Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le harcèlement scolaire est un fléau. Un élève sur dix subit chaque année une forme de harcèlement ou de cyberharcèlement. C’est un drame, car il entraîne des enfants vers des actes extrêmes.
Face à ces situations, nous ne sommes pas totalement démunis, même s’il n’existe pas de remède miracle. Le Sénat a ainsi fait trente-cinq propositions dans le cadre d’une mission d’information précédemment évoquée. La loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire a également fourni quelques outils.
Il convient, grâce à ce débat, d’en faire un bilan afin de vérifier que les réponses en matière de prévention, de détection et de soutien aux victimes et à leurs familles sont opérantes.
La loi a inscrit la lutte contre le harcèlement scolaire dans le code de l’éducation, ce qui permet de mieux appréhender et punir ce phénomène. Dans son article 1er, il est instauré « une information sur les risques liés au harcèlement scolaire […] délivrée chaque année aux élèves et parents d’élèves ». Comment cette mesure se traduit-elle dans les établissements scolaires et selon quels moyens ?
L’article 7 prévoit également la remise d’un rapport relatif aux frais de consultation et de soins engagés par les victimes. Monsieur le ministre, ce rapport a-t-il été produit ? Pouvez-vous nous en donner les éléments ?
Le texte prévoyait aussi la « CDIsation » des assistants d’éducation, qui constituent un des rouages d’alerte et de prévention essentiels au sein des établissements. Le décret a tardé à être pris ; bien qu’il ait été publié, certaines académies continuent visiblement à ne pas appliquer cette disposition. Monsieur le ministre, quand cette mesure sera-t-elle généralisée ?
J’aimerais également rappeler la conviction, que j’ai plusieurs fois exprimée ici, d’une revalorisation du statut des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) qui leur garantirait, entre autres, une véritable formation initiale et continue, notamment en matière de harcèlement, le handicap pouvant constituer un « motif ».
Autre avancée de cette loi, mais qui, d’après les remontées de terrain, se révèle encore insuffisante : le renforcement de la formation et de la sensibilisation de l’ensemble des personnels éducatifs. Quel est le contenu de cette formation initiale ? Qu’en est-il pour la formation continue ?
Le programme pHARe, déjà évoqué à plusieurs reprises, a été généralisé en 2022. C’est une bonne chose, mais cette généralisation a été lancée avant même le retour d’expérience des six académies tests. Or leur expertise permettrait, je le crois, d’améliorer le programme.
Je pense, par exemple, à la constitution d’une équipe d’au moins cinq personnes par collège ou par circonscription pour le premier degré. Je rappelle que ce déploiement se fait à moyens humains constants, alors que les personnels ont déjà de nombreuses missions, et même de plus en plus, à effectuer. Les suppressions de postes risquent également de fragiliser ce travail. À cet égard, vous évoquez régulièrement la baisse démographique comme justification, mais la France reste un mauvais élève en matière de taux d’encadrement en comparaison avec d’autres pays européens.
Que se passe-t-il lorsqu’un des membres de l’équipe n’est plus en poste ? Il faut recommencer tout le processus, ce qui est dommage. C’est la même chose avec les dix heures de formation pour tous les élèves du CP à la troisième : qui les assure, comment et avec quels outils ?
Lors de votre audition dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2023, nous vous rappelions, comme cela vient d’être fait, la situation critique de la médecine scolaire qui constitue, elle aussi, un maillon essentiel de la lutte contre le harcèlement. Il est de notoriété publique que les effectifs ont fondu comme neige au soleil, encore plus en milieu rural. Nous manquons de psychologues pour les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased).
Vous indiquiez alors devoir rencontrer le ministre de la santé pour envisager « une autre structuration de la médecine scolaire » et « des alternatives qui permettent de répondre aux impératifs de médecine de prévention et de détection ». Quelles sont ces alternatives ? Où en est-on du travail que vous proposiez de lancer ?
Enfin, le harcèlement scolaire a changé de dimension avec le poids pris par les réseaux sociaux, qui n’offrent aucun répit aux victimes. Les frontières de l’école sont maintenant largement dépassées et il me semble que les plateformes doivent davantage assumer leurs responsabilités.
Pourquoi ne pas avoir retenu l’idée de contraindre les réseaux sociaux à présenter régulièrement des vidéos de prévention et de sensibilisation au cyberharcèlement ?
Enfin, je voudrais revenir sur vos propos de ce matin sur l’éloignement des élèves harceleurs. Jusqu’à présent, cette mesure concernait la victime. Avez-vous consulté les associations d’élus, puisqu’il faudra l’accord du maire de la commune de l’école d’accueil ?
Je suis désolée d’évoquer une question triviale, mais cette mesure entraîne des conséquences financières, puisque la commune de résidence de l’enfant devant changer d’école doit verser une participation. Là encore, avez-vous consulté les associations d’élus sur ce point ?