Intervention de Emmanuel Capus

Réunion du 6 avril 2023 à 14h45
Loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements — Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Photo de Emmanuel CapusEmmanuel Capus :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans un contexte incertain, les élus locaux sont inquiets : ils craignent de ne plus pouvoir agir sur le terrain.

Or c’est bien pour cela que les élus locaux s’engagent : pour agir sur le terrain ! Avec l’inflation qui renchérit le coût des projets, les récentes évolutions de la fiscalité locale et la crise démocratique qui dévalorise leur statut, les élus locaux se sentent empêchés d’agir.

Ils ont donc besoin de sécurité. C’est le rôle du Sénat de leur apporter les éléments qui peuvent la leur offrir. Sans aucun doute, cela passe en partie par les finances locales.

Dans cet esprit, cette proposition de loi constitutionnelle a le mérite de poser dans le débat un sujet essentiel : l’autonomie financière des collectivités locales.

À cette question, nos collègues socialistes apportent la réponse suivante : créer une nouvelle catégorie de lois de financement. Leur objectif, intéressant, est de formaliser, de façon lisible et transparente, les relations financières entre l’État et les collectivités.

L’idée n’est pas nouvelle. Elle a souvent été évoquée dans cet hémicycle, à droite comme à gauche. La Cour des comptes aussi l’a défendue dans plusieurs de ses rapports. Nul doute que ce serpent de mer continuera de faire parler de lui, tant que nous n’aurons pas purgé le débat… C’est pourquoi une clarification est nécessaire et bienvenue.

Notre groupe considère toutefois qu’il s’agit d’une fausse bonne idée. La loi de financement ici proposée aurait pour effet de renforcer la dépendance des collectivités vis-à-vis de l’État. Nous pensons donc qu’elle pourrait être contre-productive.

On a déjà rappelé les récentes évolutions de la fiscalité locale, notamment la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE. Les collectivités continuent de s’interroger sur ces réformes.

Je ne vais pas refaire les débats que nous avons déjà eus lors de l’examen des lois de finances, mais je veux tout de même rappeler l’objet de ces réformes : supprimer des impôts injustes. On a ainsi mis fin à la taxe d’habitation, parce que son montant ne dépendait pas des revenus, et à la CVAE, parce qu’elle pénalisait les entreprises industrielles, donc le tissu économique des territoires.

La compensation de ces impôts, par l’affectation aux collectivités d’une fraction de la TVA, doit permettre aux collectivités de bénéficier de ressources pérennes et dynamiques. Ces réformes doivent précisément sécuriser les ressources des collectivités.

Certes, avec une loi de financement spécifique, les compensations apparaîtraient peut-être de façon plus lisible, mais deux problèmes majeurs se poseraient encore, mes chers collègues.

D’une part, examiner les flux financiers entre l’État et les collectivités sans discuter, en même temps, des impôts qui affectent l’économie, ce serait analyser la dépense sans la recette, donc réduire les collectivités à des postes de coût.

D’autre part, raisonner en grands agrégats ne donnerait aucune garantie sur des cas particuliers et ne saurait rassurer les élus.

Aussi, une telle loi de financement, examinée à la hussarde entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances, risquerait d’appauvrir le débat sur les finances des collectivités. Elle renforcerait la gestion nationale et centralisée des problématiques locales.

Telle n’est pas la vision que nous nous faisons d’une République décentralisée, qui fait confiance à ses élus locaux pour changer les choses sur le terrain.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion