Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 1 143 : c’est le nombre de policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers blessés depuis le début des manifestations contre la réforme des retraites.
À ce chiffre alarmant, derrière lequel se cachent tant de réalités humaines, s’ajoutent les 47 gendarmes pris en charge par les secours lors du dramatique épisode de Sainte-Soline, le 25 mars dernier.
Depuis plusieurs années, les forces de sécurité de notre pays sont la cible d’un nombre inédit d’actes violents et brutaux. Dans le sillage des épisodes Notre-Dame-des-Landes et « gilets jaunes », ces agressions ont atteint un degré d’intensité rarement observé et particulièrement préoccupant.
Ces violences sont souvent le fait d’individus instrumentalisant dangereusement le droit de manifester pour s’attaquer aux symboles et aux institutions de la République, quand il ne s’agit pas tout simplement de « casser du flic ».
Par leurs actes, ces professionnels de l’affrontement violent nuisent à l’image de celles et ceux qui exercent très légitimement un droit fondamental de notre démocratie, celui de manifester. Pis, ils rendent impossible l’exercice serein de ce droit en s’attaquant volontairement à nos forces de l’ordre et aux services de secours.
Nous n’aurons de cesse de défendre les femmes et les hommes qui protègent nos institutions et nos concitoyens. À ce titre, je salue l’initiative conjointe des deux présidents des groupes de la majorité sénatoriale, Bruno Retailleau et Hervé Marseille, permettant l’examen aujourd’hui de la présente proposition de résolution.
Celle-ci est un écho puissant à ce que de nombreux Français ressentent et constatent quotidiennement. En dépit de ce que veulent nous faire croire les professionnels de l’agitation et du désordre, les Français ne sont pas dupes. À l’occasion d’un récent sondage, 85 % des Français condamnaient les violences contre les forces de l’ordre.
Personne ne nous fera croire que nous vivons dans un État policier.
Personne ne nous fera croire non plus que nos forces de l’ordre sont des agents du chaos.
Personne ne nous fera croire que nos policiers doivent « aller se faire soigner », pour reprendre les mots révoltants de M. Mélenchon.
Mes chers collègues, il relève de notre responsabilité d’apporter un soutien clair et sans ambiguïté à ces femmes et ces hommes qui font la République au quotidien. Notre engagement à leurs côtés est total. Pour autant, il n’est pas aveugle.
Dans le monde où nous vivons, policiers et gendarmes sont particulièrement exposés et soumis à une pression constante. Face aux provocations, aux insultes, aux crachats ou aux coups, des dérapages ont pu avoir lieu, inutile de le nier.
Ces incidents doivent faire l’objet d’investigations et, le cas échéant, être sanctionnés. Ainsi, depuis les premières manifestations contre la réforme des retraites, trente-six enquêtes ont été ouvertes par l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et deux, par l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Je souhaite qu’elles permettent de faire toute la lumière sur des actes qui, bien que regrettables, n’en demeurent pas moins isolés.
De la même manière, il est normal que la justice ait été saisie après les affrontements de Sainte-Soline. Des personnes ont été blessées ; il est légitime qu’elles veuillent savoir comment on en est arrivé là.
Si des incidents existent, ils ne reflètent en rien l’exemplarité et le sang-froid dont font preuve l’écrasante majorité de nos forces de l’ordre, alors qu’elles ont été particulièrement sollicitées, parfois plusieurs jours d’affilée, au cours des derniers mois. Quelques agitateurs de premier ordre aimeraient nous faire croire que, dans toute cette histoire, les casseurs sont les victimes et les policiers, les bourreaux ; que, sans gendarmes, il n’y aurait pas eu de dégradations à Sainte-Soline ; que, sans policiers, il n’y aurait pas eu d’incendie à la brasserie La Rotonde.
