assez coûteux. §
Par ailleurs, l'adoption de ces amendements supposerait de casser des contrats qui sont actuellement établis entre des entreprises et des fournisseurs alternatifs privés.
Si la loi obligeait ces fournisseurs à prendre en charge des TRVE et si les contrats grâce auxquels ils gagnent leur vie étaient cassés afin de les obliger à vendre leur électricité moins chère – nous verrons ce que signifie : « moins cher » –, ils seraient alors fondés à demander au Gouvernement de les rembourser. Cela coûterait bonbon !
Enfin, le TRVE est calculé par la CRE par un empilement et par un jeu assez complexe, en effet, de lissage dans le temps. Nous ne pourrions avoir ces prix que dans une perspective assez longue ; Mme Lavarde, qui connaît le sujet mieux que moi, pourrait l'expliquer. Il faut un recul d'environ douze mois pour pouvoir établir des TRVE nouveaux.
Le système est donc non praticable. C'est la raison pour laquelle je propose de supprimer les 36 kVA dans le cadre de l'Europe.
Même avis.
J'ajoute que cet article, qui étendait le TRVE à tous les consommateurs, a été adopté en commission à l'Assemblée nationale. Vous n'y êtes pour rien, il vous a été soumis, mais il reste pour nous un cavalier, car il est sans rapport avec le schmilblick, si je puis m'exprimer ainsi. Cela étant, il est là ; il nous faut donc en discuter.
C'est vrai que vous avez limité le coût de cet article en réservant ses effets aux TPE, qu'elles soient consommatrices individuelles, comme vous et moi, ou consommatrices intensives, comme certains boulangers, dont on a beaucoup parlé.
Je comprends la logique de cet article. Il est moins coûteux, évidemment, que la version votée par l'Assemblée nationale. Et c'est vrai qu'il existe une incertitude sur son coût, tout simplement parce que ce type de dispositif est exposé au marché. Son coût varie donc toutes les semaines en fonction du prix de marché. C'est d'ailleurs le danger : vous exposez soit les finances d'EDF, si c'est elle qui paie, soit celles de l'État, au coût de marché, qui, on l'a vu depuis un an et demi, est extrêmement volatil.
La suppression du plafond du TRVE pour toutes les entreprises représenterait un coût de l'ordre de 20 milliards d'euros. Je l'avais estimé à 18 milliards d'euros à l'Assemblée nationale, parce que l'écart entre le prix de marché et le TRVE était alors de l'ordre de 200 euros le mégawattheure, pour une consommation de l'ensemble des entreprises concernées par l'amendement de Philippe Brun de l'ordre de 100 térawattheures.
Aujourd'hui, votre amendement coûte moins cher, pour deux raisons : d'abord, vous limitez ses effets, avec une consommation de l'ordre de 20 térawattheures ; ensuite, l'écart a lui aussi diminué, parce que le prix de marché a baissé. J'évalue son coût aujourd'hui à environ un milliard d'euros – il y a 50 euros d'écart entre le TRVE et le prix du marché – pour environ 20 térawattheures.
Si demain ou après-demain, le prix de marché explosait, il coûterait deux, trois, quatre, cinq, six ou sept milliards d'euros et il faudrait alors que l'on en assume les conséquences, soit directement sur les comptes d'EDF, dont on souhaite aujourd'hui tous qu'elle soit préservée, soit sur les comptes de l'État, dont on reconnaîtra tous, je pense, qu'ils ne sont pas dans un état fantastique.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement était défavorable à la généralisation du TRVE et a préféré mettre en place des aides énergétiques, qui ont, certes, été critiquées, mais dont il faut reconnaître aujourd'hui qu'elles fonctionnent. On a dépensé environ 250 millions d'euros au titre du guichet ouvert depuis le mois de janvier et entre 50 milliards d'euros et 80 milliards d'euros pour le bouclier tarifaire. Nous avons beaucoup aidé les ménages, les entreprises, y compris les énergo-intensives. Nous allons continuer de le faire. Je préfère qu'on le fasse dans le cadre actuel plutôt que dans celui de cet article.
Je tiens à répondre sur un point à notre excellent collègue Capus.
En 1996, la déréglementation n'a pas été décidée par les socialistes ; elle a été prévue dans une directive européenne. Idem en 2003 et en 2009. En 2010, la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (Nome) a mis en place trois dispositifs, dont l'Arenh, le mécanisme de capacité et les TRV. Ce n'était pas nous ! Il me semble que le Gouvernement était alors de votre couleur politique. Les responsabilités sont partagées ; on le sait bien.
Alors qu'EDF a aujourd'hui, et depuis toujours, des problèmes, il faut revoir le système lui-même, en particulier les marchés électriques en Europe.
Je l’ai souligné lors de la discussion générale, mais je le rappelle : si EDF est dans une telle situation, ce n’est pas parce que ce n’était pas une entreprise nationale !
On ne peut pas reprocher à l’entreprise privée EDF la situation dans laquelle elle est. Aujourd’hui, EDF est dans cette situation uniquement parce que la filière nucléaire a été malmenée par des gouvernements socialistes, sous l’influence de groupes écologistes.
Il faut avoir le courage de dire ici et ailleurs que, contrairement à ce qui a été fait depuis 1946 et en 1974 par Pierre Messmer, la stratégie qui a été adoptée nous rend tributaires de l'Allemagne et d'autres concurrents. Il faut le dire !
L'avantage que nous avions dans le nucléaire profite à d'autres, et on n'ose pas le dire. On vient de perdre le combat de la taxonomie, les réacteurs classiques n'y seront pas intégrés, ce qui ne permettra pas l'accès de la filière à des subventions publiques. Nous avions pourtant mené un combat homérique en ce sens. Aujourd'hui, nous menons un combat d'arrière-garde.
C'est la raison pour laquelle faire d'EDF une entreprise nationale, intégrée, verticale, publique et unifiée est une urgence mobilisatrice pour les Français que nous sommes.
Monsieur le ministre, je souhaite me faire confirmer ce que vous avez dit sur le TRV, le tarif de marché et la grande fluctuation des prix. Vous avez évoqué les boulangers, mais ils ne sont malheureusement pas les seuls concernés.
Je pense qu'il est important d'envoyer un message aux publics concernés. Un certain nombre de fournisseurs ont écrit à l'automne dernier à leurs abonnés pour leur dire qu'ils ne pouvaient plus pratiquer les tarifs qui les liaient de manière contractuelle. Les prix se sont envolés et ont été multipliés parfois par cinq, six, sept ou huit, ils leur ont proposé de signer de nouveaux contrats, parfois des contrats triennaux, qu'ils disent aujourd'hui ne plus pouvoir modifier. Je le dis, car il va falloir clarifier la situation auprès de ce fournisseur, dont le nom est composé de trois lettres et dont on parle beaucoup aujourd'hui.
Vous l'avez dit, soit le fournisseur reverra ses conditions – on nous dit que cela n'est pas possible ; je l'entends –, soit l'État compensera, mais il faut le dire aujourd'hui, parce que des entreprises sont concernées. L'État doit envoyer un message pour garantir un traitement équitable de toutes les situations, dont les entreprises ne sont pas responsables.
J'attire votre attention sur ce sujet majeur, monsieur le ministre.
Il faut tout de même le rappeler. Il y a une prise de conscience d’une très grande majorité des Français et même des groupes politiques qui forment la gauche aujourd’hui et qui prennent conscience que, si l’on veut vraiment lutter contre le réchauffement climatique, il faut une énergie décarbonée, donc il faut relancer le nucléaire. C’est tout à fait salvateur.
Ce n’est pas parce qu’EDF n’était pas une entreprise nationale qu’elle se trouve dans cette situation aujourd’hui.
Deux amendements portant sur l'Arenh ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.
Nous pensons qu'il est souhaitable, d'une part, de limiter le volume de l'Arenh à 100 térawattheures et, d'autre part, de permettre le passage de 42 euros à 49, 5 euros. EDF a besoin de ressources financières, en particulier pour financer ses investissements. Depuis la loi d'août 2022 et l'avis du Conseil d'État sur la nécessité, ou pas, de notifier l'évolution des prix à l'Union européenne, il est possible de procéder à cette révision absolument nécessaire.
Quand le Gouvernement va-t-il procéder à cette révision, qui est en théorie possible depuis le 1er janvier 2023 ?
Je n'ai pas le temps de répondre à mon collègue Lurel, mais comme lui, je pense que nous avons besoin d'une filière nucléaire brillante qui permette de céder de l'électricité à nos voisins.
Je reviens à présent sur les trois amendements de M. Gay et, plus globalement, sur l'article 3 bis.
Évidemment, on ne peut qu'être favorable, sur le principe, à l'extension du tarif réglementé. C'est difficile d'être contre. Cependant, il nous faut aussi être responsables, en particulier quand on est membre de la commission des finances.
Je mets aux voix l’amendement n° 4.
On parle tout de même d'argent public ! On peut évidemment étendre à tout le monde le tarif réglementé, nous y sommes tous favorables, mais cela aurait un impact sur les finances publiques.
À ce stade, je formulerai trois remarques.
Premièrement, comme l'a rappelé le ministre, l'article 3 bis ne figurait pas dans le texte initial. Les auteurs font ce qu'ils veulent, mais il n'en reste pas moins qu'il ressemble fortement à un cavalier législatif, cet article n'ayant rien à voir avec le texte initial relatif à la nationalisation d'EDF.
Deuxièmement, il est incontestable, comme j'ai eu l'occasion d'en discuter avec le président de la commission des finances et comme vient de le dire le ministre, que c'est le contribuable qui paiera à la fin.
Même si, pour des raisons de procédure, on peut plaider le contraire, cet article aurait dû être déclaré irrecevable au titre de l'article 40, puisqu'il grève nécessairement les finances publiques.
Troisièmement, et cette remarque découle des deux premières, cet article 3 bis n'a rien à faire dans ce texte. Il aurait davantage sa place dans un projet de loi de finances, ce qui nous permettrait de disposer d'une étude d'impact sérieuse sur son coût.
Nous en sommes d'accord, les tarifs réglementés ont existé pendant cinquante ans pour tout le monde, pour les clients résidentiels, les entreprises et les collectivités. Tout le monde y avait accès, et cela fonctionnait plutôt bien. Je n'ai jamais entendu personne s'en plaindre à l'époque.
M. le rapporteur nous oppose les règles européennes. Mais tout le monde demande des dérogations ! Pourquoi ne le faisons-nous pas nous aussi pour protéger nos collectivités et nos petites entreprises et leur donner accès au tarif réglementé ? Il ne s'agit pas de le leur imposer. Si certaines souhaitent conserver des contrats à marché libre, tant mieux pour elles, mais pourquoi ne pas permettre à celles qui voient le montant de leurs factures exploser – les commerçants, en particulier les boulangers, les collectivités – d'accéder à ce tarif ?
J'ajoute que nous n'en sommes encore qu'au début de la crise, qui va encore durer deux ans et demi. Les factures vont continuer de pleuvoir !
Par ailleurs, monsieur le ministre, il va falloir que quelqu'un parle à un moment donné. Au 30 juin, 5 millions de particuliers n'auront plus accès au tarif réglementé du gaz, en pleine crise du gaz. Allons-nous laisser faire cela ou pas ? Allons-nous prendre une initiative, nous en tant que parlementaires, vous en tant que membre du Gouvernement, pour prolonger ces tarifs en pleine crise ? Ou va-t-on laisser les gens plonger avec les prix du marché ? Il faudra répondre à ces questions.
Enfin, monsieur le ministre, vous dites que l'extension du tarif réglementé coûterait cher. Certes, mais lorsque nous avons proposé le retour au tarif réglementé pour toutes les collectivités, on a commencé par nous dire que cela coûterait 60 milliards d'euros. Or une étude a conclu que le coût d'une telle extension s'élèverait à 3, 5 milliards d'euros.
En outre, comme vous l'avez dit, le bouclier tarifaire, le filet de sécurité et l'attribution de volumes d'Arenh supplémentaires ont coûté, pour la seule année dernière, avec des trous dans la raquette, entre 50 et 80 milliards d'euros.
Le retour au tarif réglementé coûterait 3, 5 milliards d'euros, contre les 50 milliards d'euros ou 80 milliards d'euros que vous avez jetés à la poubelle et donnés aux acteurs alternatifs. Voilà la réalité !
Article 3 bis
I. – À la fin du premier alinéa du I de l’article L. 337-7 du code de l’énergie, les mots : «, pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères » sont supprimés.
II. –
Notre groupe votera ces amendements, qui, je l'admets très volontiers, auraient leur place dans un PLF.
J'en profite pour dire à notre collègue Capus qu'il nous prête beaucoup de pouvoir. Je l'en remercie !
Alors qu'on dépense 50 milliards d'euros pour le grand carénage, 56 milliards d'euros pour six EPR, selon l'estimation gouvernementale – alors que l'EPR 1 coûte 19 milliards d'euros, on va en faire six pour 56 milliards ! – et que la dette d'EDF atteint 64 milliards d'euros – c'est un tout petit peu d'argent ! –, il me paraît tout à fait acceptable de dépenser 3 milliards d'euros pour l'extension des tarifs réglementés !
Supprimé
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 16, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 337-6 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« Les tarifs réglementés de vente d’électricité sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques du mix de production français et des coûts liés à ces productions, des importations et exportations, des coûts d’acheminement de l’électricité, des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération normale de l’activité de fourniture. »
II. – L’ensemble des consommateurs finals domestiques et non domestiques peuvent souscrire une offre aux tarifs réglementés définis à l’article L. 337-6 du code de l’énergie.
La parole est à M. Fabien Gay.
Le Gouvernement pense – il l'a dit à l'Assemblée nationale – que cet article est un cavalier et qu'il aurait pu ou dû être déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Mais nous ne nous immisçons pas dans les discussions de la commission des finances de l'Assemblée nationale ni dans celles, évidemment, de la commission des finances du Sénat. Nous nous réservons toutefois le droit de porter éventuellement cette controverse devant le Conseil constitutionnel. Nous verrons !
Monsieur Gay, vous voudrez bien m'excuser de ne pas vous répondre sur le gaz. Nous consacrons déjà beaucoup de temps à l'électricité aujourd'hui. Vous aurez l'occasion en temps voulu de discuter dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie de tous ces sujets importants, de la manière dont on doit envisager la fourniture d'électricité, de gaz et, plus généralement, d'énergie en France pour les années qui viennent.
Permettez-moi à présent de vous donner quelques chiffres sur le coût des différents dispositifs.
Le bouclier tarifaire pour les particuliers, les TPE et les petites collectivités qui disposent d'un compteur électrique d'une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères, bouclier que vous proposez d'étendre aujourd'hui à toutes les TPE, a permis de limiter à 15 % la hausse des prix, au lieu de 120 %, sur deux ans. Le coût pour les finances publiques s'est élevé à 30 milliards d'euros en 2022 et à 45 milliards d'euros en 2023.
Pour répondre à votre question, monsieur Husson, on a adopté, sur la suggestion d'un certain nombre d'entre vous, un prix de l'électricité ne pouvant pas dépasser 280 euros le mégawattheure pour toutes les TPE ayant eu la malchance de de devoir renouveler leur contrat à l'automne dernier et qui se sont retrouvées à négocier, le couteau sous la gorge, des contrats prévoyant des tarifs supérieurs à ceux qui étaient les leurs auparavant.
Ces 280 euros le mégawattheure sont intégrés en moyenne dans les factures qui sont actuellement envoyées par les fournisseurs d'énergie, y compris aux boulangers ou à d'autres TPE concernées.
Nous avons aussi adopté un amortisseur électricité pour les PME et pour les collectivités territoriales. Il est un peu compliqué, mais compatible avec la réglementation européenne. Nous prenons en charge 50 % du surcoût au-delà de 180 euros le mégawattheure, pour un coût de 2 à 3 milliards d'euros pour la collectivité nationale.
Enfin, pour ce qu'on appelle les énergo-intensifs, soit les plus grandes entreprises consommant beaucoup d'énergie, un guichet a été mis en place. Il permet aujourd'hui à un certain nombre d'entreprises de faire valoir la hausse de leur facture d'électricité ou de gaz et de demander des aides. À ce stade, 250 millions d'euros ont été attribués en quelques semaines. Une accélération assez forte a été constatée depuis dix jours, alors qu'arrivent les factures de 2023.
Sur votre suggestion, nous avons adopté à l'été 2022 un filet de sécurité de 430 millions d'euros pour les collectivités dans le cadre de la loi de finances rectificative.
Bref, tout cela nous coûte beaucoup d'argent. On peut en être fiers, parce que le taux de l'inflation en France est inférieur à celui des autres pays européens et que les entreprises ont plutôt bien passé la crise, contrairement à nos craintes. Soyons tout de même conscients que tout cela, je le répète, nous coûte beaucoup d'argent.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 13, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 337-8 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 337 -8. Les tarifs réglementés de vente de l’électricité mentionnés à l’article L. 337-1 bénéficient, à leur demande :
« 1° Aux consommateurs finals domestiques et non domestiques pour leurs sites situés dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental ;
« 2° Aux consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n’excèdent pas 2 millions d’euros ;
« 3° Aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics ;
« 4° Aux consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de 250 personnes, qui ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros. »
J’appelle également en discussion l’amendement n° 12, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le même article L. 337-7 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Par dérogation au présent article, les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics bénéficient à leur demande des tarifs réglementés de vente d’électricité mentionnés à l’article L. 337-1. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
L'amendement n'est pas adopté.
Ces amendements ont tous trois pour objet le retour aux tarifs réglementés.
L’amendement n° 16 tend à revenir sur le mode de calcul du TRVE.
L’amendement n° 13 vise à élargir le bénéfice du TRVE à toutes les collectivités et TPE-PME.
L’amendement n° 12 est un amendement de repli concernant les collectivités.
Il y a évidemment un lien de cause à effet entre le TRVE et l’Arenh. Sur les 60 milliards d’euros d’endettement d’EDF, il faudra d’ailleurs définir la part réelle de l’Arenh, qui a été votée en 2010 dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite Nome. Je ne crois d’ailleurs pas qu’à l’époque le gouvernement était socialiste !
L’Arenh pose question. Et pour répondre à l’interpellation de M. le rapporteur, il est vrai qu’il y a des acteurs alternatifs qui produisent. Pour autant, sur les quatre-vingt-dix qui existent aujourd’hui, il n’y en a véritablement que deux : Engie et TotalEnergies ; tous les autres sont des facturateurs et sont en réalité des suceurs de sang d’EDF.
Ces amendements ont tous trois pour objet le retour aux tarifs réglementés.
L’amendement n° 16 tend à revenir sur le mode de calcul du TRVE.
L’amendement n° 13 vise à élargir le bénéfice du TRVE à toutes les collectivités et TPE-PME.
L’amendement n° 12 est un amendement de repli concernant les collectivités.
Il y a évidemment un lien de cause à effet entre le TRVE et l’Arenh. Sur les 60 milliards d’euros d’endettement d’EDF, il faudra d’ailleurs définir la part réelle de l’Arenh, qui a été votée en 2010 dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi Nome. Je ne crois d’ailleurs pas qu’à l’époque le gouvernement était socialiste !
L’Arenh pose question. Et pour répondre à l’interpellation de M. le rapporteur, il est vrai qu’il y a des acteurs alternatifs qui produisent. Pour autant, sur les quatre-vingt-dix qui existent aujourd’hui, il n’y en a véritablement que deux : Engie et TotalEnergies ; tous les autres sont des facturateurs et sont en réalité des suceurs de sang d’EDF.
L'amendement n'est pas adopté.
Si l’on suspendait l’Arenh, ces quatre-vingt-huit acteurs alternatifs tomberaient. D’ailleurs, il n’y a pas que le groupe communiste ou Fabien Gay qui le demande : M. Antoine Armand, député du groupe Renaissance et rapporteur de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, demande lui aussi la suspension très rapide de l’Arenh.
Ceux qui se penchent sur la question se rendent compte de l’ineptie de ce système et demandent non pas sa rénovation, mais sa suspension.
J’en viens au retour au tarif réglementé. Les gens doivent savoir que, plus il y a d’Arenh, moins il y a d’écrêtement. C’est pourquoi les acteurs alternatifs doivent aujourd’hui se fournir à hauteur de 70 % auprès de l’Arenh à 40 euros le mégawattheure et, pour le reste, sur le marché. Comme les prix ont dévissé, le mégawattheure a parfois atteint cette année 200, 300 400, 500 euros, avec un pic à 1 200 euros au mois d’août dernier.
Depuis cinq ans, le problème, ce n’est pas l’empilement des coûts et le coût réel, c’est que l’on prend en compte pour l’augmentation du tarif réglementé la partie du taux d’écrêtement pour les acteurs alternatifs qui doivent se fournir sur le marché. Par conséquent, le tarif réglementé ne reflète pas le coût réel de l’énergie, mais sert à payer les dividendes des actionnaires des acteurs alternatifs. En d’autres termes, le tarif réglementé augmente non pas en fonction des cours réels, mais sur cette part d’écrêtement, donc sur le trading du marché. Voilà la réalité !
C’est pour cela que le prix dévisse depuis cinq ans et que le tarif réglementé, même s’il a particulièrement augmenté ces deux dernières années, ne cesse d’augmenter – tous les six mois ! – depuis 2017.
Il faut en revenir à un tarif réglementé qui s’applique sur les coûts et il faut en finir avec l’Arenh qui rackette, d’un côté, EDF et, de l’autre, les usagers !
Si l’on suspendait l’Arenh, ces quatre-vingt-huit acteurs alternatifs tomberaient. D’ailleurs, il n’y a pas que le groupe communiste ou Fabien Gay qui le demande : M. Antoine Armand, député du groupe Renaissance et rapporteur de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, demande lui aussi la suspension très rapide de l’Arenh.
Ceux qui se penchent sur la question se rendent compte de l’ineptie de ce système et demandent non pas sa rénovation, mais sa suspension.
J’en viens au retour au tarif réglementé. Les gens doivent savoir que, plus il y a d’Arenh, moins il y a d’écrêtement. C’est pourquoi les acteurs alternatifs doivent aujourd’hui se fournir à hauteur de 70 % auprès de l’Arenh à 40 euros le mégawattheure et, pour le reste, sur le marché. Comme les prix ont dévissé, le mégawattheure a parfois atteint cette année 200, 300, 400, 500 euros, avec un pic à 1 200 euros au mois d’août dernier.
Depuis cinq ans, le problème, ce n’est pas l’empilement des coûts et le coût réel, c’est que l’on prend en compte pour l’augmentation du tarif réglementé la partie du taux d’écrêtement pour les acteurs alternatifs qui doivent se fournir sur le marché. Par conséquent, le tarif réglementé ne reflète pas le coût réel de l’énergie, mais sert à payer les dividendes des actionnaires des acteurs alternatifs. En d’autres termes, le tarif réglementé augmente non pas en fonction des cours réels, mais sur cette part d’écrêtement, donc sur le trading du marché. Voilà la réalité !
C’est pour cela que le prix dévisse depuis cinq ans et que le tarif réglementé, même s’il a particulièrement augmenté ces deux dernières années, ne cesse d’augmenter – tous les six mois ! – depuis 2017.
Il faut en revenir à un tarif réglementé qui s’applique sur les coûts et il faut en finir avec l’Arenh qui rackette, d’un côté, EDF et, de l’autre, les usagers !
L'amendement n'est pas adopté.
La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements, dont les objets sont en contradiction avec les règles européennes, c’est-à-dire avec les accords gouvernementaux transposés en droit français, en particulier dans le code de l’énergie, sur la capacité d’ouvrir les TRVE à l’ensemble des consommateurs.
Sont éligibles au TRVE les résidentiels, c’est-à-dire les particuliers, et les entreprises dès lors qu’elles ont moins de dix salariés et dégagent moins de 2 millions de chiffre d’affaires. Évidemment, on a envie d’aider tout le monde, sauf que c’est assez coûteux.
M. le ministre délégué acquiesce.
L'article 3
Par ailleurs, l’adoption de ces amendements supposerait de casser des contrats qui sont actuellement établis entre des entreprises et des fournisseurs alternatifs privés.
Si la loi obligeait ces fournisseurs à prendre en charge des TRVE et si les contrats grâce auxquels ils gagnent leur vie étaient cassés afin de les obliger à vendre leur électricité moins chère – nous verrons ce que signifie : « moins cher » –, ils seraient alors fondés à demander au Gouvernement de les rembourser. Cela coûterait bonbon !
Enfin, le TRVE est calculé par la CRE par un empilement et par un jeu assez complexe, en effet, de lissage dans le temps. Nous ne pourrions avoir ces prix que dans une perspective assez longue ; Mme Lavarde, qui connaît le sujet mieux que moi, pourrait l’expliquer. Il faut un recul d’environ douze mois pour pouvoir établir des TRVE nouveaux.
Le système est donc non praticable. C’est la raison pour laquelle je propose de supprimer les 36 kVA dans le cadre de l’Europe.
L'amendement n° 15, présenté par M. Gay et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 août 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant avec précision le coût du bouclier tarifaire.
La parole est à M. Fabien Gay.
Même avis.
