Fruit, entre autres, de l'improvisation certaine du Gouvernement dans l'élaboration et la maturation de ce texte - j'ai déjà eu l'occasion de le souligner -, le dispositif prévu par l'article 9 ne figurait pas dans la rédaction initiale du projet de loi.
Il a été introduit par le M. le ministre en cours de discussion à l'Assemblée nationale. L'objectif est de conférer à un « collège des médiateurs » une mission de médiation en matière de différends portant sur le bénéfice de l'exception de copie privée. Ce qui nous était proposé initialement se limitait à cela.
Mais pourquoi donc créer un nouveau « machin » administratif dessaisissant l'autorité politique d'une part de sa responsabilité, avec un champ de compétences aussi flou, alors que, dans le domaine qui nous intéresse, il existe déjà au moins une instance du même type - je pense à la commission dite de la « copie privée » -, dont la composition est de surcroît paritaire ?
J'ajoute que l'Assemblée nationale a étendu de manière significative la mission du collège, sans réellement la préciser, et en en faisant l'autorité de régulation des mesures techniques de protection.
Il est vrai que, à partir d'une telle extension du champ, nous nous dirigions tout droit vers la création de cette autorité administrative indépendante. À vos yeux, cette solution se justifiait de plus en plus, d'autant que l'interopérabilité n'était pas suffisamment précisée dans les débats pour éviter qu'il n'y ait différentes interprétations possibles et pour garantir qu'il s'agit bien d'un droit effectif dans la loi. Bien entendu, en cas de contentieux, il appartient au juge de trancher.
Mais, comme Mme Blandin le rappelait, outre la question de l'interopérabilité, qui n'est pas suffisamment précisée et contrainte dans la loi - nous en avons discuté hier -, même le bénéfice de l'exception pour copie privée, tel qu'il existait auparavant, à savoir la possibilité d'au moins une copie, est renvoyé à cette autorité administrative indépendante. Cela confère à cette dernière un pouvoir de nature quasi législative, puisqu'elle peut dire que l'exception n'existe plus. Ce point a été bien développé, me semble-t-il, par plusieurs orateurs, en particulier par Mme Blandin.
Pour notre part, nous récusons la nécessité d'introduire dans notre droit de la propriété intellectuelle une institution qui deviendrait, selon les propres termes de M. le rapporteur, la « gardienne de l'interopérabilité ». Selon nous, la gardienne de l'interopérabilité, c'est la loi.
Quelle serait donc la légitimité d'une nouvelle autorité administrative indépendante pour décider ainsi des frontières de l'interopérabilité et pour s'en faire le garde ? Comment une telle structure pourrait-elle mener à bien sa mission sans être dotée de moyens assez considérables, notamment en termes de compétences techniques ?
Notre rapporteur se garde d'ailleurs bien d'évaluer le coût de fonctionnement d'une telle autorité de régulation, coût que M. le ministre pourrait à l'occasion tenter de chiffrer. Là encore, nous n'avons pas obtenu de réponses à ces questions.
C'est pourquoi nous rejetons l'amendement de M. le rapporteur, qui a été repris par le Gouvernement. Nous regrettons de ne pas avoir convaincu notre assemblée de l'opportunité d'installer un collège des médiateurs émanant des instances déjà existantes en matière de régulation du droit d'auteur, comprenant des représentants des consommateurs, et uniquement chargé d'aider par la médiation les utilisateurs et les titulaires de droits à régler les litiges les opposant. D'ailleurs, la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information encourage une telle solution.
En réalité, dans la logique de ce que nous avons expliqué depuis le début de ce débat, notamment lors de la discussion générale, nous souhaitons nous en tenir à la transposition de la directive et ne pas aller plus loin. Une nouvelle fois, le Gouvernement aurait été bien inspiré de se limiter à transposer le texte communautaire en droit interne.