Avant tout, je tiens à remercier notre collègue Jean Sol et la délégation à la prospective d'avoir demandé ce débat.
Madame la présidente, mes chers collègues, j'ai écouté, comme nous tous ici, les déclarations du Président de la République à propos de l'eau. J'ai eu la satisfaction d'entendre que des propositions que nous avions défendues en projet de loi de finances et qui avaient alors été rejetées étaient reprises dans le plan Eau. Je pense au plafond mordant des agences de l'eau, à la tarification progressive de l'eau, à l'augmentation des financements à l'agriculture biologique et pour la sortie des engrais azotés de synthèse, ou encore au développement des paiements pour services environnementaux, même si, pour ces trois mesures, nous proposions un accompagnement sur tout le territoire et non pas seulement sur les aires de captage.
Madame la secrétaire d'État, afin d'accélérer votre action contre les dérèglements climatiques et pour une gestion durable de l'eau, n'hésitez pas à consulter nos amendements passés et nos propositions actuelles. §En voici quelques-unes.
Notre première suggestion porte sur la qualité de l'eau. Cet enjeu essentiel est traité de manière trop superficielle dans le plan présidentiel.
La moitié des masses d'eau sont polluées par des plastiques, des nitrates, des herbicides et des pesticides. Or, sur ce sujet, vous ne dites rien ou presque. Pis, au lendemain de l'annonce du plan Eau, le ministre de l'agriculture – et des pesticides… – demandait à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail de revenir sur l'interdiction de l'herbicide S-métolachlore. Il témoignait, ce faisant, d'un remarquable sens des priorités : deux jours après étaient rendues publiques de nouvelles études confirmant la non-conformité d'un tiers de l'eau distribuée en France en raison de la présence de métabolite chlorothalonil R471 811.
Pour la qualité de l'eau, nous revendiquons un grand plan d'appui à la transition de l'agriculture vers l'agroécologie, un plan massif en faveur de l'agriculture biologique. En effet, ces dernières reposent sur des pratiques sobres en eau et permettent de retenir l'eau dans les sols par les haies, les couverts végétaux, les prairies ou les rotations longues.
La nature a ses propres solutions et les agriculteurs ont toujours répondu aux demandes de la Nation. Encore faut-il les engager sur ce chemin au lieu de défendre un modèle qui, s'il craque face aux pénuries, reste rentable pour l'agro-industrie.
Notre seconde suggestion porte sur la gestion quantitative.
Les assises de l'eau ont fixé, en 2019, un objectif de réduction de 10 % des consommations à échéance 2024. Vous le reprenez, mais à échéance 2030. Or la situation se dégrade vite : on ne peut repousser de telles échéances, exonérer l'agriculture, qui consomme 56 % de la ressource, ou encore l'industrie, dont les développements espérés, potentiellement très consommateurs, peuvent provoquer des tensions. Le projet d'extension de STMicroelectronics à Crolles en est l'illustration.
Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaitent également un moratoire sur les projets à fort impact sur les cycles de l'eau et non compatibles avec les bouleversements climatiques, qu'il s'agisse des mégabassines, des réserves d'eau pour canons à neige ou de la ligne ferroviaire Lyon-Turin.
Il est aussi primordial de considérer les évolutions de la ressource en eau dans nos choix énergétiques. Je pense notamment aux risques liés à la baisse du débit d'étiage des fleuves. Il va diminuer de 20 % à 40 % d'ici à 2050. De combien va-t-il chuter d'ici à 2100, date de fin de vie de vos potentiels futurs EPR ?
Je n'oublie pas non plus les impacts de ces choix sur les milieux aquatiques, la biodiversité et la qualité de l'eau. L'été, il faudra choisir entre la préservation des milieux, la fourniture d'eau potable, la production d'électricité et l'agriculture. Qui arbitrera ? Comment le fera-t-on sans conflit ?
Pour nous, c'est à la science partagée et à la démocratie qu'il revient d'arbitrer. Nous demandons la réalisation d'études académiques en amont de tout projet affectant le cycle de l'eau et le partage des ressources.
Madame la secrétaire d'État, il y aura de plus en plus de conflits d'usage. Au fond, ce qui s'est passé à Sainte-Soline n'est que l'illustration de tensions beaucoup plus nombreuses, mais parfois moins visibles ou moins médiatisées.
L'agriculture a besoin d'eau, mais elle en a davantage besoin dans les sols que dans des mégabassines. Elle en a besoin pour alimenter des systèmes d'irrigation vertueux.