J’ajoute que cet article, qui étendait le TRVE à tous les consommateurs, a été adopté en commission à l’Assemblée nationale. Vous n’y êtes pour rien, il vous a été soumis, mais il reste pour nous un cavalier, car il est sans rapport avec le schmilblick, si je puis m’exprimer ainsi. Cela étant, il est là ; il nous faut donc en discuter.
C’est vrai que vous avez limité le coût de cet article en réservant ses effets aux TPE, qu’elles soient consommatrices individuelles, comme vous et moi, ou consommatrices intensives, comme certains boulangers, dont on a beaucoup parlé.
Je comprends la logique de cet article. Il est moins coûteux, évidemment, que la version votée par l’Assemblée nationale. Et c’est vrai qu’il existe une incertitude sur son coût, tout simplement parce que ce type de dispositif est exposé au marché. Son coût varie donc toutes les semaines en fonction du prix de marché. C’est d’ailleurs le danger : vous exposez soit les finances d’EDF, si c’est elle qui paie, soit celles de l’État, au coût de marché, qui, on l’a vu depuis un an et demi, est extrêmement volatil.
La suppression du plafond du TRVE pour toutes les entreprises représenterait un coût de l’ordre de 20 milliards d’euros. Je l’avais estimé à 18 milliards d’euros à l’Assemblée nationale, parce que l’écart entre le prix de marché et le TRVE était alors de l’ordre de 200 euros le mégawattheure, pour une consommation de l’ensemble des entreprises concernées par l’amendement de Philippe Brun de l’ordre de 100 térawattheures.
Aujourd’hui, votre amendement coûte moins cher, pour deux raisons : d’abord, vous limitez ses effets, avec une consommation de l’ordre de 20 térawattheures ; ensuite, l’écart a lui aussi diminué, parce que le prix de marché a baissé. J’évalue son coût aujourd’hui à environ un milliard d’euros – il y a 50 euros d’écart entre le TRVE et le prix du marché – pour environ 20 térawattheures.
Si demain ou après-demain, le prix de marché explosait, il coûterait deux, trois, quatre, cinq, six ou sept milliards d’euros et il faudrait alors que l’on en assume les conséquences, soit directement sur les comptes d’EDF, dont on souhaite aujourd’hui tous qu’elle soit préservée, soit sur les comptes de l’État, dont on reconnaîtra tous, je pense, qu’ils ne sont pas dans un état fantastique.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement était défavorable à la généralisation du TRVE et a préféré mettre en place des aides énergétiques, qui ont, certes, été critiquées, mais dont il faut reconnaître aujourd’hui qu’elles fonctionnent. On a dépensé environ 250 millions d’euros au titre du guichet ouvert depuis le mois de janvier et entre 50 milliards d’euros et 80 milliards d’euros pour le bouclier tarifaire. Nous avons beaucoup aidé les ménages, les entreprises, y compris les énergo-intensives. Nous allons continuer de le faire. Je préfère qu’on le fasse dans le cadre actuel plutôt que dans celui de cet article.
Cet amendement vise à demander la remise d'un rapport, même si je sais que le Sénat n'en est pas friand, sur le coût du bouclier tarifaire. Vous venez de nous indiquer de premiers chiffres, monsieur le ministre, mais nous avons du mal à avoir les montants exacts. Pouvez-vous nous confirmer qu'il a coûté 20 milliards d'euros en 2022 et qu'il coûtera 37 milliards d'euros en 2023 ?
Pour que tout le monde comprenne, j'indique que l'État indemnise les acteurs alternatifs en leur donnant de l'argent public pour qu'ils appliquent le bouclier tarifaire.
Ainsi, les boulangers avaient un contrat au tarif de 40 euros, 50 euros ou 60 euros le mégawattheure. Lorsque leur facture a explosé, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a réuni les énergéticiens et leur a dit que leurs contrats ne devaient pas prévoir un tarif supérieur à 280 euros le mégawattheure.
Or les énergéticiens achètent 70 % de l'énergie qu'ils revendent au prix de 42 euros. Même s'ils achetaient les 30 % restants au prix de 900 euros le mégawattheure, ils feraient tout de même des bénéfices !
Comme cela ne suffit pas, que fait le Gouvernement ? Il indemnise les acteurs alternatifs et leur donne de l'argent public pour qu'ils appliquent le bouclier tarifaire !
Le boulanger, comme n'importe quel commerçant, comme n'importe quel chef d'entreprise, comme n'importe quel usager, est racketté deux fois, du fait de l'augmentation de sa facture électrique et, en tant que contribuable, parce qu'il donne de l'argent aux énergéticiens.
Cette affaire a coûté près de 50 milliards d'euros en deux ans. C'est un pur scandale, qu'il faut dénoncer !
Je tiens à répondre sur un point à notre excellent collègue Capus.
En 1996, la déréglementation n’a pas été décidée par les socialistes ; elle a été prévue dans une directive européenne. Idem en 2003 et en 2009. En 2010, la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (Nome) a mis en place trois dispositifs, dont l’Arenh, le mécanisme de capacité et les TRV. Ce n’était pas nous ! Il me semble que le Gouvernement était alors de votre couleur politique. Les responsabilités sont partagées ; on le sait bien.
Alors qu’EDF a aujourd’hui, et depuis toujours, des problèmes, il faut revoir le système lui-même, en particulier les marchés électriques en Europe.
Je tiens à répondre sur un point à notre excellent collègue Capus.
En 1996, la déréglementation n’a pas été décidée par les socialistes ; elle a été prévue dans une directive européenne. Idem en 2003 et en 2009. En 2010, la loi Nome a mis en place trois dispositifs, dont l’Arenh, le mécanisme de capacité et les TRV. Ce n’était pas nous ! Il me semble que le Gouvernement était alors de votre couleur politique. Les responsabilités sont partagées ; on le sait bien.
Alors qu’EDF a aujourd’hui, et depuis toujours, des problèmes, il faut revoir le système lui-même, en particulier les marchés électriques en Europe.
Nous ne sommes pas favorables à cet amendement, pour une raison très simple : nous souhaitons faire nous-mêmes le rapport que cet amendement tend à demander au Gouvernement.
L'indépendance du Sénat s'exprime à travers le travail de ses rapporteurs. Il se trouve que la commission des finances, dont je salue le président, a demandé au rapporteur spécial Christine Lavarde d'effectuer un contrôle budgétaire sur cette affaire.
Il y a des perdants et des gagnants. On aimerait savoir comment et dans quelles proportions les gagnants apportent leur contribution à l'État. Vous aviez évoqué cette question lors des débats budgétaires. Si le prix augmente, certaines entreprises gagnent plus que d'habitude, sans nécessairement – vous avez raison, monsieur Gay – avoir dépensé en proportion.
Il faut avoir le courage de dire ici et ailleurs que, contrairement à ce qui a été fait depuis 1946 et en 1974 par Pierre Messmer, la stratégie qui a été adoptée nous rend tributaires de l’Allemagne et d’autres concurrents. Il faut le dire !
L’avantage que nous avions dans le nucléaire profite à d’autres, et on n’ose pas le dire. On vient de perdre le combat de la taxonomie, les réacteurs classiques n’y seront pas intégrés, ce qui ne permettra pas l’accès de la filière à des subventions publiques. Nous avions pourtant mené un combat homérique en ce sens. Aujourd’hui, nous menons un combat d’arrière-garde.
C’est la raison pour laquelle faire d’EDF une entreprise nationale, intégrée, verticale, publique et unifiée est une urgence mobilisatrice pour les Français que nous sommes.
Les producteurs d'énergie renouvelable, tant mieux pour eux, ne sont absolument pas tributaires du prix de l'énergie fossile. En outre, vous le savez – je ne reviens par sur les démembrements –, le recours aux énergies renouvelables est prioritaire. Ces producteurs vendent leur mégawattheure à un prix délirant et empochent tranquillement les bénéfices. Je pense qu'ils doivent en restituer une partie.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances a confié à Mme Lavarde la mission d'approfondir ce sujet.
Monsieur le ministre, je souhaite me faire confirmer ce que vous avez dit sur le TRV, le tarif de marché et la grande fluctuation des prix. Vous avez évoqué les boulangers, mais ils ne sont malheureusement pas les seuls concernés.
Je pense qu’il est important d’envoyer un message aux publics concernés. Un certain nombre de fournisseurs ont écrit à l’automne dernier à leurs abonnés pour leur dire qu’ils ne pouvaient plus pratiquer les tarifs qui les liaient de manière contractuelle. Les prix se sont envolés et ont été multipliés parfois par cinq, six, sept ou huit, ils leur ont proposé de signer de nouveaux contrats, parfois des contrats triennaux, qu’ils disent aujourd’hui ne plus pouvoir modifier. Je le dis, car il va falloir clarifier la situation auprès de ce fournisseur, dont le nom est composé de trois lettres et dont on parle beaucoup aujourd’hui.
Vous l’avez dit, soit le fournisseur reverra ses conditions – on nous dit que cela n’est pas possible ; je l’entends –, soit l’État compensera, mais il faut le dire aujourd’hui, parce que des entreprises sont concernées. L’État doit envoyer un message pour garantir un traitement équitable de toutes les situations, dont les entreprises ne sont pas responsables.
J’attire votre attention sur ce sujet majeur, monsieur le ministre.
J'émets le même avis que M. le rapporteur.
Je rappelle que, dans le cadre de l'exécution de la loi de finances, vous aurez toute liberté d'examiner ces sujets et de poser toutes les questions que vous souhaitez au Gouvernement.
Je rappelle également au sénateur Gay que c'est le consommateur ultime qui bénéficie de l'Arenh, et non le distributeur, qui vend l'électricité au rabais, au coût de production d'EDF, et dont la marge est très encadrée. Il s'agit de permettre à l'ensemble des consommateurs, y compris aux industriels – j'y tiens – de bénéficier des investissements effectués par la Nation depuis soixante-dix-sept ans et d'une électricité décarbonée, en volume et pas chère.
Je mets aux voix l'amendement n° 15.
Deux amendements portant sur l’Arenh ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution.
Nous pensons qu’il est souhaitable, d’une part, de limiter le volume de l’Arenh à 100 térawattheures et, d’autre part, de permettre le passage de 42 euros à 49, 5 euros. EDF a besoin de ressources financières, en particulier pour financer ses investissements. Depuis la loi d’août 2022 et l’avis du Conseil d’État sur la nécessité, ou pas, de notifier l’évolution des prix à l’Union européenne, il est possible de procéder à cette révision absolument nécessaire.
Quand le Gouvernement va-t-il procéder à cette révision, qui est en théorie possible depuis le 1er janvier 2023 ?
Deux amendements portant sur l’Arenh ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution.
Nous pensons qu’il est souhaitable, d’une part, de limiter le volume de l’Arenh à 100 térawattheures et, d’autre part, de permettre le passage de 42 euros à 49, 5 euros. EDF a besoin de ressources financières, en particulier pour financer ses investissements. Depuis la loi d’août 2022 et l’avis du Conseil d’État sur la nécessité, ou non, de notifier l’évolution des prix à l’Union européenne, il est possible de procéder à cette révision absolument nécessaire.
Quand le Gouvernement va-t-il procéder à cette révision, qui est en théorie possible depuis le 1er janvier 2023 ?
Je n’ai pas le temps de répondre à mon collègue Lurel, mais comme lui, je pense que nous avons besoin d’une filière nucléaire brillante qui permette de céder de l’électricité à nos voisins.
Je reviens à présent sur les trois amendements de M. Gay et, plus globalement, sur l’article 3 bis.
Évidemment, on ne peut qu’être favorable, sur le principe, à l’extension du tarif réglementé. C’est difficile d’être contre. Cependant, il nous faut aussi être responsables, en particulier quand on est membre de la commission des finances.
Mon appel au règlement se fonde sur l'article 44 bis du règlement du Sénat et sur l'exigence de sincérité des débats. Cela rappellera des souvenirs à certains !
À la suite d'une incompréhension, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a voté contre l'article 3 bis, alors qu'il souhaitait voter pour. Est-il possible de procéder à une seconde délibération ?
On parle tout de même d’argent public ! On peut évidemment étendre à tout le monde le tarif réglementé, nous y sommes tous favorables, mais cela aurait un impact sur les finances publiques.
À ce stade, je formulerai trois remarques.
Premièrement, comme l’a rappelé le ministre, l’article 3 bis ne figurait pas dans le texte initial. Les auteurs font ce qu’ils veulent, mais il n’en reste pas moins qu’il ressemble fortement à un cavalier législatif, cet article n’ayant rien à voir avec le texte initial relatif à la nationalisation d’EDF.
Deuxièmement, il est incontestable, comme j’ai eu l’occasion d’en discuter avec le président de la commission des finances et comme vient de le dire le ministre, que c’est le contribuable qui paiera à la fin.
Même si, pour des raisons de procédure, on peut plaider le contraire, cet article aurait dû être déclaré irrecevable au titre de l’article 40, puisqu’il grève nécessairement les finances publiques.
Troisièmement, et cette remarque découle des deux premières, cet article 3 bis n’a rien à faire dans ce texte. Il aurait davantage sa place dans un projet de loi de finances, ce qui nous permettrait de disposer d’une étude d’impact sérieuse sur son coût.
On parle tout de même d’argent public ! On peut évidemment étendre à tout le monde le tarif réglementé, nous y sommes tous favorables, mais cela aurait un impact sur les finances publiques.
À ce stade, je formulerai trois remarques.
Premièrement, comme l’a rappelé le ministre, l’article 3 bis ne figurait pas dans le texte initial. Les auteurs font ce qu’ils veulent, mais il n’en reste pas moins qu’il ressemble fortement à un cavalier législatif, cet article n’ayant rien à voir avec le texte initial relatif à la nationalisation d’EDF.
Deuxièmement, il est incontestable, comme j’ai eu l’occasion d’en discuter avec le président de la commission des finances et comme vient de le dire le ministre, que c’est le contribuable qui paiera à la fin.
Même si, pour des raisons de procédure, on peut plaider le contraire, cet article aurait dû être déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, puisqu’il grève nécessairement les finances publiques.
Troisièmement, et cette remarque découle des deux premières, cet article 3 bis n’a rien à faire dans ce texte. Il aurait davantage sa place dans un projet de loi de finances, ce qui nous permettrait de disposer d’une étude d’impact sérieuse sur son coût.
Nous en sommes d’accord, les tarifs réglementés ont existé pendant cinquante ans pour tout le monde, pour les clients résidentiels, les entreprises et les collectivités. Tout le monde y avait accès, et cela fonctionnait plutôt bien. Je n’ai jamais entendu personne s’en plaindre à l’époque.
M. le rapporteur nous oppose les règles européennes. Mais tout le monde demande des dérogations ! Pourquoi ne le faisons-nous pas nous aussi pour protéger nos collectivités et nos petites entreprises et leur donner accès au tarif réglementé ? Il ne s’agit pas de le leur imposer. Si certaines souhaitent conserver des contrats à marché libre, tant mieux pour elles, mais pourquoi ne pas permettre à celles qui voient le montant de leurs factures exploser – les commerçants, en particulier les boulangers, les collectivités – d’accéder à ce tarif ?
J’ajoute que nous n’en sommes encore qu’au début de la crise, qui va encore durer deux ans et demi. Les factures vont continuer de pleuvoir !
Par ailleurs, monsieur le ministre, il va falloir que quelqu’un parle à un moment donné. Au 30 juin, 5 millions de particuliers n’auront plus accès au tarif réglementé du gaz, en pleine crise du gaz. Allons-nous laisser faire cela ou pas ? Allons-nous prendre une initiative, nous en tant que parlementaires, vous en tant que membre du Gouvernement, pour prolonger ces tarifs en pleine crise ? Ou va-t-on laisser les gens plonger avec les prix du marché ? Il faudra répondre à ces questions.
Enfin, monsieur le ministre, vous dites que l’extension du tarif réglementé coûterait cher. Certes, mais lorsque nous avons proposé le retour au tarif réglementé pour toutes les collectivités, on a commencé par nous dire que cela coûterait 60 milliards d’euros. Or une étude a conclu que le coût d’une telle extension s’élèverait à 3, 5 milliards d’euros.
En outre, comme vous l’avez dit, le bouclier tarifaire, le filet de sécurité et l’attribution de volumes d’Arenh supplémentaires ont coûté, pour la seule année dernière, avec des trous dans la raquette, entre 50 et 80 milliards d’euros.
Le retour au tarif réglementé coûterait 3, 5 milliards d’euros, contre les 50 milliards d’euros ou 80 milliards d’euros que vous avez jetés à la poubelle et donnés aux acteurs alternatifs. Voilà la réalité !
L'amendement n° 5, présenté par MM. Lurel, Montaugé, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le calendrier et les étapes de mise en œuvre d'une nationalisation de la société Électricité de Mayotte, dont Électricité de France est actionnaire minoritaire.
La parole est à M. Victorin Lurel.
Notre groupe votera ces amendements, qui, je l’admets très volontiers, auraient leur place dans un PLF.
J’en profite pour dire à notre collègue Capus qu’il nous prête beaucoup de pouvoir. Je l’en remercie !
Alors qu’on dépense 50 milliards d’euros pour le grand carénage, 56 milliards d’euros pour six EPR, selon l’estimation gouvernementale – alors que l’EPR 1 coûte 19 milliards d’euros, on va en faire six pour 56 milliards ! – et que la dette d’EDF atteint 64 milliards d’euros – c’est un tout petit peu d’argent ! –, il me paraît tout à fait acceptable de dépenser 3 milliards d’euros pour l’extension des tarifs réglementés !
Le Gouvernement pense – il l’a dit à l’Assemblée nationale – que cet article est un cavalier et qu’il aurait pu ou dû être déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Mais nous ne nous immisçons pas dans les discussions de la commission des finances de l’Assemblée nationale ni dans celles, évidemment, de la commission des finances du Sénat. Nous nous réservons toutefois le droit de porter éventuellement cette controverse devant le Conseil constitutionnel. Nous verrons !
Monsieur Gay, vous voudrez bien m’excuser de ne pas vous répondre sur le gaz. Nous consacrons déjà beaucoup de temps à l’électricité aujourd’hui. Vous aurez l’occasion en temps voulu de discuter dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie de tous ces sujets importants, de la manière dont on doit envisager la fourniture d’électricité, de gaz et, plus généralement, d’énergie en France pour les années qui viennent.
Permettez-moi à présent de vous donner quelques chiffres sur le coût des différents dispositifs.
Le bouclier tarifaire pour les particuliers, les TPE et les petites collectivités qui disposent d’un compteur électrique d’une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères, bouclier que vous proposez d’étendre aujourd’hui à toutes les TPE, a permis de limiter à 15 % la hausse des prix, au lieu de 120 %, sur deux ans. Le coût pour les finances publiques s’est élevé à 30 milliards d’euros en 2022 et à 45 milliards d’euros en 2023.
Pour répondre à votre question, monsieur Husson, on a adopté, sur la suggestion d’un certain nombre d’entre vous, un prix de l’électricité ne pouvant pas dépasser 280 euros le mégawattheure pour toutes les TPE ayant eu la malchance de de devoir renouveler leur contrat à l’automne dernier et qui se sont retrouvées à négocier, le couteau sous la gorge, des contrats prévoyant des tarifs supérieurs à ceux qui étaient les leurs auparavant.
Ces 280 euros le mégawattheure sont intégrés en moyenne dans les factures qui sont actuellement envoyées par les fournisseurs d’énergie, y compris aux boulangers ou à d’autres TPE concernées.
Nous avons aussi adopté un amortisseur électricité pour les PME et pour les collectivités territoriales. Il est un peu compliqué, mais compatible avec la réglementation européenne. Nous prenons en charge 50 % du surcoût au-delà de 180 euros le mégawattheure, pour un coût de 2 à 3 milliards d’euros pour la collectivité nationale.
Enfin, pour ce qu’on appelle les énergo-intensifs, soit les plus grandes entreprises consommant beaucoup d’énergie, un guichet a été mis en place. Il permet aujourd’hui à un certain nombre d’entreprises de faire valoir la hausse de leur facture d’électricité ou de gaz et de demander des aides. À ce stade, 250 millions d’euros ont été attribués en quelques semaines. Une accélération assez forte a été constatée depuis dix jours, alors qu’arrivent les factures de 2023.
Sur votre suggestion, nous avons adopté à l’été 2022 un filet de sécurité de 430 millions d’euros pour les collectivités dans le cadre de la loi de finances rectificative.
Bref, tout cela nous coûte beaucoup d’argent. On peut en être fiers, parce que le taux de l’inflation en France est inférieur à celui des autres pays européens et que les entreprises ont plutôt bien passé la crise, contrairement à nos craintes. Soyons tout de même conscients que tout cela, je le répète, nous coûte beaucoup d’argent.
Le Gouvernement pense – il l’a dit à l’Assemblée nationale – que cet article est un cavalier et qu’il aurait pu ou dû être déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Mais nous ne nous immisçons pas dans les discussions de la commission des finances de l’Assemblée nationale ni dans celles, évidemment, de la commission des finances du Sénat. Nous nous réservons toutefois le droit de porter éventuellement cette controverse devant le Conseil constitutionnel. Nous verrons !
Monsieur Gay, vous voudrez bien m’excuser de ne pas vous répondre sur le gaz. Nous consacrons déjà beaucoup de temps à l’électricité aujourd’hui. Vous aurez l’occasion en temps voulu de discuter dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie de tous ces sujets importants, de la manière dont on doit envisager la fourniture d’électricité, de gaz et, plus généralement, d’énergie en France pour les années qui viennent.
Permettez-moi à présent de vous donner quelques chiffres sur le coût des différents dispositifs.
Le bouclier tarifaire pour les particuliers, les TPE et les petites collectivités qui disposent d’un compteur électrique d’une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères, bouclier que vous proposez d’étendre aujourd’hui à toutes les TPE, a permis de limiter à 15 % la hausse des prix, au lieu de 120 %, sur deux ans. Le coût pour les finances publiques s’est élevé à 30 milliards d’euros en 2022 et à 45 milliards d’euros en 2023.
Pour répondre à votre question, monsieur Husson, on a adopté, sur la suggestion d’un certain nombre d’entre vous, un prix de l’électricité ne pouvant pas dépasser 280 euros le mégawattheure pour toutes les TPE ayant eu la malchance de devoir renouveler leur contrat à l’automne dernier et qui se sont retrouvées à négocier, le couteau sous la gorge, des contrats prévoyant des tarifs supérieurs à ceux qui étaient les leurs auparavant.
Ces 280 euros le mégawattheure sont intégrés en moyenne dans les factures qui sont actuellement envoyées par les fournisseurs d’énergie, y compris aux boulangers ou à d’autres TPE concernées.
Nous avons aussi adopté un amortisseur électricité pour les PME et pour les collectivités territoriales. Il est un peu compliqué, mais compatible avec la réglementation européenne. Nous prenons en charge 50 % du surcoût au-delà de 180 euros le mégawattheure, pour un coût de 2 à 3 milliards d’euros pour la collectivité nationale.
Enfin, pour ce qu’on appelle les énergo-intensifs, soit les plus grandes entreprises consommant beaucoup d’énergie, un guichet a été mis en place. Il permet aujourd’hui à un certain nombre d’entreprises de faire valoir la hausse de leur facture d’électricité ou de gaz et de demander des aides. À ce stade, 250 millions d’euros ont été attribués en quelques semaines. Une accélération assez forte a été constatée depuis dix jours, alors qu’arrivent les factures de 2023.
Sur votre suggestion, nous avons adopté à l’été 2022 un filet de sécurité de 430 millions d’euros pour les collectivités dans le cadre de la loi de finances rectificative.
Bref, tout cela nous coûte beaucoup d’argent. On peut en être fiers, parce que le taux de l’inflation en France est inférieur à celui des autres pays européens et que les entreprises ont plutôt bien passé la crise, contrairement à nos craintes. Soyons tout de même conscients que tout cela, je le répète, nous coûte beaucoup d’argent.
Le Gouvernement pense – il l’a dit à l’Assemblée nationale – que cet article est un cavalier et qu’il aurait pu ou dû être déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Mais nous ne nous immisçons pas dans les discussions de la commission des finances de l’Assemblée nationale ni dans celles, évidemment, de la commission des finances du Sénat. Nous nous réservons toutefois le droit de porter éventuellement cette controverse devant le Conseil constitutionnel. Nous verrons !
Monsieur Gay, vous voudrez bien m’excuser de ne pas vous répondre sur le gaz. Nous consacrons déjà beaucoup de temps à l’électricité aujourd’hui. Vous aurez l’occasion en temps voulu de discuter dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie de tous ces sujets importants, de la manière dont on doit envisager la fourniture d’électricité, de gaz et, plus généralement, d’énergie en France pour les années qui viennent.
Permettez-moi à présent de vous donner quelques chiffres sur le coût des différents dispositifs.
Le bouclier tarifaire pour les particuliers, les TPE et les petites collectivités qui disposent d’un compteur électrique d’une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères, bouclier que vous proposez d’étendre aujourd’hui à toutes les TPE, a permis de limiter à 15 % la hausse des prix, au lieu de 120 %, sur deux ans. Le coût pour les finances publiques s’est élevé à 30 milliards d’euros en 2022 et à 45 milliards d’euros en 2023.