Encore une fois, les Français ne sont pas dupes. Ils savent que le maintien de l’ordre est un exercice très compliqué, qui impose parfois l’emploi de la force publique. Les appels à la dispersion ne suffisent pas toujours face aux jets de pavés, aux mortiers d’artifice, aux lancers de cocktails Molotov et de boules de pétanque.
Bien sûr, l’utilisation des armes dont disposent les forces de l’ordre pour maintenir l’ordre doit être proportionnée et encadrée. Je pense notamment aux lanceurs de balles de défense (LBD) et aux grenades de désencerclement. Comme lors des manifestations des « gilets jaunes », nous avons vu resurgir des polémiques sur l’utilisation des LBD.
Nous considérons que le problème n’est pas le LBD en lui-même : c’est l’usage qui peut malheureusement en être fait par des agents insuffisamment formés à son maniement. Il serait irresponsable de priver compagnies républicaines de sécurité (CRS) et gendarmes mobiles de cette arme intermédiaire sans proposer aucune solution de remplacement. De tels outils doivent être confiés à des professionnels du maintien de l’ordre, capables de les employer avec précision dans des situations complexes d’affrontement.
Ces situations d’affrontement reflètent, dans tous les cas, l’échec d’un dialogue et l’achoppement d’une concertation. Pour autant, qui refuse le dialogue et la concertation dans notre pays ?
Prenons l’exemple de Sainte-Soline.
Tout se passe comme si les manifestants les plus radicaux incarnaient une forme de résistance à un pouvoir arbitraire, justifiant les violences dont ils se sont rendus coupables.
Tout se passe comme s’il n’y avait pas eu d’études d’impact sur les mégabassines concluant à leur utilité dans l’adaptation au changement climatique et pour la souveraineté alimentaire de la France.
Tout se passe comme si l’ensemble des parties intéressées n’avaient pas été entendues dans le cadre des comités de bassin et des commissions locales de l’eau, dont la représentativité n’est mise en doute par personne.
Tout se passe comme si, à tous les niveaux de la gestion de l’eau, les responsables élus n’avaient pas tranché en faveur de l’aménagement des bassines, conformément au mandat leur ayant été confié.
Tout se passe, enfin, comme si les convictions ou plutôt l’idéologie de certains devaient prévaloir, par la violence, sur des décisions de justice, sans que la police de la République puisse légitimement intervenir.
Mes chers collègues, oui, les affrontements de Sainte-Soline incarnent une forme de résistance à l’arbitraire, mais la résistance de décisions démocratiques, confirmées par la justice et défendues par nos forces de l’ordre, à l’arbitraire d’une mouvance extrêmement violente, persuadée qu’elle détient une légitimité venant d’on ne sait où et qu’elle voudrait imposer à tous, au nom d’un prétendu intérêt supérieur.
Mes chers collègues, 1 143 blessés, c’est le coût humain de cet aveuglement ; 1143 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers blessés depuis un mois, c’est le triste bilan de cette rage, de cette haine contre l’État et ses représentants.
Ayant moi-même été sapeur-pompier professionnel dans une vie antérieure, je tiens également à adresser un hommage particulier à l’ensemble des agents qui participent aux secours et à la sécurité civile dans notre pays. Ils sont là pour protéger la vie de nos concitoyens : force est de constater que, pour cela, ils risquent chaque jour la leur.
Les casseurs professionnels que j’évoquais précédemment n’ont aucun scrupule : ils n’hésitent plus à s’en prendre à des sapeurs-pompiers tentant d’éteindre un incendie ou à des urgentistes soignant un manifestant blessé. Pourtant, sans ces sapeurs-pompiers et sans ces urgentistes, le bilan humain des manifestations serait autrement plus dramatique ! Par leur dévouement et leur sens du service, ils contribuent à apaiser la situation.
C’est pourquoi, en responsabilité, en tant que défenseurs de l’ordre républicain, mes collègues du groupe Union centriste et moi-même voterons en faveur de cette proposition de résolution, exprimant, par là même, notre profonde gratitude, notre reconnaissance et notre soutien aux policiers et gendarmes.