Intervention de Nadège Havet

Réunion du 11 avril 2023 à 14h30
Avenir de la ressource en eau : comment en améliorer la gestion — Suite d'un débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective

Photo de Nadège HavetNadège Havet :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de l’été 2022, 93 départements ont été soumis à des restrictions de consommation d’eau du fait de la sécheresse, plus de 1 000 communes ont dû être ravitaillées en eau par bouteilles, 32 départements sont actuellement en état de vigilance ou d’alerte renforcée et la faible pluviométrie observée ces derniers mois sur l’ensemble du territoire national interroge déjà notre gestion de cette ressource fondamentale au cours des prochains mois.

Depuis vingt ans, la France métropolitaine a perdu 14 % de ses ressources en eau renouvelable par rapport à la période 1990-2001. La délégation sénatoriale à la prospective le rappelle dans son rapport d’information : le changement climatique, dont les effets sont déjà visibles, rend notre accès à l’eau de plus en plus difficile.

Oui, le cycle de l’eau en France se modifie et va encore évoluer. Les précipitations deviendront de plus en plus irrégulières, le débit des cours d’eau se réduira et le stress hydrique s’accroîtra là où, encore récemment, cette problématique n’était pas première.

La répétition des vagues de chaleur, lourdes de conséquences comme, à l’opposé, la survenue d’épisodes de pluies extrêmement violentes imposeront une meilleure gestion quantitative de l’eau sur toute l’année. Nous devrons anticiper les événements, nous adapter aux aléas pluviométriques et à leur soudaineté tout en veillant, encore et toujours, au respect des impératifs sanitaires.

Ce défi, qui est à la fois celui du volume et celui de la qualité, il nous faut nécessairement le relever en provoquant et en favorisant la mobilisation de tous – industriels, acteurs du monde agricole, particuliers – pour la sobriété dans les usages et la compréhension partagée des enjeux et des progrès techniques à soutenir.

Face à cet état de fait, qui n’est pas uniquement conjoncturel, des mesures ont déjà été prises. Ainsi, un nouvel objectif de sobriété a été fixé par le plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau : réaliser 10 % d’économies d’eau en 2030.

Les moyens seront mis en œuvre par secteur et par territoire. Chaque sous-bassin hydrographique, selon ses spécificités, sera doté d’une trajectoire particulière.

Parmi les mesures annoncées, je relève à mon tour la création d’un EcoWatt de l’eau et l’élaboration de plans sectoriels de sobriété. Je citerai également non seulement la hausse du budget des agences de l’eau et la suppression de leur plafond de dépenses, afin de lutter contre les fuites dans les réseaux, mais aussi la mise en place d’une tarification progressive de l’eau et le soutien à la réutilisation des eaux usées.

Ma question portera sur ce dernier point. Il s’agit pour notre pays de faire un véritable bond, en passant d’un taux d’environ 1 % actuellement à 10 % d’ici à 2030. Ce faisant, nous nous rapprocherons de plusieurs de nos voisins, comme l’Espagne, qui réemploie 14 % de ses eaux usées, ou l’Italie, qui en réutilise 8 %.

Pour impulser ce mouvement essentiel, plusieurs leviers seront actionnés : lancement de 1 000 projets en cinq ans pour recycler et réutiliser l’eau ; lancement par l’État, en partenariat avec l’Association nationale des élus du littoral (Anel), d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) spécifique à destination des communes littorales sur la faisabilité des projets ; mise en place d’un observatoire national ; accélération des procédures administratives.

Si, aujourd’hui, la réutilisation des eaux usées traitées est possible dans quelques cas précis, comme pour l’arrosage des espaces verts, il est nécessaire d’accélérer.

C’est le sens de la sixième recommandation, transpartisane, énoncée par nos quatre rapporteurs : encourager la recherche et l’innovation dans le domaine de l’eau, qu’il s’agisse de la recharge artificielle des nappes, du développement de la télésurveillance des réseaux, du recours aux données numériques et à l’imagerie satellitaire pour mieux connaître en temps réel l’état de la ressource ou, justement, de la réutilisation des eaux usées traitées. En effet, les eaux traitées constituent non pas une ressource nouvelle, mais un moyen de réduire les prélèvements d’eau dans la nature.

Cette solution présente un intérêt certain en période estivale dans les zones littorales touristiques. Je pense notamment aux lieux où la consommation d’eau et les besoins de l’agriculture sont particulièrement importants en été.

C’est précisément pourquoi l’Union européenne a voulu se doter au mois de mai 2020 d’un nouveau règlement, qui entrera bientôt en vigueur. Il s’agit de faciliter la réutilisation de l’eau, en particulier pour l’irrigation agricole. Selon la Commission européenne, plus de 40 milliards de mètres cubes d’eaux usées sont traités chaque année dans l’Union européenne, mais moins de 1 milliard sont réutilisés.

Ces avancées, comme les autres mesures précédemment évoquées, iront de pair avec une plus grande pédagogie sur l’eau, notamment auprès du grand public.

À la fin du mois d’août dernier, à l’occasion de la rencontre des entrepreneurs de France, Élisabeth Borne a évoqué la planification écologique de l’eau. L’objectif est d’identifier les actions dont nous avons besoin pour accélérer la transition écologique et atteindre les baisses de prélèvement.

La gestion de l’eau doit devenir plus résiliente et plus fiable dans trois domaines principaux : l’industrie, l’agriculture et les usages du quotidien.

Pour ce faire, il paraît indispensable de parvenir à un consensus sur l’eau. Cet enjeu national et territorial suppose un effort de démocratisation et d’éducation. Il implique une communication ciblée et continue sur les usages et leur priorisation.

Madame la secrétaire d’État, quelles nouvelles mesures réglementaires pourrait-on rapidement prendre en la matière, en particulier pour le secteur industriel ? Comment entendez-vous accélérer les procédures en vigueur – un grand nombre d’acteurs le demandent –, tout en rassurant quant aux évolutions souhaitables ?

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