Pour répondre à votre question, monsieur Husson, on a adopté, sur la suggestion d’un certain nombre d’entre vous, un prix de l’électricité ne pouvant pas dépasser 280 euros le mégawattheure pour toutes les TPE ayant eu la malchance de devoir renouveler leur contrat à l’automne dernier et qui se sont retrouvées à négocier, le couteau sous la gorge, des contrats prévoyant des tarifs supérieurs à ceux qui étaient les leurs auparavant.
Ces 280 euros le mégawattheure sont intégrés en moyenne dans les factures qui sont actuellement envoyées par les fournisseurs d’énergie, y compris aux boulangers ou à d’autres TPE concernées.
Nous avons aussi adopté un amortisseur électricité pour les PME et pour les collectivités territoriales. Il est un peu compliqué, mais compatible avec la réglementation européenne. Nous prenons en charge 50 % du surcoût au-delà de 180 euros le mégawattheure, pour un coût de 2 à 3 milliards d’euros pour la collectivité nationale.
Enfin, pour ce qu’on appelle les énergo-intensifs, soit les plus grandes entreprises consommant beaucoup d’énergie, un guichet a été mis en place. Il permet aujourd’hui à un certain nombre d’entreprises de faire valoir la hausse de leur facture d’électricité ou de gaz et de demander des aides. À ce stade, 250 millions d’euros ont été attribués en quelques semaines. Une accélération assez forte a été constatée depuis dix jours, alors qu’arrivent les factures de 2023.
Sur votre suggestion, nous avons adopté à l’été 2022 un filet de sécurité de 430 millions d’euros pour les collectivités dans le cadre de la loi de finances rectificative.
Bref, tout cela nous coûte beaucoup d’argent. On peut en être fiers, parce que le taux de l’inflation en France est inférieur à celui des autres pays européens et que les entreprises ont plutôt bien passé la crise, contrairement à nos craintes. Soyons tout de même conscients que tout cela, je le répète, nous coûte beaucoup d’argent.
La commission s'en était en effet remise à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
La rédaction nouvelle qui nous est aujourd'hui soumise est un peu particulière. L'amendement tend à prévoir que le rapport porte sur l'intérêt de nationaliser la société Électricité de Mayotte et, simultanément, qu'il fixe un calendrier et les étapes de mise en œuvre de cette nationalisation. Le jugement est porté avant même que l'étude soit engagée, ce qui est un peu contradictoire.
Je suis gêné par la référence au calendrier et aux étapes, qui supposent le problème résolu. Je ne suis donc pas favorable à cette rédaction.
Je mets aux voix l’amendement n° 16.
Nous sommes défavorables à cet amendement, non pas parce que nous sommes contre les rapports – nous adorons les produire, comme vous le savez ! –, mais, d'une part, parce que cette disposition est sans lien avec la nationalisation d'EDF et, d'autre part, parce qu'Électricité de Mayotte, vous le savez, est un opérateur distinct, dans lequel EDF ne détient qu'une participation minoritaire, inférieure à 25 %, l'actionnaire majoritaire étant le département de Mayotte.
Je mets aux voix l’amendement n° 13.
Le rapporteur a tout à fait raison : cette nouvelle rédaction est un peu problématique.
Pour ma part, j'aimerais savoir pourquoi les auteurs de l'amendement s'intéressent à Électricité de Mayotte ? Comme vient de le rappeler justement le ministre, son actionnariat est déjà largement public, cette société étant détenue à 50 % par le département de Mayotte.
Pourquoi ne pas vous être intéressés aux entreprises locales de distribution ? Ces entreprises font sur une partie du territoire national ce que fait aussi EDF.
Pour information, Électricité de Strasbourg est détenue à 88, 64 % par EDF développement et environnement et à 11, 36 % par d'autres actionnaires.
Qu'allez-vous faire de UEM, à Metz, détenue à 85 % par la ville de Metz et à 15 % par la Caisse des dépôts et consignations ?
Je vous épargne la liste de toutes les entreprises locales de distribution, mais j'avoue que je ne comprends pas pourquoi vous vous intéressez à Électricité de Mayotte. En outre, la rédaction de votre amendement est un peu absconse.
Je mets aux voix l’amendement n° 12.
Nous nous sommes intéressés à Électricité de Mayotte, d'abord parce que le territoire de Mayotte est situé dans une zone non interconnectée (ZNI), ensuite, pour des raisons de continuité historique.
En 1975, le président Valéry Giscard d'Estaing a nationalisé les sociétés locales de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion, qui avaient la même structure de capital que celle de Mayotte. Aujourd'hui, EDF a le monopole du transport dans les ZNI.
Enfin, il y avait une ambiguïté sur l'application des TRVE dans les outre-mer. La question est réglée, le code de l'énergie est clair.
Je veux bien admettre que tel qu'il rédigé, l'amendement ne vise pas à discuter du principe de la nationalisation. On admet qu'il faut nationaliser et on demande un calendrier.
Je le répète, cet amendement a reçu un avis de sagesse en commission.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
L’amendement n° 15, présenté par M. Gay et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 août 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant avec précision le coût du bouclier tarifaire.
La parole est à M. Fabien Gay.
Cet amendement vise à demander la remise d’un rapport, même si je sais que le Sénat n’en est pas friand, sur le coût du bouclier tarifaire. Vous venez de nous indiquer de premiers chiffres, monsieur le ministre, mais nous avons du mal à avoir les montants exacts. Pouvez-vous nous confirmer qu’il a coûté 20 milliards d’euros en 2022 et qu’il coûtera 37 milliards d’euros en 2023 ?
Pour que tout le monde comprenne, j’indique que l’État indemnise les acteurs alternatifs en leur donnant de l’argent public pour qu’ils appliquent le bouclier tarifaire.
Ainsi, les boulangers avaient un contrat au tarif de 40 euros, 50 euros ou 60 euros le mégawattheure. Lorsque leur facture a explosé, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a réuni les énergéticiens et leur a dit que leurs contrats ne devaient pas prévoir un tarif supérieur à 280 euros le mégawattheure.
Or les énergéticiens achètent 70 % de l’énergie qu’ils revendent au prix de 42 euros. Même s’ils achetaient les 30 % restants au prix de 900 euros le mégawattheure, ils feraient tout de même des bénéfices !
Comme cela ne suffit pas, que fait le Gouvernement ? Il indemnise les acteurs alternatifs et leur donne de l’argent public pour qu’ils appliquent le bouclier tarifaire !
Le boulanger, comme n’importe quel commerçant, comme n’importe quel chef d’entreprise, comme n’importe quel usager, est racketté deux fois, du fait de l’augmentation de sa facture électrique et, en tant que contribuable, parce qu’il donne de l’argent aux énergéticiens.
Cette affaire a coûté près de 50 milliards d’euros en deux ans. C’est un pur scandale, qu’il faut dénoncer !
Nous ne sommes pas favorables à cet amendement, pour une raison très simple : nous souhaitons faire nous-mêmes le rapport que cet amendement tend à demander au Gouvernement.
L’indépendance du Sénat s’exprime à travers le travail de ses rapporteurs. Il se trouve que la commission des finances, dont je salue le président, a demandé au rapporteur spécial Christine Lavarde d’effectuer un contrôle budgétaire sur cette affaire.
Il y a des perdants et des gagnants. On aimerait savoir comment et dans quelles proportions les gagnants apportent leur contribution à l’État. Vous aviez évoqué cette question lors des débats budgétaires. Si le prix augmente, certaines entreprises gagnent plus que d’habitude, sans nécessairement – vous avez raison, monsieur Gay – avoir dépensé en proportion.
Les producteurs d’énergie renouvelable, tant mieux pour eux, ne sont absolument pas tributaires du prix de l’énergie fossile. En outre, vous le savez – je ne reviens par sur les démembrements –, le recours aux énergies renouvelables est prioritaire. Ces producteurs vendent leur mégawattheure à un prix délirant et empochent tranquillement les bénéfices. Je pense qu’ils doivent en restituer une partie.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a confié à Mme Lavarde la mission d’approfondir ce sujet.
Les producteurs d’énergie renouvelable, tant mieux pour eux, ne sont absolument pas tributaires du prix de l’énergie fossile. En outre, vous le savez – je ne reviens pas sur les démembrements –, le recours aux énergies renouvelables est prioritaire. Ces producteurs vendent leur mégawattheure à un prix délirant et empochent tranquillement les bénéfices. Je pense qu’ils doivent en restituer une partie.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a confié à Mme Lavarde la mission d’approfondir ce sujet.
J’émets le même avis que M. le rapporteur.
Je rappelle que, dans le cadre de l’exécution de la loi de finances, vous aurez toute liberté d’examiner ces sujets et de poser toutes les questions que vous souhaitez au Gouvernement.
Je rappelle également au sénateur Gay que c’est le consommateur ultime qui bénéficie de l’Arenh, et non le distributeur, qui vend l’électricité au rabais, au coût de production d’EDF, et dont la marge est très encadrée. Il s’agit de permettre à l’ensemble des consommateurs, y compris aux industriels – j’y tiens – de bénéficier des investissements effectués par la Nation depuis soixante-dix-sept ans et d’une électricité décarbonée, en volume et pas chère.
Je mets aux voix l’amendement n° 15.
Mon appel au règlement se fonde sur l’article 44 bis du règlement du Sénat et sur l’exigence de sincérité des débats. Cela rappellera des souvenirs à certains !
À la suite d’une incompréhension, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a voté contre l’article 3 bis, alors qu’il souhaitait voter pour. Est-il possible de procéder à une seconde délibération ?
La commission demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 3 bis.
Je rappelle que, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, avant le vote sur l'ensemble d'un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée soit par le Gouvernement, soit par la commission.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de seconde délibération ?
L’amendement n° 5, présenté par MM. Lurel, Montaugé, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le calendrier et les étapes de mise en œuvre d’une nationalisation de la société Électricité de Mayotte, dont Électricité de France est actionnaire minoritaire.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Roland Lescure, ministre délégué. Il est défavorable, madame la présidente, car le Gouvernement était plutôt satisfait du résultat de la première délibération !
La commission s’en était en effet remise à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
La rédaction nouvelle qui nous est aujourd’hui soumise est un peu particulière. L’amendement tend à prévoir que le rapport porte sur l’intérêt de nationaliser la société Électricité de Mayotte et, simultanément, qu’il fixe un calendrier et les étapes de mise en œuvre de cette nationalisation. Le jugement est porté avant même que l’étude soit engagée, ce qui est un peu contradictoire.
Je suis gêné par la référence au calendrier et aux étapes, qui supposent le problème résolu. Je ne suis donc pas favorable à cette rédaction.
Il me semblait que les auteurs de la proposition de loi s'étaient rendu compte que l'article 3 bis était un cavalier et qu'il était irrecevable. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle le président de la commission des finances ne l'avait pas voté. Cette seconde délibération me paraît donc totalement inopportune.
Il s'agit même quasiment d'un passage en force, madame la présidente, pour reprendre un argument que nous avons entendu récemment.
Nous sommes défavorables à cet amendement, non pas parce que nous sommes contre les rapports – nous adorons les produire, comme vous le savez ! –, mais, d’une part, parce que cette disposition est sans lien avec la nationalisation d’EDF et, d’autre part, parce qu’Électricité de Mayotte, vous le savez, est un opérateur distinct, dans lequel EDF ne détient qu’une participation minoritaire, inférieure à 25 %, l’actionnaire majoritaire étant le département de Mayotte.
Cette seconde délibération s'impose d'autant moins, d'ailleurs, que la réécriture de l'article 3 bis par le rapporteur Gérard Longuet améliorait ce texte, ce qui a peut-être induit en erreur nos collègues à gauche. En fait, nous ne supprimons pas l'effet de seuil à 36 kVA : nous ne faisons que le décaler des TPE aux PME.
Il me semble donc que cette seconde délibération n'est pas opportune.
Le rapporteur a tout à fait raison : cette nouvelle rédaction est un peu problématique.
Pour ma part, j’aimerais savoir pourquoi les auteurs de l’amendement s’intéressent à Électricité de Mayotte ? Comme vient de le rappeler justement le ministre, son actionnariat est déjà largement public, cette société étant détenue à 50 % par le département de Mayotte.
Pourquoi ne pas vous être intéressés aux entreprises locales de distribution ? Ces entreprises font sur une partie du territoire national ce que fait aussi EDF.
Pour information, Électricité de Strasbourg est détenue à 88, 64 % par EDF développement et environnement et à 11, 36 % par d’autres actionnaires.
Qu’allez-vous faire de UEM, à Metz, détenue à 85 % par la ville de Metz et à 15 % par la Caisse des dépôts et consignations ?
Je vous épargne la liste de toutes les entreprises locales de distribution, mais j’avoue que je ne comprends pas pourquoi vous vous intéressez à Électricité de Mayotte. En outre, la rédaction de votre amendement est un peu absconse.
Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération présentée par la commission. Je rappelle qu'aucune explication de vote n'est admise.
Il n'y a pas d'opposition ?…
La seconde délibération est ordonnée.
Conformément à l'article 43, alinéa 5, du règlement, lorsqu'il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui présente un nouveau rapport.
La commission est-elle prête à présenter son rapport ?
Nous nous sommes intéressés à Électricité de Mayotte, d’abord parce que le territoire de Mayotte est situé dans une zone non interconnectée (ZNI), ensuite, pour des raisons de continuité historique.
En 1975, le président Valéry Giscard d’Estaing a nationalisé les sociétés locales de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion, qui avaient la même structure de capital que celle de Mayotte. Aujourd’hui, EDF a le monopole du transport dans les ZNI.
Enfin, il y avait une ambiguïté sur l’application des TRVE dans les outre-mer. La question est réglée, le code de l’énergie est clair.
Je veux bien admettre que tel qu’il rédigé, l’amendement ne vise pas à discuter du principe de la nationalisation. On admet qu’il faut nationaliser et on demande un calendrier.
Je le répète, cet amendement a reçu un avis de sagesse en commission.
Nous nous sommes intéressés à Électricité de Mayotte, d’abord parce que le territoire de Mayotte est situé dans une zone non interconnectée (ZNI), ensuite, pour des raisons de continuité historique.
En 1975, le président Valéry Giscard d’Estaing a nationalisé les sociétés locales de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion, qui avaient la même structure de capital que celle de Mayotte. Aujourd’hui, EDF a le monopole du transport dans les ZNI.
Enfin, il y avait une ambiguïté sur l’application des TRVE dans les outre-mer. La question est réglée, le code de l’énergie est clair.
Je veux bien admettre que tel qu’il est rédigé, l’amendement ne vise pas à discuter du principe de la nationalisation. On admet qu’il faut nationaliser et on demande un calendrier.
Je le répète, cet amendement a reçu un avis de sagesse en commission.
Nous allons donc procéder à la seconde délibération de l'article 3 bis.
Je rappelle au Sénat les termes de l'article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d'amendements, et sur les sous-amendements s'appliquant à ces amendements. »
Je mets aux voix l’amendement n° 5.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
L'amendement n° A-1, présenté par M. Longuet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au I de l'article L. 337-7 du code de l'énergie, après les mots : « à leur demande », les mots : «, pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
Pour les raisons que j'ai longuement exprimées tout à l'heure, l'avis du Gouvernement est défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° A-1.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
La commission demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 3 bis, qui a été supprimé.
Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, avant le vote sur l’ensemble d’un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée soit par le Gouvernement, soit par la commission.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de seconde délibération ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Il est défavorable, madame la présidente, car le Gouvernement était plutôt satisfait du résultat de la première délibération !
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences, présentée par M. Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues (proposition n° 869 rectifié [2021-2022], résultat des travaux de la commission n° 472, rapport n° 471, avis n° 468).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi constitutionnelle.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « que les objectifs fixés au sein d'une loi d'orientation pluriannuelle soient déclinés au sein d'une loi de financement ou de finances, ils permettraient en tout état de cause d'inscrire les débats sur la fiscalité locale dans une nécessaire pluriannualité ». Si notre proposition de loi constitutionnelle opte pour une loi de financement des collectivités territoriales, nous souscrivons entièrement à ces propos du rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ou RCT, du projet de loi de finances pour 2020, M. Loïc Hervé.
Notre proposition est partagée par des acteurs aux horizons divers.
L'Association des maires de France (AMF), tout d'abord, l'a fait savoir par la voix de son précédent président François Baroin lors des débats sur la révision constitutionnelle de 2018. Elle l'a réaffirmé à l'occasion de l'élection présidentielle de 2022 et, plus récemment, dans son communiqué de presse du 14 mars 2023. Quelque 80 % des maires interrogés en 2019 sont favorables à ce projet.
La Cour des comptes, ensuite, l'a signifié dans ses rapports de 2013, 2016 et 2018. Les rapporteurs de la mission flash « Autonomie financière des collectivités locales », Charles de Courson et Christophe Jerretie, aboutissaient aux mêmes conclusions en mai 2018. Notre collègue Roger Karoutchi, enfin, a déposé une proposition de loi constitutionnelle comparable à la nôtre.
Le constat est donc partagé. La révision constitutionnelle de 2003 n'a pas garanti l'autonomie fiscale des collectivités locales, se limitant à l'autonomie financière. Encore cette dernière était-elle interprétée de manière stricte par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment lors de la suppression de la taxe d'habitation. Cette consécration de l'autonomie financière n'a donc été, pour citer le professeur Michel Bouvier, « qu'un rendez-vous manqué, une illusion. »
Il en va de même de la jurisprudence concernant l'appréciation des mécanismes de compensation financière des transferts de compétences. C'est particulièrement édifiant en ce qui concerne les dépenses sociales de nos départements. Quoique les collectivités territoriales aient soulevé de nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), aucune d'entre elles n'a prospéré face à l'interprétation stricte retenue par le Conseil constitutionnel.
L'autonomie financière des collectivités locales a donc été vidée de son sens, alors qu'elle doit tout de même garantir la libre administration de ces dernières, donc le respect d'une véritable organisation décentralisée de la République.
La part de la fiscalité locale s'est progressivement réduite, au profit de dotations de compensation de l'État. Les dernières dispositions budgétaires issues de la loi de finances pour 2023 ont encore illustré cette évolution, avec la diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Le système est de plus en plus opaque et illisible. En octobre 2022, la Cour des comptes soulignait « la sédimentation historique des recettes » et dressait le constat d'un « système complexe et à bout de souffle ». Ce système opaque et illisible entrave l'action des collectivités locales, qui n'ont pas de visibilité sur les réformes fiscales, les décisions d'attributions des dotations d'investissement ou l'imposition de normes de toute nature.
L'éparpillement des mesures budgétaires et fiscales concernant les collectivités locales dans la loi de finances ne fait qu'ajouter à la confusion qui s'est installée dans les relations financières entre l'État et nos collectivités locales. L'État cherche souvent à faire payer aux collectivités ce qu'il ne souhaite plus assumer.
Notre proposition est, d'une part, de créer une loi de financement des collectivités locales, et, d'autre part, de prévoir une compensation dynamique dans le temps des transferts de compétences.
Cette idée remonte au rapport réalisé par Olivier Guichard en 1976. Elle a été reprise régulièrement, notamment dans le rapport Lambert-Malvy.
Les objectifs d'une telle loi de financement seraient simples : fixer un cadre de référence unique pour le Parlement et constituer un outil de transparence pour une meilleure information des élus locaux. Elle améliorerait la lisibilité et la visibilité pour les collectivités territoriales, qui ont besoin de prévisibilité. Elle nous donnerait une meilleure lisibilité des engagements financiers de l'État et clarifierait les responsabilités de chacun.
Articulée, comme le PLFSS, à la loi de finances, qui fixe les grands équilibres financiers de l'État, elle constituerait avec ces textes une sorte de trépied des lois budgétaires.
Toutefois, notre proposition de loi a d'autres ambitions encore : accroître la clarté et la sincérité du débat parlementaire sur les collectivités territoriales et reconnaître les collectivités locales au sein de notre édifice constitutionnel, car celles-ci représentent 20 % du budget de la Nation et 57 % de l'investissement local.
Une telle évolution mettrait fin à l'infantilisation des collectivités locales par l'État et instaurerait un véritable espace de dialogue entre celles-ci et l'État.
Plusieurs arguments nous sont opposés par Mme le rapporteur, qui a évoqué des écueils pratiques, au regard du calendrier parlementaire. En vérité, il y aurait déjà matière à discuter du calendrier d'examen de la loi de finances, qui mériterait d'être revu.
On invoque également un problème d'articulation avec la loi de finances initiale. Or cette dernière retrace les versements de l'État à la sécurité sociale, ce qui n'empêche pas le Parlement de voter une LFSS.
On craint que ce texte ne confère un pouvoir de contrainte supplémentaire au Gouvernement. Mais les atteintes à la libre administration sont déjà légion : gel ou diminution des dotations, contrats de Cahors… Nous pensons que c'est plutôt le manque de transparence qui menace l'autonomie des collectivités territoriales.
Mes chers collègues, ne nous laissons pas égarer par le parallèle avec la LFSS : la loi de financement des collectivités territoriales n'aurait pas pour objet d'instituer un plafond de dépenses, la libre administration des collectivités territoriales interdisant de donner à ce texte un caractère prescriptif.
On nous objecte aussi l'utilisation du 49.3. Mais quelle est la différence avec la situation actuelle, cet article pouvant être utilisé, et il l'a été largement, sur les lois de finances ?
L'absence de loi organique, enfin, empêcherait de se prononcer. Nous sommes prêts à y travailler avec vous, madame le rapporteur, notamment en faisant référence à la proposition de loi constitutionnelle de notre collègue Karoutchi, que vous avez cosignée.
L'article 2 de notre texte prévoit une garantie dynamique dans le temps des transferts de compétence. Cela répond à une demande récurrente des collectivités territoriales. Une telle disposition a été adoptée, sur notre initiative, lors de l'examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, mais elle a malheureusement été retirée en commission mixte paritaire.
Ce dispositif avait également été intégré par Philippe Bas dans sa proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales. Cela n'enlève rien à l'intérêt de ce que nous proposons.
Notre texte vise à réaffirmer le rôle que jouent les collectivités locales dans l'organisation décentralisée de la République. Cette reconnaissance est, pour nous, impérative. Elle ne peut être sacrifiée sur l'autel de la politique partisane. Nous vous proposons donc de travailler ensemble, comme nous l'avons fait pour le « zéro artificialisation nette » (ZAN).
Pour conclure, il est temps de sortir de la verticalité du pouvoir, qui place l'État et les collectivités locales dans un rapport de défiance permanent. Cette loi permettrait une nouvelle avancée des libertés et de la démocratie locale. §
Il me semblait que les auteurs de la proposition de loi s’étaient rendu compte que l’article 3 bis était un cavalier et qu’il était irrecevable. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle le président de la commission des finances ne l’avait pas voté. Cette seconde délibération me paraît donc totalement inopportune.
Il s’agit même quasiment d’un passage en force, madame la présidente, pour reprendre un argument que nous avons entendu récemment.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voilà quarante ans, les lois Defferre instauraient la décentralisation. Vingt ans plus tard, ce nouveau principe d'organisation de la République était gravé dans le marbre de la Constitution.
Les fondements constitutionnels de la décentralisation sont nombreux et consacrent notamment deux principes, d'une part, la libre administration des collectivités territoriales, de l'autre, leur autonomie financière. Les deux sont liées, car sans autonomie financière, il n'y a pas de réelles marges de manœuvre.
Aujourd'hui, nous partageons un constat avec les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle dont nous débattons : l'autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales est insuffisante.
Alors que nous traversons une crise inflationniste et énergétique, s'interroger sur le niveau et la prévisibilité des ressources des collectivités territoriales n'est ni un gadget ni une lubie de parlementaires.
Nous ne pouvons faire l'économie de ces sujets, ne serait-ce que pour éviter que l'investissement local ne fléchisse, alors qu'il représente une part déterminante de l'investissement public.
Aussi, les auditions menées dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi constitutionnelle ont souligné, tout d'abord, l'amoindrissement des marges de manœuvre fiscales et financières des collectivités territoriales, du côté des recettes, du fait de la suppression de la taxe d'habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et du côté des dépenses, avec l'introduction des contrats de Cahors.
Les auditions ont également mis en exergue, pour les élus locaux, le défaut de prévisibilité sur leurs ressources, en raison d'une absence de programmation budgétaire pluriannuelle, mais encore l'insuffisante lisibilité sur les décisions financières et l'attribution des dotations. Ainsi, l'enchevêtrement des réformes successives a opacifié les modalités d'attribution des dotations pour les collectivités territoriales.
Le défaut d'information des collectivités territoriales en amont des projets de loi de finances et lors des décisions d'attribution des dotations a été en outre largement souligné.
Enfin, on peut déplorer l'émiettement, dans le projet de loi de finances, des mesures budgétaires et fiscales ayant un impact sur les ressources comme sur les dépenses des collectivités territoriales. Cela nuit à une appréhension globale des relations financières entre l'État et les collectivités.
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous nous accordons tous, me semble-t-il, sur la nécessité de remédier à la situation actuelle des collectivités territoriales, qui ont vu leurs marges de manœuvre se réduire, comme sur l'urgence de corriger les nombreux défauts du cadre législatif et constitutionnel actuel des finances locales pour les collectivités territoriales.
