Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi a pour objet d’encadrer davantage la numérisation des relations de travail, en définissant juridiquement l’algorithme, en renforçant les prérogatives d’information et de contrôle des comités sociaux et économiques et en légiférant sur le cas particulier des plateformes de mise en relation.
En 2021, nous avons mené une mission d’information, dont j’ai été vice-président – je salue d’ailleurs le travail de son rapporteur, Pascal Savoldelli –, portant sur l’ubérisation de la société et l’impact des plateformes numériques sur les métiers et l’emploi.
Nous avions formulé diverses recommandations organisées autour de quatre grands axes : l’amélioration des conditions de travail, le développement du dialogue social, l’encadrement du management algorithmique, ainsi que la transparence et la régulation des algorithmes des plateformes.
Ainsi, madame la rapporteure, si nous soutenons l’objectif de ce texte, qui est bien l’amélioration de la protection des salariés dans le cadre d’une relation algorithmique du travail, nous ne sommes pas complètement d’accord avec les moyens avancés.
Concernant l’article 1er, nous ne pensons pas que le dispositif proposé apporte des garanties supplémentaires aux travailleurs, car l’employeur est déjà responsable de ses décisions, même lorsqu’il a recours à des moyens technologiques.
Nous serions plutôt favorables à un dispositif qui améliorerait l’information des travailleurs sur ces plateformes, qui faciliterait leur accès aux données engendrées par leur activité et qui contribuerait à supprimer automatiquement, à intervalles réguliers, l’historique de leurs données.
Garantir l’intelligibilité des algorithmes aux travailleurs est la première étape indispensable pour faire du contenu de l’algorithme un véritable objet de négociation et pour intégrer ces problématiques au dialogue social.
En ce qui concerne l’article 2, si nous sommes favorables à une lutte plus accrue contre les discriminations au travail, qui peuvent être aggravées par l’utilisation des algorithmes, nous pensons toutefois que le dispositif proposé est satisfait par le droit en vigueur.
Il faut également rappeler que la procédure relative au contentieux des discriminations au travail peut d’ores et déjà s’appliquer aux recours contre les décisions des employeurs prises à l’aide d’outils technologiques, comme l’a indiqué Mme la ministre.
Au fil des auditions que nous avons menées pendant cette mission d’information, nous avons acquis la conviction qu’un algorithme était non pas seulement une suite d’opérations permettant de traiter des volumes importants de données, mais bel et bien une chaîne de responsabilité humaine, au long de laquelle il demeure possible d’intervenir à chaque moment. Cela peut être réalisé, par exemple, en rappelant la possibilité offerte aux salariés d’utiliser le statut de lanceur d’alerte.
Si l’article 3 soulève le sujet très attendu de la définition et de la qualification des travailleurs de plateformes, nous pensons cependant que nos travaux gagneraient à être orientés vers l’amélioration concrète des protections dont bénéficient ces travailleurs.
Je ne vous apprends rien ; des négociations sont en cours au sein du Conseil de l’Union européenne au sujet de la proposition de directive ayant trait à la présomption légale de salariat, présentée en décembre 2021 par la Commission européenne. Cette requalification, que nous soutenons, permettra un réel renforcement des droits des travailleurs des plateformes.
Le développement des plateformes numériques a considérablement transformé notre rapport au travail, ainsi que notre modèle social et économique.
Le travail est le secteur qui a subi l’une des évolutions les plus considérables dans notre société ces dernières années, nécessitant une adaptation très forte de la part des travailleurs. La généralisation du télétravail induite par la crise sanitaire et, plus récemment, les débats animés sur la question des retraites ont démontré toute l’importance des inquiétudes des Français à ce sujet.
Ainsi, si nous partageons certains des constats qui motivent cette proposition de loi – et je salue ici l’ensemble du travail effectué –, le groupe RDPI ne votera pas en faveur de ce texte.
Toutefois, nous sommes favorables à l’engagement d’une réflexion d’ensemble sur le sujet du travail et des valeurs qui l’accompagnent pour aboutir in fine à l’élaboration d’un texte législatif.