Intervention de Pierre Laurent

Réunion du 12 avril 2023 à 15h00
Jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Vote sur l'ensemble

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons une dernière fois cette loi improprement appelée « olympique », puisqu’il n’y est question ni de sport ni de transmission des valeurs olympiques.

Nous ne pouvons que continuer de déplorer le caractère strictement sécuritaire de ce texte. Le sport aurait dû nous inspirer la liberté ; nous en sommes aux antipodes. Sous prétexte d’assurer la sécurité des Jeux, ce qui est bien nécessaire, les dispositions attentatoires aux libertés et aux droits fondamentaux du texte proposé par la commission mixte paritaire vont s’inscrire dans la durée, alors même que rien n’a encore été sérieusement programmé pour l’héritage sportif du pays.

Le projet de loi est bien loin d’honorer les principes universels et fédérateurs des jeux Olympiques.

À titre d’exemple, l’article 1er bis, adopté par l’Assemblée nationale et qui prévoyait une campagne de prévention contre les violences sexuelles et sexistes, a été supprimé par la CMP. Lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), un article analogue a été supprimé, également en commission mixte paritaire : tout cela ne doit rien au hasard.

Le sport fait pourtant appel à des valeurs universelles de respect, de partage, de refus des discriminations, d’égalité et de fraternité. Comme il est dommage de les mettre en marge de l’esprit qui gouverne les jeux Olympiques de Paris ! L’inscription dans la loi d’une telle campagne de prévention aurait eu tout son sens au nom de l’esprit olympique et nous ne nous satisfaisons pas de l’argument selon lequel ce souhait serait satisfait par d’autres moyens. Inscrire dans la loi, c’est consacrer des priorités.

Autre question posée par le projet de loi, celle du recours envisagé aux 25 000 à 30 000 agents de sécurité privés pour assurer la sécurité des Jeux. La volonté d’intégrer la sécurité privée en tant que force de police institutionnalisée et bras armé de l’État se confirme. Ainsi que nous l’avions dénoncé lors de l’examen de la Lopmi, la sécurité privée ne doit pas être confondue avec la sécurité étatique, au risque de mener à un cuisant échec, comme lors des Jeux de Londres en 2012.

La Lopmi le préfigurait : les Jeux vont être le terrain d’expérimentation à grande échelle d’une doctrine du maintien de l’ordre très problématique et qui inquiète le groupe CRCE.

Nous réaffirmons aussi notre opposition ferme et définitive à la légalisation de la vidéosurveillance algorithmique par ce projet de loi. La détection, par logiciel, d’événements et de comportements considérés comme suspects portera une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et à la liberté d’aller et venir des participants.

De plus, la suppression d’une précision – à savoir la référence aux règles de l’article 19.6 du référentiel d’exigences SecNumCloud – permettant de s’assurer que les données collectées par la vidéosurveillance ne puissent être utilisées dans des pays extérieurs à l’Union européenne n’augure rien de bon pour la protection des données et, partant, pour la protection de la vie privée de tous. Des garde-fous efficaces face à l’usage de la vidéosurveillance algorithmique étaient nécessaires ; les réponses apportées par la commission mixte paritaire ne sont pas satisfaisantes.

Un des aspects du projet de loi est en lien avec le sport : le contrôle antidopage. Le texte de la CMP nous propose d’autoriser de façon pérenne l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par ses empreintes génétiques, afin d’améliorer les contrôles antidopage.

En consacrant un caractère durable à ce procédé, la commission mixte paritaire n’a pas pris en compte les réserves émises par la Cnil et la Ligue des droits de l’homme qui dénonçaient déjà en première lecture des tests particulièrement intrusifs et dérogeant de façon importante aux principes encadrant les analyses génétiques dans le code civil.

Je salue tout de même la suppression de l’article 8 bis, qui prévoyait la présence inopportune des agents des autorités organisatrices exerçant des missions relatives à la sûreté des transports parmi les agents autorisés à visionner les images de vidéosurveillance, ainsi que celle de l’article 2 bis. Cela ne constitue toutefois qu’une satisfaction minime, qui ne saurait balayer le reste de nos craintes.

L’état d’exception créé par les jeux Olympiques est utilisé pour faire passer des lois sécuritaires, pérennes et posant de nombreux problèmes. C’est la raison pour laquelle le groupe CRCE refuse ce texte, qui ne respecte pas le juste équilibre entre sécurité et protection des libertés et droits fondamentaux et qui n’honore pas l’esprit universel et fraternel des jeux Olympiques.

J’espère, madame la ministre, que nous nous reverrons bientôt pour évoquer les jeux Olympiques, mais cette fois pour parler de sport.

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