Face à l'absence de garantie réelle de l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, la proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue Éric Kerrouche comporte deux mesures d'inégale portée : d'une part, la création d'une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements, de l'autre, la rénovation des modalités de compensation financière des transferts de compétences, pour mieux appliquer le principe « qui décide paie ».
Je ne puis que partager pleinement l'objectif de cette proposition de loi, qui s'attache à répondre aux attentes légitimes des élus locaux.
Toutefois, il semble que les mesures proposées présentent un certain nombre de difficultés opérationnelles et juridiques, n'apportant qu'une réponse imparfaite aux souhaits de lisibilité et de prévisibilité des élus locaux quant à leurs ressources financières.
En premier lieu, plusieurs personnes auditionnées, en particulier l'ensemble des représentants des associations d'élus locaux, se sont interrogées sur l'utilité de la création d'une loi de financement spécifique aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
Ainsi, les associations d'élus locaux ont rappelé que l'institution d'une telle loi ne figurait pas parmi leurs demandes et que d'autres mesures leur semblaient davantage répondre à leurs attentes.
En deuxième lieu, une telle loi de financement n'empêcherait pas une révision annuelle du montant des concours financiers de l'État aux collectivités, conformément au principe d'annualité budgétaire.
Dès lors, il n'est pas certain que l'inscription dans la Constitution d'un véhicule financier spécifique aux collectivités territoriales et à leurs groupements aurait une incidence majeure sur leur autonomie financière ou sur la prévisibilité de leurs ressources.
En troisième lieu et de l'avis quasi unanime des personnes entendues, élus locaux comme professeurs de droit ou de finances locales, un tel véhicule recèle le risque de confier au Gouvernement un nouvel outil procédural lui permettant d'imposer unilatéralement aux collectivités territoriales et à leurs groupements de nouvelles réductions de leurs marges de manœuvre financières.
Comme pour tout véhicule financier, le Gouvernement serait libre de faire usage des facultés prévues à l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution ou d'adopter par voie d'ordonnances les mesures proposées si le Parlement ne respectait pas les délais d'examen impartis.
En quatrième lieu, ces dispositions se heurtent à de nombreux écueils juridiques et pratiques, en particulier à la difficulté d'isoler, dans les finances publiques, les ressources des collectivités territoriales de celles de l'État.
De la même manière, il serait nécessaire de tirer les conséquences de toute loi de financement sur les recettes et les charges de l'État dans la loi de finances, ce qui semble, de facto, en relativiser l'intérêt.
Enfin, l'insertion d'un nouveau texte financier dans le calendrier parlementaire, déjà très chargé, est un point de vigilance qui peut sembler anecdotique, mais qui doit être soulevé.
En cinquième lieu, et ce sujet me semble être le plus irritant entre nous, la proposition de loi constitutionnelle vise « les collectivités territoriales et leurs groupements ». Or, aujourd'hui, les groupements, émanations des communes, ne bénéficient pas, en matière financière, des mêmes garanties que les collectivités territoriales, car ils n'en sont tout simplement pas.
Dès lors, ces dispositions modifieraient les équilibres constitutionnels et institutionnels existants au sein du bloc local et reviendraient à accorder aux groupements des garanties actuellement applicables aux seules collectivités, ce qui ne me paraît pas souhaitable.
Enfin, s'agissant des dispositions relatives au réexamen régulier des compensations financières des transferts de compétences et à une amélioration des modalités de ces compensations à l'article 2, je ne puis qu'y être favorable sur le principe.
Elles sont la traduction constitutionnelle d'un principe cher à la présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation : « Qui décide paie ».
Néanmoins, je tiens à rappeler que les principales dispositions de cet article ont déjà été adoptées par le Sénat et transmises à l'Assemblée nationale, qui est libre de les inscrire à son ordre du jour.
En outre, la proposition de loi tendant à étendre ces garanties financières aux groupements, je ne pourrai qu'y être défavorable, par cohérence avec la position constante de la commission sur ce point.
Ainsi, mes chers collègues, si cette proposition de loi pose un débat essentiel, celui de l'équilibre à trouver en matière d'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales au sein d'un État unitaire et décentralisé, les solutions qu'elle y apporte m'apparaissent imparfaites et insuffisantes pour répondre à l'enjeu soulevé. Le sujet a déjà été, de surcroît, largement exploré par la proposition de loi de notre collègue Philippe Bas.
Pour terminer, j'ajouterai qu'il m'apparaît préférable de traiter ces sujets dans le cadre d'une réflexion plus large sur la place des collectivités territoriales dans l'architecture institutionnelle actuelle.
Cette réflexion est pour l'heure menée par le groupe de travail transpartisan sur la décentralisation, lancé par le président du Sénat et dont le président de notre commission, François-Noël Buffet, est le rapporteur général.
Dans ce cadre, nous avons discuté la semaine dernière, sur l'initiative du rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, de propositions couvrant l'ensemble du champ des finances locales.
Dans ces conditions, je forme le vœu que nous continuions à cheminer, ensemble, pour redéfinir les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Je suis convaincue que l'autonomie financière des collectivités territoriales est une condition indispensable à l'effectivité de la décentralisation.
En l'espèce, mes chers collègues, je vous invite donc à ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle.
Cette seconde délibération s’impose d’autant moins, d’ailleurs, que la réécriture de l’article 3 bis par le rapporteur Gérard Longuet améliorait ce texte, ce qui a peut-être induit en erreur nos collègues à gauche. En fait, nous ne supprimons pas l’effet de seuil à 36 kVA : nous ne faisons que le décaler des TPE aux PME.
Il me semble donc que cette seconde délibération n’est pas opportune.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, bien qu'une majorité de ses membres se soit prononcée contre l'adoption de la proposition de loi constitutionnelle déposée par Éric Kerrouche et plusieurs de nos collègues, la commission des finances partage le diagnostic qui a conduit à son dépôt.
Le manque de prévisibilité budgétaire qui frappe les collectivités territoriales, d'une part, et la sous-évaluation de plus en plus manifeste des compensations des compétences transférées, d'autre part, constituent, malheureusement, deux réalités.
À première vue l'instauration d'un éventuel projet de loi de financement des collectivités territoriales paraît séduisante. Cependant, le sujet n'est pas aussi simple, et l'institution d'une loi de financement des collectivités territoriales aurait tout d'une fausse bonne idée.
Non seulement elle risquerait de se retourner contre les collectivités territoriales, en conférant au Gouvernement un nouvel outil de contrainte financière, mais elle poserait également des difficultés d'articulation majeures avec la loi de finances.
Indépendamment du calendrier, un tel dispositif impliquerait de sortir du projet de loi de finances les transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales, soit, excusez du peu, un peu plus de 107 milliards d'euros ! La commission des finances pourrait difficilement admettre une telle atteinte au domaine des lois de finances.
À l'inverse, si l'on adoptait une solution intermédiaire et si les transferts financiers de l'État, c'est-à-dire un peu moins de la moitié des ressources des collectivités territoriales, continuaient à relever des lois de finances, l'intérêt supposé des lois de financement des collectivités territoriales, à la portée essentiellement programmatique, se révélerait très limité.
Plutôt qu'à une révision constitutionnelle aux conséquences et à la mise en œuvre incertaines, c'est à l'édification d'une nouvelle gouvernance des finances locales que nous devrions nous attacher.
Une telle évolution est indispensable pour que les collectivités puissent réellement être associées à la préparation des textes financiers qui les concernent, à plus forte raison dans le contexte d'un recours croissant à la fiscalité partagée.
Nous avons besoin de repenser les espaces de discussion entre le Gouvernement, les assemblées parlementaires et les associations d'élus.
Comme l'a rappelé la Cour des comptes, cette nouvelle gouvernance pourrait passer, entre autres, par une réflexion sur la composition et le champ de compétences du Comité des finances locales. Je souhaiterais d'ailleurs connaître, peut-être à une autre occasion – notre temps est contraint –, l'avis du Gouvernement sur ce point particulier.
S'agissant du second objectif de la proposition de loi constitutionnelle, à savoir le renforcement des exigences de compensation financière des transferts de compétences, je partage le constat dressé et la proposition formulée.
La commission des finances avait déjà donné un avis favorable au dispositif proposé, en le qualifiant de « réexamen régulier » des compensations, lors de l'examen, en 2020, de la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales, que le Sénat avait adoptée. Une nouvelle adoption de ce dispositif serait donc superfétatoire.
De nouveau, je souhaite néanmoins souligner qu'un renforcement de la gouvernance des finances locales constituerait un prérequis indispensable à sa mise en œuvre.
Un travail d'objectivation des charges supportées par les collectivités territoriales au titre des différentes compétences, qui ne peut être mené que dans le cadre d'une concertation approfondie, est au préalable nécessaire.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances émet un avis défavorable à l'adoption de cette proposition de loi constitutionnelle.
Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération présentée par la commission. Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Il n’y a pas d’opposition ?…
La seconde délibération est ordonnée.
Conformément à l’article 43, alinéa 5, du règlement, lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui présente un nouveau rapport.
La commission est-elle prête à présenter son rapport ?
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, monsieur le sénateur Kerrouche, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'efforcerai d'être bref, afin que tous les orateurs inscrits aient le temps de s'exprimer.
Voilà maintenant quarante ans, avec la promulgation de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, que le mouvement décentralisateur a été engagé dans notre pays, dont on sait combien l'histoire politique est ancrée dans une tradition jacobine.
Mardi dernier, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République soufflait ses vingt bougies. Voilà donc vingt ans que notre Constitution proclame que l'organisation de la République est décentralisée.
Je sais ce que cette proclamation signifie pour votre assemblée, dont nul n'ignore combien elle est attachée à la démocratie locale et à la représentation des territoires.
Ainsi, sur l'initiative du président Larcher, le Sénat a formé un nouveau groupe de travail sur la décentralisation, représentatif de tous les groupes politiques de cet hémicycle. Je veux rendre hommage à cette initiative.
Déjà, les sujets de préoccupation apparaissent. Le président Larcher les a d'ailleurs évoqués publiquement : il s'agit, en particulier, des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales et de l'approfondissement de la différenciation territoriale. Le Gouvernement est particulièrement à l'écoute des réflexions sur ces sujets.
Sur l'initiative du Président de la République, plusieurs réunions de travail ont été organisées avec les associations d'élus locaux, afin d'échanger sur les enjeux d'une réforme institutionnelle, notamment en vue d'un renforcement de la décentralisation et de l'autonomie financière des collectivités.
Ces questions sont délicates et sensibles, mais les attentes sont claires : plus de clarté dans les compétences exercées, plus de proximité dans l'élaboration des solutions et plus de responsabilités aux collectivités, à la condition, bien sûr, que celles-ci disposent des moyens juridiques et financiers associés aux compétences transférées.
Les auteurs de cette proposition de loi constitutionnelle, tout comme Mme Agnès Canayer dans son rapport, exposent parfaitement les enjeux auxquels les collectivités sont actuellement confrontées, me semble-t-il.
Si le ratio d'autonomie financière des collectivités territoriales est aujourd'hui historiquement élevé – aux alentours de 70 % pour les communes, départements et régions –, certaines voix d'élus locaux s'élèvent pour demander davantage de visibilité sur leurs ressources financières. D'autres vont plus loin et appellent à une réforme des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales.
Par ailleurs, alors que l'article 72-2 de la Constitution prévoit que « tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice », certaines collectivités peuvent être confrontées à une forte augmentation de la charge que représente un transfert de compétences.
En réponse à ce problème, la proposition de loi constitutionnelle de M. le sénateur Éric Kerrouche a pour objet de créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que de garantir la compensation financière des transferts de compétences, en instaurant un réexamen régulier des ressources transférées.
La création d'une loi de financement des collectivités territoriales a été proposée dans le rapport de MM. Lambert et Malvy d'avril 2014, ainsi que dans trois rapports de la Cour des comptes.
Nous allons donc procéder à la seconde délibération de l’article 3 bis.
Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements, et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
Pour cette institution, « une loi de financement des collectivités territoriales constituerait un instrument efficace au service de la gouvernance des finances locales ».
Cette loi de financement des collectivités territoriales aurait pour objectif de déterminer les ressources des collectivités territoriales et de retracer l'ensemble des relations financières des collectivités territoriales avec l'État.
Il est vrai qu'un tel instrument législatif offrirait l'avantage de garantir un espace de discussion parlementaire consacré aux finances locales.
Toutefois, il faut relever qu'il existe déjà la possibilité de faire suivre d'un débat au Parlement la remise du rapport prévu à l'article 7 de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, modifiant l'article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf).
Ce rapport porte sur la situation des finances publiques locales, sur l'évolution de leurs charges et de leurs dépenses ou encore sur les conséquences du projet de loi de finances sur les finances publiques locales. Un débat de ce type a eu lieu pour la première fois lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023.
En outre, il faut bien prendre garde aux conséquences concrètes d'une telle réforme pour le débat parlementaire. En effet, le champ matériel de ces lois de financement des collectivités territoriales serait exclusif de celui des lois de finances. Or de nombreux sujets ont une implication budgétaire au niveau national et au niveau local.
Je citerai par exemple la hausse de la dotation globale de fonctionnement ou la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises opérées en 2023. L'une et l'autre ont des conséquences financières pour l'État comme pour les collectivités et nécessiteraient d'être abordées lors de l'examen de la loi de finances comme lors de l'examen d'une loi de financement des collectivités.
Serait-il judicieux, dans ces circonstances, de scinder dans deux véhicules distincts les aspects nationaux et les aspects locaux ? Serait-ce même possible ? Une telle dissociation nuirait à mon sens davantage à l'information du Parlement, dans un calendrier budgétaire encore plus restreint par l'examen de trois textes financiers.
Enfin, il n'est tout simplement pas certain, comme l'ont très justement souligné les travaux de la commission, que ce nouvel instrument soit adapté à l'objectif que nous partageons tous, à savoir donner aux collectivités une visibilité et une protection financière suffisantes pour la réalisation de leurs actions.
La seconde mesure de cette proposition de loi consiste à réviser les règles de compensation financière des transferts de compétences, afin d'y introduire un mécanisme de réexamen périodique.
Tout d'abord, j'observe que le principe de libre administration des collectivités territoriales prémunit déjà les collectivités contre une dégradation excessive de leur situation financière du fait de l'évolution de leurs charges.
Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de l'affirmer dans deux décisions du 30 juin 2011 : les mécanismes de compensation doivent être suffisants pour que ne soit pas entravée la libre administration des collectivités concernées.
Par ailleurs, dans un objectif de bonne gestion des finances publiques, la capacité des collectivités locales à financer les compétences transférées doit pouvoir s'apprécier au regard de l'ensemble de leurs ressources et de leur dynamisme, et pas uniquement à l'aune des recettes directement affectées lors du transfert historique de compétences.
Enfin, la comparaison entre le niveau de ressources et de dépenses transférées poserait de grandes difficultés méthodologiques.
L'évolution ultérieure du niveau de dépenses des collectivités dépend de circonstances nationales, mais également des choix de gestion de la collectivité locale.
Une telle mécanique induirait, entre l'État et les collectivités, un examen de l'exercice de chaque compétence au niveau global, mais ensuite, inévitablement aussi, au niveau individuel. Or les choix d'une collectivité de porter l'effort sur telle compétence ou sur telle autre sont consubstantiels à la libre administration.
Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n'est pas favorable, en l'état, à cette proposition de loi constitutionnelle.
Je veux être très clair : les pistes qui y sont avancées ne sont pas à balayer d'un revers de main, loin de là. Elles semblent néanmoins, pour l'heure, soulever plus d'interrogations que de solutions.
Surtout, cette proposition de loi intervient dans un contexte où un bilan plus large pourrait être dressé en matière de décentralisation. Les enjeux que cette proposition de loi aborde sont réels, mais ils ne sont pas les seuls à considérer.
Le président Larcher évoquait la différenciation des collectivités territoriales. Le Gouvernement avait souhaité se saisir en 2018 de ce sujet au travers du projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique.
La réflexion doit encore se poursuivre. En témoignent d'ailleurs les travaux menés au sein du Sénat par le groupe de travail transpartisan évoqué au début de mon intervention, ainsi que ceux qu'a lancés le Président de la République avec les associations d'élus locaux.
Sur ce sujet comme sur les autres, le Gouvernement sera particulièrement attentif à la restitution des conclusions de ces groupes de travail.
Vingt ans après que la décentralisation a fait son apparition dans notre Constitution, poursuivons notre réflexion commune, pour que nos collectivités territoriales puissent exercer pleinement leurs missions au service de nos compatriotes.
L’amendement n° A-1, présenté par M. Longuet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au I de l’article L. 337-7 du code de l’énergie, après les mots : « à leur demande », les mots : «, pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi constitutionnelle de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n'est pas la première du genre. On peut citer, en particulier, la proposition de loi constitutionnelle adoptée par le Sénat en 2020.
Nous saluons toutefois cette nouvelle initiative, qui est aussi l'occasion de débattre des finances locales et des options qui permettraient d'améliorer leur cadre légal.
Elle vient notamment en complément des travaux de la mission d'information sur le thème « L'impact des décisions réglementaires et budgétaires de l'État sur l'équilibre financier des collectivités locales », dont j'ai l'honneur d'être la rapporteure depuis le 1er mars dernier.
En effet, contrairement aux administrations de l'État et de la sécurité sociale, les administrations publiques locales ne font pas l'objet d'une loi de financement dédiée, qui serait examinée chaque année au Parlement.
Les mesures de financement des collectivités sont actuellement disséminées dans le projet de loi de finances, en première partie, au travers de la fixation du montant des dotations et des impositions transférées, et, en seconde partie, au travers des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et de la répartition de ces dotations.
Il est vrai que le principal obstacle à une telle loi de financement tient peut-être à la Constitution elle-même, qui consacre en son article 72 la libre administration des collectivités territoriales.
C'est pourquoi le volet dépenses de la loi de financement ne pourrait avoir qu'un caractère indicatif. Toutefois, elle aurait le mérite de mieux distinguer ce qui relève des finances de l'État et des finances locales.
Nous saluons aussi le deuxième axe de la proposition de loi, qui vise à renforcer le principe, déjà présent dans la Constitution, de compensation financière des transferts de compétences dans le temps.
Le projet de loi de financement des collectivités territoriales (PLFCT) permettrait sans doute un meilleur suivi et un meilleur contrôle de ces compensations.
De surcroît, je m'aperçois qu'il s'agit d'une véritable revendication de la part des associations d'élus, que nous auditionnons dans le cadre de la mission d'information.
Enfin, le transfert de dispositions du projet de loi de finances (PLF) vers le PLFCT ne devrait-il pas s'accompagner d'une réduction équivalente des délais d'examen du PLF, afin de conserver un ordre du jour réaliste à l'automne ?
Il faudrait d'ores et déjà anticiper les dispositions que pourrait contenir cette future loi organique et, en particulier, veiller à ce que les lois de financement des collectivités améliorent la prévisibilité de leurs recettes, sans pour autant devenir une forme de tutelle gouvernementale.
Ces observations faites, les membres du groupe RDSE voteront en faveur de cette proposition de loi constitutionnelle, dont le rejet la semaine dernière en commission et probablement aujourd'hui en séance nous apparaît lié à des considérations davantage politiques que techniques.
Pour les raisons que j’ai longuement exprimées tout à l’heure, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° A-1.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'idée d'une loi annuelle de prévision des dépenses des collectivités territoriales ne date pas d'hier.
Les premières propositions remontent au mois d'avril 2014, lorsque Martin Malvy et Alain Lambert avaient formulé les leurs dans un rapport intitulé Pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance et l'engagement de chacun.
Force est de constater que, quasiment dix années plus tard, ce constat de défiance entre l'État et les territoires est resté le même.
Il est à rappeler pourtant que le Conseil constitutionnel s'efforce de consacrer, à jurisprudence constante, l'exigence de protection de l'autonomie financière et fiscale des collectivités.
Dans une décision du 24 juillet 1991, les sages rappelaient déjà à titre d'exemple que les ressources des collectivités ne doivent pas être restreintes « au point d'entraver leur libre administration ».
Pourtant, plus de trente années plus tard, la voilure de ces ressources n'a cessé de se recroqueviller sur elle-même.
Les collectivités décentralisées n'ont pu qu'observer avec impuissance leurs ressources fiscales et budgétaires fondre comme neige au soleil, sans que les compensations apportées viennent véritablement corriger les pertes subies.
Après la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la suppression de la taxe d'habitation (TH) et de la CVAE ou la révision prochaine des valeurs locatives cadastrales, les communes n'ont souvent d'autre choix que de répercuter la compensation manquante sur la fiscalité des particuliers, ou bien d'accélérer les coupes budgétaires.
Grande est ainsi la tentation, pour le législateur, de canaliser les velléités de recentralisation de l'État.
C'est le cadre juridique nouveau que propose notre collègue Éric Kerrouche, par la création d'une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Certes, donner une assise constitutionnelle à une nouvelle loi de finances spéciale serait l'occasion de mettre fin à l'émiettement des versements de l'État aux collectivités, ainsi qu'à la faible lisibilité qui en résulte.
Cet émiettement entre budget général, prélèvements sur recettes et comptes spéciaux conduit à des débats parlementaires distincts, donc à des votes séparés, ce qui nuit in fine à l'exigence de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
Une loi de financement des collectivités consacrerait aussi la place des administrations publiques locales dans le triptyque institutionnel et financier de notre pays, aux côtés de l'État et du système de santé.
Il apparaît toutefois que l'intention originelle de notre collègue, si louable qu'elle fût pour nos territoires, vient se heurter au cadre constitutionnel existant. Celui-ci compromet l'objet même de la présente proposition de loi constitutionnelle.
En effet, c'est bien parce que le fonctionnement même de notre service public et de nos institutions est conditionné à l'adoption des lois de finances que le Gouvernement se voit offrir un puissant arsenal, en complément de celui dont il dispose pour les lois ordinaires.
Dès lors, enchâsser le financement des collectivités dans le cadre de la Lolf, c'est offrir au Gouvernement une nouvelle occasion de faire usage du 49.3, autant de fois qu'il le jugera nécessaire.
C'est aussi lui accorder le droit d'atrophier la durée des débats, suivant les dispositions de l'article 47 de la Constitution.
C'est également laisser au Gouvernement, dans le cas où la procédure parlementaire excéderait les délais prévus par la Constitution, la possibilité de légiférer par ordonnance et ainsi de conserver une mainmise absolue sur les versements aux territoires, leur montant et leur ventilation.
C'est enfin ouvrir la perspective de lois de financement rectificatives et de lois de règlement des collectivités, et démultiplier ainsi les véhicules législatifs pour lesquels ces outils constitutionnels pourraient être activés.
Bien davantage qu'un nouveau souffle apporté au principe d'autonomie des collectivités, c'est donc plutôt un nouveau carcan qui pourrait leur être imposé !
Si l'objet de la démarche de nos collègues est de garantir que le Parlement puisse tenir un débat annuel sur les dépenses des collectivités, qu'à cela ne tienne : nous pourrions avoir ce débat dans le cadre de l'examen d'une loi d'orientation et de programmation !
Cette option aurait l'avantage d'être plus vertueuse et moins contraignante. En outre, elle s'articulerait sagement avec le traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012.
Par ailleurs, fédérer dans une mission budgétaire unique, au sein de la loi de finances, toutes les contributions de l'État aux collectivités serait d'une immense valeur ajoutée pour la lisibilité de nos comptes et le suivi des transferts de compétences.
Comme nombre de nos collègues l'ont exprimé à cette tribune à de multiples reprises, nous avons besoin d'un séisme institutionnel pour nos territoires.
À cet égard, je ferai miens les mots du président du Sénat, Gérard Larcher, qui a défendu pour les finances locales l'objectif de ressources stables et planifiées, d'une évaluation régulière des compensations et d'une contractualisation bâtie sur le consensus.
Un État trop jacobin aura raison de la démocratie locale, sauf à ce que le Parlement lui donne les conditions de s'épanouir. Mes chers collègues, continuons de donner à cette démocratie locale les moyens de son épanouissement !
Notre groupe se référera à l'avis de la commission et ne votera pas cette proposition de loi constitutionnelle, même s'il salue vivement l'intention de ses auteurs.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans un contexte incertain, les élus locaux sont inquiets : ils craignent de ne plus pouvoir agir sur le terrain.
Or c'est bien pour cela que les élus locaux s'engagent : pour agir sur le terrain ! Avec l'inflation qui renchérit le coût des projets, les récentes évolutions de la fiscalité locale et la crise démocratique qui dévalorise leur statut, les élus locaux se sentent empêchés d'agir.
Ils ont donc besoin de sécurité. C'est le rôle du Sénat de leur apporter les éléments qui peuvent la leur offrir. Sans aucun doute, cela passe en partie par les finances locales.
Dans cet esprit, cette proposition de loi constitutionnelle a le mérite de poser dans le débat un sujet essentiel : l'autonomie financière des collectivités locales.
À cette question, nos collègues socialistes apportent la réponse suivante : créer une nouvelle catégorie de lois de financement. Leur objectif, intéressant, est de formaliser, de façon lisible et transparente, les relations financières entre l'État et les collectivités.
