Intervention de Annick Jacquem et

Réunion du 12 avril 2023 à 21h30
Pollution lumineuse — Débat organisé à la demande de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Annick Jacquem et :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, le 26 janvier dernier, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté la note scientifique sur la pollution lumineuse dont il m’avait chargée et a souhaité que ce sujet fasse l’objet d’un débat public.

En effet, la pollution lumineuse est un phénomène massif, en pleine extension à l’échelle mondiale et qui contribue, au même titre que d’autres pressions anthropiques, au déclin de la biodiversité. En outre, la pollution lumineuse soulève de réelles préoccupations en matière de santé publique. Je vous renvoie à la note qui en détaille les caractéristiques ainsi que les effets.

Face à ce constat, seule une mobilisation collective, à la fois des pouvoirs publics – État et collectivités territoriales – et des acteurs privés, permettra de lutter contre le phénomène.

La France a développé une réglementation particulièrement ambitieuse pour limiter les nuisances lumineuses.

La temporalité de très nombreux éclairages est encadrée et restreinte, qu’il s’agisse des éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel, des parcs et des jardins, des chantiers extérieurs, des parkings desservant une activité économique, des lumières éclairant le patrimoine, des éclairages de vitrines de magasin ou encore des publicités et enseignes lumineuses.

Par ailleurs, la réglementation fixe des prescriptions techniques qui visent à ne pas éclairer le ciel, à limiter l’éblouissement latéral et à réduire les températures de couleur.

Toutefois, plusieurs obstacles affaiblissent l’efficacité de ces mesures. D’abord, l’application de la législation reste limitée tant que tous les arrêtés ne sont pas pris. Ainsi, celui qui fixe les seuils maximaux de luminance des enseignes et des publicités lumineuses n’a toujours pas été publié, dans l’attente d’un arbitrage ministériel.

Je souhaiterais donc savoir, madame la secrétaire d’État, quand celui-ci sera publié et quelle version sera retenue puisque, selon mes informations, deux versions aux ambitions différentes vous ont été proposées.

J’ai également constaté que la réglementation actuelle restait incomplète. Ainsi, les événements extérieurs et les équipements sportifs font partie du champ d’application de l’arrêté du 27 décembre 2018, mais ils ne font l’objet d’aucune prescription de temporalité ou prescription technique.

Autre trou dans la raquette, les exigences en matière de lumière émise vers le ciel ne concernent que l’éclairage de la voirie et des parcs de stationnement, alors même que l’éclairage privé représente souvent une part importante des lumières émises.

À cet égard, un réel travail d’information des consommateurs est à mener. Les fabricants d’ampoules et de luminaires, mais également les enseignes de bricolage devraient s’assurer de l’innocuité des sources lumineuses qu’ils vendent et conseiller les consommateurs en encourageant une plus grande sobriété lumineuse, qui ne se limite pas à la sobriété énergétique.

En effet, si les light-emitting diodes (LED) ont un rendement lumineux très important et permettent de réaliser des économies d’énergie, leur faible consommation peut devenir un argument pour multiplier les points lumineux, alors que leur efficacité énergétique est inversement proportionnelle à leur impact sur la biodiversité en raison de leur forte proportion de bleu.

Par ailleurs, si des sanctions sont prévues en cas de non-respect de la réglementation visant à lutter contre la pollution lumineuse, dans les faits, elles ne sont jamais appliquées. Une étude récente de la direction interministérielle de la transformation publique a cherché à comprendre pourquoi la réglementation sur l’extinction nocturne des commerces était peu appliquée alors même qu’elle date de 2013. Cette étude fait les constats suivants : d’abord, les maires connaissent mal la réglementation ; ensuite, le contrôle de l’extinction nocturne est fastidieux, puisqu’il exige la mobilisation des services municipaux entre une heure et sept heures du matin.

