Intervention de Pap Ndiaye

Réunion du 11 avril 2023 à 14h30
École de la liberté de l'égalité des chances et de la laïcité — Discussion générale

Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi témoigne de l'intérêt que la chambre haute manifeste pour la politique publique d'éducation – je tiens ici à vous en remercier.

Le texte traite de sujets structurants et d'une grande actualité pour l'éducation nationale et, donc, pour l'ensemble de la Nation : la gouvernance des écoles et des établissements, la formation des professeurs, l'accompagnement aux apprentissages des élèves, les conditions de la continuité du service public de l'éducation nationale dans les territoires. Ce sont là des questions essentielles.

Nous partageons de nombreux constats, mais nos solutions pourront – nous allons le voir – ne pas être les mêmes.

S'agissant de l'autonomie des écoles et des établissements, d'abord, j'observe que la mesure proposée existe déjà très largement dans les faits pour le second degré.

En effet, les collèges et les lycées sont des établissements publics autonomes, qui contractualisent avec l'autorité académique.

Certes, il y va différemment des écoles, qui n'ont pas la personnalité juridique. Pour autant, je ne suis pas certain que nos maires soient prêts à renoncer à cette compétence patrimoniale de l'échelon communal, vieille de près de deux cents ans, puisqu'elle est issue de la loi Guizot du 28 juin 1833, qui imposait aux maires d'entretenir dans leur commune une école et d'y loger un ou plusieurs instituteurs, afin d'instruire tous les enfants.

J'ai vu que vous aviez avancé sur ce sujet en commission. Il ne me semble pas opportun en l'état d'aligner le fonctionnement de nos écoles sur les établissements du second degré. Il ne faut pas laisser croire à nos élus que nous les écarterions de décisions importantes qui concernent les enfants de leurs communes.

Au passage, je me permets de rappeler mon attachement à faire vivre les communautés éducatives locales, via notamment la démarche entreprise par le Président de la République dans le cadre du Conseil national de la refondation.

Ne vous méprenez pas, cependant, sur la portée de mon propos : je ne suis nullement en train de vous dire que le Gouvernement n'est pas ouvert à une évolution de la gouvernance du premier degré, comme en témoigne la loi du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d'école, mais il faut avancer progressivement si l'on souhaite voir ces réformes prospérer.

J'en profite pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur : les décrets d'application de la loi Rilhac seront prêts pour la rentrée, puisqu'ils ont été soumis aux organisations syndicales il y a dix jours et qu'ils le seront au comité social d'administration ministériel de l'éducation nationale (Csamen) le 16 mai prochain.

Pour ma part, je défends l'autorité fonctionnelle des directeurs d'école qui donne à ces derniers le rôle de pilote de leur école, tout en conservant l'esprit d'un travail collectif entre tous les professeurs. C'est un marqueur culturel fort de notre école primaire.

De la même façon, ma collègue Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et moi-même avons engagé une réflexion pour que nos professeurs des écoles soient mieux armés et formés pour répondre aux exigences des apprentissages.

Là encore, il me semble que nous ne différons pas substantiellement sur l'objectif. J'ai plusieurs fois eu l'occasion de m'exprimer en ce sens devant vous, mais je ne saurais pour autant souscrire totalement à votre proposition en l'état, car elle risque d'écarter les professeurs d'une formation universitaire et de l'obtention du diplôme du master.

Concernant l'accompagnement des élèves, là encore, nous partageons l'objectif d'un soutien scolaire à tout élève qui en éprouve le besoin. C'est dans ce sens que je poursuis la politique entamée par mon prédécesseur, et c'est dans ce sens que j'entends conduire la transformation du collège.

Aujourd'hui, ce cycle d'études n'est pas suffisamment en capacité de remédier aux principales difficultés scolaires, de lutter contre les inégalités et de cultiver l'excellence des élèves.

La classe de sixième sera transformée l'année prochaine, de sorte que les fragilités que certains élèves peuvent éprouver puissent être corrigées. Par ailleurs, je rendrai obligatoire, dès la prochaine rentrée scolaire, le dispositif « devoirs faits » : chaque élève doit pouvoir être, au-delà des heures de classe, soutenu dans ses apprentissages, accompagné pour réviser, s'entraîner et fixer les acquis vus en classe.

Cette égalité des chances à laquelle je viens de faire référence doit exister dans tous les territoires, y compris en ruralité.

Vous le savez, lors de notre déplacement dans la Nièvre il y a quelques jours, la Première ministre et moi-même avons annoncé des mesures qui ne sont pas si éloignées de vos propositions.

Mais, il faut bien reconnaître que le maintien de classes ouvertes contre vents et marées et contre la réalité de l'évolution démographique n'est pas pédagogiquement viable. Mon devoir en tant que ministre de l'éducation nationale est de garantir l'accès à l'enseignement à tous, partout sur le territoire, mais pas dans n'importe quelles conditions.

Pluriannualité des moyens, instance de dialogue associant préfet, directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) et élus locaux, afin de coordonner l'action publique, valorisation des regroupements pédagogiques intercommunaux sont autant de propositions qu'attendent les territoires, les élus, les parents, les élèves et, évidemment – je l'espère –, vous, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous avez souvent évoqué ces questions avec moi.

À une solution égalitaire qui consisterait à geler les moyens partout, nous préférons une solution équitable et équilibrée qui prenne en compte, de manière pluriannuelle, l'éloignement, la qualité d'enseignement et la vie pédagogique.

Nous devons mettre fin aux incohérences qui opposent l'État, dans son rôle d'aménageur du territoire, à l'État qui organise l'instruction de nos enfants. Les deux sont intimement liés, car l'école, si elle doit être impérativement accessible à tous nos enfants, doit aussi être un lieu de vie pédagogique qui garantit la réussite de nos élèves.

Nous devons réaliser, avec tous les acteurs, élus, agents de l'État, un travail de dentelle, afin que l'organisation de l'école puisse répondre aux particularités de chacun des territoires.

Sur la question de l'application de la loi de 2004 aux parents accompagnateurs, je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que, de manière constante, tous les gouvernements se sont opposés à cette disposition.

Je rappelle que ces parents n'agissent pas en qualité d'agents de l'État. Le Conseil d'État s'est déjà prononcé sur le sujet : les parents accompagnateurs ne sont pas soumis au principe de neutralité, mais ils doivent évidemment s'abstenir de tout prosélytisme.

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