L'idée n'est pas nouvelle. Elle a souvent été évoquée dans cet hémicycle, à droite comme à gauche. La Cour des comptes aussi l'a défendue dans plusieurs de ses rapports. Nul doute que ce serpent de mer continuera de faire parler de lui, tant que nous n'aurons pas purgé le débat… C'est pourquoi une clarification est nécessaire et bienvenue.
Notre groupe considère toutefois qu'il s'agit d'une fausse bonne idée. La loi de financement ici proposée aurait pour effet de renforcer la dépendance des collectivités vis-à-vis de l'État. Nous pensons donc qu'elle pourrait être contre-productive.
On a déjà rappelé les récentes évolutions de la fiscalité locale, notamment la suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE. Les collectivités continuent de s'interroger sur ces réformes.
Je ne vais pas refaire les débats que nous avons déjà eus lors de l'examen des lois de finances, mais je veux tout de même rappeler l'objet de ces réformes : supprimer des impôts injustes. On a ainsi mis fin à la taxe d'habitation, parce que son montant ne dépendait pas des revenus, et à la CVAE, parce qu'elle pénalisait les entreprises industrielles, donc le tissu économique des territoires.
La compensation de ces impôts, par l'affectation aux collectivités d'une fraction de la TVA, doit permettre aux collectivités de bénéficier de ressources pérennes et dynamiques. Ces réformes doivent précisément sécuriser les ressources des collectivités.
Certes, avec une loi de financement spécifique, les compensations apparaîtraient peut-être de façon plus lisible, mais deux problèmes majeurs se poseraient encore, mes chers collègues.
D'une part, examiner les flux financiers entre l'État et les collectivités sans discuter, en même temps, des impôts qui affectent l'économie, ce serait analyser la dépense sans la recette, donc réduire les collectivités à des postes de coût.
D'autre part, raisonner en grands agrégats ne donnerait aucune garantie sur des cas particuliers et ne saurait rassurer les élus.
Aussi, une telle loi de financement, examinée à la hussarde entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances, risquerait d'appauvrir le débat sur les finances des collectivités. Elle renforcerait la gestion nationale et centralisée des problématiques locales.
Telle n'est pas la vision que nous nous faisons d'une République décentralisée, qui fait confiance à ses élus locaux pour changer les choses sur le terrain.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la présente proposition de loi constitutionnelle a pour objet de sécuriser les relations financières entre l'État et les collectivités et de rendre plus lisibles, dans le temps, les flux de compensation des transferts de compétence.
Les auteurs de ce texte ont souhaité répondre aux demandes des élus locaux et traduire les réflexions poussées de la Cour des comptes.
À l'heure de l'urgence climatique, les collectivités manquent de lisibilité, de visibilité et de transparence sur leurs ressources, en particulier sur celles qui leur viennent de l'État. Cela freine les actions pourtant essentielles qu'elles mènent pour le quotidien de leurs administrés comme pour l'avenir de notre pays dans sa globalité. Y remédier est également essentiel pour permettre une articulation locale des stratégies nationales.
La création d'une loi de financement des collectivités territoriales était l'une des mesures portées par le candidat Yannick Jadot lors de la dernière élection présidentielle, afin d'approfondir la décentralisation dans une triple direction : plus de démocratie, plus de justice territoriale et plus d'écologie.
Ainsi, cette loi de financement constituerait un outil de meilleure information des citoyens et des élus et, en définitive, un outil de responsabilisation de l'ensemble des acteurs de l'équilibre des finances publiques locales. Il s'agit là d'un enjeu important, au moment où les collectivités territoriales doivent réaliser des investissements massifs dans la transition écologique.
Nous apporterons donc notre soutien à cette proposition de loi constitutionnelle, tout en restant vigilants sur les modalités de mise en œuvre d'une avancée nécessaire, qui pourra être complétée par les travaux des groupes de travail présidés par M. Larcher.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la création d'une loi de financement des collectivités territoriales était déjà l'objet d'un amendement que notre collègue Kerrouche avait déposé sur la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales de notre collègue Philippe Bas.
Lors de son examen, le rapporteur Mathieu Darnaud s'y était opposé. De même, le groupe de travail mis en place par Gérard Larcher n'a pas repris cette proposition.
D'ailleurs, certaines des propositions alors examinées consistaient plutôt à mettre en place une sorte de débat d'orientation des finances locales. Cette idée – un débat, mais pas plus ! – a d'ailleurs été reprise dans la réforme de la Lolf accomplie au cours du précédent quinquennat, sous l'égide d'Éric Woerth et de Laurent Saint-Martin.
Beaucoup d'arguments ont déjà été avancés contre la création d'une telle loi de financement. J'en reprendrai quelques-uns.
Tout d'abord, je trouve étrange et paradoxal, de la part de parlementaires qui, souvent, s'opposent à l'idée de contractualisation, d'aller plus loin encore avec une loi de financement.
Si l'on refuse la première étape, pourquoi vouloir aller plus loin ? À la rigueur, on pourrait dire : qui peut le plus peut le moins. Mais vous vous êtes souvent opposés à la contractualisation, mes chers collègues.
Ensuite, une telle loi donnerait le dernier mot à l'Assemblée nationale. Or je ne suis pas sûr que le Sénat souhaite qu'il y ait en la matière, comme pour les textes budgétaires, une prépondérance de l'Assemblée.
Par ailleurs, la comparaison avec les lois de financement de la sécurité sociale me semble dangereuse ; en tout cas, elle mérite d'être interrogée. Ces lois ont été créées, en 1996, pour rétablir l'équilibre financier de la sécurité sociale. Notre collègue Antoine Lefèvre a d'ailleurs évoqué, à juste titre, un risque de carcan. Je ne suis pas sûr que ce soit l'esprit du texte qui nous est soumis.
Une fois cet outil créé, le législateur l'aurait à sa disposition et pourrait en faire ce qu'il veut.
Rejet d’une proposition de loi constitutionnelle
Il faut donc être extrêmement prudent en la matière, me semble-t-il.
D'autres éléments encore justifient notre opposition à cette proposition de loi constitutionnelle, même si certaines des idées exposées sont intéressantes.
L'article 2 du texte a pour objet de garantir, financièrement, les transferts de compétences aux collectivités locales. Vous comprendrez, mes chers collègues, que je ne puis partager un certain nombre des arguments qui ont été exposés pour le justifier.
La Cour des comptes a rappelé, en 2021, que les recettes locales sont beaucoup plus dynamiques que les dépenses ; c'est ce qui explique d'ailleurs l'excédent de 4, 7 milliards d'euros que nous avons observé. La Cour précise d'ailleurs dans ce rapport que seuls l'État et la sécurité sociale ont contribué significativement à l'aggravation du déficit public. La contribution des collectivités locales ne dépasse pas 0, 15 point : ce n'est rien du tout par rapport au déficit public général des années 2020 et 2021, qui était notamment lié au covid.
Comment l'expliquer ? Désormais – ce point n'a pas encore été rappelé –, les transferts de l'État aux collectivités locales sont adossés à la TVA, taxe qui a déjà montré son dynamisme et qui, dans un contexte de croissance maintenue, le montre encore. Bien sûr, son produit peut varier, mais, pour l'instant, le choix de l'adossement à la TVA se montre positif pour les recettes des collectivités locales.
Je ne veux pas être taquin, mais je rappellerai que, sous un précédent quinquennat – celui de François Hollande –, les dotations aux collectivités locales ont fortement baissé : de 1, 5 milliard d'euros en 2014 et de 11 milliards d'euros au total entre 2013 et 2017 !
L'enveloppe normée de la DGF avait été créée en 1996. Pour notre part, nous avons sanctuarisé cette dotation et nous lui avons même ajouté 320 millions d'euros dans la dernière loi de finances. Il faut tout de même rappeler ce cadre budgétaire d'ensemble !
Je ne reviendrai pas, faute de temps, sur le filet de sécurité, le bouclier tarifaire, la charte pour les fournisseurs et tous les dispositifs qui ont été mis en place pour aider les collectivités locales à faire face à l'inflation qu'elles subissent, elles aussi.
Enfin, les remarques et les réserves exprimées par M. le rapporteur pour avis me semblent de bon sens : le principe de libre administration des collectivités locales s'oppose tout de même à ce que l'on examine comment l'argent est dépensé !
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences, présentée par M. Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues (proposition n° 869 rectifié [2021-2022], résultat des travaux de la commission n° 472, rapport n° 471, avis n° 468).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi constitutionnelle.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « que les objectifs fixés au sein d’une loi d’orientation pluriannuelle soient déclinés au sein d’une loi de financement ou de finances, ils permettraient en tout état de cause d’inscrire les débats sur la fiscalité locale dans une nécessaire pluriannualité ». Si notre proposition de loi constitutionnelle opte pour une loi de financement des collectivités territoriales, nous souscrivons entièrement à ces propos du rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ou RCT, du projet de loi de finances pour 2020, M. Loïc Hervé.
Notre proposition est partagée par des acteurs aux horizons divers.
L’Association des maires de France (AMF), tout d’abord, l’a fait savoir par la voix de son précédent président François Baroin lors des débats sur la révision constitutionnelle de 2018. Elle l’a réaffirmé à l’occasion de l’élection présidentielle de 2022 et, plus récemment, dans son communiqué de presse du 14 mars 2023. Quelque 80 % des maires interrogés en 2019 sont favorables à ce projet.
La Cour des comptes, ensuite, l’a signifié dans ses rapports de 2013, 2016 et 2018. Les rapporteurs de la mission flash « Autonomie financière des collectivités locales », Charles de Courson et Christophe Jerretie, aboutissaient aux mêmes conclusions en mai 2018. Notre collègue Roger Karoutchi, enfin, a déposé une proposition de loi constitutionnelle comparable à la nôtre.
Le constat est donc partagé. La révision constitutionnelle de 2003 n’a pas garanti l’autonomie fiscale des collectivités locales, se limitant à l’autonomie financière. Encore cette dernière était-elle interprétée de manière stricte par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment lors de la suppression de la taxe d’habitation. Cette consécration de l’autonomie financière n’a donc été, pour citer le professeur Michel Bouvier, « qu’un rendez-vous manqué, une illusion. »
Il en va de même de la jurisprudence concernant l’appréciation des mécanismes de compensation financière des transferts de compétences. C’est particulièrement édifiant en ce qui concerne les dépenses sociales de nos départements. Quoique les collectivités territoriales aient soulevé de nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), aucune d’entre elles n’a prospéré face à l’interprétation stricte retenue par le Conseil constitutionnel.
L’autonomie financière des collectivités locales a donc été vidée de son sens, alors qu’elle doit tout de même garantir la libre administration de ces dernières, donc le respect d’une véritable organisation décentralisée de la République.
La part de la fiscalité locale s’est progressivement réduite, au profit de dotations de compensation de l’État. Les dernières dispositions budgétaires issues de la loi de finances pour 2023 ont encore illustré cette évolution, avec la diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Le système est de plus en plus opaque et illisible. En octobre 2022, la Cour des comptes soulignait « la sédimentation historique des recettes » et dressait le constat d’un « système complexe et à bout de souffle ». Ce système opaque et illisible entrave l’action des collectivités locales, qui n’ont pas de visibilité sur les réformes fiscales, les décisions d’attributions des dotations d’investissement ou l’imposition de normes de toute nature.
L’éparpillement des mesures budgétaires et fiscales concernant les collectivités locales dans la loi de finances ne fait qu’ajouter à la confusion qui s’est installée dans les relations financières entre l’État et nos collectivités locales. L’État cherche souvent à faire payer aux collectivités ce qu’il ne souhaite plus assumer.
Notre proposition est, d’une part, de créer une loi de financement des collectivités locales, et, d’autre part, de prévoir une compensation dynamique dans le temps des transferts de compétences.
Cette idée remonte au rapport réalisé par Olivier Guichard en 1976. Elle a été reprise régulièrement, notamment dans le rapport Lambert-Malvy.
Les objectifs d’une telle loi de financement seraient simples : fixer un cadre de référence unique pour le Parlement et constituer un outil de transparence pour une meilleure information des élus locaux. Elle améliorerait la lisibilité et la visibilité pour les collectivités territoriales, qui ont besoin de prévisibilité. Elle nous donnerait une meilleure lisibilité des engagements financiers de l’État et clarifierait les responsabilités de chacun.
Articulée, comme le PLFSS, à la loi de finances, qui fixe les grands équilibres financiers de l’État, elle constituerait avec ces textes une sorte de trépied des lois budgétaires.
Toutefois, notre proposition de loi a d’autres ambitions encore : accroître la clarté et la sincérité du débat parlementaire sur les collectivités territoriales et reconnaître les collectivités locales au sein de notre édifice constitutionnel, car celles-ci représentent 20 % du budget de la Nation et 57 % de l’investissement local.
Une telle évolution mettrait fin à l’infantilisation des collectivités locales par l’État et instaurerait un véritable espace de dialogue entre celles-ci et l’État.
Plusieurs arguments nous sont opposés par Mme le rapporteur, qui a évoqué des écueils pratiques, au regard du calendrier parlementaire. En vérité, il y aurait déjà matière à discuter du calendrier d’examen de la loi de finances, qui mériterait d’être revu.
On invoque également un problème d’articulation avec la loi de finances initiale. Or cette dernière retrace les versements de l’État à la sécurité sociale, ce qui n’empêche pas le Parlement de voter une LFSS.
On craint que ce texte ne confère un pouvoir de contrainte supplémentaire au Gouvernement. Mais les atteintes à la libre administration sont déjà légion : gel ou diminution des dotations, contrats de Cahors… Nous pensons que c’est plutôt le manque de transparence qui menace l’autonomie des collectivités territoriales.
Mes chers collègues, ne nous laissons pas égarer par le parallèle avec la LFSS : la loi de financement des collectivités territoriales n’aurait pas pour objet d’instituer un plafond de dépenses, la libre administration des collectivités territoriales interdisant de donner à ce texte un caractère prescriptif.
On nous objecte aussi l’utilisation du 49.3. Mais quelle est la différence avec la situation actuelle, cet article pouvant être utilisé, et il l’a été largement, sur les lois de finances ?
L’absence de loi organique, enfin, empêcherait de se prononcer. Nous sommes prêts à y travailler avec vous, madame le rapporteur, notamment en faisant référence à la proposition de loi constitutionnelle de notre collègue Karoutchi, que vous avez cosignée.
L’article 2 de notre texte prévoit une garantie dynamique dans le temps des transferts de compétence. Cela répond à une demande récurrente des collectivités territoriales. Une telle disposition a été adoptée, sur notre initiative, lors de l’examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, mais elle a malheureusement été retirée en commission mixte paritaire.
Ce dispositif avait également été intégré par Philippe Bas dans sa proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales. Cela n’enlève rien à l’intérêt de ce que nous proposons.
Notre texte vise à réaffirmer le rôle que jouent les collectivités locales dans l’organisation décentralisée de la République. Cette reconnaissance est, pour nous, impérative. Elle ne peut être sacrifiée sur l’autel de la politique partisane. Nous vous proposons donc de travailler ensemble, comme nous l’avons fait pour le « zéro artificialisation nette » (ZAN).
Pour conclure, il est temps de sortir de la verticalité du pouvoir, qui place l’État et les collectivités locales dans un rapport de défiance permanent. Cette loi permettrait une nouvelle avancée des libertés et de la démocratie locale.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « que les objectifs fixés au sein d’une loi d’orientation pluriannuelle soient déclinés au sein d’une loi de financement ou de finances, ils permettraient en tout état de cause d’inscrire les débats sur la fiscalité locale dans une nécessaire pluriannualité ». Si notre proposition de loi constitutionnelle opte pour une loi de financement des collectivités territoriales, nous souscrivons entièrement à ces propos du rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ou RCT, du projet de loi de finances pour 2020, M. Loïc Hervé.
Notre proposition est partagée par des acteurs aux horizons divers.
L’Association des maires de France (AMF), tout d’abord, l’a fait savoir par la voix de son précédent président François Baroin lors des débats sur la révision constitutionnelle de 2018. Elle l’a réaffirmé à l’occasion de l’élection présidentielle de 2022 et, plus récemment, dans son communiqué de presse du 14 mars 2023. Quelque 80 % des maires interrogés en 2019 sont favorables à ce projet.
La Cour des comptes, ensuite, l’a signifié dans ses rapports de 2013, 2016 et 2018. Les rapporteurs de la mission flash « Autonomie financière des collectivités locales », Charles de Courson et Christophe Jerretie, aboutissaient aux mêmes conclusions en mai 2018. Notre collègue Roger Karoutchi, enfin, a déposé une proposition de loi constitutionnelle comparable à la nôtre.
Le constat est donc partagé. La révision constitutionnelle de 2003 n’a pas garanti l’autonomie fiscale des collectivités locales, se limitant à l’autonomie financière. Encore cette dernière était-elle interprétée de manière stricte par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment lors de la suppression de la taxe d’habitation. Cette consécration de l’autonomie financière n’a donc été, pour citer le professeur Michel Bouvier, « qu’un rendez-vous manqué, une illusion. »
Il en va de même de la jurisprudence concernant l’appréciation des mécanismes de compensation financière des transferts de compétences. C’est particulièrement édifiant en ce qui concerne les dépenses sociales de nos départements. Quoique les collectivités territoriales aient soulevé de nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), aucune d’entre elles n’a prospéré face à l’interprétation stricte retenue par le Conseil constitutionnel.
L’autonomie financière des collectivités locales a donc été vidée de son sens, alors qu’elle doit tout de même garantir la libre administration de ces dernières, donc le respect d’une véritable organisation décentralisée de la République.
La part de la fiscalité locale s’est progressivement réduite, au profit de dotations de compensation de l’État. Les dernières dispositions budgétaires issues de la loi de finances pour 2023 ont encore illustré cette évolution, avec la diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Le système est de plus en plus opaque et illisible. En octobre 2022, la Cour des comptes soulignait « la sédimentation historique des recettes » et dressait le constat d’un « système complexe et à bout de souffle ». Ce système opaque et illisible entrave l’action des collectivités locales, qui n’ont pas de visibilité sur les réformes fiscales, les décisions d’attributions des dotations d’investissement ou l’imposition de normes de toute nature.
L’éparpillement des mesures budgétaires et fiscales concernant les collectivités locales dans la loi de finances ne fait qu’ajouter à la confusion qui s’est installée dans les relations financières entre l’État et nos collectivités locales. L’État cherche souvent à faire payer aux collectivités ce qu’il ne souhaite plus assumer.
Notre proposition est, d’une part, de créer une loi de financement des collectivités locales et, d’autre part, de prévoir une compensation dynamique dans le temps des transferts de compétences.
Cette idée remonte au rapport réalisé par Olivier Guichard en 1976. Elle a été reprise régulièrement, notamment dans le rapport Lambert-Malvy.
Les objectifs d’une telle loi de financement seraient simples : fixer un cadre de référence unique pour le Parlement et constituer un outil de transparence pour une meilleure information des élus locaux. Elle améliorerait la lisibilité et la visibilité pour les collectivités territoriales, qui ont besoin de prévisibilité. Elle nous donnerait une meilleure lisibilité des engagements financiers de l’État et clarifierait les responsabilités de chacun.
Articulée, comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à la loi de finances, qui fixe les grands équilibres financiers de l’État, elle constituerait avec ces textes une sorte de trépied des lois budgétaires.
Toutefois, notre proposition de loi a d’autres ambitions encore : accroître la clarté et la sincérité du débat parlementaire sur les collectivités territoriales et reconnaître les collectivités locales au sein de notre édifice constitutionnel, car celles-ci représentent 20 % du budget de la Nation et 57 % de l’investissement local.
Une telle évolution mettrait fin à l’infantilisation des collectivités locales par l’État et instaurerait un véritable espace de dialogue entre celles-ci et l’État.
Plusieurs arguments nous sont opposés par Mme le rapporteur, qui a évoqué des écueils pratiques, au regard du calendrier parlementaire. En vérité, il y aurait déjà matière à discuter du calendrier d’examen de la loi de finances, qui mériterait d’être revu.
On invoque également un problème d’articulation avec la loi de finances initiale. Or cette dernière retrace les versements de l’État à la sécurité sociale, ce qui n’empêche pas le Parlement de voter une LFSS.
On craint que ce texte ne confère un pouvoir de contrainte supplémentaire au Gouvernement. Mais les atteintes à la libre administration sont déjà légion : gel ou diminution des dotations, contrats de Cahors… Nous pensons que c’est plutôt le manque de transparence qui menace l’autonomie des collectivités territoriales.
Mes chers collègues, ne nous laissons pas égarer par le parallèle avec la LFSS : la loi de financement des collectivités territoriales n’aurait pas pour objet d’instituer un plafond de dépenses, la libre administration des collectivités territoriales interdisant de donner à ce texte un caractère prescriptif.
On nous objecte aussi l’utilisation du 49.3. Mais quelle est la différence avec la situation actuelle, cet article pouvant être utilisé, et il l’a été largement, sur les lois de finances ?
L’absence de loi organique, enfin, empêcherait de se prononcer. Nous sommes prêts à y travailler avec vous, madame le rapporteur, notamment en faisant référence à la proposition de loi constitutionnelle de notre collègue Karoutchi, que vous avez cosignée.
L’article 2 de notre texte prévoit une garantie dynamique dans le temps des transferts de compétence. Cela répond à une demande récurrente des collectivités territoriales. Une telle disposition a été adoptée, sur notre initiative, lors de l’examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, mais elle a malheureusement été retirée en commission mixte paritaire.
Ce dispositif avait également été intégré par Philippe Bas dans sa proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales. Cela n’enlève rien à l’intérêt de ce que nous proposons.
Notre texte vise à réaffirmer le rôle que jouent les collectivités locales dans l’organisation décentralisée de la République. Cette reconnaissance est, pour nous, impérative. Elle ne peut être sacrifiée sur l’autel de la politique partisane. Nous vous proposons donc de travailler ensemble, comme nous l’avons fait pour le « zéro artificialisation nette » (ZAN).
Pour conclure, il est temps de sortir de la verticalité du pouvoir, qui place l’État et les collectivités locales dans un rapport de défiance permanent. Cette loi permettrait une nouvelle avancée des libertés et de la démocratie locale.
M. Julien Bargeton . Pour toutes ces raisons, mon groupe s'opposera à ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
M. Emmanuel Capus applaudit.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voilà quarante ans, les lois Defferre instauraient la décentralisation. Vingt ans plus tard, ce nouveau principe d’organisation de la République était gravé dans le marbre de la Constitution.
Les fondements constitutionnels de la décentralisation sont nombreux et consacrent notamment deux principes, d’une part, la libre administration des collectivités territoriales, de l’autre, leur autonomie financière. Les deux sont liées, car sans autonomie financière, il n’y a pas de réelles marges de manœuvre.
Aujourd’hui, nous partageons un constat avec les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle dont nous débattons : l’autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales est insuffisante.
Alors que nous traversons une crise inflationniste et énergétique, s’interroger sur le niveau et la prévisibilité des ressources des collectivités territoriales n’est ni un gadget ni une lubie de parlementaires.
Nous ne pouvons faire l’économie de ces sujets, ne serait-ce que pour éviter que l’investissement local ne fléchisse, alors qu’il représente une part déterminante de l’investissement public.
Aussi, les auditions menées dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi constitutionnelle ont souligné, tout d’abord, l’amoindrissement des marges de manœuvre fiscales et financières des collectivités territoriales, du côté des recettes, du fait de la suppression de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et du côté des dépenses, avec l’introduction des contrats de Cahors.
Les auditions ont également mis en exergue, pour les élus locaux, le défaut de prévisibilité sur leurs ressources, en raison d’une absence de programmation budgétaire pluriannuelle, mais encore l’insuffisante lisibilité sur les décisions financières et l’attribution des dotations. Ainsi, l’enchevêtrement des réformes successives a opacifié les modalités d’attribution des dotations pour les collectivités territoriales.
Le défaut d’information des collectivités territoriales en amont des projets de loi de finances et lors des décisions d’attribution des dotations a été en outre largement souligné.
Enfin, on peut déplorer l’émiettement, dans le projet de loi de finances, des mesures budgétaires et fiscales ayant un impact sur les ressources comme sur les dépenses des collectivités territoriales. Cela nuit à une appréhension globale des relations financières entre l’État et les collectivités.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous nous accordons tous, me semble-t-il, sur la nécessité de remédier à la situation actuelle des collectivités territoriales, qui ont vu leurs marges de manœuvre se réduire, comme sur l’urgence de corriger les nombreux défauts du cadre législatif et constitutionnel actuel des finances locales pour les collectivités territoriales.
Face à l’absence de garantie réelle de l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, la proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue Éric Kerrouche comporte deux mesures d’inégale portée : d’une part, la création d’une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements, de l’autre, la rénovation des modalités de compensation financière des transferts de compétences, pour mieux appliquer le principe « qui décide paie ».
Je ne puis que partager pleinement l’objectif de cette proposition de loi, qui s’attache à répondre aux attentes légitimes des élus locaux.
