Intervention de Pierre-Antoine Levi

Réunion du 12 avril 2023 à 15h00
Impacts économique social et politique de l'intelligence artificielle générative — Débat d'actualité

Photo de Pierre-Antoine LeviPierre-Antoine Levi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’émergence de l’intelligence artificielle dans nos vies, le monde va vivre une quatrième révolution industrielle. Il la vit d’ailleurs déjà, des outils conversationnels ou de génération d’images particulièrement innovants et bluffants d’efficacité ayant vu le jour ces dernières semaines.

Nous aurions d’ailleurs tous pu demander à ChatGPT-4 de préparer ce discours – cela nous aurait fait gagner du temps. §Au-delà du temps gagné, je pense que nous nous serions tous – ou presque – retrouvés avec le même discours, ce qui aurait rendu ce débat d’actualité fort ennuyeux.

Face aux capacités extrêmement impressionnantes de l’intelligence artificielle, nous voyons naître de nombreuses inquiétudes – et cela est légitime. L’humain sera-t-il dépossédé de son travail au fur et à mesure du développement de l’IA ? Penserons-nous de moins en moins ? Allons-nous vers un monde où nous ne serons plus maîtres de nos avis et de nos destins ?

Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, vous avez qualifié ChatGPT de « perroquet approximatif ». Peut-être aviez-vous testé la version 3, car je peux vous assurer que de nombreuses réponses, dans la version 4, sont teintées de bon sens, de réflexion et de précision.

Aussi, je n’ose pas imaginer ce que donnera la version 5 de ChatGPT, dont la mise en ligne est annoncée pour le mois de décembre prochain et qui, d’après OpenAI, son développeur, serait d’un niveau équivalant l’intelligence humaine.

Il y a donc de quoi avoir peur : que vont devenir les secteurs dont des milliers d’emplois pourront être remplacés efficacement par les intelligences artificielles ? Comment allons-nous apprendre, maintenant que l’intelligence artificielle est censée savoir faire à peu près tout ce qui demande de la réflexion ?

Si elles sont réelles, ces craintes doivent être nuancées, car notre perception de l’intelligence artificielle varie selon les pays. Les chiffres suivants proviennent d’un sondage international réalisé par Ipsos en 2022 : en Chine, 79 % des personnes sondées considèrent que l’intelligence artificielle est plus bénéfique que nocive ; elles sont 71 % en Inde, 65 % en Malaisie, seulement 31 % en France, et c’est à peine mieux chez nos voisins européens…

Ce chiffre, symptomatique de notre rapport à l’innovation et aux nouvelles technologies, me fait penser à la phrase de la dirigeante de la Confindustria – le patronat italien – Emma Marcegaglia : « Lorsqu’il y a une innovation, les Américains en font commerce, les Chinois la copient, et nous, Européens, nous en faisons un règlement. »

En effet, le commissaire européen Thierry Breton a annoncé, avec une grande fierté, que, en moins de deux ans, l’Union européenne aura créé une réglementation pour encadrer les intelligences artificielles. Je vous avoue que j’aurais tout de même préféré qu’il annonce le lancement d’un grand projet de création d’un champion européen de l’intelligence artificielle.

Nous pouvons faire tous les règlements, toutes les lois, cette nouvelle révolution industrielle est lancée et elle ne pourra pas être arrêtée. Nous avons le choix de l’utiliser comme un merveilleux outil, notamment au service de la médecine et de l’éducation. Dans le monde du travail, les gains de productivité seront énormes.

Ne soyons pas à la traîne, accompagnons le mouvement. Apprenons à nos jeunes à se servir de cet outil de façon intelligente, comme un assistant d’éducation, un instrument au service du savoir et non un producteur de plagiats.

Monsieur le ministre, je salue vos propos refusant d’interdire a priori, comme l’ont fait temporairement nos voisins italiens, l’utilisation de ChatGPT, interdiction qui, du reste, est contournée par l’utilisation de VPN (Virtual Private Network).

Je salue également les travaux colossaux réalisés par nos chercheurs à Paris-Saclay sur Bloom, l’outil français d’intelligence artificielle. Google, qui a lancé sa propre intelligence artificielle pour concurrencer OpenAI a reconnu que ChatGPT était une Ferrari, alors que la sienne était, au mieux, « une Honda Civic améliorée ».

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