Il s’agirait donc de sensibiliser les mairies sur la réglementation et sur leur rôle au travers d’un support d’information simple et facilement accessible, de fournir aux collectivités des outils pour communiquer avec les commerçants, tels que des guides pratiques et des courriers types, et de mettre en avant les bénéfices réputationnels qu’il y a à agir, dans la mesure où les Français sont très majoritairement favorables à l’extinction nocturne des commerces. En un mot, il faut simplifier la tâche des maires qui croulent déjà sous les obligations.

En ce qui concerne l’action à mener auprès des commerçants, il convient de leur rappeler la réglementation et les sanctions en cas de non-respect de celle-ci et de les sensibiliser à l’occasion de moments clés comme la création de nouveaux magasins ou encore lors de demandes d’aides.

Par ailleurs, il me paraît indispensable d’associer les fédérations de commerçants pour diffuser l’information sur la réglementation.

Le syndicat de l’éclairage doit également se mobiliser pour rappeler les règles d’extinction aux professionnels de l’éclairage et pour les inciter à mettre en place des solutions faciles permettant de gérer l’extinction non seulement des vitrines, mais également de tous les points lumineux dans les magasins, qu’il s’agisse des présentoirs ou encore des enseignes lumineuses à l’intérieur des vitrines, dont le développement est malheureusement en pleine explosion.

À l’échelon local, de nombreuses collectivités ne disposent pas toujours des outils juridiques nécessaires pour garantir la pérennité de leur action dans la lutte contre la pollution lumineuse. Je voudrais citer deux exemples.

Premièrement, un nombre croissant de communes éteignent l’éclairage des voiries au cours de la nuit. Pourtant, la responsabilité du maire peut être engagée en cas d’accident. Madame la secrétaire d’État, que proposez-vous pour protéger les maires ?

Deuxièmement, de nombreuses communes mettent en place des trames noires qui, à l’image des trames vertes et bleues, visent à recréer une continuité nocturne pour préserver la faune et la flore qui ont besoin de la nuit. Pourtant, les responsables municipaux ont pour la plupart estimé que le cadre réglementaire de ces trames noires restait précaire faute de leur mention dans le code de l’environnement. Madame la secrétaire d’État, partagez-vous cette analyse ? Comment rendre opposables les trames noires dans les documents d’urbanisme ?

Si la rénovation des éclairages publics a pour effet de supprimer des installations particulièrement énergivores, elle ne permettra de lutter efficacement contre la pollution lumineuse que si elle s’accompagne d’une réflexion préalable, menée avec les usagers, sur la finalité des éclairages et sur leur réelle utilité au regard des besoins avérés des habitants. Il s’agit donc de changer de paradigme en passant d’un éclairage systématique à une adaptation fine selon le contexte.

La pollution lumineuse a également des effets délétères sur la santé humaine qu’il convient de combattre. En effet, certaines sources lumineuses sont phototoxiques dans la mesure où elles échappent à la réglementation, qui impose que seules les lampes classées dans les groupes de risque photobiologique égal à 0 ou à 1, c’est-à-dire sans risque ou à risque faible, sont autorisées. Il s’agit notamment des lampes torches et des phares de voiture.

Par ailleurs, les valeurs limites d’exposition définies à l’échelle internationale datent de 2013 et ne prennent pas en compte la sensibilité particulière des enfants et des jeunes adultes. Le quatrième plan national santé environnement (PNSE) prévoit l’interdiction par la France des LED classées dans le groupe de risque supérieur à un, dans les articles à destination des enfants et dans les lampes frontales. Il précise également que la France portera au niveau européen une demande d’interdiction des phares automobiles à LED classées dans ce même groupe. Madame la secrétaire d’État, où en sont ces initiatives ?

Enfin, je voudrais insister sur les dangers de dérégulation du cycle circadien liés à l’exposition à la lumière artificielle bleue dégagée par les éclairages et les écrans en soirée et la nuit et sur la nécessité de mener régulièrement des campagnes de sensibilisation auprès de toute la population, en particulier des enfants et des adolescents.

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