Toutefois, il semble que les mesures proposées présentent un certain nombre de difficultés opérationnelles et juridiques, n’apportant qu’une réponse imparfaite aux souhaits de lisibilité et de prévisibilité des élus locaux quant à leurs ressources financières.
En premier lieu, plusieurs personnes auditionnées, en particulier l’ensemble des représentants des associations d’élus locaux, se sont interrogées sur l’utilité de la création d’une loi de financement spécifique aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
Ainsi, les associations d’élus locaux ont rappelé que l’institution d’une telle loi ne figurait pas parmi leurs demandes et que d’autres mesures leur semblaient davantage répondre à leurs attentes.
En deuxième lieu, une telle loi de financement n’empêcherait pas une révision annuelle du montant des concours financiers de l’État aux collectivités, conformément au principe d’annualité budgétaire.
Dès lors, il n’est pas certain que l’inscription dans la Constitution d’un véhicule financier spécifique aux collectivités territoriales et à leurs groupements aurait une incidence majeure sur leur autonomie financière ou sur la prévisibilité de leurs ressources.
En troisième lieu et de l’avis quasi unanime des personnes entendues, élus locaux comme professeurs de droit ou de finances locales, un tel véhicule recèle le risque de confier au Gouvernement un nouvel outil procédural lui permettant d’imposer unilatéralement aux collectivités territoriales et à leurs groupements de nouvelles réductions de leurs marges de manœuvre financières.
Comme pour tout véhicule financier, le Gouvernement serait libre de faire usage des facultés prévues à l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution ou d’adopter par voie d’ordonnances les mesures proposées si le Parlement ne respectait pas les délais d’examen impartis.
En quatrième lieu, ces dispositions se heurtent à de nombreux écueils juridiques et pratiques, en particulier à la difficulté d’isoler, dans les finances publiques, les ressources des collectivités territoriales de celles de l’État.
De la même manière, il serait nécessaire de tirer les conséquences de toute loi de financement sur les recettes et les charges de l’État dans la loi de finances, ce qui semble, de facto, en relativiser l’intérêt.
Enfin, l’insertion d’un nouveau texte financier dans le calendrier parlementaire, déjà très chargé, est un point de vigilance qui peut sembler anecdotique, mais qui doit être soulevé.
En cinquième lieu, et ce sujet me semble être le plus irritant entre nous, la proposition de loi constitutionnelle vise « les collectivités territoriales et leurs groupements ». Or, aujourd’hui, les groupements, émanations des communes, ne bénéficient pas, en matière financière, des mêmes garanties que les collectivités territoriales, car ils n’en sont tout simplement pas.
Dès lors, ces dispositions modifieraient les équilibres constitutionnels et institutionnels existants au sein du bloc local et reviendraient à accorder aux groupements des garanties actuellement applicables aux seules collectivités, ce qui ne me paraît pas souhaitable.
Enfin, s’agissant des dispositions relatives au réexamen régulier des compensations financières des transferts de compétences et à une amélioration des modalités de ces compensations à l’article 2, je ne puis qu’y être favorable sur le principe.
Elles sont la traduction constitutionnelle d’un principe cher à la présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation : « Qui décide paie ».
Néanmoins, je tiens à rappeler que les principales dispositions de cet article ont déjà été adoptées par le Sénat et transmises à l’Assemblée nationale, qui est libre de les inscrire à son ordre du jour.
En outre, la proposition de loi tendant à étendre ces garanties financières aux groupements, je ne pourrai qu’y être défavorable, par cohérence avec la position constante de la commission sur ce point.
Ainsi, mes chers collègues, si cette proposition de loi pose un débat essentiel, celui de l’équilibre à trouver en matière d’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales au sein d’un État unitaire et décentralisé, les solutions qu’elle y apporte m’apparaissent imparfaites et insuffisantes pour répondre à l’enjeu soulevé. Le sujet a déjà été, de surcroît, largement exploré par la proposition de loi de notre collègue Philippe Bas.
Pour terminer, j’ajouterai qu’il m’apparaît préférable de traiter ces sujets dans le cadre d’une réflexion plus large sur la place des collectivités territoriales dans l’architecture institutionnelle actuelle.
Cette réflexion est pour l’heure menée par le groupe de travail transpartisan sur la décentralisation, lancé par le président du Sénat et dont le président de notre commission, François-Noël Buffet, est le rapporteur général.
Dans ce cadre, nous avons discuté la semaine dernière, sur l’initiative du rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, de propositions couvrant l’ensemble du champ des finances locales.
Dans ces conditions, je forme le vœu que nous continuions à cheminer, ensemble, pour redéfinir les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. Je suis convaincue que l’autonomie financière des collectivités territoriales est une condition indispensable à l’effectivité de la décentralisation.
En l’espèce, mes chers collègues, je vous invite donc à ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voilà quarante ans, les lois Defferre instauraient la décentralisation. Vingt ans plus tard, ce nouveau principe d’organisation de la République était gravé dans le marbre de la Constitution.
Les fondements constitutionnels de la décentralisation sont nombreux et consacrent notamment deux principes, d’une part, la libre administration des collectivités territoriales, de l’autre, leur autonomie financière. Les deux sont liées, car sans autonomie financière, il n’y a pas de réelles marges de manœuvre.
Aujourd’hui, nous partageons un constat avec les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle dont nous débattons : l’autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales est insuffisante.
Alors que nous traversons une crise inflationniste et énergétique, s’interroger sur le niveau et la prévisibilité des ressources des collectivités territoriales n’est ni un gadget ni une lubie de parlementaires.
Nous ne pouvons faire l’économie de ces sujets, ne serait-ce que pour éviter que l’investissement local ne fléchisse, alors qu’il représente une part déterminante de l’investissement public.
Aussi, les auditions menées dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi constitutionnelle ont souligné, tout d’abord, l’amoindrissement des marges de manœuvre fiscales et financières des collectivités territoriales, du côté des recettes, du fait de la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE, et du côté des dépenses, avec l’introduction des contrats de Cahors.
Les auditions ont également mis en exergue, pour les élus locaux, le défaut de prévisibilité sur leurs ressources, en raison d’une absence de programmation budgétaire pluriannuelle, mais encore l’insuffisante lisibilité sur les décisions financières et l’attribution des dotations. Ainsi, l’enchevêtrement des réformes successives a opacifié les modalités d’attribution des dotations pour les collectivités territoriales.
Le défaut d’information des collectivités territoriales en amont des projets de loi de finances et lors des décisions d’attribution des dotations a été en outre largement souligné.
Enfin, on peut déplorer l’émiettement, dans le projet de loi de finances, des mesures budgétaires et fiscales ayant un impact sur les ressources comme sur les dépenses des collectivités territoriales. Cela nuit à une appréhension globale des relations financières entre l’État et les collectivités.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous nous accordons tous, me semble-t-il, sur la nécessité de remédier à la situation actuelle des collectivités territoriales, qui ont vu leurs marges de manœuvre se réduire, comme sur l’urgence de corriger les nombreux défauts du cadre législatif et constitutionnel actuel des finances locales pour les collectivités territoriales.
Face à l’absence de garantie réelle de l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, la proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue Éric Kerrouche comporte deux mesures d’inégale portée : d’une part, la création d’une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements, de l’autre, la rénovation des modalités de compensation financière des transferts de compétences, pour mieux appliquer le principe « qui décide paie ».
Je ne puis que partager pleinement l’objectif de cette proposition de loi, qui s’attache à répondre aux attentes légitimes des élus locaux.
Toutefois, il semble que les mesures proposées présentent un certain nombre de difficultés opérationnelles et juridiques, n’apportant qu’une réponse imparfaite aux souhaits de lisibilité et de prévisibilité des élus locaux quant à leurs ressources financières.
En premier lieu, plusieurs personnes auditionnées, en particulier l’ensemble des représentants des associations d’élus locaux, se sont interrogées sur l’utilité de la création d’une loi de financement spécifique aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
Ainsi, les associations d’élus locaux ont rappelé que l’institution d’une telle loi ne figurait pas parmi leurs demandes et que d’autres mesures leur semblaient davantage répondre à leurs attentes.
En deuxième lieu, une telle loi de financement n’empêcherait pas une révision annuelle du montant des concours financiers de l’État aux collectivités, conformément au principe d’annualité budgétaire.
Dès lors, il n’est pas certain que l’inscription dans la Constitution d’un véhicule financier spécifique aux collectivités territoriales et à leurs groupements aurait une incidence majeure sur leur autonomie financière ou sur la prévisibilité de leurs ressources.
En troisième lieu et de l’avis quasi unanime des personnes entendues, élus locaux comme professeurs de droit ou de finances locales, un tel véhicule recèle le risque de confier au Gouvernement un nouvel outil procédural lui permettant d’imposer unilatéralement aux collectivités territoriales et à leurs groupements de nouvelles réductions de leurs marges de manœuvre financières.
Comme pour tout véhicule financier, le Gouvernement serait libre de faire usage des facultés prévues à l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution ou d’adopter par voie d’ordonnances les mesures proposées si le Parlement ne respectait pas les délais d’examen impartis.
En quatrième lieu, ces dispositions se heurtent à de nombreux écueils juridiques et pratiques, en particulier à la difficulté d’isoler, dans les finances publiques, les ressources des collectivités territoriales de celles de l’État.
De la même manière, il serait nécessaire de tirer les conséquences de toute loi de financement sur les recettes et les charges de l’État dans la loi de finances, ce qui semble, de facto, en relativiser l’intérêt.
Enfin, l’insertion d’un nouveau texte financier dans le calendrier parlementaire, déjà très chargé, est un point de vigilance qui peut sembler anecdotique, mais qui doit être soulevé.
En cinquième lieu, et ce sujet me semble être le plus irritant entre nous, la proposition de loi constitutionnelle vise « les collectivités territoriales et leurs groupements ». Or, aujourd’hui, les groupements, émanations des communes, ne bénéficient pas, en matière financière, des mêmes garanties que les collectivités territoriales, car ils n’en sont tout simplement pas.
Dès lors, ces dispositions modifieraient les équilibres constitutionnels et institutionnels existants au sein du bloc local et reviendraient à accorder aux groupements des garanties actuellement applicables aux seules collectivités, ce qui ne me paraît pas souhaitable.
Enfin, s’agissant des dispositions relatives au réexamen régulier des compensations financières des transferts de compétences et à une amélioration des modalités de ces compensations à l’article 2, je ne puis qu’y être favorable sur le principe.
Elles sont la traduction constitutionnelle d’un principe cher à la présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation : « Qui décide paie ».
Néanmoins, je tiens à rappeler que les principales dispositions de cet article ont déjà été adoptées par le Sénat et transmises à l’Assemblée nationale, qui est libre de les inscrire à son ordre du jour.
En outre, la proposition de loi tendant à étendre ces garanties financières aux groupements, je ne pourrai qu’y être défavorable, par cohérence avec la position constante de la commission sur ce point.
Ainsi, mes chers collègues, si cette proposition de loi pose un débat essentiel, celui de l’équilibre à trouver en matière d’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales au sein d’un État unitaire et décentralisé, les solutions qu’elle y apporte m’apparaissent imparfaites et insuffisantes pour répondre à l’enjeu soulevé. Le sujet a déjà été, de surcroît, largement exploré par la proposition de loi de notre collègue Philippe Bas.
Pour terminer, j’ajouterai qu’il m’apparaît préférable de traiter ces sujets dans le cadre d’une réflexion plus large sur la place des collectivités territoriales dans l’architecture institutionnelle actuelle.
Cette réflexion est pour l’heure menée par le groupe de travail transpartisan sur la décentralisation, lancé par le président du Sénat et dont le président de notre commission, François-Noël Buffet, est le rapporteur général.
Dans ce cadre, nous avons discuté la semaine dernière, sur l’initiative du rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, de propositions couvrant l’ensemble du champ des finances locales.
Dans ces conditions, je forme le vœu que nous continuions à cheminer, ensemble, pour redéfinir les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. Je suis convaincue que l’autonomie financière des collectivités territoriales est une condition indispensable à l’effectivité de la décentralisation.
En l’espèce, mes chers collègues, je vous invite donc à ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je veux tout d'abord exprimer ma frustration qu'un débat aussi important soit tronqué. Certes, c'est la règle des niches parlementaires, mais il aurait certainement fallu plus de temps pour de réels échanges, des explications et des réponses.
Je remercie nos collègues du groupe socialiste d'avoir déposé ce texte, qui répond à une exigence de l'ensemble des élus locaux en matière de financement des collectivités territoriales.
Ce financement souffre cruellement, depuis un certain temps, d'un manque de moyens auquel s'ajoutent, comme cela a été rappelé, les multiples crises que nous traversons depuis maintenant quelques années.
Si la création d'une loi de financement des collectivités territoriales peut paraître séduisante, il nous semble que ce qu'attendent avant tout les élus locaux, c'est plus de visibilité et de prévisibilité, afin de pouvoir mieux anticiper, bâtir leur budget et répondre aux besoins des populations par leurs différentes dépenses d'investissement et de fonctionnement.
Nous craignons toutefois que l'article 1er, tel qu'il a été rédigé, ne renforce finalement le caractère autoritaire du contrôle par l'État de la gestion des collectivités territoriales. Celles-ci ont actuellement besoin de 100 milliards d'euros pour assurer pleinement leurs missions de service public. C'est à ce défi-là qu'il nous faut répondre. Or encadrer les dépenses ne permettra pas de compenser des décennies de désengagement de l'État.
La libre administration des communes risque d'être remise en cause : comme elles ne disposent plus de ressources propres, elles dépendront davantage du bon vouloir de l'État.
Je n'énumérerai pas les différentes taxes et impôts qui ont été supprimés ces dernières années, …
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, bien qu’une majorité de ses membres se soit prononcée contre l’adoption de la proposition de loi constitutionnelle déposée par Éric Kerrouche et plusieurs de nos collègues, la commission des finances partage le diagnostic qui a conduit à son dépôt.
Le manque de prévisibilité budgétaire qui frappe les collectivités territoriales, d’une part, et la sous-évaluation de plus en plus manifeste des compensations des compétences transférées, d’autre part, constituent, malheureusement, deux réalités.
À première vue l’instauration d’un éventuel projet de loi de financement des collectivités territoriales paraît séduisante. Cependant, le sujet n’est pas aussi simple, et l’institution d’une loi de financement des collectivités territoriales aurait tout d’une fausse bonne idée.
Non seulement elle risquerait de se retourner contre les collectivités territoriales, en conférant au Gouvernement un nouvel outil de contrainte financière, mais elle poserait également des difficultés d’articulation majeures avec la loi de finances.
Indépendamment du calendrier, un tel dispositif impliquerait de sortir du projet de loi de finances les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, soit, excusez du peu, un peu plus de 107 milliards d’euros ! La commission des finances pourrait difficilement admettre une telle atteinte au domaine des lois de finances.
À l’inverse, si l’on adoptait une solution intermédiaire et si les transferts financiers de l’État, c’est-à-dire un peu moins de la moitié des ressources des collectivités territoriales, continuaient à relever des lois de finances, l’intérêt supposé des lois de financement des collectivités territoriales, à la portée essentiellement programmatique, se révélerait très limité.
Plutôt qu’à une révision constitutionnelle aux conséquences et à la mise en œuvre incertaines, c’est à l’édification d’une nouvelle gouvernance des finances locales que nous devrions nous attacher.
Une telle évolution est indispensable pour que les collectivités puissent réellement être associées à la préparation des textes financiers qui les concernent, à plus forte raison dans le contexte d’un recours croissant à la fiscalité partagée.
Nous avons besoin de repenser les espaces de discussion entre le Gouvernement, les assemblées parlementaires et les associations d’élus.
Comme l’a rappelé la Cour des comptes, cette nouvelle gouvernance pourrait passer, entre autres, par une réflexion sur la composition et le champ de compétences du Comité des finances locales. Je souhaiterais d’ailleurs connaître, peut-être à une autre occasion – notre temps est contraint –, l’avis du Gouvernement sur ce point particulier.
S’agissant du second objectif de la proposition de loi constitutionnelle, à savoir le renforcement des exigences de compensation financière des transferts de compétences, je partage le constat dressé et la proposition formulée.
La commission des finances avait déjà donné un avis favorable au dispositif proposé, en le qualifiant de « réexamen régulier » des compensations, lors de l’examen, en 2020, de la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales, que le Sénat avait adoptée. Une nouvelle adoption de ce dispositif serait donc superfétatoire.
De nouveau, je souhaite néanmoins souligner qu’un renforcement de la gouvernance des finances locales constituerait un prérequis indispensable à sa mise en œuvre.
Un travail d’objectivation des charges supportées par les collectivités territoriales au titre des différentes compétences, qui ne peut être mené que dans le cadre d’une concertation approfondie, est au préalable nécessaire.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances émet un avis défavorable à l’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, bien qu’une majorité de ses membres se soit prononcée contre l’adoption de la proposition de loi constitutionnelle déposée par Éric Kerrouche et plusieurs de nos collègues, la commission des finances partage le diagnostic qui a conduit à son dépôt.
Le manque de prévisibilité budgétaire qui frappe les collectivités territoriales, d’une part, et la sous-évaluation de plus en plus manifeste des compensations des compétences transférées, d’autre part, constituent, malheureusement, deux réalités.
À première vue l’instauration d’un éventuel projet de loi de financement des collectivités territoriales paraît séduisante. Cependant, le sujet n’est pas aussi simple, et l’institution d’une loi de financement des collectivités territoriales aurait tout d’une fausse bonne idée.
Non seulement elle risquerait de se retourner contre les collectivités territoriales, en conférant au Gouvernement un nouvel outil de contrainte financière, mais elle poserait également des difficultés d’articulation majeures avec la loi de finances.
Indépendamment du calendrier, un tel dispositif impliquerait de sortir du projet de loi de finances les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, soit, excusez du peu, un peu plus de 107 milliards d’euros ! La commission des finances pourrait difficilement admettre une telle atteinte au domaine des lois de finances.
À l’inverse, si l’on adoptait une solution intermédiaire et si les transferts financiers de l’État, c’est-à-dire un peu moins de la moitié des ressources des collectivités territoriales, continuaient à relever des lois de finances, l’intérêt supposé des lois de financement des collectivités territoriales, à la portée essentiellement programmatique, se révélerait très limité.
Plutôt qu’à une révision constitutionnelle aux conséquences et à la mise en œuvre incertaines, c’est à l’édification d’une nouvelle gouvernance des finances locales que nous devrions nous attacher.
Une telle évolution est indispensable pour que les collectivités puissent réellement être associées à la préparation des textes financiers qui les concernent, à plus forte raison dans le contexte d’un recours croissant à la fiscalité partagée.
Nous avons besoin de repenser les espaces de discussion entre le Gouvernement, les assemblées parlementaires et les associations d’élus.
Comme l’a rappelé la Cour des comptes, cette nouvelle gouvernance pourrait passer, entre autres, par une réflexion sur la composition et le champ de compétences du Comité des finances locales. Je souhaiterais d’ailleurs connaître, peut-être à une autre occasion – notre temps est contraint –, l’avis du Gouvernement sur ce point particulier.
S’agissant du second objectif de la proposition de loi constitutionnelle, à savoir le renforcement des exigences de compensation financière des transferts de compétences, je partage le constat dressé et la proposition formulée.
La commission des finances avait déjà donné un avis favorable sur le dispositif proposé, en le qualifiant de « réexamen régulier » des compensations, lors de l’examen, en 2020, de la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales, que le Sénat avait adoptée. Une nouvelle adoption de ce dispositif serait donc superfétatoire.
De nouveau, je souhaite néanmoins souligner qu’un renforcement de la gouvernance des finances locales constituerait un prérequis indispensable à sa mise en œuvre.
Un travail d’objectivation des charges supportées par les collectivités territoriales au titre des différentes compétences, qui ne peut être mené que dans le cadre d’une concertation approfondie, est au préalable nécessaire.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances émet un avis défavorable sur l’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle.
… mais, aujourd'hui, pour l'échelon communal, la taxe foncière demeure l'unique recette.
Pourtant, les taxes dans notre pays sont multiples. À ce propos, je veux redire que le problème de la France est très certainement que nous payons trop de taxes, mais pas assez d'impôts.
Une loi de programmation pour les collectivités territoriales nous semble constituer un véhicule beaucoup plus approprié et pertinent pour répondre aux enjeux de financement, mais aussi aux souhaits de visibilité et de transparence exprimés par les élus locaux.
Pour que le débat budgétaire soit plus efficace, il serait judicieux de prévoir un temps de débat sur les finances locales au sein de l'examen du projet de loi de finances.
Cela permettrait une forme de recollement des différentes recettes et dépenses affectées aux collectivités territoriales. Nous pourrions également proposer la création d'un jaune budgétaire, qui regrouperait toutes les données relatives aux dépenses de l'État pour les collectivités et permettrait d'instaurer plus de transparence.
Le deuxième objet de cette proposition de loi constitutionnelle est la compensation des nombreux transferts des compétences. Ceux-ci se sont en effet parfois opérés sans compensation à l'euro près, voire contre la volonté des élus.
Nous aurions voulu qu'un débat se tienne sur chacun des articles de ce texte. Toutefois, pour permettre d'aller jusqu'au vote, nous ne nous exprimerons pas lors de leur examen.
Mes chers collègues, je viens de vous exposer pourquoi notre groupe votera contre l'article 1er. En revanche, notre vote sur l'article 2 sera favorable.
Finalement, en l'état de la rédaction du texte, notamment parce que nous pensons que la création d'une loi de financement des collectivités territoriales permettrait au Gouvernement de recourir au 49.3 sur les finances de celles-ci, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi constitutionnelle.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, monsieur le sénateur Kerrouche, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai d’être bref, afin que tous les orateurs inscrits aient le temps de s’exprimer.
Voilà maintenant quarante ans, avec la promulgation de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, que le mouvement décentralisateur a été engagé dans notre pays, dont on sait combien l’histoire politique est ancrée dans une tradition jacobine.
Mardi dernier, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République soufflait ses vingt bougies. Voilà donc vingt ans que notre Constitution proclame que l’organisation de la République est décentralisée.
Je sais ce que cette proclamation signifie pour votre assemblée, dont nul n’ignore combien elle est attachée à la démocratie locale et à la représentation des territoires.
Ainsi, sur l’initiative du président Larcher, le Sénat a formé un nouveau groupe de travail sur la décentralisation, représentatif de tous les groupes politiques de cet hémicycle. Je veux rendre hommage à cette initiative.
Déjà, les sujets de préoccupation apparaissent. Le président Larcher les a d’ailleurs évoqués publiquement : il s’agit, en particulier, des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales et de l’approfondissement de la différenciation territoriale. Le Gouvernement est particulièrement à l’écoute des réflexions sur ces sujets.
Sur l’initiative du Président de la République, plusieurs réunions de travail ont été organisées avec les associations d’élus locaux, afin d’échanger sur les enjeux d’une réforme institutionnelle, notamment en vue d’un renforcement de la décentralisation et de l’autonomie financière des collectivités.
Ces questions sont délicates et sensibles, mais les attentes sont claires : plus de clarté dans les compétences exercées, plus de proximité dans l’élaboration des solutions et plus de responsabilités aux collectivités, à la condition, bien sûr, que celles-ci disposent des moyens juridiques et financiers associés aux compétences transférées.
Les auteurs de cette proposition de loi constitutionnelle, tout comme Mme Agnès Canayer dans son rapport, exposent parfaitement les enjeux auxquels les collectivités sont actuellement confrontées, me semble-t-il.
Si le ratio d’autonomie financière des collectivités territoriales est aujourd’hui historiquement élevé – aux alentours de 70 % pour les communes, départements et régions –, certaines voix d’élus locaux s’élèvent pour demander davantage de visibilité sur leurs ressources financières. D’autres vont plus loin et appellent à une réforme des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales.
Par ailleurs, alors que l’article 72-2 de la Constitution prévoit que « tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice », certaines collectivités peuvent être confrontées à une forte augmentation de la charge que représente un transfert de compétences.
En réponse à ce problème, la proposition de loi constitutionnelle de M. le sénateur Éric Kerrouche a pour objet de créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que de garantir la compensation financière des transferts de compétences, en instaurant un réexamen régulier des ressources transférées.
La création d’une loi de financement des collectivités territoriales a été proposée dans le rapport de MM. Lambert et Malvy d’avril 2014, ainsi que dans trois rapports de la Cour des comptes.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je veux saluer le travail des rapporteurs, mais aussi l'initiative de M. Kerrouche, qui braque le projecteur sur un sujet essentiel et parfois existentiel, à savoir le financement des collectivités locales et de leurs groupements.
Mon cher collègue, votre constat est pertinent et largement partagé.
Alors que la conduite de l'action publique nécessite lisibilité, sécurité et visibilité, elle est soumise à des convulsions budgétaires, à l'émiettement des financements et à un dérapage du coût des compétences transférées, du fait du fréquent rajout de normes, à l'insu des collectivités. Tout cela aboutit à une lisibilité très floue. Or, selon l'expression consacrée, quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup.
Toutefois, mon cher collègue, je pense que votre proposition de loi elle-même contient un loup ! Si l'autonomie financière des collectivités locales, que vous souhaitez conforter, est une composante du principe constitutionnel existant de libre administration des collectivités, force est de constater – vous le faites à raison – les limites de l'application de ce principe.
Votre diagnostic est bon, mais le remède que vous prescrivez ne l'est pas, me semble-t-il.
Cette bonne intention risque, comme souvent, de paver l'enfer des collectivités. En effet, la loi de financement des collectivités que vous proposez de créer, à l'article 1er, ressemble fort aux lois de financement de la sécurité sociale. Doit-on rappeler ici l'objet et l'effet de ces lois, qui est de plafonner des dépenses par le biais d'un indice ? Je ne doute pas, mon cher collègue, du succès de votre proposition de loi constitutionnelle auprès de Bercy et de la Cour des comptes !
Pardonnez-moi, mais vous réinventez les contrats de Cahors, en plus léonins. Vous créez ainsi un piège qui se refermera sur les collectivités. Ce n'était pas votre intention, mais c'est l'effet de votre proposition.
L'article 2 de ce texte vise pour sa part à rénover les modalités de compensation financière des transferts de compétences. Selon le principe, cher au Sénat, « qui décide paie », nous ne pouvons qu'adhérer à la révision du coût de ces transferts, toujours victimes de nouvelles obligations qui s'agrègent au fil du temps.
Cette disposition est si pertinente que le Sénat, vous le savez bien, l'a déjà adoptée en septembre 2020.
Pour cette institution, « une loi de financement des collectivités territoriales constituerait un instrument efficace au service de la gouvernance des finances locales ».
Cette loi de financement des collectivités territoriales aurait pour objectif de déterminer les ressources des collectivités territoriales et de retracer l’ensemble des relations financières des collectivités territoriales avec l’État.
Il est vrai qu’un tel instrument législatif offrirait l’avantage de garantir un espace de discussion parlementaire consacré aux finances locales.
Toutefois, il faut relever qu’il existe déjà la possibilité de faire suivre d’un débat au Parlement la remise du rapport prévu à l’article 7 de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, modifiant l’article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf).
Ce rapport porte sur la situation des finances publiques locales, sur l’évolution de leurs charges et de leurs dépenses ou encore sur les conséquences du projet de loi de finances sur les finances publiques locales. Un débat de ce type a eu lieu pour la première fois lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023.
En outre, il faut bien prendre garde aux conséquences concrètes d’une telle réforme pour le débat parlementaire. En effet, le champ matériel de ces lois de financement des collectivités territoriales serait exclusif de celui des lois de finances. Or de nombreux sujets ont une implication budgétaire au niveau national et au niveau local.
Je citerai par exemple la hausse de la dotation globale de fonctionnement ou la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises opérées en 2023. L’une et l’autre ont des conséquences financières pour l’État comme pour les collectivités et nécessiteraient d’être abordées lors de l’examen de la loi de finances comme lors de l’examen d’une loi de financement des collectivités.
Serait-il judicieux, dans ces circonstances, de scinder dans deux véhicules distincts les aspects nationaux et les aspects locaux ? Serait-ce même possible ? Une telle dissociation nuirait à mon sens davantage à l’information du Parlement, dans un calendrier budgétaire encore plus restreint par l’examen de trois textes financiers.
Enfin, il n’est tout simplement pas certain, comme l’ont très justement souligné les travaux de la commission, que ce nouvel instrument soit adapté à l’objectif que nous partageons tous, à savoir donner aux collectivités une visibilité et une protection financière suffisantes pour la réalisation de leurs actions.
La seconde mesure de cette proposition de loi consiste à réviser les règles de compensation financière des transferts de compétences, afin d’y introduire un mécanisme de réexamen périodique.
Tout d’abord, j’observe que le principe de libre administration des collectivités territoriales prémunit déjà les collectivités contre une dégradation excessive de leur situation financière du fait de l’évolution de leurs charges.
Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de l’affirmer dans deux décisions du 30 juin 2011 : les mécanismes de compensation doivent être suffisants pour que ne soit pas entravée la libre administration des collectivités concernées.
Par ailleurs, dans un objectif de bonne gestion des finances publiques, la capacité des collectivités locales à financer les compétences transférées doit pouvoir s’apprécier au regard de l’ensemble de leurs ressources et de leur dynamisme, et pas uniquement à l’aune des recettes directement affectées lors du transfert historique de compétences.
Enfin, la comparaison entre le niveau de ressources et de dépenses transférées poserait de grandes difficultés méthodologiques.
L’évolution ultérieure du niveau de dépenses des collectivités dépend de circonstances nationales, mais également des choix de gestion de la collectivité locale.
Une telle mécanique induirait, entre l’État et les collectivités, un examen de l’exercice de chaque compétence au niveau global, mais ensuite, inévitablement aussi, au niveau individuel. Or les choix d’une collectivité de porter l’effort sur telle compétence ou sur telle autre sont consubstantiels à la libre administration.
Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’est pas favorable, en l’état, à cette proposition de loi constitutionnelle.
Je veux être très clair : les pistes qui y sont avancées ne sont pas à balayer d’un revers de main, loin de là. Elles semblent néanmoins, pour l’heure, soulever plus d’interrogations que de solutions.
Surtout, cette proposition de loi intervient dans un contexte où un bilan plus large pourrait être dressé en matière de décentralisation. Les enjeux que cette proposition de loi aborde sont réels, mais ils ne sont pas les seuls à considérer.
Le président Larcher évoquait la différenciation des collectivités territoriales. Le Gouvernement avait souhaité se saisir en 2018 de ce sujet au travers du projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique.
La réflexion doit encore se poursuivre. En témoignent d’ailleurs les travaux menés au sein du Sénat par le groupe de travail transpartisan évoqué au début de mon intervention, ainsi que ceux qu’a lancés le Président de la République avec les associations d’élus locaux.
Sur ce sujet comme sur les autres, le Gouvernement sera particulièrement attentif à la restitution des conclusions de ces groupes de travail.
Vingt ans après que la décentralisation a fait son apparition dans notre Constitution, poursuivons notre réflexion commune, pour que nos collectivités territoriales puissent exercer pleinement leurs missions au service de nos compatriotes.
Elle attend depuis lors patiemment dans l'antichambre de l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, des travaux en cours dans notre assemblée – la mission d'information sur l'impact des décisions réglementaires et budgétaires de l'État sur l'équilibre financier des collectivités locales, dont je salue la rapporteure Guylène Pantel, ainsi que le groupe de travail transpartisan conduit par le président Larcher, dont le président de la commission des lois est le rapporteur – contribueront sans aucun doute à approfondir et structurer la réflexion du Sénat autour des exigences de sécurité et de visibilité que vous évoquez.
Mon cher collègue Éric Kerrouche, vous l'aurez compris, le groupe Union Centriste aime beaucoup votre diagnostic, mais pas du tout votre prescription. C'est pourquoi il votera contre ce texte.
M. Emmanuel Capus applaudit.
M. Julien Bargeton applaudit.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi constitutionnelle de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’est pas la première du genre. On peut citer, en particulier, la proposition de loi constitutionnelle adoptée par le Sénat en 2020.
Nous saluons toutefois cette nouvelle initiative, qui est aussi l’occasion de débattre des finances locales et des options qui permettraient d’améliorer leur cadre légal.
Elle vient notamment en complément des travaux de la mission d’information sur le thème « L’impact des décisions réglementaires et budgétaires de l’État sur l’équilibre financier des collectivités locales », dont j’ai l’honneur d’être la rapporteure depuis le 1er mars dernier.
En effet, contrairement aux administrations de l’État et de la sécurité sociale, les administrations publiques locales ne font pas l’objet d’une loi de financement dédiée, qui serait examinée chaque année au Parlement.
Les mesures de financement des collectivités sont actuellement disséminées dans le projet de loi de finances, en première partie, au travers de la fixation du montant des dotations et des impositions transférées, et, en seconde partie, au travers des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et de la répartition de ces dotations.
Il est vrai que le principal obstacle à une telle loi de financement tient peut-être à la Constitution elle-même, qui consacre en son article 72 la libre administration des collectivités territoriales.
C’est pourquoi le volet dépenses de la loi de financement ne pourrait avoir qu’un caractère indicatif. Toutefois, elle aurait le mérite de mieux distinguer ce qui relève des finances de l’État et des finances locales.
Nous saluons aussi le deuxième axe de la proposition de loi, qui vise à renforcer le principe, déjà présent dans la Constitution, de compensation financière des transferts de compétences dans le temps.
Le projet de loi de financement des collectivités territoriales (PLFCT) permettrait sans doute un meilleur suivi et un meilleur contrôle de ces compensations.
De surcroît, je m’aperçois qu’il s’agit d’une véritable revendication de la part des associations d’élus, que nous auditionnons dans le cadre de la mission d’information.
Enfin, le transfert de dispositions du projet de loi de finances (PLF) vers le PLFCT ne devrait-il pas s’accompagner d’une réduction équivalente des délais d’examen du PLF, afin de conserver un ordre du jour réaliste à l’automne ?
Il faudrait d’ores et déjà anticiper les dispositions que pourrait contenir cette future loi organique et, en particulier, veiller à ce que les lois de financement des collectivités améliorent la prévisibilité de leurs recettes, sans pour autant devenir une forme de tutelle gouvernementale.
Ces observations faites, les membres du groupe RDSE voteront en faveur de cette proposition de loi constitutionnelle, dont le rejet la semaine dernière en commission et probablement aujourd’hui en séance nous apparaît lié à des considérations davantage politiques que techniques.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.
M. Antoine Lefèvre applaudit.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j'ai déposé sur ce sujet une proposition de loi constitutionnelle qui n'est pas identique – c'est le moins que l'on puisse dire ! – à celle de notre collègue Éric Kerrouche.
Pour ma part, contrairement à Cécile Cukierman, je voterai volontiers pour l'article 1er du présent texte, mais contre son article 2. Ce n'est pas que je ne souhaite pas la compensation des transferts de compétences, mais, pour le dire franchement, un point me gêne un peu.
Nous souhaitons tous encourager l'autonomie fiscale et financière des collectivités, mais je m'inquiète toujours de ce que pourraient faire des gouvernements impécunieux, qu'ils soient de gauche ou de droite : si l'on insiste un peu trop sur la nécessité de compenser à l'euro près ces transferts, de tels gouvernements s'empresseront de dire : « Pas de problème, on va transférer, mais on va compenser ! », alors que tel n'est jamais le cas par la suite.
Je préfère évidemment que l'on se fonde davantage sur l'autonomie fiscale et financière des collectivités, en faisant en sorte qu'elles continuent de disposer d'impôts locaux, produisant de véritables rentrées financières, et qu'elles ne soient pas réduites à dépendre toujours plus des dotations de l'État. En effet, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place, on voit bien que, quand le budget va, les dotations ne souffrent pas trop, mais que, quand il n'est plus en grande forme, les collectivités locales deviennent vite la variable d'ajustement, car c'est la solution de facilité.
J'entends bien tous les arguments qui justifieraient de ne pas inscrire une telle loi de financement dans la Constitution. Mais la vérité est que beaucoup d'associations d'élus – celle des maires d'Île-de-France, notamment, mais elle n'est pas la seule – sont favorables à cette idée, sinon à tel ou tel texte qui l'exprime.
À en croire nos opposants, nous ne nous rendrions pas compte de la contrainte que la présence de ces dispositions dans la Constitution permettrait au Gouvernement d'exercer…
Pour ma part, je constate que les gouvernements qui ont supprimé la taxe professionnelle, …
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’idée d’une loi annuelle de prévision des dépenses des collectivités territoriales ne date pas d’hier.
Les premières propositions remontent au mois d’avril 2014, lorsque Martin Malvy et Alain Lambert avaient formulé les leurs dans un rapport intitulé Pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance et l ’ engagement de chacun.
Force est de constater que, quasiment dix années plus tard, ce constat de défiance entre l’État et les territoires est resté le même.
Il est à rappeler pourtant que le Conseil constitutionnel s’efforce de consacrer, à jurisprudence constante, l’exigence de protection de l’autonomie financière et fiscale des collectivités.
Dans une décision du 24 juillet 1991, les sages rappelaient déjà à titre d’exemple que les ressources des collectivités ne doivent pas être restreintes « au point d’entraver leur libre administration ».
Pourtant, plus de trente années plus tard, la voilure de ces ressources n’a cessé de se recroqueviller sur elle-même.
Les collectivités décentralisées n’ont pu qu’observer avec impuissance leurs ressources fiscales et budgétaires fondre comme neige au soleil, sans que les compensations apportées viennent véritablement corriger les pertes subies.
Après la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la suppression de la taxe d’habitation (TH) et de la CVAE ou la révision prochaine des valeurs locatives cadastrales, les communes n’ont souvent d’autre choix que de répercuter la compensation manquante sur la fiscalité des particuliers, ou bien d’accélérer les coupes budgétaires.
Grande est ainsi la tentation, pour le législateur, de canaliser les velléités de recentralisation de l’État.
C’est le cadre juridique nouveau que propose notre collègue Éric Kerrouche, par la création d’une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Certes, donner une assise constitutionnelle à une nouvelle loi de finances spéciale serait l’occasion de mettre fin à l’émiettement des versements de l’État aux collectivités, ainsi qu’à la faible lisibilité qui en résulte.
Cet émiettement entre budget général, prélèvements sur recettes et comptes spéciaux conduit à des débats parlementaires distincts, donc à des votes séparés, ce qui nuit in fine à l’exigence de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
Une loi de financement des collectivités consacrerait aussi la place des administrations publiques locales dans le triptyque institutionnel et financier de notre pays, aux côtés de l’État et du système de santé.
Il apparaît toutefois que l’intention originelle de notre collègue, si louable qu’elle fût pour nos territoires, vient se heurter au cadre constitutionnel existant. Celui-ci compromet l’objet même de la présente proposition de loi constitutionnelle.
En effet, c’est bien parce que le fonctionnement même de notre service public et de nos institutions est conditionné à l’adoption des lois de finances que le Gouvernement se voit offrir un puissant arsenal, en complément de celui dont il dispose pour les lois ordinaires.
Dès lors, enchâsser le financement des collectivités dans le cadre de la Lolf, c’est offrir au Gouvernement une nouvelle occasion de faire usage du 49.3, autant de fois qu’il le jugera nécessaire.
C’est aussi lui accorder le droit d’atrophier la durée des débats, suivant les dispositions de l’article 47 de la Constitution.
C’est également laisser au Gouvernement, dans le cas où la procédure parlementaire excéderait les délais prévus par la Constitution, la possibilité de légiférer par ordonnance et ainsi de conserver une mainmise absolue sur les versements aux territoires, leur montant et leur ventilation.
C’est enfin ouvrir la perspective de lois de financement rectificatives et de lois de règlement des collectivités, et démultiplier ainsi les véhicules législatifs pour lesquels ces outils constitutionnels pourraient être activés.
Bien davantage qu’un nouveau souffle apporté au principe d’autonomie des collectivités, c’est donc plutôt un nouveau carcan qui pourrait leur être imposé !
Si l’objet de la démarche de nos collègues est de garantir que le Parlement puisse tenir un débat annuel sur les dépenses des collectivités, qu’à cela ne tienne : nous pourrions avoir ce débat dans le cadre de l’examen d’une loi d’orientation et de programmation !
Cette option aurait l’avantage d’être plus vertueuse et moins contraignante. En outre, elle s’articulerait sagement avec le traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012.
Par ailleurs, fédérer dans une mission budgétaire unique, au sein de la loi de finances, toutes les contributions de l’État aux collectivités serait d’une immense valeur ajoutée pour la lisibilité de nos comptes et le suivi des transferts de compétences.
Comme nombre de nos collègues l’ont exprimé à cette tribune à de multiples reprises, nous avons besoin d’un séisme institutionnel pour nos territoires.
À cet égard, je ferai miens les mots du président du Sénat, Gérard Larcher, qui a défendu pour les finances locales l’objectif de ressources stables et planifiées, d’une évaluation régulière des compensations et d’une contractualisation bâtie sur le consensus.
Un État trop jacobin aura raison de la démocratie locale, sauf à ce que le Parlement lui donne les conditions de s’épanouir. Mes chers collègues, continuons de donner à cette démocratie locale les moyens de son épanouissement !
Notre groupe se référera à l’avis de la commission et ne votera pas cette proposition de loi constitutionnelle, même s’il salue vivement l’intention de ses auteurs.
Applaudissements au banc des commissions.
… l'ont fait sans le moindre état d'âme vis-à-vis des collectivités locales, sans débat, sans rien du tout. Ce fut : bonjour et au revoir ! Pour la dernière en date comme pour d'autres, il s'agit souvent d'engagements politiques pris dans des campagnes électorales, mais qui ne font pas l'objet d'un réel débat, sur le fond, au Parlement.
Monsieur le garde des sceaux, vous n'êtes pas ministre du budget – vous ne pouvez pas occuper tous les postes ! –, mais cette question doit faire l'objet d'un travail collectif.
Je ne voterai pas la proposition de loi de notre collègue Éric Kerrouche, car je suis quelque peu gêné par ce que sous-entend l'article 2 par rapport à l'État, mais j'appelle le Sénat à formuler une proposition commune. Que ce soit par le biais des présidents de groupe ou par le groupe de travail que préside Gérard Larcher, nous devons nous y atteler.
Faut-il faire figurer cette proposition dans la Constitution ? À mon avis oui, puisque cela établirait un budget clair pour les collectivités. Mais si nous ne passons pas par la Constitution, nous devons en tout cas trouver une solution pour que les collectivités locales ne se retrouvent pas systématiquement seules face au pouvoir exécutif.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans un contexte incertain, les élus locaux sont inquiets : ils craignent de ne plus pouvoir agir sur le terrain.
Or c’est bien pour cela que les élus locaux s’engagent : pour agir sur le terrain ! Avec l’inflation qui renchérit le coût des projets, les récentes évolutions de la fiscalité locale et la crise démocratique qui dévalorise leur statut, les élus locaux se sentent empêchés d’agir.
Ils ont donc besoin de sécurité. C’est le rôle du Sénat de leur apporter les éléments qui peuvent la leur offrir. Sans aucun doute, cela passe en partie par les finances locales.
Dans cet esprit, cette proposition de loi constitutionnelle a le mérite de poser dans le débat un sujet essentiel : l’autonomie financière des collectivités locales.
À cette question, nos collègues socialistes apportent la réponse suivante : créer une nouvelle catégorie de lois de financement. Leur objectif, intéressant, est de formaliser, de façon lisible et transparente, les relations financières entre l’État et les collectivités.
L’idée n’est pas nouvelle. Elle a souvent été évoquée dans cet hémicycle, à droite comme à gauche. La Cour des comptes aussi l’a défendue dans plusieurs de ses rapports. Nul doute que ce serpent de mer continuera de faire parler de lui, tant que nous n’aurons pas purgé le débat… C’est pourquoi une clarification est nécessaire et bienvenue.
Notre groupe considère toutefois qu’il s’agit d’une fausse bonne idée. La loi de financement ici proposée aurait pour effet de renforcer la dépendance des collectivités vis-à-vis de l’État. Nous pensons donc qu’elle pourrait être contre-productive.
On a déjà rappelé les récentes évolutions de la fiscalité locale, notamment la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE. Les collectivités continuent de s’interroger sur ces réformes.
Je ne vais pas refaire les débats que nous avons déjà eus lors de l’examen des lois de finances, mais je veux tout de même rappeler l’objet de ces réformes : supprimer des impôts injustes. On a ainsi mis fin à la taxe d’habitation, parce que son montant ne dépendait pas des revenus, et à la CVAE, parce qu’elle pénalisait les entreprises industrielles, donc le tissu économique des territoires.
La compensation de ces impôts, par l’affectation aux collectivités d’une fraction de la TVA, doit permettre aux collectivités de bénéficier de ressources pérennes et dynamiques. Ces réformes doivent précisément sécuriser les ressources des collectivités.
Certes, avec une loi de financement spécifique, les compensations apparaîtraient peut-être de façon plus lisible, mais deux problèmes majeurs se poseraient encore, mes chers collègues.
D’une part, examiner les flux financiers entre l’État et les collectivités sans discuter, en même temps, des impôts qui affectent l’économie, ce serait analyser la dépense sans la recette, donc réduire les collectivités à des postes de coût.
D’autre part, raisonner en grands agrégats ne donnerait aucune garantie sur des cas particuliers et ne saurait rassurer les élus.
Aussi, une telle loi de financement, examinée à la hussarde entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances, risquerait d’appauvrir le débat sur les finances des collectivités. Elle renforcerait la gestion nationale et centralisée des problématiques locales.
Telle n’est pas la vision que nous nous faisons d’une République décentralisée, qui fait confiance à ses élus locaux pour changer les choses sur le terrain.
Nous devons créer une structure ou élaborer un texte, de manière à renforcer les collectivités, sans que quiconque se sente dépossédé de ses prérogatives.
En tout état de cause, je me battrai pour l'autonomie fiscale, c'est-à-dire pour que l'on restitue aux collectivités locales des ressources fiscales propres, et non des compensations, car nous savons trop bien ce que deviennent les compensations.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la présente proposition de loi constitutionnelle a pour objet de sécuriser les relations financières entre l’État et les collectivités et de rendre plus lisibles, dans le temps, les flux de compensation des transferts de compétence.
Les auteurs de ce texte ont souhaité répondre aux demandes des élus locaux et traduire les réflexions poussées de la Cour des comptes.
À l’heure de l’urgence climatique, les collectivités manquent de lisibilité, de visibilité et de transparence sur leurs ressources, en particulier sur celles qui leur viennent de l’État. Cela freine les actions pourtant essentielles qu’elles mènent pour le quotidien de leurs administrés comme pour l’avenir de notre pays dans sa globalité. Y remédier est également essentiel pour permettre une articulation locale des stratégies nationales.
La création d’une loi de financement des collectivités territoriales était l’une des mesures portées par le candidat Yannick Jadot lors de la dernière élection présidentielle, afin d’approfondir la décentralisation dans une triple direction : plus de démocratie, plus de justice territoriale et plus d’écologie.
Ainsi, cette loi de financement constituerait un outil de meilleure information des citoyens et des élus et, en définitive, un outil de responsabilisation de l’ensemble des acteurs de l’équilibre des finances publiques locales. Il s’agit là d’un enjeu important, au moment où les collectivités territoriales doivent réaliser des investissements massifs dans la transition écologique.
Nous apporterons donc notre soutien à cette proposition de loi constitutionnelle, tout en restant vigilants sur les modalités de mise en œuvre d’une avancée nécessaire, qui pourra être complétée par les travaux des groupes de travail présidés par M. Larcher.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.
Mme Catherine Di Folco applaudit.
La discussion générale est close.
La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi constitutionnelle initiale.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la création d’une loi de financement des collectivités territoriales était déjà l’objet d’un amendement que notre collègue Kerrouche avait déposé sur la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales de notre collègue Philippe Bas.
Lors de son examen, le rapporteur Mathieu Darnaud s’y était opposé. De même, le groupe de travail mis en place par Gérard Larcher n’a pas repris cette proposition.
D’ailleurs, certaines des propositions alors examinées consistaient plutôt à mettre en place une sorte de débat d’orientation des finances locales. Cette idée – un débat, mais pas plus ! – a d’ailleurs été reprise dans la réforme de la Lolf accomplie au cours du précédent quinquennat, sous l’égide d’Éric Woerth et de Laurent Saint-Martin.
Beaucoup d’arguments ont déjà été avancés contre la création d’une telle loi de financement. J’en reprendrai quelques-uns.
Tout d’abord, je trouve étrange et paradoxal, de la part de parlementaires qui, souvent, s’opposent à l’idée de contractualisation, d’aller plus loin encore avec une loi de financement.
Si l’on refuse la première étape, pourquoi vouloir aller plus loin ? À la rigueur, on pourrait dire : qui peut le plus peut le moins. Mais vous vous êtes souvent opposés à la contractualisation, mes chers collègues.
Ensuite, une telle loi donnerait le dernier mot à l’Assemblée nationale. Or je ne suis pas sûr que le Sénat souhaite qu’il y ait en la matière, comme pour les textes budgétaires, une prépondérance de l’Assemblée.
Par ailleurs, la comparaison avec les lois de financement de la sécurité sociale me semble dangereuse ; en tout cas, elle mérite d’être interrogée. Ces lois ont été créées, en 1996, pour rétablir l’équilibre financier de la sécurité sociale. Notre collègue Antoine Lefèvre a d’ailleurs évoqué, à juste titre, un risque de carcan. Je ne suis pas sûr que ce soit l’esprit du texte qui nous est soumis.
Une fois cet outil créé, le législateur l’aurait à sa disposition et pourrait en faire ce qu’il veut.
Il faut donc être extrêmement prudent en la matière, me semble-t-il.
D’autres éléments encore justifient notre opposition à cette proposition de loi constitutionnelle, même si certaines des idées exposées sont intéressantes.
L’article 2 du texte a pour objet de garantir, financièrement, les transferts de compétences aux collectivités locales. Vous comprendrez, mes chers collègues, que je ne puis partager un certain nombre des arguments qui ont été exposés pour le justifier.
