Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 13 avril 2023 à 15h30
Justice dans les outre-mer — Conclusion du débat

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain :

Monsieur le ministre, je ne regrette pas d'avoir demandé, avec les membres de mon groupe, l'organisation de ce débat, car il a été intéressant et utile.

En effet, l'appartenance à notre République se définit par le respect de principes fondamentaux reconnus par notre Constitution, parmi lesquels figurent notamment l'égalité et l'indivisibilité.

Il me semble important de rappeler l'article 1er de notre Constitution, afin de prendre un peu de hauteur après ce débat qui a essentiellement porté sur des sujets opérationnels : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

L'indivisibilité s'entend de la souveraineté, du territoire et du peuple français, ce qui postule un pouvoir central unique, une structure administrative homogène et l'uniformité du droit applicable sur l'ensemble de notre territoire. Notre Constitution est donc potentiellement rétive à la reconnaissance des particularismes juridiques.

Toutefois, ce principe d'indivisibilité n'a pas empêché – et c'est heureux ! – l'existence d'une République plurielle. Si cette pluralité implique une certaine plasticité de nos institutions, elle ne doit pas conduire à renier nos principes.

Avant tout, je tenais à rappeler le caractère pluriel de l'outre-mer. Il s'agit de 13 territoires : des départements et régions d'outre-mer (Drom), des collectivités d'outre-mer (COM), la Nouvelle-Calédonie qui bénéficie d'un statut particulier – je salue nos collègues présents ici – et des terres inhabitées, comme les Terres australes et antarctiques françaises et l'île de Clipperton.

À l'intérieur de chacune de ces catégories, il existe un statut particulier et, pour certains de ces territoires, une justice spécifique dans certains domaines. On le comprend, définir un cadre unique n'est pas aisé, mais c'est aussi cela, la République française.

N'oublions pas que les outre-mer ont une histoire particulière et que le rapport à l'État français n'a pas toujours été simple dans l'ensemble de ces territoires qui composent notre République.

L'expression étatique, notamment par le biais de ce pouvoir régalien qu'est la justice, devrait donc être d'autant plus irréprochable dans ces territoires issus d'un passé colonialiste qui nous oblige.

Pourtant, la situation partagée sur l'ensemble du territoire national est celle d'un État loin d'être parfait, pour le dire simplement, dans le cadre de cette fonction régalienne.

Ainsi, les États généraux de la justice, cités à plusieurs reprises au cours de ce débat, évoquent une crise profonde de notre système, avec une justice qui est au bord de la rupture dans certains domaines et dont les conditions de fonctionnement et les délais de jugement deviennent parfois indécents pour l'ensemble des acteurs et des justiciables.

Ce climat suscite une défiance croissante de nos concitoyens envers la justice française. C'est dire l'impasse dans laquelle nous pouvons nous retrouver.

Malgré des hausses incontestables de crédits – vous avez raison, monsieur le ministre –, cette justice, garante du respect du droit, demeure en difficulté tellement nous partons de loin. C'est d'autant plus vrai en outre-mer.

Las ! Le thermomètre de l'outre-mer indique que nous avons encore de nombreux efforts à accomplir. Vous ne l'avez pas nié – je tiens à vous en remercier –, mais nos exigences sont aussi à prendre en compte. Ne les considérez pas comme des remises en cause du pouvoir exécutif actuel, mais plutôt comme la reconnaissance de difficultés existant sur le plan local.

Les territoires d'outre-mer sont trop souvent peu ou mal considérés par nos politiques publiques, ce qui ne date pas du présent gouvernement. Nous réagissons trop fréquemment selon un biais hexagonal, reconnaissons-le. Dès lors, l'adaptation de nos dispositifs n'est pas toujours optimale.

Par ailleurs, le comité des États généraux de la justice indique que les caractéristiques démographiques et socio-économiques des outre-mer les distinguent significativement de la métropole.

Ainsi, le taux de pauvreté – on sait que cette dernière et la délinquance sont malheureusement liées – comme le taux de chômage y sont particulièrement élevés, face à un coût de la vie et d'accès aux biens de première nécessité exponentiel au regard de celui de l'Hexagone.

Toutes celles et tous ceux qui connaissent ici l'outre-mer, même sans y habiter, savent ces difficultés et ce qu'elles représentent sur le plan de la délinquance.

Toutes ces inégalités doivent être prises en compte, ainsi que les spécificités liées à l'éloignement de ces territoires et à leurs particularités géographiques. Il n'est pas possible de se dire, en 2023, que les justiciables n'ont pas tous et toutes les mêmes droits et les mêmes accès au droit.

Nous nous réclamons de l'État de droit. Or la justice est la clé de voûte de ce système. L'État, seul, est à même d'exercer cette fonction, afin d'en garantir l'impartialité. Or nos collègues ont pu exposer les failles de ce service public dans les territoires ultramarins.

Ce débat de contrôle aura finalement eu le mérite de poser, je crois, le diagnostic le plus juste possible. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous veillerons à apporter les bons remèdes, car tel est aussi l'objet des débats de la Haute Assemblée.

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