Intervention de Renaud Donnedieu de Vabres

Réunion du 10 mai 2006 à 15h00
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Article 12 bis, amendement 22

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre :

En ce qui concerne les amendements identiques n° 159 et 212, l'objectif essentiel du projet de loi est de favoriser l'émergence d'offres de systèmes d'échange pair à pair légaux. Cela passe notamment par une responsabilisation pénale des éditeurs de logiciels pour que l'offre qu'ils proposent soit légale.

Il n'est pas acceptable que certains de ces éditeurs incitent les consommateurs à la contrefaçon en leur promettant la culture gratuite tout en les laissant assumer seuls les risques de poursuites judiciaires.

L'article 12 bis du projet de loi ne vise ni à imposer ni à interdire une technologie. L'enjeu est de créer les conditions propices à l'émergence d'un nouveau modèle économique de diffusion des produits culturels. Son champ d'application est bien ciblé, puisqu'il sera nécessaire de prouver, comme toujours en droit pénal, l'intention frauduleuse de l'éditeur du logiciel.

Dans ces conditions, je ne puis être favorable à ces amendements qui auraient pour effet de concentrer les poursuites judiciaires sur les seuls internautes et de freiner le développement d'offres légales.

La disposition relative à la déresponsabilisation pénale des éditeurs de logiciels, prévue par l'amendement n° 22, s'inscrit pleinement dans la stratégie du Gouvernement consistant à graduer les sanctions et à appliquer prioritairement les sanctions les plus lourdes à ceux qui organisent la casse du droit d'auteur et en tirent profit sur le dos des internautes.

Proposée à la suite d'une large concertation menée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, cette disposition est d'application très restrictive, puisqu'il ne s'agit absolument pas de rendre les éditeurs responsables de l'utilisation que les internautes font de leurs logiciels. C'est l'intention frauduleuse de l'éditeur lui-même qu'il faut prouver.

Cette mesure s'inscrit dans un vaste mouvement au plan mondial, faisant d'ailleurs suite à plusieurs décisions de justice, notamment de la Cour suprême des États-unis, qui a reconnu coupables deux éditeurs de logiciels sur ce même critère de l'intention frauduleuse.

Comme je l'avais indiqué à l'Assemblée nationale, le dernier alinéa de l'article 12 bis va de soi sur le plan juridique. Les conditions d'application de cet article sont en effet déjà très strictes, puisque l'intention frauduleuse de l'éditeur du logiciel devra être prouvée. Il est évident qu'un logiciel, même destiné au partage illicite d'oeuvres protégées, peut également être utilisé à des fins licites, notamment avec des oeuvres non protégées. Cela n'enlève rien à l'intention frauduleuse de l'éditeur et ne doit pas servir d'alibi à des personnes qui organisent la casse du droit d'auteur pour en tirer profit.

C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'amendement n° 22.

Sur les amendements identiques n° 41, 55 et 213, j'émets un avis défavorable.

La disposition discutée est une forme de déclinaison particulière du régime plus général de la complicité par fourniture de moyens pour permettre une application plus directe. La rédaction retenue dans l'article 12 bis est très restrictive : il faut que l'intention soit manifeste. Outre les règles du droit pénal, les dispositions prévues dans le texte me paraissent être de nature à répondre aux préoccupations exprimées par les auteurs de ces trois amendements.

Exiger que l'intention soit explicite pourrait rendre ce dispositif quasiment inapplicable. L'intention n'est jamais explicite et il est très facile de contourner une telle exigence.

Dans ces conditions, je ne puis être favorable à la disposition proposée dans ces trois amendements, qui aurait pour effet de concentrer les poursuites judiciaires sur les seuls internautes, ce qui n'est pas le point d'équilibre que nous souhaitons obtenir les uns et les autres.

Je suis également défavorable aux amendements identiques n° 42 et 214.

L'article 12 bis ne vise en aucun cas des logiciels dont l'utilisation a été détournée vers des usages illicites, comme semblent le craindre les auteurs de ces deux amendements, mais concerne bien des logiciels pour lesquels l'intention frauduleuse de l'éditeur est manifeste.

Le caractère manifeste de l'intention frauduleuse la rend apparente, y compris de tiers qui pourraient inciter sciemment à l'usage d'un tel logiciel. Par conséquent, c'est en connaissance de cause qu'ils inciteront à l'usage de ces logiciels. Préciser que l'incitation doit elle-même viser des usages illicites n'est donc pas nécessaire.

Enfin, je suis défavorable à l'amendement n° 186 rectifié.

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