Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont proposé la création d’une mission d’information sur la « gestion durable de l’eau : l’urgence d’agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement ». J’ai le plaisir d’en être le rapporteur.
Cette mission d’information entend réaliser une évaluation des politiques publiques de la gestion de l’eau mise en œuvre en France au regard des enjeux environnementaux, sociaux et économiques. J’insiste sur l’importance d’une telle approche sociétale.
Nos travaux s’inspirent évidemment du rapport d’information de la délégation sénatoriale à la prospective, que nous remercions de ce débat. Ils s’organisent selon trois axes.
Le premier axe, c’est la qualité de l’eau et la lutte contre les pollutions. Pour assurer, non seulement notre approvisionnement en eau potable, mais aussi l’équilibre des milieux, de la faune et de la flore aquatiques, il est essentiel de disposer d’une eau non polluée.
Pourtant, près de la moitié des masses d’eau de surface sont contaminées par des pesticides. Le rapport de l’Anses et ses récentes révélations sur le chlorothalonil et le S-métolachlore démontrent à quel point nos quelques progrès sont insuffisants et combien ce sujet doit être abordé avec humilité. Le constat de la contamination est d’ailleurs relativement absent du plan Eau ; nous le regrettons.
Madame la secrétaire d’État, je note néanmoins que la protection des 500 points de captage prioritaires semble porter ces fruits. Ne faudrait-il pas accroître leur nombre pour améliorer, à moyen et long termes, la qualité des prélèvements ? Quels sont vos objectifs en la matière ? Florence Blatrix Contat reviendra sur ce sujet.
Le deuxième axe, c’est la gestion quantitative de l’eau. D’ici à 2050, les débits moyens annuels des cours d’eau devraient en effet diminuer de 10 % à 40 % : il s’agit là d’une proportion importante. En parallèle, les épisodes extrêmes, comme les sécheresses et les inondations, seront beaucoup plus fréquents.
Ainsi, nous devons optimiser les ressources disponibles – je pense bien sûr au stockage naturel –, voire créer de nouvelles ressources multi-usages et vertueuses pour l’environnement.
La démarche et la méthode des PTGE vont dans le bon sens. Cependant, au-delà des consensus territoriaux, l’on se heurte souvent à des recours tardifs réduisant les négociations à néant. Que comptez-vous faire pour que cette situation évolue, madame la secrétaire d’État ?
Nous sommes tous d’accord pour ériger en priorité une politique de sobriété. Dès lors, explorons toutes les pistes pour atteindre l’objectif de baisse d’eau prélevée fixé à 10 % d’ici à 2030.
Le Gouvernement prévoit 30 millions d’euros pour les retenues agricoles, 180 millions d’euros pour la réduction des fuites prioritaires, 50 millions d’euros pour la préservation des zones humides et l’infiltration des nappes. Il veut également un plan pour la réutilisation des eaux usées traitées et la récupération des eaux de toitures.
Madame la secrétaire d’État, le plan Eau détaille des pistes intéressantes, mais comment ces chantiers seront-ils réellement financés ? Allez-vous augmenter la fiscalité existante ou créer des redevances supplémentaires ? Quelles sont vos réponses sur ce sujet ? Une clarification est nécessaire, faute de quoi l’on en restera aux effets d’annonce.
La tarification différenciée est souhaitable, mais son application pose question. Certes, la mise en œuvre d’un tel dispositif est discutée depuis de nombreuses années, mais elle exigera un travail approfondi et partagé avec le Parlement, les syndicats des eaux et les élus des territoires pour assurer un développement optimal.
À l’instar des déchets, les types d’activité devront faire l’objet d’une tarification différenciée en fonction des consommations. Ce doit également être le cas pour les ménages : une famille nombreuse ne saurait être lésée par rapport à un couple sans enfant. Il faudra donc prévoir des adaptations. Comment le Gouvernement réussira-t-il à faire de la tarification différenciée un dispositif efficace, adapté à chaque usage ? Notre mission d’information est à votre disposition pour travailler sur ce sujet.
Le troisième et dernier axe, c’est la gouvernance. Qui doit agir et avec quels moyens ?
Nous devons sans cesse rappeler le rôle des collectivités territoriales : elles sont en première ligne, qu’il s’agisse de la gestion de l’eau, des fuites, de la baisse d’approvisionnement, de l’assainissement ou encore de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (Gemapi), bien que cette compétence ne soit pas toujours bien financée.
Nous insistons en outre sur l’échelle des bassins versants, qui permet d’optimiser la ressource. Au Sénat, nous le savons mieux que quiconque : cet échelon territorial doit être préservé et renforcé au titre de la gouvernance.
La revalorisation financière substantielle dont les agences de l’eau bénéficient est, partant, la bienvenue. Elle doit être de 475 millions d’euros par an, mais ne sera pas mise en œuvre avant le douzième programme, donc pas avant 2025.
Pour atteindre nos objectifs, nous pourrions étudier la mise en place des contrats d’objectifs et de performance (COP) avec l’ensemble des parties prenantes ou encore le conditionnement des aides et des financements à des objectifs communs pour sécuriser la ressource. Il serait normal de partager ces objectifs de performance et de sobriété.
Mes chers collègues, la gestion de l’eau est un sujet éminemment politique et multidimensionnel. Elle exige, en conséquence, un travail interministériel associant les acteurs agricoles, environnementaux, économiques et sociaux. Elle mériterait même, sinon un ministère de plein exercice, du moins un secrétariat d’État. Je l’appelle de mes vœux.
Travaillons ensemble à des solutions concertées. Investissons nos instances et repolitisons-les au sens noble du terme !