Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est sur la longue histoire de la gouvernance de la gestion de l’eau en milieu rural que je concentrerai mon propos.
Une majorité de communes rurales veulent conserver la gestion de l’eau, ce qui est sans doute conforme à l’intérêt général. Reste que le parcours du combattant qui leur est imposé les épuise. Ici, nous sommes leurs porte-voix, mais pas seulement, puisque nous défendons aussi des textes. J’espère que, étape après étape, nous finirons par obtenir satisfaction – mais à quel prix ? Quel temps perdu !
Je rappelle ce parcours. Il commence en 2015, avec la fameuse loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe, qui oblige au transfert des compétences eau et assainissement des communes vers les communautés de communes. Ce parcours est émaillé de propositions de loi. J’en ai notamment déposé une, avec un certain nombre de collègues, en 2017. En 2017 toujours, la proposition de loi Retailleau a été adoptée, qui fait de nouveau de l’eau une compétence optionnelle. En 2018, une nouvelle loi a permis de repousser le transfert de 2020 à 2026, ce qui démontre bien l’existence d’un problème, le Gouvernement ayant accepté ce report.
Je mentionnerai d’autres étapes, comme la proposition de loi que j’ai déposée en 2020, avec un certain nombre de collègues. En 2022, une nouvelle loi a permis le maintien des syndicats infracommunautaires : on est donc passé de trois communautés de communes, à deux, puis une, nouvelle preuve qu’il existe véritablement un problème.
Mathieu Darnaud a déposé de nouveau une proposition de loi le 22 juin 2022. Puis, en 2023, une proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée des compétences eau et assainissement, qui fait passer les compétences eau et assainissement dans la catégorie des compétences optionnelles, est adoptée : 329 suffrages exprimés, 259 voix pour, 70 voix contre.
Voyez, madame la secrétaire d’État, que c’est sur toutes les travées de cet hémicycle que l’on considère qu’il y a un problème et qu’il faut y apporter une solution !
Enfin, neuvième étape, voilà quelques jours, votre ministre de tutelle a déclaré, ici même, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement – j’espère le citer fidèlement – que ce n’est pas « nécessairement » l’intercommunalité – contrairement, je le rappelle, à ce que prévoit le texte actuel –, en précisant aussitôt que ce n’est pas non plus les « communes isolées ».
Madame la ministre, qu’est-ce que cela signifie ? Des milliers de communes attendent de savoir ce qu’elles doivent faire d’ici à 2026. Celles qui ont anticipé le transfert, pensant qu’il allait arriver de toute façon, constatent que, pour un grand nombre d’intercommunalités en milieu rural, la situation est absolument ingouvernable ! On embauche des dizaines de fonctionnaires territoriaux supplémentaires, ce qui a pour conséquence l’augmentation des prix. Dans mon département, il y a même une intercommunalité qui ne peut pas envoyer les factures d’eau à ses concitoyens depuis un an et demi…
Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire le transfert ; je fais simplement partie de ceux qui estiment qu’il faut refaire de l’eau une compétence optionnelle et, surtout, laisser les élus décider. Nos collègues élus locaux ont du bon sens et du sérieux. Ils sont, bien sûr, attachés à la quantité et à la qualité de l’eau !
Il est intolérable que des mesures venues d’en haut s’imposent à tout le monde, avec pour conséquence une multiplication par trois du prix de l’eau dans des communes rurales, sans que l’eau ait changé en quoi que ce soit. Que le tarif de l’eau augmente, parce que l’on a fait des travaux pour améliorer les réseaux, la filtration ou la qualité, est normal. Si le service public coûte plus cher, cela doit correspondre à une amélioration !
Madame la secrétaire d’État, un certain nombre d’entre nous se battent pour défendre l’intérêt de nos concitoyens. Quand on a déjà tellement d’inconvénients au quotidien en zone rurale – vous le savez –, doit-on dire aux gens qu’il faut augmenter le prix de l’eau parce que c’est la mode, parce que l’eau est notre avenir ?
Une représentante du Gouvernement dans mon département m’a même dit que c’étaient la qualité de l’eau et la santé de nos enfants qui étaient en jeu. Pourquoi casser ce qui marche bien chez nous, dans une petite commune où tout va bien, où l’eau est bonne, suffisante, où le fontainier, souvent bénévole, fait un travail extraordinaire depuis vingt-cinq ans, au prétexte qu’il faudrait que tout soit exactement pareil, quels que soient les territoires et l’importance des collectivités ?
Madame la secrétaire d’État, je vous supplie de faire l’exégèse des propos du ministre et de nous transmettre un texte le plus vite possible, de manière que des milliers de communes sachent ce qu’elles doivent faire…