La Cour des comptes a rappelé, en 2021, que les recettes locales sont beaucoup plus dynamiques que les dépenses ; c’est ce qui explique d’ailleurs l’excédent de 4, 7 milliards d’euros que nous avons observé. La Cour précise d’ailleurs dans ce rapport que seuls l’État et la sécurité sociale ont contribué significativement à l’aggravation du déficit public. La contribution des collectivités locales ne dépasse pas 0, 15 point : ce n’est rien du tout par rapport au déficit public général des années 2020 et 2021, qui était notamment lié au covid.
Comment l’expliquer ? Désormais – ce point n’a pas encore été rappelé –, les transferts de l’État aux collectivités locales sont adossés à la TVA, taxe qui a déjà montré son dynamisme et qui, dans un contexte de croissance maintenue, le montre encore. Bien sûr, son produit peut varier, mais, pour l’instant, le choix de l’adossement à la TVA se montre positif pour les recettes des collectivités locales.
Je ne veux pas être taquin, mais je rappellerai que, sous un précédent quinquennat – celui de François Hollande –, les dotations aux collectivités locales ont fortement baissé : de 1, 5 milliard d’euros en 2014 et de 11 milliards d’euros au total entre 2013 et 2017 !
L’enveloppe normée de la DGF avait été créée en 1996. Pour notre part, nous avons sanctuarisé cette dotation et nous lui avons même ajouté 320 millions d’euros dans la dernière loi de finances. Il faut tout de même rappeler ce cadre budgétaire d’ensemble !
Je ne reviendrai pas, faute de temps, sur le filet de sécurité, le bouclier tarifaire, la charte pour les fournisseurs et tous les dispositifs qui ont été mis en place pour aider les collectivités locales à faire face à l’inflation qu’elles subissent, elles aussi.
Enfin, les remarques et les réserves exprimées par M. le rapporteur pour avis me semblent de bon sens : le principe de libre administration des collectivités locales s’oppose tout de même à ce que l’on examine comment l’argent est dépensé !
Il faut donc être extrêmement prudent en la matière, me semble-t-il.
D’autres éléments encore justifient notre opposition à cette proposition de loi constitutionnelle, même si certaines des idées exposées sont intéressantes.
L’article 2 du texte a pour objet de garantir, financièrement, les transferts de compétences aux collectivités locales. Vous comprendrez, mes chers collègues, que je ne puis partager un certain nombre des arguments qui ont été exposés pour le justifier.
La Cour des comptes a rappelé, en 2021, que les recettes locales sont beaucoup plus dynamiques que les dépenses ; c’est ce qui explique d’ailleurs l’excédent de 4, 7 milliards d’euros que nous avons observé. La Cour précise d’ailleurs dans ce rapport que seuls l’État et la sécurité sociale ont contribué significativement à l’aggravation du déficit public. La contribution des collectivités locales ne dépasse pas 0, 15 point : ce n’est rien du tout par rapport au déficit public général des années 2020 et 2021, qui était notamment lié au covid-19.
Comment l’expliquer ? Désormais – ce point n’a pas encore été rappelé –, les transferts de l’État aux collectivités locales sont adossés à la TVA, taxe qui a déjà montré son dynamisme et qui, dans un contexte de croissance maintenue, le montre encore. Bien sûr, son produit peut varier, mais, pour l’instant, le choix de l’adossement à la TVA se montre positif pour les recettes des collectivités locales.
Je ne veux pas être taquin, mais je rappellerai que, sous un précédent quinquennat – celui de François Hollande –, les dotations aux collectivités locales ont fortement baissé : de 1, 5 milliard d’euros en 2014 et de 11 milliards d’euros au total entre 2013 et 2017 !
L’enveloppe normée de la DGF avait été créée en 1996. Pour notre part, nous avons sanctuarisé cette dotation et nous lui avons même ajouté 320 millions d’euros dans la dernière loi de finances. Il faut tout de même rappeler ce cadre budgétaire d’ensemble !
Je ne reviendrai pas, faute de temps, sur le filet de sécurité, le bouclier tarifaire, la charte pour les fournisseurs et tous les dispositifs qui ont été mis en place pour aider les collectivités locales à faire face à l’inflation qu’elles subissent, elles aussi.
Enfin, les remarques et les réserves exprimées par M. le rapporteur pour avis me semblent de bon sens : le principe de libre administration des collectivités locales s’oppose tout de même à ce que l’on examine comment l’argent est dépensé !
L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville, Wattebled et Verzelen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Toutes les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement portant sur un transfert de compétences entre collectivités territoriales sont recevables au titre de l'article 40. »
La parole est à M. Emmanuel Capus.
Actuellement, l'interprétation qui est faite de l'article 40 de la Constitution empêche le Parlement de formuler des propositions et de déposer des amendements visant à opérer des transferts de compétences entre collectivités territoriales, de sorte que la répartition des compétences entre les collectivités est l'apanage du Gouvernement.
Le Parlement – singulièrement le Sénat, qui représente les collectivités – est ainsi totalement empêché et ne peut être force de proposition en matière de compétences.
En effet, comme le précise le rapport d'information réalisé par Philippe Marini en 2014, qui fait encore référence en matière d'application de l'article 40, « les transferts de charges doivent être analysés comme la création d'une charge pour une personne publique, compensée par la diminution d'une charge pour une autre personne publique ». Cela concerne aussi le transfert de compétences entre collectivités, ce qui a pour conséquence que les amendements et propositions en ce sens sont aujourd'hui considérés comme irrecevables.
De plus, il est précisé dans ce rapport que cette interprétation correspond à « une jurisprudence constante à l'Assemblée nationale comme au Sénat », depuis une décision prise par le Conseil constitutionnel en 1976.
Toutefois, cette jurisprudence méconnaît gravement le fait que tout transfert de compétences entre les collectivités s'effectue, eu égard à l'article 72-2 de la Constitution, dans le respect du principe de neutralité budgétaire. Lorsque l'on transfère des compétences et des charges d'une collectivité vers une autre, cela ne crée aucune charge nouvelle.
Cet amendement vise donc à préciser que l'article 40 de la Constitution ne s'applique pas aux propositions et aux amendements parlementaires ayant pour objet des transferts de compétences, donc de charges, entre collectivités, afin de renforcer la place de l'initiative parlementaire, singulièrement sénatoriale, dans l'organisation décentralisée des compétences locales.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je veux tout d’abord exprimer ma frustration qu’un débat aussi important soit tronqué. Certes, c’est la règle des niches parlementaires, mais il aurait certainement fallu plus de temps pour de réels échanges, des explications et des réponses.
Je remercie nos collègues du groupe socialiste d’avoir déposé ce texte, qui répond à une exigence de l’ensemble des élus locaux en matière de financement des collectivités territoriales.
Ce financement souffre cruellement, depuis un certain temps, d’un manque de moyens auquel s’ajoutent, comme cela a été rappelé, les multiples crises que nous traversons depuis maintenant quelques années.
Si la création d’une loi de financement des collectivités territoriales peut paraître séduisante, il nous semble que ce qu’attendent avant tout les élus locaux, c’est plus de visibilité et de prévisibilité, afin de pouvoir mieux anticiper, bâtir leur budget et répondre aux besoins des populations par leurs différentes dépenses d’investissement et de fonctionnement.
Nous craignons toutefois que l’article 1er, tel qu’il a été rédigé, ne renforce finalement le caractère autoritaire du contrôle par l’État de la gestion des collectivités territoriales. Celles-ci ont actuellement besoin de 100 milliards d’euros pour assurer pleinement leurs missions de service public. C’est à ce défi-là qu’il nous faut répondre. Or encadrer les dépenses ne permettra pas de compenser des décennies de désengagement de l’État.
La libre administration des communes risque d’être remise en cause : comme elles ne disposent plus de ressources propres, elles dépendront davantage du bon vouloir de l’État.
Je n’énumérerai pas les différentes taxes et impôts qui ont été supprimés ces dernières années, …
Monsieur Capus, vous souhaitez prévoir un cas de dérogation à l'article 40 de la Constitution.
Plus précisément, vous suggérez que les propositions de loi ou les amendements tendant à prévoir des transferts de compétences entre collectivités territoriales ne puissent être déclarés irrecevables.
En l'état du droit, l'article 40 de la Constitution s'oppose sans ambiguïté à un transfert de compétences entre personnes publiques, dans la mesure où il se traduirait forcément par une création de charges pour la personne destinataire.
Pour autant, les présidents successifs de la commission des finances du Sénat ont adopté à cet égard une jurisprudence particulièrement favorable à l'initiative parlementaire. Sont ainsi considérés comme recevables les amendements se bornant à redistribuer le poids d'une même charge au sein d'une même catégorie de collectivités, notamment entre les communes et les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale.
Il en va de même pour les délégations de compétences, y compris entre collectivités relevant de strates différentes, dans la mesure où la compétence demeure, juridiquement, à la collectivité délégante.
Aussi, il nous semble fort peu opportun d'introduire dans un texte constitutionnel, au détour de cette proposition de loi, un cas de dérogation unique à l'article 40 de la Constitution pour les seuls transferts de compétences entre collectivités territoriales : cela ouvrirait la porte à un débat sans fin sur la mise en place d'exceptions sectorielles à la règle commune.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
… mais, aujourd’hui, pour l’échelon communal, la taxe foncière demeure l’unique recette.
Pourtant, les taxes dans notre pays sont multiples. À ce propos, je veux redire que le problème de la France est très certainement que nous payons trop de taxes, mais pas assez d’impôts.
Une loi de programmation pour les collectivités territoriales nous semble constituer un véhicule beaucoup plus approprié et pertinent pour répondre aux enjeux de financement, mais aussi aux souhaits de visibilité et de transparence exprimés par les élus locaux.
Pour que le débat budgétaire soit plus efficace, il serait judicieux de prévoir un temps de débat sur les finances locales au sein de l’examen du projet de loi de finances.
Cela permettrait une forme de recollement des différentes recettes et dépenses affectées aux collectivités territoriales. Nous pourrions également proposer la création d’un jaune budgétaire, qui regrouperait toutes les données relatives aux dépenses de l’État pour les collectivités et permettrait d’instaurer plus de transparence.
Le deuxième objet de cette proposition de loi constitutionnelle est la compensation des nombreux transferts des compétences. Ceux-ci se sont en effet parfois opérés sans compensation à l’euro près, voire contre la volonté des élus.
Nous aurions voulu qu’un débat se tienne sur chacun des articles de ce texte. Toutefois, pour permettre d’aller jusqu’au vote, nous ne nous exprimerons pas lors de leur examen.
Mes chers collègues, je viens de vous exposer pourquoi notre groupe votera contre l’article 1er. En revanche, notre vote sur l’article 2 sera favorable.
Finalement, en l’état de la rédaction du texte, notamment parce que nous pensons que la création d’une loi de financement des collectivités territoriales permettrait au Gouvernement de recourir au 49.3 sur les finances de celles-ci, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi constitutionnelle.
Même avis, madame la présidente.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je veux saluer le travail des rapporteurs, mais aussi l’initiative de M. Kerrouche, qui braque le projecteur sur un sujet essentiel et parfois existentiel, à savoir le financement des collectivités locales et de leurs groupements.
Mon cher collègue, votre constat est pertinent et largement partagé.
Alors que la conduite de l’action publique nécessite lisibilité, sécurité et visibilité, elle est soumise à des convulsions budgétaires, à l’émiettement des financements et à un dérapage du coût des compétences transférées, du fait du fréquent rajout de normes, à l’insu des collectivités. Tout cela aboutit à une lisibilité très floue. Or, selon l’expression consacrée, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.
Toutefois, mon cher collègue, je pense que votre proposition de loi elle-même contient un loup ! Si l’autonomie financière des collectivités locales, que vous souhaitez conforter, est une composante du principe constitutionnel existant de libre administration des collectivités, force est de constater – vous le faites à raison – les limites de l’application de ce principe.
Votre diagnostic est bon, mais le remède que vous prescrivez ne l’est pas, me semble-t-il.
Cette bonne intention risque, comme souvent, de paver l’enfer des collectivités. En effet, la loi de financement des collectivités que vous proposez de créer, à l’article 1er, ressemble fort aux lois de financement de la sécurité sociale. Doit-on rappeler ici l’objet et l’effet de ces lois, qui est de plafonner des dépenses par le biais d’un indice ? Je ne doute pas, mon cher collègue, du succès de votre proposition de loi constitutionnelle auprès de Bercy et de la Cour des comptes !
Pardonnez-moi, mais vous réinventez les contrats de Cahors, en plus léonins. Vous créez ainsi un piège qui se refermera sur les collectivités. Ce n’était pas votre intention, mais c’est l’effet de votre proposition.
L’article 2 de ce texte vise pour sa part à rénover les modalités de compensation financière des transferts de compétences. Selon le principe, cher au Sénat, « qui décide paie », nous ne pouvons qu’adhérer à la révision du coût de ces transferts, toujours victimes de nouvelles obligations qui s’agrègent au fil du temps.
Cette disposition est si pertinente que le Sénat, vous le savez bien, l’a déjà adoptée en septembre 2020.
Si j'ai formulé cette proposition, c'est parce que des amendements que j'avais déposés à l'occasion de l'examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, au motif qu'ils visaient prétendument à créer une charge. Or tel n'était absolument pas le cas !
Si vous transférez, par exemple, la compétence des écoles de la commune au département, ou la compétence des collèges du département à la région, vous ne créez aucune charge pour l'État : la compétence est simplement transférée d'une collectivité à une autre. Il me semble que cela ne crée aucun risque financier pour l'État ; c'est totalement neutre et donc constitutionnel.
Nous nous tirons une balle dans le pied, en tant que sénateurs, en nous privant de la possibilité de transférer une compétence d'une collectivité à une autre. C'est tout de même notre rôle : nous sommes les représentants des collectivités territoriales !
Il me semble donc logique, compte tenu de l'absence de risque financier, d'écrire dans la Constitution que le Parlement peut parfaitement transférer une compétence, du moment que c'est neutre financièrement. Il s'agit simplement de revenir sur une interprétation à mon sens beaucoup trop rigoriste de l'article 40 de la Constitution.
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.
Elle attend depuis lors patiemment dans l’antichambre de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, des travaux en cours dans notre assemblée – la mission d’information sur l’impact des décisions réglementaires et budgétaires de l’État sur l’équilibre financier des collectivités locales, dont je salue la rapporteure Guylène Pantel, ainsi que le groupe de travail transpartisan conduit par le président Larcher, dont le président de la commission des lois est le rapporteur – contribueront sans aucun doute à approfondir et structurer la réflexion du Sénat autour des exigences de sécurité et de visibilité que vous évoquez.
Mon cher collègue Éric Kerrouche, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste aime beaucoup votre diagnostic, mais pas du tout votre prescription. C’est pourquoi il votera contre ce texte.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai déposé sur ce sujet une proposition de loi constitutionnelle qui n’est pas identique – c’est le moins que l’on puisse dire ! – à celle de notre collègue Éric Kerrouche.
Pour ma part, contrairement à Cécile Cukierman, je voterai volontiers pour l’article 1er du présent texte, mais contre son article 2. Ce n’est pas que je ne souhaite pas la compensation des transferts de compétences, mais, pour le dire franchement, un point me gêne un peu.
Nous souhaitons tous encourager l’autonomie fiscale et financière des collectivités, mais je m’inquiète toujours de ce que pourraient faire des gouvernements impécunieux, qu’ils soient de gauche ou de droite : si l’on insiste un peu trop sur la nécessité de compenser à l’euro près ces transferts, de tels gouvernements s’empresseront de dire : « Pas de problème, on va transférer, mais on va compenser ! », alors que tel n’est jamais le cas par la suite.
Je préfère évidemment que l’on se fonde davantage sur l’autonomie fiscale et financière des collectivités, en faisant en sorte qu’elles continuent de disposer d’impôts locaux, produisant de véritables rentrées financières, et qu’elles ne soient pas réduites à dépendre toujours plus des dotations de l’État. En effet, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place, on voit bien que, quand le budget va, les dotations ne souffrent pas trop, mais que, quand il n’est plus en grande forme, les collectivités locales deviennent vite la variable d’ajustement, car c’est la solution de facilité.
J’entends bien tous les arguments qui justifieraient de ne pas inscrire une telle loi de financement dans la Constitution. Mais la vérité est que beaucoup d’associations d’élus – celle des maires d’Île-de-France, notamment, mais elle n’est pas la seule – sont favorables à cette idée, sinon à tel ou tel texte qui l’exprime.
À en croire nos opposants, nous ne nous rendrions pas compte de la contrainte que la présence de ces dispositions dans la Constitution permettrait au Gouvernement d’exercer…
Pour ma part, je constate que les gouvernements qui ont supprimé la taxe professionnelle, …
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 268 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je vous remercie de votre bienveillance, qui nous a permis de tenir les délais impartis.
… l’ont fait sans le moindre état d’âme vis-à-vis des collectivités locales, sans débat, sans rien du tout. Ce fut : bonjour et au revoir ! Pour la dernière en date comme pour d’autres, il s’agit souvent d’engagements politiques pris dans des campagnes électorales, mais qui ne font pas l’objet d’un réel débat, sur le fond, au Parlement.
Monsieur le garde des sceaux, vous n’êtes pas ministre du budget – vous ne pouvez pas occuper tous les postes ! –, mais cette question doit faire l’objet d’un travail collectif.
Je ne voterai pas la proposition de loi de notre collègue Éric Kerrouche, car je suis quelque peu gêné par ce que sous-entend l’article 2 par rapport à l’État, mais j’appelle le Sénat à formuler une proposition commune. Que ce soit par le biais des présidents de groupe ou par le groupe de travail que préside Gérard Larcher, nous devons nous y atteler.
Faut-il faire figurer cette proposition dans la Constitution ? À mon avis oui, puisque cela établirait un budget clair pour les collectivités. Mais si nous ne passons pas par la Constitution, nous devons en tout cas trouver une solution pour que les collectivités locales ne se retrouvent pas systématiquement seules face au pouvoir exécutif.
Nous devons créer une structure ou élaborer un texte, de manière à renforcer les collectivités, sans que quiconque se sente dépossédé de ses prérogatives.
En tout état de cause, je me battrai pour l’autonomie fiscale, c’est-à-dire pour que l’on restitue aux collectivités locales des ressources fiscales propres, et non des compensations, car nous savons trop bien ce que deviennent les compensations.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 11 avril 2023 :
À quatorze heures trente et le soir :
Débat sur le thème « L'avenir de la ressource en eau : comment en améliorer la gestion ? » ;
Débat sur le thème « Harcèlement scolaire : quel plan d'action pour des résultats concrets ? » ;
Proposition de loi pour une école de la liberté, de l'égalité des chances et de la laïcité, présentée par M. Brisson et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 501, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
Le titre V de la Constitution est ainsi modifié :
1° L’article 34 est ainsi modifié :
a) À la fin du treizième alinéa, les mots : «, de leurs compétences et de leurs ressources » sont remplacés par les mots : « et de leurs compétences » ;
b) Après le dix-neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les lois de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements déterminent leurs ressources et les conditions générales d’équilibre de leurs comptes, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Cette loi de financement vise à garantir l’autonomie financière des collectivités territoriales et de leurs groupements. » ;
2° À la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article 39, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : «, notamment les lois de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements, » ;
3° À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 42, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : «, aux projets de loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements » ;
4° Après l’article 47-1, il est inséré un article 47-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 47 -1 -1. – Le Parlement vote les projets de loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements dans les conditions prévues par une loi organique.
« Si le Sénat ne s’est pas prononcé dans un délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit l’Assemblée nationale qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45.
« Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance.
« Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n’est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance, conformément au deuxième alinéa de l’article 28. » ;
5° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 47-2, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « et des lois de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements » ;
6° Au troisième alinéa de l’article 48, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : «, des projets de loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements » ;
7° À la fin de la première phrase du troisième alinéa de l’article 49, les mots : « ou de financement de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : «, de financement de la sécurité sociale ou de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements ». –
Adopté.
L’article 72-2 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements » ;
2° À la seconde phrase du deuxième alinéa, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements » ;
3° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « ou entre collectivités territoriales » ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Toute création ou extension de compétences ou toute modification des conditions d’exercice des compétences des collectivités territoriales résultant d’une décision de l’État et ayant pour effet d’augmenter les dépenses de celles-ci est accompagnée de ressources équivalentes au montant estimé de cette augmentation. » ;
c) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Les ressources ainsi attribuées pour la compensation des transferts, créations, extensions ou modifications de compétences font l’objet d’un réexamen régulier. Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles les dispositions du présent alinéa sont mises en œuvre. » ;
5° Au dernier alinéa, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements ».
L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville, Wattebled et Verzelen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Toutes les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement portant sur un transfert de compétences entre collectivités territoriales sont recevables au titre de l’article 40. »
La parole est à M. Emmanuel Capus.
Actuellement, l’interprétation qui est faite de l’article 40 de la Constitution empêche le Parlement de formuler des propositions et de déposer des amendements visant à opérer des transferts de compétences entre collectivités territoriales, de sorte que la répartition des compétences entre les collectivités est l’apanage du Gouvernement.
Le Parlement – singulièrement le Sénat, qui représente les collectivités – est ainsi totalement empêché et ne peut être force de proposition en matière de compétences.
En effet, comme le précise le rapport d’information réalisé par Philippe Marini en 2014, qui fait encore référence en matière d’application de l’article 40, « les transferts de charges doivent être analysés comme la création d’une charge pour une personne publique, compensée par la diminution d’une charge pour une autre personne publique ». Cela concerne aussi le transfert de compétences entre collectivités, ce qui a pour conséquence que les amendements et propositions en ce sens sont aujourd’hui considérés comme irrecevables.
De plus, il est précisé dans ce rapport que cette interprétation correspond à « une jurisprudence constante à l’Assemblée nationale comme au Sénat », depuis une décision prise par le Conseil constitutionnel en 1976.
Toutefois, cette jurisprudence méconnaît gravement le fait que tout transfert de compétences entre les collectivités s’effectue, eu égard à l’article 72-2 de la Constitution, dans le respect du principe de neutralité budgétaire. Lorsque l’on transfère des compétences et des charges d’une collectivité vers une autre, cela ne crée aucune charge nouvelle.
Cet amendement vise donc à préciser que l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas aux propositions et aux amendements parlementaires ayant pour objet des transferts de compétences, donc de charges, entre collectivités, afin de renforcer la place de l’initiative parlementaire, singulièrement sénatoriale, dans l’organisation décentralisée des compétences locales.
Monsieur Capus, vous souhaitez prévoir un cas de dérogation à l’article 40 de la Constitution.
Plus précisément, vous suggérez que les propositions de loi ou les amendements tendant à prévoir des transferts de compétences entre collectivités territoriales ne puissent être déclarés irrecevables.
En l’état du droit, l’article 40 de la Constitution s’oppose sans ambiguïté à un transfert de compétences entre personnes publiques, dans la mesure où il se traduirait forcément par une création de charges pour la personne destinataire.
Pour autant, les présidents successifs de la commission des finances du Sénat ont adopté à cet égard une jurisprudence particulièrement favorable à l’initiative parlementaire. Sont ainsi considérés comme recevables les amendements se bornant à redistribuer le poids d’une même charge au sein d’une même catégorie de collectivités, notamment entre les communes et les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale.
Il en va de même pour les délégations de compétences, y compris entre collectivités relevant de strates différentes, dans la mesure où la compétence demeure, juridiquement, à la collectivité délégante.
Aussi, il nous semble fort peu opportun d’introduire dans un texte constitutionnel, au détour de cette proposition de loi, un cas de dérogation unique à l’article 40 de la Constitution pour les seuls transferts de compétences entre collectivités territoriales : cela ouvrirait la porte à un débat sans fin sur la mise en place d’exceptions sectorielles à la règle commune.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Si j’ai formulé cette proposition, c’est parce que des amendements que j’avais déposés à l’occasion de l’examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, au motif qu’ils visaient prétendument à créer une charge. Or tel n’était absolument pas le cas !
Si vous transférez, par exemple, la compétence des écoles de la commune au département, ou la compétence des collèges du département à la région, vous ne créez aucune charge pour l’État : la compétence est simplement transférée d’une collectivité à une autre. Il me semble que cela ne crée aucun risque financier pour l’État ; c’est totalement neutre et donc constitutionnel.
Nous nous tirons une balle dans le pied, en tant que sénateurs, en nous privant de la possibilité de transférer une compétence d’une collectivité à une autre. C’est tout de même notre rôle : nous sommes les représentants des collectivités territoriales !
Il me semble donc logique, compte tenu de l’absence de risque financier, d’écrire dans la Constitution que le Parlement peut parfaitement transférer une compétence, du moment que c’est neutre financièrement. Il s’agit simplement de revenir sur une interprétation à mon sens beaucoup trop rigoriste de l’article 40 de la Constitution.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 2 est adopté.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 268 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je vous remercie de votre bienveillance, qui nous a permis de tenir les délais impartis.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 11 avril 2023 :
À quatorze heures trente et le soir :
Débat sur le thème « L’avenir de la ressource en eau : comment en améliorer la gestion ? » ;
Débat sur le thème « Harcèlement scolaire : quel plan d’action pour des résultats concrets ? » ;
Proposition de loi pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité, présentée par M. Brisson et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 501, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.