Je rejoins l'idée de votre amendement, monsieur Longuet, qui s'inscrit parfaitement dans la logique de la graduation des sanctions à l'égard des internautes que le Gouvernement a voulu mettre en place. Il est en effet essentiel que les sanctions soient à la fois proportionnées et dissuasives.
Pour autant, en raison de l'évolution rapide des technologies, il paraît difficile de figer dans la loi des seuils qui déclencheront non seulement des sanctions plus lourdes, mais aussi des procédures plus intrusives.
Afin d'éviter, comme vous le craignez à juste titre, que les sanctions ne soient trop faibles, le Gouvernement créera, par décret, une contravention d'un niveau plus élevé lorsque les quantités d'oeuvres téléchargées ou mises à disposition dépasseront certains seuils, ce qui permettra une mise en oeuvre plus souple.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 102 et, pour les mêmes raisons, sur le sous-amendement n° 273 rectifié.
Par ailleurs, pour répondre à la demande de M. le rapporteur, je vais tenter de clarifier le système des sanctions prévues par le Gouvernement.
Le téléchargement est défini comme la reproduction illicite d'oeuvres ou de supports de droits voisins, telle qu'elle est entendue habituellement dans le code de la propriété intellectuelle, avec une précision supplémentaire relative au vecteur utilisé à cette fin, à savoir un service de communication au public en ligne.
Ces infractions nouvelles seront constatées par la surveillance des oeuvres exercée sur le web par les services de police et de gendarmerie. C'est le fait de télécharger et, le cas échéant, de laisser ce téléchargement à la disposition de tiers qui sera réprimé.
Je le répète, ce ne sont pas les internautes qui feront l'objet d'une surveillance, ce sont les oeuvres. Or, ce sont les auteurs qui décident du régime de diffusion de leurs créations et de leurs oeuvres. Par conséquent, les oeuvres sont en quelque sorte codifiées, d'où l'idée de répertoire pour clarifier les enjeux : personne ne pourra ignorer quelle est la codification, quels sont les droits attachés à une oeuvre.
D'ailleurs, c'est l'impossibilité pour l'internaute de savoir exactement quel était le régime de protection ou non d'une oeuvre, l'absence de notoriété, qui a légitimé certaines décisions de justice rendues récemment.
De nombreuses précautions sont prises, à la fois pour être efficace et pour qu'il n'y ait pas d'intrusion dans la vie privée, afin que, une fois pour toutes, il soit clair que protéger le droit d'auteur en mettant en oeuvre des sanctions proportionnées ne porte pas atteinte à la liberté de communication et aux échanges privés. Ce n'est pas le même sujet, ce n'est pas la même responsabilité.
J'en viens maintenant à la compétence des services de l'État, qui est un point très important.
La recherche des infractions consistera à surveiller les oeuvres protégées, en les recherchant par mot clé sur les logiciels d'échange proposés au public, comme n'importe quel internaute peut le faire.
Cette surveillance sera exercée par les agents des services enquêteurs - police ou gendarmerie - qui pourront être saisis par les agents agréés et assermentés désignés par le Centre national de la cinématographie, les organismes professionnels d'auteurs ou par les sociétés de perception et de répartition des droits.
Ces constatations ne seront pas nominatives : l'agent relèvera des numéros d'adresse Internet, qui peuvent changer. La surveillance des échanges illégaux est une surveillance des oeuvres et non pas - j'y insiste - une surveillance des internautes. Cette démarche n'entraîne aucune surveillance des communications privées et préserve l'anonymat des internautes.
Il conviendra ensuite de procéder à une enquête. Avec l'autorisation du procureur de la République, le service enquêteur procèdera à l'identification du titulaire d'accès au moyen d'une réquisition adressée au fournisseur d'accès à Internet à partir de l'adresse Internet et de l'heure de la constatation. Nous reviendrons, dans la suite de la discussion, sur un certain nombre d'éléments qui constitueront des garanties de l'effectivité de la démarche.
Enfin, la condamnation ou la relaxe est décidée par un juge, éventuellement un juge de proximité. La contravention sera établie sur le constat d'un téléchargement ou du partage d'une ou plusieurs oeuvres.
Enfin, - autre point très important - avec les différents ministères concernés, sur instruction très précise du Premier ministre, nous constituons des équipes de fonctionnaires de l'État qui seront spécialisées dans la recherche de ces infractions.
J'espère avoir clarifié les différentes dispositions que nous mettons en place. Nous avons le souci de l'effectivité ; là aussi, c'est le point d'équilibre qui est le plus important. Il ne faut pas provoquer des peurs inutiles, mais il convient de mettre au point un dispositif qui fasse que chacun assume ses responsabilités.