Intervention de Monique de Marco

Réunion du 12 avril 2023 à 15h00
Impacts économique social et politique de l'intelligence artificielle générative — Débat d'actualité

Photo de Monique de MarcoMonique de Marco :

En revanche, je l'avais fait il y a quelques mois pour rédiger la question d'actualité que j'avais posée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse afin de l'alerter sur la suppression de la technologie en classe de sixième, alors même que cette matière est directement liée aux enjeux du numérique. En effet, la France a plus que jamais besoin d'une jeunesse ouverte aux sciences et aux technologies.

En tant qu'enseignante, je suis impressionnée par les résultats obtenus par le recours à l'intelligence artificielle. Les perspectives semblent sans limite, dans des domaines aussi variés que l'agriculture, la logistique ou la santé.

À l'inverse, en tant que citoyenne, l'essor fulgurant de ces nouvelles technologies m'interroge : dans quel cadre les circonscrire, par quelle réglementation, pour quels objectifs et avec quelles conséquences pour notre société ?

Aussi, en tant que parlementaires, devons-nous mener un travail colossal sur ce sujet.

À cet égard, je salue les parlementaires européens, qui examinent en ce moment même l'Artificial Intelligence Act (AI Act), une proposition de règlement pour encadrer l'usage et la commercialisation des intelligences artificielles.

De même, je regarde avec intérêt la décision de l'Italie, qui vient de bloquer ChatGPT pour respecter la législation sur les données personnelles. L'interdiction n'est probablement pas la bonne solution, mais elle doit nous interroger sur les limites de cet outil.

Malgré la fascination que suscitent de telles innovations technologiques, nous devons garder les pieds sur terre et légiférer dans l'intérêt général.

Il y a dix ans, nous nourrissions de grands espoirs vis-à-vis des assistants numériques comme Siri ou Alexa ; il y a encore quelques mois, nous parlions des cryptomonnaies avec des étoiles dans les yeux. Pourtant, ces innovations n'ont fait que créer de nouveaux besoins, sans apporter de solutions concrètes.

Malgré la révolution informatique et la généralisation d'internet, la croissance de la productivité ralentit depuis trente ans. Si certains prophétisent de formidables gains de productivité et voient l'intelligence artificielle comme une poule aux œufs d'or, la réalité sera certainement tout autre.

Par ailleurs, nous devons nous interroger sur les conséquences sociales d'un développement massif de l'intelligence artificielle. Dans une récente étude, Goldman Sachs estimait que 300 millions d'emplois seraient menacés par l'essor de l'intelligence artificielle.

S'il ne sert à rien de crier au loup, nous ne pouvons ignorer cette alerte, d'autant qu'une partie des emplois qui sont créés par ces nouvelles technologies sont ingrats et mal payés. Derrière les ingénieurs, les petites mains de l'intelligence artificielle sont à l'ouvrage.

Des Kenyans employés par OpenAI sont ainsi payés entre 1 et 2 dollars par jour pour repérer les contenus toxiques, à un rythme soutenu et dans des conditions de travail déplorables. Si l'intelligence artificielle ne remplace pas nos emplois, elle pourrait être à l'origine d'une nouvelle dégradation du travail.

Enfin, l'intitulé de notre débat oublie un aspect fondamental, qu'il n'est plus acceptable d'ignorer au XXe siècle : je parle bien sûr de l'impact environnemental et climatique de l'intelligence artificielle.

En effet, le numérique représente d'ores et déjà 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, dont une partie est imputable à l'intelligence artificielle. Entraîner un modèle tel que celui de ChatGPT pendant quatre à sept jours émettrait autant de gaz à effet de serre qu'un être humain en produit en 57 ans, et cette estimation progresse à mesure que les modèles d'intelligence artificielle se perfectionnent et accumulent des connaissances.

Derrière la chimère d'un numérique durable, dont les applications feraient disparaître par magie les risques environnementaux, il y a la réalité des chiffres. Ainsi, si les possibilités permises par l'intelligence artificielle nous font rêver, nous devons être pleinement conscients des impacts économiques, sociaux et environnementaux de cette technologie.

L'intelligence artificielle est là, elle fait déjà partie de nos vies. Il n'est donc pas question de l'interdire ou de la réserver à une élite. Toutefois, nous devons la réguler et la conditionner à sa plus-value sociale et environnementale. La technique n'est pas neutre, mais elle n'est ni bonne ni mauvaise en soi non plus. Elle est, comme l'a souligné le penseur Jacques Ellul, « ambivalente ». §

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