Intervention de Annick Jacquemet

Réunion du 12 avril 2023 à 21h30
Pollution lumineuse — Conclusion du débat

Photo de Annick JacquemetAnnick Jacquemet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’issue de ce débat, je constate avec satisfaction qu’il se dégage un consensus au sein de notre assemblée pour lutter contre la pollution lumineuse.

J’ai entendu vos propositions, madame la secrétaire d’État, concernant la forfaitisation des sanctions sous forme d’amende, la réduction des périodes d’éclairage intérieur des bâtiments, la généralisation des trames noires dans les espaces protégés ou encore l’engagement volontaire des gares et des aéroports à limiter les publicités lumineuses.

Néanmoins, je n’ai pas obtenu toutes les réponses aux questions que je vous avais posées.

Ainsi, vous ne nous avez pas précisé quand l’arrêté fixant les seuils maximaux de luminance des enseignes et des publicités sera enfin publié ni, surtout, quelles seront ses grandes lignes.

Par ailleurs, vous avez soutenu l’extinction de l’éclairage au cœur de la nuit. Jean-Claude Anglars et moi-même avons souligné la responsabilité qui pèse sur le maire en cas d’accident. Vous avez dit qu’il n’y a pas d’obligation générale à l’éclairage. Toutefois, il semblerait que la jurisprudence fasse la distinction entre la situation où il n’y a jamais eu de lumière – dans ce cas, la responsabilité du maire n’est pas engagée – et le cas où il y avait éclairage et que le maire a décidé de l’éteindre – il semblerait qu’alors, sa responsabilité soit engagée.

J’y insiste donc : il faudrait changer cette règle afin de ne pas compromettre les initiatives des maires pour une plus grande sobriété lumineuse.

Au cours des auditions, on m’a fait remarquer que les trames noires ne figurent pas dans le code de l’environnement, ce qui les rendrait juridiquement fragiles. Faut-il donc les y mentionner ?

Enfin, vous n’avez pas répondu sur les engagements pris dans le quatrième plan national santé environnement, notamment en ce qui concerne les phares des voitures.

Comme vous l’avez souligné, des mesures de deux types doivent être prises.

Il faut d’abord compléter la réglementation et la faire respecter. Je souhaite faire une proposition de loi sur le sujet et ai bien noté votre intérêt pour cette question de la pollution lumineuse et votre volonté de travailler avec le Sénat. J’aurai donc plaisir à continuer à approfondir ce dossier avec vous.

Il faut également éduquer et sensibiliser nos concitoyens, et en particulier les plus jeunes. Au cours de mes auditions, j’ai été marquée par les propos des responsables de l’Association française d’astronomie, qui constataient que le ciel étoilé, avec l’émerveillement qu’il suscite, reste l’un des rares spectacles gratuits à la portée de nos concitoyens.

Pourtant, une grande partie d’entre eux en sont privés, comme cela a été souligné plusieurs fois ce soir, ce qui crée un risque de déconnexion croissante des individus et des sociétés de leur environnement. En effet, la nuit permet à l’homme de s’extraire de sa vision anthropocentrique de l’univers et de faire l’expérience du monde vivant non humain. Il est donc primordial de sauvegarder cet environnement nocturne.

Au niveau local, sa protection doit se faire de manière territorialisée, en tenant compte des besoins, mais également des appréhensions de nos concitoyens, qui varient selon le sexe et les zones habitées – qu’elles soient justifiées ou non scientifiquement. Plusieurs études ont montré que nos concitoyens étaient réellement favorables à une réduction de l’intensité lumineuse et du nombre de points lumineux.

Concrètement, il faut d’abord réfléchir à la finalité des éclairages et à leur réelle utilité, et utiliser des technologies ayant sur la biodiversité le moins d’impact possible. À cet égard, les collectivités territoriales peuvent bénéficier depuis janvier 2023, comme vous l’avez rappelé, des aides du fonds vert, qui visent justement à concilier rénovation des parcs de luminaires d’éclairage public, protection de la biodiversité et réduction de la pollution lumineuse.

Au-delà des pouvoirs publics, tous les acteurs privés participant à la pollution lumineuse doivent se mobiliser à travers une communication massive sur les règles à respecter et les bonnes pratiques en matière d’éclairage. Il s’agit des magasins de bricolage et des fabricants d’ampoules et de lampadaires, qui doivent informer et conseiller leurs clients dans le sens d’une optimisation de l’éclairage dans la durée et en quantité. Il s’agit des syndicats de l’éclairage ou encore des fédérations de commerçants, qui doivent sensibiliser leurs adhérents sur la législation en vigueur.

En conclusion, je voudrais insister sur l’efficacité et la simplicité des mesures à prendre pour lutter contre la pollution lumineuse. Contrairement à d’autres pollutions, comme la pollution chimique par exemple, la pollution lumineuse est très facilement réversible : il suffit d’éteindre la lumière pour protéger la biodiversité et nos écosystèmes – sans oublier les économies d’énergie que cela génère.

Je nous encourage donc tous à prendre notre bâton de pèlerin et à sensibiliser les communes, les acteurs économiques et les citoyens pour protéger notre environnement nocturne et garantir notre cohabitation avec le monde vivant non humain.

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