En réalité, la surinterprétation administrative fait jurisprudence : on supprime les seuils, on abaisse le niveau des cours d'eau, il arrive très souvent que l'on vide les rivières et l'on vidange les nappes phréatiques. Je le sais bien, car je suis paysan : c'est le système de l'abreuvoir à poulets. Enlevez cinquante centimètres d'eau et les nappes se vidangent ! Dans l'abreuvoir à poulets, deux centimètres d'eau retiennent un mètre d'eau. Les nappes phréatiques fonctionnent exactement de la même manière.
Dans le même temps, les prairies humides deviennent de véritables paillassons. Les zones humides de notre territoire, qui étaient des roselières, sont en train de disparaître. Après avoir épuisé les seuils de rivières, on en vient maintenant à supprimer les étangs, qui ont parfois plus de 500 ans d'existence, au prétexte que le cours d'eau passe au milieu de l'étang.
Tous ces systèmes mis en cascade ont pour effet d'épuiser les réserves d'eau. Les rivières et les ruisseaux sont de plus en plus abondants, durant l'hiver, quand il pleut, avec pour avantage que cela contribue à rehausser le niveau des océans qui en ont grand besoin, et l'on a de moins en moins d'eau pendant l'été.
La gestion de l'eau est devenue un véritable défi. J'ai mis en place un certain nombre d'expérimentations dans ma commune et dans mon territoire : en rétablissant des seuils sur des fossés qui avaient été créés dans les années 1960, on a retrouvé des sources qui coulent toute l'année, pas seulement l'hiver, et l'on a rétabli des ruisseaux.
Je ne suis pas un anti-écolo. Au contraire, il m'arrive de prendre le parti de certains de mes collègues. §Dans ma commune, en vingt ans, j'ai « planté » sept kilomètres de rivière, j'ai recréé de toutes pièces des zones humides et l'on retrouve de l'eau toute l'année dans des endroits qui étaient à sec.
Par pitié, arrêtons, au nom de je ne sais quelle idéologie, de vouloir mettre à tout prix les rivières à sec ! Sans la moindre expérimentation, par principe, on supprime les seuils au lieu de les rétablir dans une continuité écologique où les poissons migrateurs pourraient passer – il est tellement plus simple de les supprimer ! Voilà où va la moitié de l'argent des agences de l'eau.