Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « les semaines et les mois passent et l’envolée sécuritaire de ce gouvernement ne retombe pas ».
C’est par ces mots que j’avais déjà introduit mes explications de vote en première lecture de ce texte dont nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire. Le constat demeure et les mesures adoptées, loi après loi, au gré des événements, ne permettent pas d’espérer sortir de cette vision.
Son examen a démontré que les réels motifs de ce véhicule législatif n’étaient pas tant l’adaptation de certaines de nos règles pour un déroulement serein des épreuves des jeux Olympiques que la mise en œuvre de nouveaux outils sécuritaires et la poursuite de la dérive vers une société de surveillance.
Quel est le cœur de ce projet de loi ? Une mise en concordance du droit de la santé pour les questions de dopage ? Une réécriture du code de l’urbanisme en faveur du développement du sport dans nos territoires, dès les Jeux ? Il n’en est rien.
Trop peu d’attention a été portée au soutien des fédérations, au sport amateur ou à l’accélération de la pratique sportive pour tous sur l’ensemble de nos territoires. Trop peu d’attention a été portée à l’équilibre des mesures spécifiques et temporaires liées à l’accueil des Jeux, avec la nécessaire continuité des autres activités, notamment sportives et culturelles.
Quel étrange texte, centré sur les jeux Olympiques et Paralympiques, mais dont plus de 80 % des mesures sont pérennes… C’est l’un de ses aspects les plus remarquables : la mise en œuvre, sur le temps long, de mesures censées n’être nécessaires qu’au bon déroulement des Jeux. Cette loi va au-delà de l’organisation des JO de Paris.
Notre groupe regrette une nouvelle fois une vision sécuritaire débridée et si éloignée des valeurs de l’olympisme.
La disproportion des mesures de sécurité – l’un des enjeux de ce texte – cache de réelles atteintes aux droits des personnes, qui s’inscrivent bien au-delà du temps des Jeux.
Comme j’ai pu le dire, tout ce déploiement de la vision sécuritaire et le recours massif et presque indifférencié à la vidéosurveillance augmentée posent de nombreuses questions, qu’elles portent sur la durée de l’expérimentation prévue jusqu’en 2025, sur sa finalité, sur l’avenir des apprentissages des machines, sur le contrôle des mécanismes algorithmiques dangereux ou sur le potentiel mis à la disposition d’opérateurs non nationaux.
La Cnil, dont le positionnement sur ces technologies est plus que prudent, précise qu’elles sont susceptibles d’affecter les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.
Dans une période où le droit de manifester subit certaines attaques, au moment où le ministre de l’intérieur s’en prend à la Ligue des droits de l’homme, à l’heure où le porte-parole du Gouvernement affirme « qu’il peut y avoir des arrestations faites pour contrôler », notre vigilance sur de tels outils doit être maximale.
C’est bien une vision sécuritaire et technologique qui se dévoile et que nous jugeons d’autant plus néfaste et inefficace qu’elle obère complètement la réalité du terrain, où le recrutement et la formation des agents de sécurité n’ont pas été anticipés.
Nous allons manquer de personnel public et privé. La Cour des comptes estime qu’il faudrait employer entre 22 000 et 33 000 agents de sécurité privée par jour pour véritablement sécuriser l’ensemble des épreuves. Ces chiffres dépassent largement les capacités disponibles dans les entreprises de la région et du pays.
La crainte de voir sur le terrain des gens peu formés intervenir dans le cadre d’événements d’une telle ampleur fait ressurgir le spectre du fiasco du Stade de France. Le rapport de l’Union des associations européennes de football (UEFA) est édifiant : il préconise de réviser le modèle de gestion de ces événements sportifs et, surtout, la doctrine du maintien de l’ordre.
Ces derniers temps, les déclarations et actions du Gouvernement démontrent le déni dans lequel il s’enferme, manquant l’occasion de faire progresser les techniques du maintien de l’ordre et de la gestion des flux de population.
Les modifications apportées quant au recrutement dérogatoire des étrangers titulaires de permis de séjour ou de titres étudiants montrent le manque d’anticipation et la précipitation dans laquelle l’organisation de la sécurité d’un tel événement se fait.
En sus des craintes que l’on peut nourrir sur la mise en place de mesures de sécurité disproportionnées, rien dans le texte ne vient éloigner l’hypothèse d’une explosion des coûts comparable à celle de l’expérience londonienne.
Ce projet de loi ne s’attarde pas sur l’étude du triste héritage financier et budgétaire que pourraient laisser les jeux Olympiques et Paralympiques et ne s’en inquiète pas davantage. Pourtant, le dernier rapport de la Cour des comptes alerte clairement sur le fait que le budget n’est toujours pas connu ni « précisément établi ».
L’équilibre du texte n’ayant pas été modifié, nous maintenons notre analyse : ce projet de loi est trop dangereux pour les libertés individuelles ; faute d’une concertation et d’une confrontation sereine des différentes visions sur la sécurité globale de notre société et, plus largement, sur notre modèle de société, il ne répond pas aux objectifs qu’il s’est réellement fixés.
Pour toutes ces raisons, le groupe GEST votera contre ce projet de loi.