Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après un été 2022 historiquement sec, qui a été l'occasion de controverses notamment liées au partage de l'eau, été qui a succédé à un printemps caractérisé par des inondations à répétition, la question de la gestion de l'eau s'invite plus que jamais dans le débat public. Je m'en réjouis.
Nous devons préserver l'intégrité et la pérennité de la ressource en eau. Sa préservation ne pourra se faire qu'avec une gouvernance ad hoc.
Fort d'un regard rétrospectif, je pense qu'il serait bienvenu de recréer des services d'ingénierie de l'eau dans tous les territoires. En effet, la dégradation de la gestion patrimoniale des réseaux d'eau et d'assainissement est incontestablement corrélée à la disparition de l'ingénierie publique. Dans mon territoire, au cours de la période 2012-2022, 25 % des postes de l'agence de l'eau Rhin-Meuse ont été supprimés. Conséquence logique, les collectivités locales, souvent livrées à elles-mêmes, rencontrent des difficultés dans leur choix d'un mode de gestion et d'assainissement.
Il est donc essentiel de reconstituer une ingénierie territoriale spécialisée dans le domaine de l'eau, facilement mobilisable par le plus grand nombre de collectivités. C'est une question d'équité entre les territoires. La piste d'une ingénierie de proximité, articulée entre les acteurs et leur laissant le choix d'une éventuelle mutualisation à l'échelon intercommunal, mérite d'être explorée pour aller vers une amélioration fonctionnelle et des performances de service. L'émergence d'une nouvelle ingénierie me paraît la condition nécessaire à l'amélioration de la gouvernance du service public de l'eau.
Ainsi, nous pourrons stimuler les mécanismes de solidarité pour rattraper le retard d'équipement en matière d'eau et d'assainissement, notamment en milieu rural. Sans revenir sur le caractère obligatoire de la loi NOTRe, il serait utile de faciliter la remise à niveau des infrastructures d'eau et d'assainissement en cas d'intégration d'une commune à une intercommunalité.
Trop souvent, le rattrapage d'investissement est tel qu'il freine l'adhésion : soit le ticket d'entrée est trop élevé, soit la solidarité forcée de l'intercommunalité d'accueil trouve ses limites. Or l'intercommunalité en matière d'eau, notamment grâce au budget annexe qui permet une programmation pluriannuelle, est, dans l'absolu, un bon vecteur de modernisation des infrastructures et de professionnalisation des services. Nous pourrions imaginer un contrat de transition permettant de réaliser, dans des conditions apaisées et soutenables, des adhésions volontaires à des structures intercommunales, guidées par des logiques de performance et de service. Les agences de l'eau y trouveraient naturellement leur place.
Ce serait l'occasion de fixer les conditions d'une transformation des usages et d'un partage des ressources en eau, grâce à un dialogue territorial renouvelé, avec une vision à 360 degrés. Le changement climatique continuera d'avoir un impact durable sur les ressources en eau. Les projections font apparaître une baisse moyenne de la pluviométrie dans la plupart des régions de France, sauf le Grand Est, avec une très forte variabilité interannuelle.
L'ambition du schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage), issu de la loi de 1992, était claire : permettre aux élus, mais pas seulement eux, de tenir compte de la nouvelle situation climatique pour définir, dans leur bassin, les scénarios prospectifs d'aménagement. Là où les conflits d'usage étaient prégnants, cette forme de démocratie locale était pionnière et a montré son intérêt. Elle permet en effet de concilier les usages avec les disponibilités en eau et les aléas. Il faut certainement, madame la secrétaire d'État, lui donner un nouveau souffle. Nous devons donc réinventer les Sage, en imaginant des formes de gouvernance plus souples et en tirant les enseignements de leurs échecs ou de leurs limites – en un mot, en ayant un plan d'action opérationnel.
Nous devons aussi réinvestir dans l'innovation. Comment en sommes-nous arrivés à couper les ailes de nos entreprises spécialisées dans la gestion de l'eau, qui incarnaient pourtant l'excellence technologique à la française ? Nous sommes, une fois de plus, en retard par rapport à nos voisins européens – l'Italie, l'Espagne – en matière de réutilisation des eaux grises et des eaux usées. Le Président de la République a annoncé la mise en place d'un volet Eau au sein du programme France 2030 ; or c'est dans les territoires ruraux que le renchérissement du coût de l'énergie a les effets les plus marqués sur les services d'eau et d'assainissement ou qu'il existe des pressions non traitables du fait de la faiblesse de services moins intégrés.
Madame la secrétaire d'État, sur ces quatre orientations, le Gouvernement va, par votre voix, nous faire connaître la suite qu'il entend leur donner.