Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, autrefois abondante, bon marché et disponible, la ressource en eau fait face à une situation d’une gravité historique. Sous l’effet du réchauffement climatique, elle se raréfie. Selon l’étude Explore 2070, le dérèglement du climat aura pour effet de réduire la pluviométrie estivale de 16 % à 23 %.
La France ne sera pas épargnée : baisse des débits des cours d’eau, temps de recharge des nappes allongés, sécheresse des sols… Notre pays connaît déjà des périodes de stress hydrique inédites dans son histoire. Pourtant, rien ne nous prédisposait à connaître une telle situation, ni notre climat ni notre hydrographie.
Depuis plusieurs années, nous oscillons entre étés caniculaires et sécheresses précoces, avec des conséquences parfois dramatiques. Cette ressource fait d’ores et déjà l’objet de nombreuses tensions qui exigent que nous fassions preuve, en tant que législateurs, de toute la vigilance possible.
Faut-il stocker l’eau à des fins agricoles ou laisser les nappes phréatiques se recharger sans retenues ? La question se pose par exemple à Sainte-Soline, où une véritable bataille pour l’eau a eu lieu ; cet épisode illustre, au-delà des postures, une problématique qu’il est impossible d’ignorer et qui n’est qu’une interrogation parmi tant d’autres.
Dans ce souci de projection et d’anticipation, je salue l’excellent rapport d’information de la délégation sénatoriale à la prospective, qui éclaire un sujet dense et brûlant.
On observe à quel point la question de l’eau en France nous concerne désormais tous et nous n’avancerons pas en tenant nos concitoyens à l’écart de toute forme de démocratie locale autour de l’eau.
Je sais que la tentation est forte d’en rester à une approche purement technique et technocratique du problème, mais nous devons aussi en développer les dimensions pédagogiques et citoyennes, tout en étant attentifs aux territoires et à leurs besoins.
La loi de 1964, qui fonde notre modèle français de gestion de l’eau, institue le principe bien connu selon lequel « l’eau paie l’eau ». Or, aujourd’hui, celui-ci n’est plus respecté. Pour reprendre les mots de Mathieu Darnaud, que je salue : aujourd’hui, « l’eau paie l’État ». Face aux nouveaux enjeux climatiques, c’est toute une stratégie qu’il faut repenser et accompagner.
« Oui, mais il y a le plan Eau », me direz-vous, madame la secrétaire d’État. Plusieurs fois reporté, il a finalement été présenté par le Président de la République, le 30 mars dernier.
Permettez-moi de saluer ceux dont les travaux de réflexion, d’auditions et de prospective ont de longue date préfiguré ce plan Eau. Il s’agit, bien évidemment, de notre délégation sénatoriale, mais également de l’Association nationale des élus des bassins (Aneb), des collectivités concédantes et régies, du Comité national de l’eau, ainsi que du Centre d’information sur l’eau. Le plan présidentiel n’arrive pas de nulle part et tant mieux ! Il s’empare d’un certain nombre des problèmes identifiés de notre gestion de l’eau et propose différents axes.
J’ai été particulièrement sensible au troisième intitulé : « Investir massivement dans la réutilisation des eaux usées ». Sur ce sujet, nous sommes très en retard en matière de normes, notamment en comparaison des pays de l’Europe du Sud, confrontés depuis plus longtemps que nous aux problématiques de l’eau.
Dans les logements français, on doit pouvoir réutiliser les eaux grises et les eaux pluviales. Notre pays abrite des champions mondiaux du traitement des eaux ; nous devons les associer pleinement à cet effort et ne pas les déstabiliser comme cela a pu être le cas dans le passé.
Notre modèle de gestion de l’eau a besoin de transformations pour coller aux enjeux climatiques et environnementaux, mais il doit conserver certaines spécificités françaises. Il convient ainsi que l’eau potable soit disponible pour tous sans distinction sociale, mais que chaque citoyen soit contributeur à hauteur de ce qu’il consomme. Certains grands pays comme les États-Unis voient la potabilité de leur eau reculer dans certains États, en raison du coût de traitement, de la vétusté des réseaux ou du manque de moyens, problèmes que nous rencontrons également, hélas ! dans nos territoires.
Madame la secrétaire d’État, soyons exigeants et économes et rappelons-nous d’adapter non seulement chaque eau à son usage – mes collègues l’ont rappelé –, mais aussi chaque usage à la disponibilité de l’eau.