Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise énergétique n’est pas seulement le résultat de la guerre en Ukraine, comme vous essayez de le faire croire. Il ne suffira pas pour la résoudre de délier les prix du gaz et de l’électricité ou d’ajuster le marché européen comme vous venez d’ailleurs de le faire au profit de la compétitivité allemande.
En effet, elle est d’abord le résultat des principes de l’Europe libérale, de la fracturation de notre entreprise intégrée historique EDF en plusieurs entités et de traders qui spéculent et touchent des dividendes record.
Que dire encore de l’Arenh, ce racket organisé sur le dos d’EDF et des usagers, qui affaiblit sa capacité d’investissement, qui enrichit les acteurs alternatifs et qui casse progressivement les tarifs réglementés de vente de l’électricité ?
Ce bilan, c’est le vôtre, monsieur le ministre, et celui de l’alliance de tous les libéraux pour faire de l’énergie une marchandise comme une autre, alors que c’est un monopole de fait et qu’elle doit donc être sortie du marché et considérée comme un bien commun.
La droite sénatoriale est à l’offensive, au moins dans les mots : « indépendance énergétique », « souveraineté », « réforme du marché européen », ou encore « protection de nos collectivités ». Mais quand il faut passer aux actes, il n’y a plus personne.
Nous vous avons proposé au mois de décembre dernier le retour aux tarifs réglementés pour toutes les collectivités : vous l’avez refusé. Sortir du marché européen et faire valoir notre exception d’une production nucléaire à bas coût ? Vous l’avez refusé. Et aujourd’hui, vous refusez une loi sur la renationalisation d’EDF, ou du moins vous ne l’envisagez que bien amputée de l’ambition initiale de nos collègues socialistes.
Je veux d’ailleurs saluer leur texte, qui prévoyait un groupe unifié, avec des actions non cessibles pour éviter la vente d’actifs comme Dalkia ou Enedis, et qui visait à vous empêcherait de réactiver votre projet Hercule, que la majorité des salariés des industries électriques et gazières (IEG) ont rejeté.
Aujourd’hui, tout le monde l’aura compris, la solution ne viendra pas de vous ni de vos mesurettes pour corriger un système voué à s’effondrer.
Soixante-dix-sept ans après l’œuvre du père d’EDF et GDF, Marcel Paul, résistant, déporté et ministre communiste, il nous faut une nouvelle loi de nationalisation de tout le secteur énergétique.
Aujourd’hui, nous avons un double défi : décarboner notre économie et sortir 15 millions de personnes de la précarité énergétique.
Il faut d’ores et déjà préparer l’avenir sans vous, car vos échecs et vos renoncements nous conduisent dans le mur. Plus de 50 milliards d’euros de bouclier tarifaire, d’Arenh supplémentaire et de filet de sécurité n’auront rien réglé ni stabilisé, mis à part les profits d’acteurs alternatifs rapaces.
Je propose donc que nous travaillions dès maintenant à un grand projet, à la hauteur de celui de Marcel Paul et de ses camarades : un groupe public, sous la forme d’un établissement public industriel et commercial (Épic). Il regrouperait en son sein EDF, mais aussi Engie et Total énergies, nationalisés à 100 %, et il porterait le nom de GEDF, Groupe Énergie de France.
Vous me demanderez sans doute combien cela coûtera. L’affaire coûtera probablement une centaine de milliards d’euros, mais après tout, ce n’est que le double de ce que vous avez gaspillé l’an dernier !
Ce groupe détiendrait un monopole public ; il serait un groupe intégré qui assurerait la production, le transport et la distribution, et qui mettrait fin à l’Arenh. Ce serait un groupe qui rétablirait l’ensemble des tarifs réglementés.
Ces tarifs sont la condition pour protéger les usagers, les TPE-PME, les collectivités, et les grandes entreprises, qui ont besoin d’une vision à long terme. Ils sont la condition pour garantir la stabilité, pour réindustrialiser le pays et pour lui redonner la compétitivité dont il a besoin face à l’Asie et aux États-Unis.
Il faudra pour cela renforcer le statut des IEG, protéger tous les travailleurs et travailleuses de la filière, les salariés et celles et ceux qui sont aujourd’hui des sous-traitants. Ce statut est la condition pour maintenir les talents dont nous avons besoin pour la filière, pour le pays et pour notre sécurité.
Marcel Paul avait demandé à ses enfants de veiller à vos attaques et de protéger cette entreprise, qu’il qualifiait très justement d’« instrument fondamental de la vie du pays ».
Vous qui avez tout détruit et qui voulez continuer, vous nous trouverez sur votre route, avec ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, prêts à tout reconstruire !