Intervention de Daniel Breuiller

Réunion du 6 avril 2023 à 14h45
Protéger le groupe électricité de france d'un démembrement — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue la proposition de loi présentée et défendue par Philippe Brun à l'Assemblée nationale. Elle s'inscrit pleinement dans la dynamique du projet que les écologistes avaient porté sous le slogan « Pour une République écologique » dans le cadre de l'élection présidentielle de 2022. Il s'agissait de « renationaliser » EDF et d'en faire « un outil stratégique puissant, cohérent, au service de la transition énergétique ».

Certes, la commission des finances a supprimé le premier article de cette proposition de loi, qui formalisait l'acte de nationalisation, préférant l'étatisation ; elle a supprimé l'énumération des filiales constitutives du groupe public unifié, visant à s'opposer au démantèlement du groupe. Bref, la commission des finances a décousu cette proposition de loi, et ce même si rien n'empêche que, derrière l'abandon du projet Hercule – je vous entends, monsieur le ministre –, il puisse y avoir un Hercule bis.

Les choix énergétiques pour notre pays peuvent diverger. Les nôtres sont largement minoritaires dans cet hémicycle, et vous les connaissez. Mais lorsque l'on défend le choix du nucléaire, on doit défendre un outil public à 100 %.

Chaque décision de l'État, qu'il s'agisse du bouclier tarifaire, du relèvement des volumes de l'Arenh, du grand carénage ou de la construction de six réacteurs EPR, pèse sur les comptes d'EDF, dont la situation est particulièrement dégradée.

À cela s'ajoute l'incompréhension totale des Françaises et des Français sur le coût de l'énergie.

L'énergie, ou plus précisément l'accès à l'énergie, joue un rôle social et sociétal : c'est un bien de première nécessité qui, tout comme l'eau, doit être traité comme un bien commun essentiel.

Les 15 % de reste à charge du bouclier tarifaire n'ont pas le même impact selon que l'on habite une passoire thermique ou que l'on est en situation de précarité. Ceux qui touchent des revenus modestes sont malheureusement toujours les premières victimes de cette hausse du coût de la vie.

Les bailleurs sociaux craignent une hausse des impayés. Les syndicats de copropriétaires font face également à des difficultés nouvelles. C'est aussi le cas des artisans, des commerçants et de l'ensemble des TPE-PME. Sur ce point, nous sommes favorables à l'amendement du rapporteur qui vise à supprimer le plafond des 36 kVA.

Seul un tiers des entreprises concernées par le bouclier tarifaire ont concrétisé une demande d'aide. Les collectivités, quant à elles, ne savent toujours pas dans quelle mesure elles bénéficieront ou pas des aides de l'État. La proposition de loi prévoit un accès pour toutes au tarif réglementé. On pourrait attendre de la chambre des territoires un plein soutien à cette revendication de bon sens de nos collègues maires.

La situation est grave. Les écologistes alertent depuis de nombreuses années sur l'urgence qu'il y a à s'engager fortement dans les énergies décarbonées, sur la fin de l'abondance et sur la mise hors marché et hors surconsommation de l'énergie.

Si l'État ne peut pas tout prévoir, il a une obligation de préparer l'avenir. La concurrence ouverte, la politique du prix bas, les stratégies du tout nucléaire que l'on développe encore aujourd'hui ne favorisent pas la réorientation des politiques énergétiques dans le sens des recommandations du rapport du GIEC pour lutter contre les dérèglements climatiques ; elles contribuent encore moins à garantir la maîtrise des coûts, dont la nécessité est pourtant souvent rappelée sur ces travées.

EDF pourrait redevenir le bras armé de notre pays pour une nouvelle politique énergétique. La proposition de loi de Philippe Brun répond à cet axe majeur et stratégique du retour de l'entreprise sous le contrôle de l'État. Il serait inadmissible de voir les aspects rentables du groupe comme le développement des énergies renouvelables être privatisés selon la bonne vieille méthode libérale : privatiser les bénéfices et nationaliser les pertes et les déficits.

J'évoquerai pour finir la place des citoyens comme des salariés dans ce débat. À quel moment les Françaises et les Français ont-ils été associés à ces décisions ou aux orientations prises par le Gouvernement ? Seraient-ils d'accord pour financer des réacteurs dont le modèle, celui de Flamaville – il faut le rappeler, car on l'oublie souvent –, a coûté 19, 1 milliards d'euros d'après la Cour des comptes quand il ne devait coûter que 3, 3 milliards d'euros ?

Un débat national sur les choix énergétiques de la France est indispensable. Il est même essentiel. Ces choix ne peuvent pas se faire sans une Nation éclairée quant aux enjeux climatiques et à leurs conséquences pour l'avenir.

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