Intervention de Bérangère Couillard

Réunion du 12 avril 2023 à 21h30
Pollution lumineuse — Débat organisé à la demande de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Bérangère Couillard :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, 50 % ! C’est le taux d’augmentation des points lumineux en France depuis trente ans !

Or, comme les études le prouvent, nous savons que la pollution lumineuse à un effet négatif sur la biodiversité. Elle est aussi devenue un enjeu de santé publique, de sobriété énergétique et même de paysage nocturne, de plus en plus de nos concitoyens étant privés de la vue d’un ciel étoilé.

Je vous remercie donc, madame la rapporteure, ainsi que les membres de l’Opecst, à la fois pour votre travail étayé sur ce sujet stratégique et pour nous permettre de tenir ce débat.

Ce rapport s’inscrit dans la suite directe du travail réalisé en 2021 sur le déclin des insectes, problématique centrale de la protection de la biodiversité. Mais les enjeux dépassent de loin la simple question des insectes : environ un tiers des vertébrés et deux tiers des invertébrés sont nocturnes et dépendent directement de la nuit.

Pour les espèces diurnes, comme l’être humain, celle-ci est synonyme de repos et est essentielle à une bonne santé. Quant aux espèces nocturnes, les nuisances lumineuses font peser une menace directe sur leur activité.

Le développement urbain de ces dernières décennies a entraîné un recours quasi systématique à l’éclairage artificiel, à l’origine d’une pollution lumineuse inédite.

La lumière artificielle nuit à la physiologie et au métabolisme des espèces, ce qui perturbe leur bon développement. Cette pollution a aussi des effets encore plus directs et observables sur certaines espèces, à savoir la fragmentation de leur habitat.

Par exemple, une route éclairée peut constituer une barrière infranchissable pour des amphibiens en migration. À l’inverse, les papillons de nuit seront attirés par l’éclairage et tourneront indéfiniment autour de sa source jusqu’à épuisement. Sans parler des nombreuses espèces, notamment d’oiseaux et d’insectes, qui se servent du ciel étoilé pour se repérer et se déplacer.

On comprend donc aisément l’ampleur de cette pollution : elle emporte trop de conséquences négatives sur la biodiversité et elle est source de trop de gaspillage et d’énergie et d’argent.

Certes, l’éclairage de l’espace public est nécessaire pour se déplacer et pour certaines activités économiques. Cependant, compte tenu des développements technologiques et des attentes citoyennes en la matière, nous devons pouvoir concilier préservation de la biodiversité et aménagement de notre cadre de vie.

Il convient de faire de ce sujet une priorité et de l’intégrer dans la manière dont nous pensons la ville. L’objectif n’est pas de décroître, mais d’éviter tout surplus inutile.

Certains élus locaux précurseurs ont déjà évolué sur ce sujet. C’était avant tout par souci d’économie budgétaire que les communes en sont venues à réduire les éclairages. Désormais, nos concitoyens soutiennent cette stratégie pour d’autres raisons, notamment environnementales.

Votre rapport formule de nombreuses propositions, que j’ai étudiées avec beaucoup d’intérêt. Je souhaite que nous avancions ensemble sur ce sujet et j’ai moi-même des propositions à vous faire.

Concernant la publicité lumineuse, la réglementation existe. Nous avons déjà commencé à agir : ainsi, en octobre dernier, nous avons renforcé le cadre réglementaire en introduisant une obligation d’extinction nocturne sur tout le territoire, alors que seules les plus grandes agglomérations étaient jusqu’alors concernées.

Certes, la question de l’application de cette mesure, dont je vous confirme qu’elle est insuffisante, demeure.

Pourquoi ? Parce que le système de sanction nécessite de passer par un juge, ce qui le rend inopérant et ne pousse pas les maires à effectuer ces contrôles. Je vous propose donc que nous les facilitions en rendant possible la forfaitisation d’une amende.

Pour ce qui relève non pas de la publicité, mais de l’éclairage intérieur et extérieur non résidentiel, la réglementation mérite aussi d’être renforcée. Actuellement, l’éclairage des bâtiments non résidentiels doit être éteint d’une heure à sept heures du matin. Je souhaite aller plus loin et fixer l’extinction, par exemple, une heure après la fin de l’activité et jusqu’à une heure avant sa reprise.

Enfin, concernant les espaces naturels protégés, j’ai demandé à l’Office français de la biodiversité (OFB) de cibler les contrôles dans les espaces les plus sensibles. Nous pouvons aller plus loin dans la création de trames noires. Aujourd’hui, 15 % seulement de notre territoire sont indemnes de toute pollution lumineuse. Nous devons faire mieux, notamment en généralisant les trames noires dans les espaces protégés. Ce point sera intégré dans la stratégie nationale biodiversité 2030 qui sera annoncée prochainement.

Les opérateurs de transport ont également leur rôle à jouer. À cet égard, je tiens à souligner la signature d’une charte, le 27 mars dernier, qui conduit à mieux réguler la publicité lumineuse dans les gares, les stations et les aéroports, dans le cadre des plans de sobriété des secteurs concernés, portés par Agnès Pannier-Runacher et Clément Beaune. Avec cette charte, les opérateurs s’engagent à éteindre 100 % de leurs panneaux lumineux dès la fermeture des gares, des aéroports et des métros d’ici au 1er janvier 2024.

Ils s’engagent également à établir une stratégie de sobriété de la gestion de leur parc de panneaux lumineux. La RATP s’est engagée à réduire de 35 % sa consommation électrique d’ici à 2026, la SNCF de 45 % d’ici à 2031 et Aéroports de Paris de 50 % d’ici à 2030. Voilà qui est concret, réaliste et efficace !

Je suis maintenant prête à échanger avec vous, pour que nous imaginions ensemble de nouvelles mesures susceptibles de faire évoluer notre société vers plus de sobriété lumineuse, autant pour réduire notre consommation électrique que pour mieux protéger une biodiversité de plus en plus menacée.

Cela nécessitera, une nouvelle fois, un travail collectif avec vous, parlementaires, ainsi qu’avec les collectivités locales et tous les acteurs économiques concernés, car la protection du vivant est une mission qui nous concerne tous, chacun à notre niveau.

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